SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° I-275, M. Marini, au nom de la commission, propose
d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - L'article 38 du code général des impôts est complété,
in fine
,
par un 11 ainsi rédigé :
« 11. Par exception aux 1 et 2, ainsi qu'aux dispositions des articles 39
duodecies
et 219-I-a
quater
du code général des impôts, les
plus-values réalisées lors de la cession de titres de participations détenus
depuis plus de deux ans ne sont pas incluses dans le bénéfice imposable.
« B. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dipositions du A
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement d'appel. Il vise à
souligner une nouvelle fois le contraste entre la réforme fiscale française,
saupoudrage de mesures sans cohérence ni lisibilité, et la réforme fiscale mise
en oeuvre par le gouvernement social-démocrate allemand, qui est ostensiblement
tournée vers un objectif de compétitivité fiscale.
En effet, l'Allemagne, qui exonérait déjà de l'impôt sur les sociétés les
plus-values de cession des participations dans les entreprises étrangères, a
décidé d'exonérer entièrement les plus-values réalisées lors de la cession de
participations dans des entreprises allemandes qui étaient, jusqu'à ce jour,
taxées au taux de 31,65 % ou de 42,20 % selon les cas.
A l'inverse, la France a exclu, en 1997, la plupart des cessions d'éléments
d'actif du champ d'application du régime des plus-values à long terme, puis a
accru, dans le cadre des lois de finances initiales pour 1999 et 2000, la
taxation des dividendes provenant des participations.
Enfin, l'article 7 du présent projet de loi de finances vise à restreindre le
champ du régime des sociétés mère-fille.
Au total, notre pays s'inscrit à contre-courant de l'histoire économique et de
la fiscalité en Europe et notre amendement vise à réorienter cette fiscalité
dans un sens plus favorable à la croissance et à l'emploi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit d'un amendement qui vise à exonérer les
plus-values de cession de titres de participation détenus depuis plus de deux
ans. J'insiste bien sur le terme « plus-values », parce qu'il m'a semblé tout à
l'heure que, lorsque nous évoquions, à l'article 7, un amendement de la
commission des finances portant sur le régime des sociétés mère-fille, il a
régné une certaine confusion entre les notions de dividendes et de
plus-values.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cette exonération car les plus-values en
question traduisent bien un enrichissement de l'entreprise cédante qui, en
théorie, dispose des liquidités correspondantes pour faire face au paiement de
l'impôt et qui a pu généralement déduire de ses résultats imposables les frais
financiers d'acquisition, tout en bénéficiant de l'exonération des produits de
sa participation dans le cadre du régime des sociétés mère-fille, ou qui a pu
bénéficier du transfert de l'avoir fiscal.
En outre, il existe des dispositifs qui permettent le report d'imposition des
plus-values qui sont réalisées dans le cadre d'opérations de restructuration et
qui sont de nature, me semble-t-il, à répondre largement aux préoccupations des
entreprises.
La proposition qui est faite à travers l'amendement n° I-275 se traduirait par
un coût budgétaire important. A titre d'illustration, je peux en effet préciser
que le coût budgétaire de la seule taxation à taux réduit des plus-values de
long terme qui sont réalisées par les entreprises soumises à l'impôt sur les
sociétés s'élevait à 12 milliards de francs en 1998.
Je rappelle enfin que le principe d'imposition des plus-values de cession et
des titres de participation est conservé par un grand nombre - la moitié pour
être précise - des Etats de l'Union européenne, où ils sont soumis à un taux
d'imposition de droit commun généralement plus élevé que le taux réduit
appliqué en France.
Compte tenu de ces explications, je vous demande de bien vouloir retirer cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-275, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-246 est présenté par M. Braye.
L'amendement n° I-258 est déposé par MM. Joly et Othily.
Tous deux tendent, après l'article 7, à insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le premier alinéa du 1° du I de l'article 39 du code général des impôts
est ainsi rédigé :
« Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de
main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Les
frais de voitures automobiles peuvent, pour les contribuables qui le
souhaitent, être évalués sur la base du barème forfaitaire publié chaque année
par l'administration à l'intention des salariés. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée à due concurrence
par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-246 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° I-258.
M. Bernard Joly.
Pour des motifs d'équité, il est proposé de solliciter le bénéfice de
l'évaluation forfaitaire des frais de voiture suivant le barème kilométrique
défini par l'administration puisque les titulaires de bénéfices non commerciaux
en bénéficient déjà.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Même si l'on comprend l'objet de cet amendement, qui
est la simplification, cette proposition conduirait à introduire un régime de
forfait à l'intérieur d'un régime de taxation en fonction des charges réelles
et du bénéfice réel. Nous serions donc dans une zone quelque peu ambiguë. Il
s'agirait d'un bénéfice réel « corrigé », d'un bénéfice réel « forfaité », ce
qui est concevable mais sans doute un peu difficile à formaliser ou à
contrôler.
Monsieur Joly, nous souhaiterions avoir un peu de temps pour travailler avec
vous à une amélioration de la formulation de cette mesure. Tout en soulignant
le bien-fondé de votre démarche, je vous invite à retirer l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Comme l'a très bien dit M. le rapporteur général, il
s'agirait d'introduire des éléments forfaitaires dans l'application de la règle
fiscale qui, elle-même, est calée sur l'application de règles comptables en
vigueur pour les bénéfices industriels et commerciaux.
Les titulaires de bénéfices non commerciaux ne sont pas soumis aux impératifs
de la comptabilité commerciale. Leur situation, de ce point de vue, est proche
de celle des salariés. C'est ce qui justifie, dans ce cas particulier,
l'application d'un barème forfaitaire pour les frais afférents à l'utilisation
des véhicules.
Il n'y a pas lieu, me semble-t-il, d'entrer dans cette logique s'agissant des
bénéfices industriels et commerciaux. De plus, l'administration fiscale n'a pas
connaissance de difficultés particulières liées à l'application de ces
règles.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Joly ?
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-258 est retiré.
Par amendement n° I-277, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Le premier alinéa du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts
est complété
in fine
par les mots suivants : ", ainsi que ceux afférents
aux immobilisations incorporelles acquises par l'entreprise auprès de
tiers".
« B. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On vient de rappeler qu'à l'exception des brevets et
des logiciels les entreprises françaises ne peuvent aujourd'hui déduire de leur
résultat imposable les amortissements pratiqués sur les immobilisations
incorporelles. Cet amendement vise les marques, les licences, les droits de
propriété, la clientèle et les survaleurs, dites
goodwill
en anglais.
Nos entreprises sont désavantagées par rapport à certaines de leurs
concurrentes européennes ou américaines. En effet, les licences, les marques,
les droits de propriété acquis auprès des tiers sont fiscalement amortissables
dans la quasi-totalité des pays de l'Union européenne ainsi qu'aux Etats-Unis.
De même, la clientèle acquise et les survaleurs sont fiscalement amortissables
dans tous les pays voisins, tels l'Allemagne, l'Espagne, la Belgique et le
Luxembourg, l'Italie faisant exception pour d'autres survaleurs.
Notre amendement n° I-277 vise à mettre nos entreprises à armes égales avec
leurs concurrentes directes. Je souligne qu'il ne s'agit de déduire que les
amortissements pratiqués sur les immobilisations incorporelles acquises auprès
de tiers.
Il ne s'agirait pas d'un régime particulièrement favorable car de nombreux
pays autorisent par surcroît la déduction des amortissements liés aux
immobilisations incorporelles créées par l'entreprise de même que celles qui
sont acquises auprès de tiers.
M. Pierre Laffitte.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce serait une incitation à l'innovation.
Une telle mesure permettrait enfin à notre système fiscal qui, jusqu'ici, s'y
refuse de prendre en compte l'importance croissante de l'investissement
immatériel.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous raisonnons toujours à partir de l'investissement
physique et des activités manufacturières classiques. Elles continuent à
exister et il faut les soutenir, mais il en est d'autres qui expriment les
nouvelles tendances, les nouvelles orientations de l'économie.
Il est regrettable, madame le secrétaire d'Etat, je me permets de le répéter à
la suite de notre collègue M. Yves Fréville, que le présent projet de loi de
finances se contente de réduire les taux de l'amortissement dégressif pour les
investissements matériels sans procéder à une réforme d'ensemble du régime
d'amortissement dans une perspective de compétitivité fiscale à l'échelle
européenne.
Dans la période actuelle, en raison de la conjoncture, des goulets
d'étranglement qui ont été évoqués, des jugements qui ont été portés dans le
rapport économique et financier, il serait très utile de se livrer à une
réflexion globale sur les régimes d'amortissement, de manière à libérer
l'énergie des entreprises et à leur permettre d'assouplir leur politique de
financement des investissements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La jurisprudence admet effectivement que les
immobilisations incorporelles puissent faire l'objet d'un amortissement, mais à
la condition qu'elles soient dissociables du fonds de commerce et dans la
mesure où il est normalement prévisible, dès leur création ou leur acquisition,
que leurs effets bénéfiques prennent fin à une date déterminée sur
l'exploitation.
Cela étant, les cas dans lesquels les immobilisations incorporelles sont
dissociables du fonds de commerce sont assez peu fréquents.
Je me demande si l'amendement ne vise pas plutôt l'amortissement des fonds de
commerce acquis, à proprement parler. Dans ce cas, la proposition ne serait pas
vraiement acceptable. Mais je ne suis pas sûre que ce soit la proposition faite
par l'amendement n° I-277.
En tout état de cause, cet amendement aurait un coût dissuasif pour les
finances publiques : nous l'estimons à plus de 10 milliards de francs. Dans ces
conditions, je vous demande, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir le
retirer.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-277 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai bien parlé des
marques, licences, droits de propriété, clientèles et survaleurs. Il y a là
toutes sortes d'éléments qui sont distincts de l'évaluation des fonds de
commerce. Quand on parle de la survaleur, c'est-à-dire de l'excédent du prix
d'acquisition sur la situation nette de l'entreprise acquise, on voit bien
qu'on ne se situe pas dans le cadre d'une évaluation de fonds de commerce.
Par ailleurs, quant à l'évaluation que vous faites de la mesure, beaucoup
d'exemples nous ont montré dans le passé, malgré tout le soin qu'apporte sans
doute la direction de la législation fiscale à ces évaluations, qu'il peut
arriver que les chiffres soient parfois « tirés » de manière un peu optimiste
ou pessimiste selon les hypothèses prises en compte, selon le point de vue où
l'on se place.
(Mme le secrétaire d'Etat marque sa désapprobation.)
Sans doute est-il un peu difficile d'appliquer une méthodologie absolument
incontestable pour faire ce type d'hypothèses. Il n'en reste pas moins
qu'inciter les entreprises à acquérir de telles immobilisations incorporelles
aura un impact favorable dans l'économie, engendrera des ressources fiscales
nouvelles dont bénéficieront les finances publiques.
Le modèle que vous avez utilisé ne tient probablement pas compte de ces effets
indirects ou secondaires, qui sont forcément très importants avec une mesure de
ce genre. Je ne suis donc pas très impressionné par l'évaluation financière
globale que vous nous avez indiquée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-277.
M. Pierre Laffitte.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Je voudrais brièvement souligner l'importance de ces investissements
immatériels dans ce qui représente la part la plus dynamique de la nouvelle
économie.
L'investissement immatériel est l'élément essentiel des investissements de ces
nouvelles entreprises. Les comptables le savent bien puisqu'on constate
actuellement que ces investissements immatériels ont souvent tendance à
dépasser - et de loin ! - les investissements matériels, notamment pour les
sociétés les plus dynamiques qui, par exemple, louent les bureaux qu'elles
occupent ou les machines qu'elles utilisent.
Par conséquent, je suis très favorable à cet amendement, qui est un signe fort
pour la modernisation de l'économie française.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-277, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Article additionnel après l'article 7
ou après l'article 8 ou après l'article 11