SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-26, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts est
ainsi rédigé :
« Le taux de l'intérêt de retard est égal au taux de l'intérêt légal majoré de
0,25 % par mois. Il s'applique sur le montant des charges mises à la charge du
contribuable ou dont le versement a été différé. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
Par amendement n° I-93, M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent d'insérer, après l'article 12
quinquies,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts est
ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 2001, le taux de l'intérêt de retard est égal au
taux de l'intérêt légal. »
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-26.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous abordons, avec ce sujet que nous avons déjà
examiné les années précédentes, une question de principe. Et même si, madame le
secrétaire d'Etat, nous connaissons par avance votre réponse, cela ne nous
empêchera pas de développer notre point de vue.
(Mme le secrétaire d'Etat
sourit.)
Le taux de l'intérêt de retard est actuellement fixé à 0,75 % par mois, soit 9
% par an, et ne tient aucun compte de l'évolution des taux du marché. Ce taux
n'a donc aucun lien avec le préjudice réel subi par l'Etat, alors que le
principe des intérêts de retard est de compenser le préjudice lié au retard de
versement de la somme dont il s'agit.
L'article additionnel qui vous est ici proposé a pour objet de modifier la
règle de calcul du taux de l'intérêt de retard, afin que ce dernier reflète
réellement le préjudice financier subi par le Trésor en cas de retard de
paiement.
Nous avons choisi un niveau qui est égal au taux d'intérêt légal augmenté de 3
% par an, afin que celui-ci demeure suffisamment dissuasif pour éviter que les
contribuables n'utilisent le Trésor comme caisse de refinancement - ce qui,
bien entendu, n'est pas l'intention de la commission des finances.
Je rappelle que le taux d'intérêt légal est fixé à 2,87 % pour 2000 ; nous
aboutirions donc à un taux, qui semble décent, de 5,87 % pour l'intérêt de
retard, le niveau actuel de 9 % étant, pardonnez-moi d'utiliser de nouveau
cette expression, quelque peu spoliateur.
M. le président.
La parole est à M. Machet, pour présenter l'amendement n° I-93.
M. Jacques Machet.
En cas d'insuffisance de déclaration, lorsque l'infraction est commise de
bonne foi, l'intérêt de retard infligé par l'administration française est de
0,75 % par mois, soit 9 % par an. Le montant de l'intérêt n'est pas
plafonné.
Afin que le contribuable, alors qu'il est de bonne foi, ne pâtisse pas du
temps pris par les services fiscaux pour effectuer la notification du
redressement, il est proposé de faire coïncider le taux d'intérêt de retard
avec le taux d'intérêt légal, consacré par le législateur comme véritablement
représentatif du prix de l'argent.
Il s'agit de traiter le contribuable et l'Etat sur une base d'égalité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-93 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement est proche de celui de la commission,
même s'il est un peu plus généreux pour le contribuable en retard. Toutefois,
nos intentions sont extrêmement voisines et nous partageons la même analyse.
J'ajoute que, si la commission propose que le taux de l'intérêt de retard soit
supérieur de trois points au taux de l'intérêt légal, c'est pour répondre à
l'objection que le Gouvernement ne va pas manquer de nous opposer dans un
instant en nous demandant de ne pas utiliser l'Etat pour gérer notre trésorerie
!
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Exactement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il nous semble toutefois qu'un taux de 5,87 % - 2,87
plus 3 - représente une rémunération équitable pour l'Etat, madame le
secrétaire d'Etat !
C'est la raison pour laquelle la commission, tout en saluant leur initiative,
souhaite que nos collègues MM. Machet et Nogrix acceptent de se rallier à son
amendement.
M. le président.
Monsieur Machet, l'amendement n° I-93 est-il maintenu ?
M. Jacques Machet.
Je le retire au bénéfice de l'amendement de la commission, monsieur le
président.
M. le président.
L'amendement n° I-93 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-26 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, vous m'ôtez les mots
de la bouche ! Je ne voudrais pas allonger le débat en répétant que le rôle du
Trésor public n'est pas d'être un banquier involontaire, que l'intérêt de
retard n'est pas une sanction fiscale, mais qu'il doit être suffisamment élevé
pour ne pas inciter les contribuables à faire un arbitrage qui serait
défavorable au Trésor public et favorable au système bancaire.
Un taux d'intérêt inférieur à 10 % serait insuffisant. Par ailleurs, M. le
rapporteur général sait que le coût budgétaire d'une telle mesure est de 1
milliard de francs par point, et mes services sont à sa disposition pour lui
fournir tous les justificatifs en la matière.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous remercie de bien vouloir retirer
votre amendement, monsieur le rapporteur général, mais je ne me fais guère
d'illusions...
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-26.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Personnellement, je regrette que nous ayons été conduits à retirer notre
amendement.
L'opinion publique ne comprendra pas car, une fois de plus, la loi est faite
pour les méchants,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet !
M. Philippe Nogrix.
... qui pourraient, par vice, essayer de s'octroyer des avances de trésorerie
en faisant des déclarations fausses et en attendant la décision de
l'administration. Les personnes de bonne foi sont donc pénalisées.
M. Jacques Machet.
Voilà !
M. Philippe Nogrix.
Je considère qu'il est vraiment dommage qu'une loi de la République soit
élaborée à cause des méchants !
(M. Machet applaudit.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
La loi crée les méchants !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-26, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7.
Article 8 ou articles additionnels
après l'article 8