SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté
par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons
l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après
l'article 7.
Par amendement n° I-279, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - L'article 209 B du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Dans le deuxième alinéa du I, les mots : "font l'objet d'une imposition
séparée. Ils" sont supprimés.
« 2° Dans le 3 du I
bis
, les mots : "mentionné au 1 fait l'objet d'une
imposition séparée. Il" sont supprimés.
« B. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'article 209 B du code général des impôts est une
disposition importante de notre droit fiscal destinée à dissuader la
délocalisation des bénéfices à l'étranger en rendant imposable en France, sous
certaines conditions, un prorata des résultats bénéficiaires des sociétés
étrangères, dont 10 % au moins du capital sont directement ou indirectement
détenus par une société française et qui bénéficient d'une fiscalité
privilégiée.
C'est l'article 238 du code général des impôts qui considère comme favorable
le régime fiscal de la filiale dès lors que l'impôt étranger équivalent à
l'impôt sur les sociétés effectivement acquitté par celle-ci est inférieur d'un
tiers à l'impôt qui aurait été payé en France.
Dès lors, la société française ne peut éviter la taxation qu'en prouvant que
les opérations de sa filiale étrangère n'ont pas pour objet de délocaliser des
bénéfices dans un pays à fiscalité privilégiée mais correspondent à des
activités économiques locales.
En d'autres termes, l'article 209 B du code général des impôts exonère
l'administration de la charge de la preuve en instaurant, lorsque certaines
conditions sont remplies, une présomption d'évasion fiscale.
Ce dispositif avait été initialement conçu pour punir les entreprises
françaises qui créent dans un paradis fiscal une société relais sans activité
réelle pour y localiser artificiellement des revenus. Ce régime, durci dans la
loi de finances pour 1993, et avait alors été présenté comme essentiellement
dissuasif. Or, les redressements au titre de l'article 209 B, qui étaient
négligeables en 1995 - 222 millions de francs - ont représenté, en 1999, près
de 8 milliards de francs. Plusieurs raisons, nous semble-t-il, expliquent le
phénomène.
D'abord, le dispositif est désormais presque systématiquement appliqué aux
investissements français à l'étranger, à charge pour les entreprises concernées
de prouver leur bonne foi. Ensuite, et plus largement, on constate - c'est un
problème de fond que nous connaissons bien - une divergence croissante entre la
fiscalité française et les fiscalités des autres pays membres de l'Union
européenne.
En effet, pour l'essentiel, les redressements concernent des filiales
implantées non pas dans des paradis fiscaux tropicaux - objet initial de ce
dispositif - mais dans d'autres pays de l'Union européenne. Quant à la
progression des redressements, elle s'explique par l'écart croissant des taux
d'imposition de la France par rapport à ses principaux partenaires. A bien des
égards, le progression des redressements notifiés à ce titre montre que la
plupart des autres pays européens deviennent ou sont en voie de devenir, car
tout est relatif en ce domaine, de véritables paradis fiscaux par rapport à la
France.
Il est à craindre, à ce sujet, que la réforme fiscale allemande, dont nous
avons déjà parlé à de nombreuses reprises, n'aggrave ce risque et ne transforme
de facto
, aux yeux de l'administration, l'Allemagne en paradis fiscal,
au sens de l'article 209 B.
Si le dispositif qu'il prévoit est, à l'évidence, nécessaire dans son
principe, son application suscite aujourd'hui de nombreux effets pervers compte
tenu de l'internationalisation de nos entreprises.
Le présent amendement vise ainsi
a minima
à prendre acte du fait que le
dispositif n'est plus en réalité une sanction, mais constitue un moyen par
lequel la France tente, maladroitement, d'exporter à l'étranger ses propres
règles de taux et d'assiette pour l'impôt sur les sociétés. Compte tenu de
cette donnée, il conviendrait de permettre que l'impôt acquitté au titre de la
filiale étrangère et l'impôt de la société française ne soient plus établis
sous une cote séparée.
Tel est le mécanisme que vise à mettre en place cet amendement. Cette mesure
devrait constituer la première étape de la réforme du dispositif que nous avons
d'ailleurs appelée récemment de nos voeux lors de l'examen d'un avenant à la
convention fiscale franco-suisse.
A moyen terme, nous savons bien que, à défaut d'harmonisation fiscale en
Europe, la seule manière efficace de lutter contre la délocalisation des
activités sera d'engager une vraie baisse de la fiscalité des entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
L'article 209 B est un instrument essentiel pour
lutter contre la fraude et l'évasion fiscales internationales. A ce titre, il
est normal, et même salutaire que les redressements exercés dans ce cadre
voient leur montant augmenter. Contrairement à ce qui a été expliqué à
l'instant par M. le rapporteur général, l'augmentation du rendement ne provient
ni de la différence de taux entre les différents Etats membres de l'Union
européenne ni du fait qu'une part croissante des investissements se réalise
dans les paradis fiscaux. Il faut y voir la marque de l'amélioration de la
qualité des investigations qui sont menées dans le cadre de la lutte contre les
évasions fiscales.
De surcroît, on ne peut en aucun cas considérer que cette disposition du code
général des impôts constitue un frein au développement international des
entreprises françaises, puisque les contribuables peuvent s'opposer à
l'application de l'article 209 B dès lors qu'ils sont en mesure de démontrer
que l'implantation à l'étranger présente principalement une motivation autre
que fiscale.
Si le point particulier du dispositif de l'article 209 B que l'amendement vise
à supprimer était effectivement supprimé, le caractère dissuasif de cet article
du code général des impôts à l'égard des entreprises françaises qui envisagent
de localiser leurs bénéfices dans des pays ou des territoires offrant des
régimes fiscaux privilégiés serait singulièrement atténué. La consolidation des
déficits de source étrangère ou bien,
a contrario,
l'imputation des
bénéfices réalisés à l'étranger sur les résultats déficitaires de source
française, reviendraient donc non seulement à ôter au texte actuel son
caractère dissuasif, mais pourraient même être perçues comme une véritable
incitation à l'évasion fiscale, compte tenu notamment du régime de
territorialité de l'impôt sur les sociétés applicable en France.
Dans ces conditions, le Gouvernement est résolument défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-279, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Par amendement n° I-278, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin de la première phrase du
b
du 1° de l'article 209-O A
du code général des impôts, les mots : "ouvrant droit à l'avoir fiscal" sont
supprimés.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit de nous mettre en conformité avec nos
obligations communautaires en ce qui concerne le régime fiscal des parts
d'OPCVM - actions détenues par les entreprises, et ce en supprimant la
condition relative à l'avoir fiscal.
En effet, cette condition écarte
de facto
du bénéfice du dispositif les
actions des entreprises des autres pays de l'Union européenne, ce qui est
manifestement contraire au droit communautaire.
Le problème dont il s'agit avait été présenté en décembre 1998, il y a deux
ans, donc, lors de la discussion d'un amendement de nos collègues du RPR déposé
sur un article du projet de loi de finances pour 1999. Il avait été répondu par
M. Sautter, à l'époque, qu'une solution était à l'étude.
Deux ans d'étude, madame le secrétaire d'Etat, cela devrait suffire pour
trouver une solution simple à un problème réel, ce que nous nous efforçons de
faire par notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est sensible au problème que de
nouveau vous soulevez, mais l'extension que vous proposez, monsieur le
rapporteur général, aurait un coût élevé, estimé à environ 2 milliards de
francs.
Comme, par ailleurs, nous avons eu l'occasion d'en débattre cet après-midi,
vous savez qu'une réflexion sur la réforme du précompte a été annoncée et il me
semble que la mesure que vous proposez est prématurée.
Pour cette raison, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-278, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Par amendement n° I-24, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin de l'article 220 A du code général des impôts, les mots : "et
les deux années suivantes" sont remplacés par les mots : "et les quatre années
suivantes".
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement prévoit que l'imposition forfaitaire
annuelle au titre de l'impôt sur les sociétés, dite IFA, est imputable sur
l'impôt qui est dû pendant cinq ans, au lieu de trois ans actuellement, afin
d'éviter de pénaliser les entreprises en difficulté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet
amendement.
Prolonger le délai d'imputation de l'IFA de deux ans lui paraît en effet
inutile, puisque les entreprises disposent d'ores et déjà d'un délai de trois
ans pour imputer l'IFA, ce qui permet de soulager les entreprises qui
connaissent des difficultés.
De plus, cette mesure reviendrait à rendre plus complexe le suivi de cette
imposition.
Je rappelle enfin que, pour éviter de pénaliser les personnes morales dont le
chiffre d'affaires est faible et sur lesquelles l'imposition forfaitaire
annuelle pourrait peser lourdement, la loi de finances pour 2000 a aménagé la
première tranche en supprimant l'imposition pour les personnes morales dont le
chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 francs.
Pour ces raisons, je vous demande, monsieur le rapporteur général, de bien
vouloir retirer cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Par amendement n° I-280, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Le I de l'article 220
quinquies
du code général des impôts est
ainsi modifié :
« 1° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La créance est remboursée l'année suivant la clôture de l'exercice au cours
duquel l'option visée au premier alinéa a été exercée. »
« 2° Le dernier alinéa est supprimé.
« B. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je rappelle le régime dit du
carry-back
, ou
report en arrière : lorsque les résultats d'un exercice sont déficitaires alors
que ceux des exercices antérieurs ont été bénéficiaires, les sociétés soumises
à l'impôt sur les sociétés ont, depuis 1985, la possibilité d'imputer le
déficit sur les bénéfices des années précédentes.
Il s'agissait alors de transposer un système que pratiquaient déjà la plupart
des grands pays industrialisés. Cependant, il faut remarquer qu'à l'étranger,
le plus souvent, le Trésor public rembourse aussitôt l'impôt antérieurement
payé, ce qui peut constituer un ballon d'oxygène utile pour la trésorerie d'une
entreprise connaissant des difficultés.
Le régime français est actuellement moins favorable, puisqu'il permet la
constatation d'une créance fiscale imputable sur les impôts futurs ou
remboursables cinq ans plus tard. Cette créance peut théoriquement être cédée à
titre de garantie à un établissement de crédit selon la procédure de la loi
Dailly mais, en pratique, cette mobilisation n'est jamais opérée ou l'est de
façon extrêmement rare.
Notre amendement vise donc à permettre aux entreprises déficitaires de se voir
rembourser la créance née du report en arrière l'année qui suit l'exercice au
cours duquel elle a opté pour le
carry-back
. Cela permettrait de
préserver la situation financière d'entreprises qui ont d'importants besoins de
trésorerie parce que, par exemple, la conjoncture s'est brutalement retournée
dans leur secteur d'activité.
Bien entendu, par définition, cette mesure ne représente, pour l'Etat, qu'un
décalage de trésorerie.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à la proposition
consistant à ramener de cinq ans à un an le délai au terme duquel une
entreprise qui a bénéficié du dispositif de report en arrière des déficits peut
obtenir le remboursement de la créance sur le Trésor qui en résulte. En effet,
ce dispositif du report en arrière procure déjà des avantages financiers
importants, la créance sur l'Etat qui en résulte améliore les résultats de
l'entreprise et contribue donc ainsi au renforcement de ses fonds propres.
Pour ce qui concerne les entreprises qui ne peuvent utiliser cette créance du
fait de déficits persistants, le mécanisme en vigueur prévoit ce remboursement
au terme d'un délai de cinq ans, ce qui permet de tenir compte de la situation
particulière de ces entreprises qui connaissent des difficultés sur une longue
période.
Par conséquent, l'objectif du dispositif me paraît bien rempli, et aller
au-delà poserait un problème de principe en rompant le parallélisme qui existe
entre le dispositif du report en arrière et le dispositif du report en avant
des déficits.
Enfin, monsieur le rapporteur général, le coût budgétaire de cet amendement
est estimé à un montant de l'ordre de 3 milliards à 5 milliards de francs alors
que, comme nous avons eu l'occasion de le dire voilà quelques instants, le
Gouvernement a proposé comme priorité une baisse de taux de l'impôt sur les
sociétés, priorité que, j'en suis convaincue, vous partagez.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-280.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Je comprends le sens de cet amendement et, personnellement, je pensais que Mme
le secrétaire d'Etat aurait pu très bien suivre M. le rapporteur général.
Affirmer qu'une entreprise qui a des difficultés de trésorerie peut attendre
cinq ans, c'est aller bien vite. En effet, elle peut disparaître pendant ce
laps de temps. Comme l'a très bien expliqué M. le rapporteur, il s'agit d'une
avance de trésorerie faite par l'Etat et qui permet de passer un mauvais
moment. Il me paraît dommage de ne pas accorder cette possibilité aux
entreprises quand on sait les difficultés qu'elles rencontrent parfois pour
gérer leur trésorerie.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-280, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Par amendement n° I-276, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le cinquième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts est
complété par les mots : ", à concurrence des sommes versées par ces dernières
et déduites de leur résultat propre en application de l'article 210
sexies
."
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont
compensées par la création, à due concurrence, d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi de revenir
brièvement sur l'objet du vote précédent. Je suis surpris, comme souvent, par
les estimations qui nous sont apportées par vos services ; nous n'avons, bien
entendu, aucun moyen de les vérifier. Vous comprenez que la boîte noire, ce
n'est pas quelque chose de très convaincant.
D'ailleurs, un jour, il faudra, mes chers collègues, que le Parlement se
saisisse sérieusement de ce sujet. Au moment où l'on écrit des articles sur la
rénovation nécessaire du droit budgétaire de l'ordonnance de 1959 portant loi
organique relative aux lois de finances, il faudrait que l'on ait une vision un
peu plus équitable de l'information du Parlement. En matière de simulation de
recettes fiscales, le Parlement devrait être à égalité de compétence et
d'expertise avec le Gouvernement. Sinon, en séance publique, on nous dit que le
coût de tel dispositif s'élève à 2 milliards, 3 milliards ou 5 milliards de
francs. Tout cela ne peut pas toujours être pris au sérieux par la
représentation parlementaire compte tenu de la situation dans laquelle vous
êtes et des estimations que vous nous apportez, qui ressemblent plus à des
arguments d'autorité qu'à autre chose.
D'ailleurs, sur le plan des principes, votre estimation m'a surpris. En effet,
vous l'avez dit, il s'agit, pour l'entreprise, d'une créance, qu'elle inscrit à
son bilan ; c'est donc à son actif. En conséquence, pour l'Etat, cela devrait
être une dette. Si, d'un côté c'est une créance, de l'autre cela doit être une
dette. Certes, l'Etat n'a pas de comptabilité patrimoniale et n'est pas en
mesure de suivre ses propres dettes, ce qui est une lacune considérable, que
nous connaissons bien.
Si on mettait en application le dispositif que nous avons adopté à l'occasion
de l'examen de l'amendement précédent, on voit mal comment les conséquences
financières pour l'Etat ne seraient pas de pure trésorerie. En effet, les
droits sont déjà nés et les entreprises qui reportent en arrière leur déficit
doivent logiquement s'attendre à ce que ces droits se traduisent un jour par un
versement. C'est vraiment de l'argent qui leur est dû. La réponse que vous nous
avez faite est tout à fait surprenante.
J'en viens à l'amendement n° I-276. L'article 210
sexies
du code
général des impôts prévoit que les jetons de présence qui sont alloués au titre
d'un exercice aux membres du conseil d'administration ou du conseil de
surveillance d'une société anonyme sont déductibles partiellement de l'assiette
de l'impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, en application du cinquième alinéa de l'article 223 B du même
code, la société mère doit réintégrer dans son résultat d'ensemble la totalité
des jetons de présence versés aux membres du conseil d'administration ou du
conseil de surveillance par les sociétés anonymes de son groupe. La
réintégration porte sur l'ensemble des sommes versées, même si la société
filiale qui les a allouées n'a pu déduire qu'une partie de ces sommes en
application de l'article 210
sexies
du code général des impôts.
Il existe donc à ce titre une double imposition à hauteur de la fraction des
jetons de présence dépassant le plafond de déductibilité réintégrée une
première fois dans le résultat propre de la filiale.
Madame le secrétaire d'Etat, on ne peut pas ignorer que, dans un groupe, on
puisse avoir besoin au sein d'un conseil d'administration ou d'un conseil de
surveillance de compétences extérieures, d'administrateurs indépendants au sens
du gouvernement d'entreprise, et que cela nécessite de rémunérer les
compétences dont il s'agit. Si l'on veut les rémunérer, ce qui est nécessaire à
la gestion des entreprises, sans doute faut-il abandonner cette double
imposition.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Permettez-moi d'abord de répondre à M. le rapporteur
général qui m'a interpellée sur la question des estimations qui sont faites par
mes services. Je m'étonne, monsieur le rapporteur général, que vous ne sachiez
pas que mes services ont toujours été et sont toujours à la disposition de la
Haute Assemblée pour discuter les estimations et les chiffrages que nous sommes
amenés à vous présenter en cours de débat.
Il n'est pas nécessaire d'attendre la réforme de l'ordonnance portant loi
organique relative aux lois de finances, par ailleurs très souhaitable et que
le Gouvernement appelle de ses voeux, pour solliciter les services de Bercy sur
ce type de sujet.
J'en viens à l'amendement n° I-276.
La proposition qui est faite ne se justifierait que si les dispositions
spécifiques applicables aux distributions de jetons de présence à l'intérieur
d'un groupe répondaient à une simple logique de neutralisation de double emploi
par la réintégration d'une charge déductible.
Or tel n'est pas le cas, puisque le législateur de 1988, à l'origine de ces
dispositions, a considéré que la distribution de jetons de présence par des
filiales d'un groupe fiscal ne se justifiait pas, seule la mère de ce groupe
devant normalement être amenée à distribuer de tels produits. En effet,
l'existence d'un groupe se caractérise par des participations représentant au
moins 95 % du capital des filiales, le résultat fiscal de ces filiales étant
systématiquement pris en compte pour sa totalité dans le résultat d'ensemble.
Cette très forte intégration juridique et fiscale se traduit par la présence
d'une entité économique unique, qui est seule redevable de l'impôt. Dans ces
conditions, la distribution de jetons de présence à l'intérieur du groupe
conduirait en réalité cette entité à se rémunérer pour la gestion de ses
propres affaires, ce qui n'est véritablement pas souhaitable.
Au demeurant, j'observe que cette disposition, qui a été prévue dès la mise en
place de ce régime en 1988, est dans la continuité de l'ancien dispositif
applicable avant 1988, qui était subordonné à un engagement pris par les
filiales de ne pas distribuer de jetons de présence. Le législateur a, en
poursuivant le même objectif, remplacé l'interdiction de distribuer de tels
produits par la réintégration dans le résultat d'ensemble des jetons distribués
par des filiales d'un groupe.
Par conséquent, votre proposition, qui constitue non pas un simple ajustement
technique du dispositif actuel, mais une véritable remise en cause de la
philosophie qui le sous-tend, n'est donc pas souhaitable.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir
retirer cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?....
Je mets aux voix l'amendement n° I-276, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Par amendement n° I-281, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa du 1 de l'article 223
sexies
du code général
des impôts est ainsi rédigé :
« Il est également exigible lorsque les produits distribués sont prélevés sur
les résultats d'exercices clos depuis une date antérieure au 1er janvier 1965
ou, pour les distributions antérieures au 15 décembre 2000, sur les résultats
d'exercices clos depuis plus de cinq ans. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, vous évoquiez vous-même,
un peu plus tôt dans la discussion, les liens à établir entre réforme de
l'avoir fiscal et réforme du précompte.
Par le présent amendement, nous souhaitons mettre fin à la règle de
l'exigibilité du précompte pour les distributions opérées sur les bénéfices
d'exercices clos depuis plus de cinq ans. En effet, cette règle, qui avait été
instituée initialement pour encourager la répartition rapide des bénéfices, est
contraire au principe selon lequel le précompte n'est dû qu'à raison des sommes
qui n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux normal. Le précompte
est un deuxième impôt sur les bénéfices, et le Conseil des impôts, notamment en
1994, avait été très critique à ce sujet. C'est, en outre, un obstacle à la
transmission des entreprises. Les raisons qui avaient prévalu en 1965, lors de
l'institution de l'avoir fiscal, à savoir la difficulté du suivi des bénéfices
dans le temps, n'existent plus aujourd'hui compte tenu des progrès de la
gestion.
Au total, la règle d'exigibilité du précompte a déjà fait l'objet de critiques
vives du Conseil des impôts dans plusieurs rapports - 1987 et 1994 - consacrés
à la fiscalité des entreprises.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d'engager une première
étape de la réforme du précompte, dont vous avez annoncé le principe, madame le
secrétaire d'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La suppression du délai de cinq ans à partir duquel le
précompte est exigible ne suscite pas l'enthousiasme du Gouvernement. En effet,
ce délai de cinq ans répond à une logique forte. Il permet d'inciter les
sociétés à ne pas geler durablement les réserves dont elles n'ont pas l'emploi.
A cet égard, les distributions de dividendes constituent le meilleur moyen
d'attirer l'épargne vers les placements en actions. Le précompte a donc les
mêmes objectifs que l'avoir fiscal qu'il a vocation à gager, et encourager les
distributions régulières permet d'obtenir une meilleure rémunération de
l'épargne qui sert au financement des investissements.
Aussi, je vous demande, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir
retirer cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-281, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Par amendement n° I-120, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les septième, huitième et neuvième alinéas de l'article 223
septies
du code général des impôts sont ainsi rédigés :
« 120 000 francs pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est
compris entre 50 000 000 francs et 100 000 000 francs ;
« 180 000 francs pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est
compris entre 100 000 000 francs et 500 000 000 francs ;
« 360 000 francs pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est
égal ou supérieur à 500 000 000 francs. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement porte sur une question que nous avons déjà examinée lors de
discussions budgétaires antérieures : l'imposition forfaitaire annuelle des
entreprises au titre de l'impôt sur les sociétés.
Cette imposition forfaitaire, indépendamment de l'affectation qui peut être
faite de son produit - ce n'est pas l'objet de notre débat - présente donc la
caractéristique d'être une forme d'impôt citoyen que chaque entreprise
assujettie à l'impôt doit acquitter.
Notre proposition vise donc, si l'on peut dire, à compléter l'orientation qui
anime le présent projet de loi en matière d'évolution de l'impôt sur les
sociétés.
Nous avons indiqué que nous partagions certains des choix opérés, comme la
pénalisation des placements et des logiques financiers ou la valorisation de la
place des petites et moyennes entreprises, et que nous en discutions d'autres,
telle la baisse de l'impôt sur les sociétés, à travers la suppression de la
surtaxe Juppé.
Nous avons le souci, avec cet amendement, de compléter la structure de la
réforme de l'impôt sur les sociétés en majorant pour les plus grandes
entreprises le niveau de leur cotisation minimale.
Dans le cadre plus général de l'économie de l'impôt sur les sociétés qui anime
le présent projet de loi, nous vous invitons donc, mes chers collègues, à
adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Défavorable, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il faut tout de même noter que le tarif applicable aux
trois dernières tranches du barème de l'IFA, l'imposition forfaitaire annuelle,
a été significativement revalorisé au cours des trois dernières années, puisque
la tranche actuelle de 100 000 francs était fixée à 35 000 francs, la tranche
de 125 000 francs était à 50 000 francs, et la tranche de 200 000 francs était
à 100 000 francs.
Par ailleurs, et sur proposition du groupe communiste, la loi de finances pour
2000 a élargi l'assiette de l'IFA en ajoutant au chiffre d'affaires les
produits financiers afin de mieux prendre en compte le cas des sociétés
holding.
Aujourd'hui, le présent amendement, proposé par M. Foucaud, vise à porter le
tarif de ces tranches respectivement à 120 000 francs, 180 000 francs et 360
000 francs, ce qui représenterait une augmentation de l'ordre de 260 % sur
cette très brève période.
Il ne paraît pas nécessaire d'aller au-delà de l'équilibre qui a été atteint
récemment, l'imposition forfaitaire annuelle étant définitivement supportée par
les seules entreprises durablement déficitaires.
C'est pourquoi, monsieur Foucaud, je souhaiterais que vous puissiez retirer
cet amendement.
M. le président.
Monsieur Foucaud, accédez-vous au souhait de Mme le secrétaire d'Etat ?
M. Thierry Foucaud.
Non, monsieur le président, je maintiens mon amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-120, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-25 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° I-96 est présenté par M. Grignon et les membres du groupe de
l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après l'article 244
quater
B, il est inséré dans le code général
des impôts un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art...
- Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles
imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal
à 25 % des frais de prise et de maintenance des brevets. Ce crédit d'impôt est
plafonné à un montant cumulé de 650 000 francs sur trois exercices consécutifs.
Il est applicable pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2001. Il
ne peut se cumuler avec le crédit d'impôt recherché. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-25.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, les frais de prise et de
maintenance des brevets sont aujourd'hui inclus dans l'assiette du crédit
d'impôt recherche. Cependant, ce dispositif, qui fonctionne en différentiel -
le crédit d'impôt s'applique à la différence entre les dépenses de recherche
d'une année et la moyenne des dépenses des deux années précédentes - se révèle
peu efficace. En effet, les entreprises françaises déposent, à l'heure
actuelle, moins de brevets que leurs concurrentes européennes.
Notre amendement vise donc à mettre en place un dispositif incitatif
favorisant la prise et la maintenance des brevets.
Le plafond que nous proposons - 650 000 francs cumulés sur trois exercices
consécutifs - tend à rendre le dispositif compatible, en l'état, avec la
législation communautaire, puisqu'il s'inscrit dans le cadre du régime dit
de minimis
, qui tolère l'octroi d'aides aux entreprises d'un montant
cumulé de 100 000 euros sur trois années consécutives.
Bien entendu, il appartiendrait au Gouvernement de négocier avec les autorités
communautaires pour élargir ce dispositif. Mais la commission des finances
tient à appeler l'attention du Sénat sur la nécessité d'un tel signal
d'encouragement au dépôt de brevets, afin de protéger les connaissances
acquises par les entreprises.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix, pour défendre l'amendement n° I-96.
M. Philippe Nogrix.
Comme l'a dit M. le rapporteur général, il est vrai que, très souvent, les
entreprises qui déposent des brevets ne possèdent que leur ingéniosité : elles
n'ont ni fonds propres ni capacité d'investissement. Ce serait donc leur donner
un petit « plus » que de leur accorder ce crédit d'impôt, qui leur permettrait
de déposer d'autres brevets en attendant que l'Union européenne comprenne que,
aujourd'hui, pour être concurrentiel, il faut avancer.
M. le président.
Quel est l'avis de Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Les frais de prise et de maintenance des brevets sont
déjà pris en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche.
A cet égard, je ne peux tout de même pas laisser dire ou écrire sans le
commenter ce qui indiqué dans le rapport de la commission des finances, page
158, à savoir que le crédit d'impôt recherche serait un mécanisme bloqué pour
partie par la pratique de l'administration fiscale, qui déclencherait un
contrôle fiscal dès qu'une entreprise demande le bénéfice de ce crédit d'impôt.
Je rappellerai tout simplement que ce mécanisme est entièrement entre les mains
du ministre de la recherche !
En ce qui concerne les frais de prise de brevet, ceux-ci sont également
considérés comme des charges déductibles pour la détermination de l'impôt sur
les bénéfices. Je crois donc que l'on peut considérer que ce problème est
actuellement largement pris en compte par notre système fiscal.
Je demande donc le retrait de ces amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-25 et I-96.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai été interpellé par votre explication. Je
crains, hélas ! devoir vous démentir à propos du crédit d'impôt recherche,
parce que plusieurs entreprises - pas une seule : plusieurs - de la zone de
Courtaboeuf, zone d'activité commune aux villes des Ulis, de Villebon et de
Villejust, ont fait l'objet, alors qu'elles demandaient à bénéficier d'un
crédit d'impôt recherche, d'un contrôle fiscal. Alors, madame le secrétaire
d'Etat, ou c'est un pur hasard
(Sourires),
ou alors vos propos ne sont
pas conformes à la réalité.
J'aurai l'occasion d'y revenir, madame le secrétaire d'Etat, et de vous
interpeller dans un prochain courrier. Quoi qu'il en soit, sur l'application du
mécanisme du crédit d'impôt recherche, sur les difficultés que rencontrent les
entreprises éligibles à ce crédit d'impôt et sur le versement effectif dudit
crédit, je pourrais vous citer des cas précis, argumentés, y compris de chefs
d'entreprise membres de mon conseil municipal et appartenant à la majorité
municipale : ces cas démentiront vos propos.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-25 et I-96, repoussés par le
Gouvernement.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Article additionnel après l'article 7
ou après l'article 12
quinquies