SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2000
CONTRACEPTION D'URGENCE
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 87,
2000-2001) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la
contraception d'urgence.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission mixte
paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence s'est
réunie le lundi 20 novembre dernier à l'Assemblée nationale.
J'ai le plaisir de vous dire qu'elle est parvenue assez aisément à un accord
sur un texte qui a été adopté à l'unanimité, ce dont, je crois, chacun d'entre
nous peut se féliciter. J'ajoute que cette commission mixte paritaire s'est
déroulée dans un climat particulièrement constructif.
Vous vous souvenez que, lors de l'examen de cette proposition de loi en
première lecture, le 31 octobre, le Sénat avait apporté un certain nombre de
modifications à l'article 1er et avait introduit un article additionnel par
l'adoption d'un amendement déposé par Mme Bardou.
S'agissant de l'article 1er, le Sénat avait souhaité préciser que la
dérogation au principe du consentement parental ne pouvait se justifier que par
un impératif essentiel : préserver les mineures d'une grossesse non désirée et
donc d'une interruption volontaire de grossesse.
Afin que la question du coût de ce contraceptif d'urgence ne soit pas un
obstacle pour certaines jeunes filles issues de milieux défavorisés, notre
assemblée avait prévu que la délivrance en pharmacie de ces contraceptifs aux
mineures s'effectuerait à titre gratuit dans des conditions fixées par voie
réglementaire. Cette disposition visait à faciliter l'accès des mineures à la
contraception d'urgence, notamment pendant les vacances scolaires.
S'agissant de la possibilité offerte aux infirmières scolaires d'administrer
aux élèves une contraception d'urgence, le Sénat avait voulu, d'une part,
rappeler les principes qui doivent guider les infirmières dans leur action,
d'autre part, définir de manière plus précise la procédure d'administration du
NorLevo aux élèves. Le texte adopté par le Sénat reprenait ainsi fidèlement
certaines des formulations retenues par la circulaire du 29 décembre 1999.
Le Sénat avait souhaité ainsi rappeler que la contraception d'urgence ne
saurait en aucun cas être un substitut à une contraception régulière et
responsable et que son usage ne saurait être banalisé.
S'agissant de la procédure proprement dite, le texte adopté par le Sénat
précisait que l'infirmière scolaire, confrontée à une demande de NorLevo,
devait tout d'abord s'efforcer d'orienter l'élève vers un médecin ou un centre
de planification ou d'éducation familiale. Si un médecin ou un centre de
planification familiale n'était pas immédiatement accessible, l'infirmière
scolaire pouvait alors - compte tenu de l'urgence si elle estimait qu'il
s'agissait d'une situation de détresse caractérisée - administrer à l'élève
majeure ou mineure une contraception d'urgence.
Le texte adopté par le Sénat prévoyait le nécessaire suivi des élèves à qui
l'on administre le NorLevo : l'infirmière scolaire devait ainsi informer
a
posteriori
le médecin scolaire des décisions qu'elle avait prises,
s'assurer de l'accompagnement psychologique de l'élève et veiller à la mise en
oeuvre d'un suivi médical, soit par un médecin généraliste ou spécialiste, soit
par un centre de planification familiale.
Le Sénat avait également adopté un article additionnel - l'article 2 - qui
prévoyait que le Gouvernement présenterait au Parlement, avant le 31 décembre
2002, un rapport dressant le bilan de l'application de la disposition
autorisant les infirmières scolaires à administrer une contraception d'urgence
aux élèves mineures et majeures, ainsi que la délivrance à titre gratuit dans
les pharmacies d'une contraception d'urgence aux mineures.
La commission mixte paritaire a retenu l'ensemble du texte adopté par le Sénat
en première lecture, à l'exception de la phrase relative à l'information
a
posteriori
du médecin scolaire.
Mme Hélène Mignon, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a estimé que cette
disposition risquait d'effrayer certaines jeunes filles qui éprouvaient le
besoin d'une très grande confidentialité pour établir un lien de confiance avec
l'infirmière. Elle a considéré, en outre, que les infirmières étaient aptes à
remplir la mission qui leur était confiée et étaient prêtes à assumer leurs
responsabilités. Elle a, par conséquent, jugé que le médecin scolaire ne devait
être appelé à intervenir qu'en cas de problèmes graves.
Votre rapporteur a précisé que cette disposition ne visait nullement à
remettre en cause la compétence des infirmières scolaires. Il a considéré que
cette disposition relevait de fait du fonctionnement interne de l'équipe
médicale au sein de l'établissement scolaire et qu'elle n'était probablement
pas indispensable dans la loi.
L'essentiel, en effet, était que le nécessaire suivi médical, ainsi que
l'accompagnement psychologique de l'élève soient mentionnés dans la loi. Le
texte qui résulte des travaux de la commission mixte paritaire est donc, à
cette phrase près, la reprise intégrale du texte que le Sénat avait adopté en
première lecture.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, d'adopter
les conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant
en discussion de la proposition de loi relative à la contraception
d'urgence.
A cet égard, madame le ministre, permettez-moi de souhaiter que les décrets
d'application de ce texte soient publiés le plus rapidement possible.
Madame le ministre, mes chers collègues, parvenu à ce point de mon
intervention, j'aurais le sentiment de manquer à mon devoir si je ne vous
faisais part d'une réflexion personnelle.
Nous vivons dans un pays que nous aimons, mais dont nous devons reconnaître
qu'il est un peu routinier, voire conservateur. Trop souvent, nous nous
contentons de regarder le monde évoluer, parfois sans nous. Nous devons réagir
à ce travers. La première leçon à tirer d'un trop grand nombre d'interruptions
de grossesse, en comparaison de ce qu'il en est à cet égard dans les pays qui
nous entourent, c'est l'échec collectif de notre société et l'échec par défaut
de l'Etat.
Encore faudrait-il comprendre ce qui se passe et anticiper sur les évolutions
futures plutôt que de courir en permanence après l'événement.
Nous sommes en réalité passés, je le crois, à côté d'une réflexion construite
sur les nouvelles donnes de la société. Nous ne pouvons ignorer le rôle
déterminant de la famille et de l'école, ensemble, dans la transmission de la
culture, mais aussi de l'éducation à la vie. Or on ne peut nier l'inégalité que
produit cette transmission par la seule famille. C'est pourquoi il faut
corriger cela avec l'école, qui, elle, s'adresse à tout le monde.
Bien sûr, quelques compromis, sur des sujets qui fâchent, seront nécessaires,
bien sûr, certains devront faire des concessions. Mais n'est-ce pas là un
modeste prix à payer par rapport à ce qui est en jeu : la fin d'une ignorance
qui aura coûté trop de larmes et de sang, trop de vies gâchées ?
(Vifs
applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué à la famille et à l'enfance.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons aujourd'hui à un moment
symboliquement fort puisque c'est le dénouement positif d'un long processus
entamé, voilà maintenant plus d'un an, au sein du système scolaire, avec le
protocole de soins par lequel j'avais en effet autorisé les infirmières
scolaires à délivrer la contraception d'urgence.
Vous le savez, ce protocole a connu un certain nombre de vicissitudes. A la
suite de la décision du Conseil d'Etat, des débats ont été engagés à travers le
pays, puis un texte a été déposé par le groupe socialiste de l'Assemblée
nationale, texte qui a donné lieu à une discussion de très grande qualité au
Sénat.
C'est pourquoi je voudrais saluer le remarquable travail accompli par votre
rapporteur ainsi que par votre commission des affaires sociales, qui va vous
permettre, dans quelques instants, je n'en doute pas, d'adopter un texte
élaboré vraiment en commun par l'Assemblée nationale et le Sénat.
Le Gouvernement tient à souligner que, sur cette importante question de
société, les clivages politiques ont été transcendés. Que les groupes
politiques qui ont témoigné leur soutien à ce texte en soient remerciés. Je
voudrais aussi rendre hommage ici au travail de Mme Hélène Mignon, rapporteure
à l'Assemblée nationale, mais surtout dire ma gratitude à M. Lucien Neuwirth,
qui a montré une nouvelle fois que les femmes pouvaient bénéficier et de ses
compétences et de son humanisme.
Vous l'avez dit à l'instant, monsieur Neuwirth par rapport au texte adopté par
la Haute Assemblée en première lecture, la commission mixte paritaire n'a
apporté qu'une seule modification : les infirmières scolaires ne seront pas
obligées d'informet le médecin scolaire de la délivrance de la contraception
d'urgence. Je pense que c'est une bonne décision, qui conforte les compétences
des infirmières scolaires. Surtout, l'obligation d'informer le médecin scolaire
aurait pu laisser entendre qu'elles n'étaient pas tenues au secret
professionnel, alors qu'elles y tiennent beaucoup, notamment lorsqu'il s'agit
des confidences qu'elles reçoivent des adolescentes.
Quoi qu'il en soit, la suppression de cette obligation ne remet nullement en
cause le travail d'équipe au sein des établissements scolaires, associant les
infirmières, les personnels sociaux, les chefs d'établissement et, bien
entendu, les médecins scolaires.
Au-delà de cette modification, ce texte permet de réaliser un certain nombre
d'avancées.
Tout d'abord, il indique clairement que la contraception d'urgence peut être
délivrée sans prescription médicale, ce qui est tout à fait nécessaire pour que
soit apportée une réponse d'urgence aux situations de détresse.
La deuxième avancée consiste à permettre l'intervention des infirmières
scolaires. Vous savez que cette disposition est très attendue par les
établissements scolaires, et la rapidité avec laquelle l'échange entre
l'Assemblée nationale et le Sénat s'est déroulé va permettre très vite
d'instituer à nouveau cette procédure dans les établissements scolaires.
Vous avez souhaité à l'instant, monsieur Neuwirth, que les décrets prévus par
le texte soient rapidement publiés. Je prends devant vous l'engagement qu'il en
sera ainsi.
Cette proposition de loi permet également un accès gratuit à la contraception
d'urgence en pharmacie.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ça, c'est le Sénat !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Bien sûr, cette disposition sera particulièrement utile
en dehors des périodes scolaires et elle conforte la gratuité déjà acquise au
sein du système scolaire. Mais elle permettra aussi aux jeunes filles qui ne
sont plus soumises à l'obligation scolaire, souvent issues des milieux
défavorisés, d'avoir accès à cette contraception.
Enfin, ce texte s'inscrit dans la perspective de nécessaires progrès en
matière d'accès à la contraception préventive - le débat sur l'IVG nous
conduira sans doute à aborder cette question -, en matière d'éducation à la
responsabilité sexuelle, de lutte contre toutes les formes de violence
sexuelle, contre toutes les formes de banalisation des relations sexuelles, car
il faut rejeter tout laxisme en ce domaine.
C'est ce qui m'avait conduite à renforcer l'éducation civique dans le système
scolaire, mais aussi à y imposer l'éducation à la sexualité et à la vie,
éducation axée sur l'estime de soi, sur le respect des autres et sur la lutte
contre le sexisme et contre toutes les formes de violence.
L'école et les familles ont un rôle éminent à jouer et, aujourd'hui, en tant
que ministre de la famille et de l'enfance, j'entends épauler les familles dans
les responsabilités qu'elles exercent à l'égard des enfants et des adolescents,
en même temps que l'école et tous les éducateurs.
Je vous remercie donc, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du
Gouvernement, d'avoir fait diligence pour examiner ce texte qui permettra, cinq
mois après la décision du Conseil d'Etat requérant l'intervention du
législateur, de rendre la contraception d'urgence de nouveau accessible aux
jeunes filles en situation de détresse.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire.