SEANCE DU 1ER DECEMBRE 2000
M. le président.
La séance est reprise.
Nous allons passer aux questions.
Je vous rappelle que les orateurs interviendront pour une durée limitée à cinq
minutes.
La réponse de M. le ministre est limitée à trois minutes.
Chaque orateur disposera d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
Mes chers collègues, afin de respecter cette règle du jeu dans sa lettre, mais
aussi dans son esprit, je vous demande de ne pas poser pendant cinq minutes une
batterie de questions à M. le ministre, alors qu'il ne dispose lui-même que de
trois minutes pour y répondre ! Adaptez vos interventions à sa capacité de
réponse, non pas en termes qualitatifs - elle est entière ! - mais en termes
quantitatifs !
La parole est à M. Bernard, au nom du groupe du RPR.
M. Jean Bernard.
Conformément à votre souhait, monsieur le président, je résumerai les
questions que je souhaitais poser, d'autant que certaines réponses y ont déjà
été apportées. Cela étant, dire qu'elles me satisfont serait sans doute un bien
grand mot...
Les Français connaissent leur géographie. Ils savent que la France est au
carrefour de l'Europe et qu'elle comporte une façade maritime. Notre politique,
en matière de transports, devrait donc être visionnaire, audacieuse et
coordonnée, notamment au regard de l'accélération de la mobilité des hommes et
des marchandises. Or, monsieur le ministre, au vu des chiffres qui ont été
cités par les différents rapporteurs pour avis, la politique des routes menée
en France ne s'inscrit pas dans la démarche prospective que nous souhaiterions,
et nous ne pouvons que le déplorer.
Nous allons cependant essayer, au travers de ces quelques questions, de vous
aider, pour que vous obteniez de la part de Bercy les aides que nous
souhaitons.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres qu'a cités mon collègue et confrère M.
Gruillot, sinon pour constater que les crédits de paiement affectés aux routes
nationales ne sont pas en progression, bien au contraire, alors que, au cours
des cinq dernières années, la circulation routière a augmenté d'environ 15 % et
que, si l'on projette cette courbe dans le futur, on prévoit que les débits
moyens sur les routes et les autoroutes devraient encore augmenter, d'ici une
vingtaine d'années, de 40 % environ. C'est dire l'effort que nous devrions
réaliser ! Le réseau routier et autoroutier est-il adapté à ces nouvelles
données ? On peut se poser la question !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le physiologiste que je suis sait
que, pour qu'un organe fonctionne normalement, il doit être irrigué
convenablement, et dans les deux sens. Or nous allons vers l'infarctus et vers
l'embolie ! Autour des villes, notamment à certaines heures, la circulation
devient ainsi un véritable problème, au point qu'il faut alors plutôt parler de
non-circulation.
Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si le Gouvernement a pris la
mesure des moyens à mettre en oeuvre - en collaboration avec les collectivités
locales, qui sont ses partenaires en la matière - pour adapter ce réseau
routier et autoroutier. Il ne faut pas oublier, en effet, la participation des
départements et des régions au développement des routes nationales, notamment,
qui restent les itinéraires structurants par excellence !
Depuis 1995, les départements ont consacré chaque année à la route un montant
de 21 milliards de francs. Ces dépenses ont représenté, en 1999, dans les
budgets départementaux, environ 12 % des dépenses totales. C'est dire si les
collectivités locales ont pris en compte l'importance des infrastructures
routières dans leur économie et leur développement ! Pour autant, l'Etat
adapte-t-il son effort à celui des collectivités locales ?
Permettez-moi, à ce sujet, d'aborder un problème ancien que nous avons déjà
évoqué ensemble, monsieur le ministre : le financement des routes nationales
est assuré à 50 % par les collectivités locales et à 50 % par l'Etat, mais ce
dernier, en contrepartie, récupère l'ensemble de la TVA. Dans ces conditions,
peut-être conviendrait-il de ne plus appeler ces routes « nationales » !
Ne serait-il pas opportun d'en confier la maîtrise d'oeuvre aux départements
et aux régions, qui aménageraient au mieux le réseau des routes nationales en
tenant compte du contexte local et régional ?
Ne m'en veuillez pas, monsieur le ministre, de faire mienne la formule de
Churchill selon laquelle « quand tu ne réussis pas une première fois, essaie
une deuxième, une troisième peut s'avérer nécessaire, une quatrième non
superflue », et de revenir sur le problème de la route nationale 4
Paris-Strasbourg, déjà maintes fois évoqué.
Sur cet axe, on enregistre un trafic international et national de plus en plus
dense, s'agissant notamment des poids lourds, et de nombreux accidents. Mais,
dans le département de la Marne, monsieur le ministre, il reste
quatre-vingt-dix kilomètres à aménager sur cette route saturée. En 2001, seuls
trois kilomètres aménagés seront mis en service, et je ne vous infligerai pas
le calcul du délai de réalisation de l'ensemble des quatre-vingt-dix kilomètres
! A cet égard, le prochain contrat de plan nous laisse peu d'espoir de voir les
choses s'améliorer notablement. J'ajoute, et ce n'est pas pour l'anecdote, que
pour aménager trois kilomètres il a fallu plus de deux ans. Tout à l'heure, M.
le président de la commission des finances disait qu'on ne roule pas sur des
autorisations de programme ou sur des ouvertures de crédits...
Que penser enfin de l'allongement supplémentaire de ces délais lorsque le
hasard ou la nature placent sur l'itinéraire projeté des espèces rares,
animales ou végétales, qu'il convient certes de protéger, mais dont la
sauvegarde entraîne, comme cela a été le cas pour l'autoroute A 28
Alençon-Tours, l'arrêt d'un chantier pour de long mois ? Ne pensez-vous pas,
monsieur le ministre, qu'il conviendrait de dresser un inventaire aussi
exhaustif que possible de ces espèces protégées et de leurs sites
d'implantation, et, si elles prospèrent et vivent en d'autres lieux, de
continuer les travaux dont le caractère urgent est incontestable ?
M. le président.
Mon cher collègue, je vous prie de conclure.
M. Jean Bernard.
Je termine, monsieur le président.
Adopter cette façon de faire serait, à mon avis, un excellent moyen de
mobiliser utilement les associations de protection de la nature et le ministère
de l'environnement et contribuerait à donner à une image positive de leur
action, trop souvent perçue comme négative à l'heure actuelle.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, j'ai déjà répondu tout à l'heure sur les crédits, et je n'y
reviendrai donc pas, sauf pour souligner une fois encore qu'ils sont en
progression, de plus de 6 % s'agissant des autorisations de programme et des
dépenses ordinaires, mais aussi de 2,6 % s'agissant des crédits de paiement,
après intégration du FITTVN. Je vous demande donc instamment de partir de cette
réalité avant de la commenter si vous jugez que cela n'est pas suffisant, mais,
de grâce, n'affirmez pas que les crédits sont en baisse, car cela n'est pas
juste !
Par ailleurs, la réalisation du TGV Est permettra de libérer des « sillons »,
si je puis dire, pour le trafic des marchandises. La démarche multimodale
associant le rail et la route devra donc être prise en compte dans notre
réflexion d'ensemble sur les déplacements.
Pour répondre plus précisément à l'une de vos questions, monsieur le sénateur,
j'indique que certaines routes sont qualifiées de « nationales » parce qu'elles
permettent d'assurer la continuité territoriale, à la différence des routes
départementales. Les ressources consacrées au réseau routier national sont de
beaucoup supérieures, c'est vrai, grâce notamment aux concessions
autoroutières, à celles qui sont allouées aux réseaux départementaux, pourtant
dix fois plus étendus. Cela est particulièrement vrai en matière
d'investissement et tient à la croissance des trafics, plus importante sur les
grands axes nationaux.
S'agissant de la coordination des investissements, elle est facilitée par
l'annonce des intentions de l'Etat par le biais des schémas de service.
Conformément à la nouvelle règle, les collectivités territoriales, ainsi
d'ailleurs que les entreprises, peuvent alors prendre leurs propres décisions
d'aménagement complémentaire ou de localisation de nouvelles activités.
Entre Paris et Phalsbourg, la RN 4 - puisque vous avez évoqué cet axe, et je
connais votre ténacité et votre détermination - joue un rôle important pour la
desserte de trois régions de l'Est : la Champagne-Ardenne, la Lorraine et
l'Alsace. Le projet de schémas de services collectifs de transport confirme le
caractère prioritaire de l'aménagement de cet axe structurant en route express
à deux fois deux voies. Dans le département de la Marne, la route nationale 4
s'étend sur cent quatre kilomètres, dont trente-deux kilomètres déjà aménagés à
deux fois deux voies.
Dans l'optique du nouveau contrat de plan Etat-région, 340 millions de francs
- c'est ce chiffre qu'il faut retenir - ont été inscrits au titre de
l'aménagement de la RN 4 dans le département de la Marne. Cela permettra de
réaliser le doublement à deux fois deux voies de la déviation de
Fère-Champenoise et celui de la déviation de Sommesous, ainsi que l'aménagement
d'un créneau à deux fois deux voies à Haussimont. Cela permettra aussi de
poursuivre les études et de procéder aux acquisitions foncières liées aux
différentes opérations déclarées d'utilité publique, notamment la déviation
ouest de Vitry-le-François et la section Sézanne-Fère-Champenoise. Vous voyez
que nous ne nous en tenons pas à l'aménagement de trois kilomètres !
La RN 4 sera équipée progressivement d'aires de services et de repos au fur et
à mesure de sa transformation en route express à deux fois deux voies. Ainsi,
des aires de repos seront créées tous les vingt kilomètres, et des aires de
services tous les cinquante kilomètres, comme sur le réseau autoroutier.
M. le président.
La parole est à M. Maman, au nom du groupe de l'Union centriste.
M. André Maman.
A franchement parler, je suis un peu gêné par ce nouveau processus. En effet,
nous avons entendu quatre rapporteurs très consciencieux, très minutieux, qui
ont analysé les dossiers dans le plus grand détail, et il ne nous reste que
très peu de questions originales à poser !
En revanche, cela aidera peut-être M. le ministre, qui disposera de davantage
de temps pour répondre à ces questions ! Tout à l'heure, il s'est en effet
exprimé à la vitesse de certains de nos automobilistes sur les routes
nationales ; peut-être pourra-t-il être un peu plus calme !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'était à la
vitesse des TGV !
(Sourires.)
M. André Maman.
Oui, mais il s'agit ici des routes !
(Nouveaux sourires.)
La France se classe parmi les mauvais élèves de l'Union européenne en matière
de sécurité routière, même si l'on nous a déjà dit que cela ne serait pas tout
à fait exact. Les résultats sont catastrophiques : nous sommes le pays qui
connaît la plus forte hausse du nombre de tués sur les routes, alors même que
la plupart des autres pays européens enregistrent un recul des statistiques
dans ce domaine. C'est pourquoi vous avez fait de la sécurité routière l'une de
vos priorités, comme l'indique l'évolution des dotations budgétaires depuis
1997.
Toutefois, le budget de la sécurité routière souffre toujours de graves
dysfonctionnements dans l'utilisation de ses crédits, puisque certains d'entre
eux ne sont pas totalement consommés. Il en est ainsi des crédits alloués au
délégué interministériel à la sécurité routière, des dotations consacrées aux
actions d'incitation et des crédits de paiement des chapitres de dépenses en
capital. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des explications sur
ces points ?
Par ailleurs, pouvez-vous également nous donner des précisions sur les moyens
en personnels et en crédits de fonctionnement des services de la sécurité
routière ? Cela permettrait au Parlement de retracer concrètement l'effort de
la nation dans ce domaine.
En outre, n'y a-t-il pas urgence à mettre en place une politique d'évaluation
de la sécurité routière, une sorte d'audit exhaustif de celle-ci ? Ne
faudrait-il pas également mener une large réflexion visant à une meilleure
organisation au sein du ministère de l'équipement, des transports et du
logement, mais également sur le plan interministériel ?
Enfin, nos mauvais résultats en matière de sécurité routière s'expliquent par
la structure du réseau routier français. En effet, la proportion d'accidents
mortels est bien plus importante, d'après les statistiques, sur le réseau
routier secondaire que sur le réseau principal, surtout autoroutier. L'Etat ne
peut-il envisager de lancer un vrai programme de rénovation de la voirie
routière, en relation avec les collectivités locales ?
Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien nous donner sur ces divers
points, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, à l'instar de M. Miquel, rapporteur spécial, vous vous inquiétez de
la consommation des crédits de la sécurité routière. Le taux moyen d'exécution
s'élevait, à la fin de l'exercice 1999, à 73 %. La priorité donnée aux
opérations menées localement avec les collectivités territoriales et les
associations explique parfois la longueur de certaines procédures. Une action
systématique a été entreprise pour réduire ces délais.
Par ailleurs, les comités interministériels de sécurité routière déterminent
les grandes orientations de la politique menée dans ce domaine. Il s'en est
tenu trois depuis novembre 1997, alors qu'aucun n'avait été organisé,
permettez-moi de le rappeler au passage, entre 1994 et 1997. Le dernier de ces
comités s'est réuni le 25 octobre 2000. Il a conforté les grandes orientations
qui ont permis une baisse du nombre de décès sur la route en 1999 et en
2000.
Je reste prudent, car ce résultat demeure fragile, mais on peut penser que
plusieurs centaines de vies, environ sept cents peut-être, auront été épargnées
cette année du fait d'un engagement et d'une mobilisation générale qui ont
concerné tant l'Etat que les collectivités locales, les élus et les
associations. Ce n'est pas rien, vous en conviendrez !
En outre, la décision a été prise cette année de créer un conseil national de
la sécurité routière, qui disposera de la marge d'indépendance nécessaire pour
accomplir ses missions, parmi lesquelles figurent la réalisation d'un audit,
pour reprendre l'expression que vous avez employée, monsieur le sénateur, et la
formulation de propositions au Gouvernement.
Un jaune budgétaire permettra par ailleurs de répertorier l'ensemble des
actions des différents ministères sur ce point. En effet, quand le ministère de
l'intérieur et le ministère de la défense renforcent les effectifs qu'ils
consacrent à la surveillance du trafic routier, cet effort ne figure pas dans
mon budget, mais il concerne bien la sécurité routière.
S'agissant de l'amélioration de la formation routière, nous avons décidé la
création d'une attestation de première éducation à la route. A ce propos, nous
travaillons en liaison étroite avec le ministre de l'éducation nationale, M.
Jack Lang, car une volonté commune nous anime de faire évoluer les
comportements dès l'école maternelle et primaire. Toujours dans le domaine de
la sécurité routière, deux cent trente postes d'inspecteur du permis de
conduire seront créés en trois ans, dont soixante dix-sept le seront dès
l'année prochaine.
S'ajoute à ces mesures un renforcement des contrôles et des sanctions, avec
notamment le pouvoir de rétention du permis de conduire accordé aux forces de
l'ordre en cas d'excès de vitesse de plus de quarante kilomètres à l'heure.
En ce qui concerne enfin les infrastructures, les rapporteurs ont insisté très
justement tout à l'heure sur leur amélioration, ainsi que celle des véhicules.
Nous avons ainsi engagé, au titre du présent contrat de plan, un programme de
traitement des obstacles latéraux pour un montant de 400 millions de francs,
150 millions de francs étant alloués à la suppression des glissières présentant
un danger pour les motards, lesquelles ont provoqué, l'an dernier, soixante et
onze décès. J'évoquerai brièvement, en outre, mon engagement en faveur du
limiteur de vitesse modulable par le conducteur.
En conclusion, je souligne que nous avons la volonté de faire partager cet
effort en faveur de la sécurité routière par nos voisins européens.
M. André Maman.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre, qui prouvent que mes
questions étaient importantes et méritaient d'être posées, bien que MM. les
rapporteurs les aient largement évoquées.
Cela étant, monsieur le ministre, ne serait-il pas possible de centraliser
tous les renseignements que vous nous avez donnés ? En effet, lors de nos
discussions sur ce thème, on nous objecte régulièrement que tel ou tel aspect
relève d'un autre ministère que le vôtre, de sorte que l'on ne parvient pas à
acquérir une vue d'ensemble des problèmes. Le regroupement des informations me
paraît donc capital.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je vous adresserai prochainement un document regroupant l'ensemble de
ces renseignements, y compris ceux qui émanent d'autres ministères.
M. André Maman.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Puech, au nom du groupe des Républicains et
Indépendants.
M. Jean Puech.
Monsieur le ministre, parmi les grands projets autoroutiers en cours de
réalisation figure l'autoroute A 75 reliant Clermont-Ferrand à Béziers par le
Massif central.
La création de cette infrastructure a été décidée en 1987, et les
gouvernements qui se sont succédé jusqu'à votre prise de fonctions ont tenu
leurs engagements. Cette décision fut confirmée en juillet 1996, à l'issue du
choix de la construction d'un viaduc à haubans enjambant le Tarn et conçu par
l'architecte Norman Foster. Cet ouvrage, long de deux kilomètres et demi,
comporte notamment deux piles de plus de 300 mètres de hauteur et devrait,
selon le ministère de l'équipement, des transports et du logement, être livré
en 2001.
Imaginez ces piles, plus hautes que la tour Eiffel, avec une autoroute passant
à leur sommet !
Le 20 mai 1998, un an après votre arrivée au Gouvernement, vous décidez de
mettre en concession la réalisation du viaduc. Je vous cite : « Avec cette
décision, la totalité de l'itinéraire pourra être mise en service en 2003. Une
enquête d'utilité publique sera ouverte avant la fin de l'été 1998.
Conformément aux dispositions européennes, un appel d'offres aux niveaux
communautaire et national sera lancé dans les prochaines semaines afin de
pouvoir désigner le futur concessionnaire. Cette procédure se réalisera en
parallèle et n'introduira donc pas de délais supplémentaires. « Le décret
modificatif de la déclaration d'utilité publique et la désignation du
concessionnaire pourront être concomitants. »
La déclaration d'utilité publique a été prise depuis déjà plus d'un an et nous
attendons toujours la désignation du concessionnaire !
Vous avez ajouté que vous aviez pris cette décision parce que vous ne
disposiez pas des crédits nécessaires.
Concernant les crédits, lorsque vous avez rendu visite à votre ami politique,
le maire de Tarbes, vous aviez déclaré dans le journal
La Nouvelle
République
que la liaison Tarbes-Lourdes serait une route à deux fois deux
voies, gratuite plutôt que concédée, non seulement parce que c'était la
solution la moins chère mais aussi parce qu'elle permettait de mieux irriguer
le tissu local.
Quelques semaines plus tard, vous vous êtes rendu dans le département des
Landes et vous avez décidé et annoncé que l'ex-RN 10, passée au réseau
autoroutier déjà concédé, se voyait retirer la concession pour en faire une
voie rapide sans péage, financée par l'Etat.
Le coût de ces deux opérations est au moins égal, voire supérieur à celui de
la réalisation du viaduc.
Aujourd'hui, l'affaire est réglée, la réalisation du viaduc sera concédée.
Depuis que vous avez pris ce dossier en mains, nous avons enregistré toute une
série de fausses informations. Cela prêterait à sourire si elles ne venaient
d'un représentant du Gouvernement et si elles n'avaient pas les incidences
économiques que l'on peut aujourd'hui mieux mesurer. A chaque grande migration,
départ ou retour, Millau devient la capitale des bouchons, triste réputation
pour un département qui commençait à réussir son ouverture.
Face à cette situation, je vous demande depuis plusieurs mois, par questions
écrites, auxquelles vous ne daignez pas répondre, de nous donner le calendrier
qui reste à courir concernant l'examen par la commission consultative des
offres des trois groupements d'entreprises qui viennent de remettre leurs
propositions, la prise de décision du ministre, la mise au point des documents
de concession, la consultation et l'avis du Conseil d'Etat, l'étude d'exécution
de l'ouvrage, le démarrage des travaux et, enfin, la durée de ceux-ci.
Je souhaite connaître les informations que vous pouvez nous livrer concernant
les tarifs de péage proposés par le cahier des charges de la concession et
savoir si ce dernier laisse la possibilité aux candidats à la concession de
faire une offre de projet touristique pour laquelle celui-ci serait maître
d'ouvrage et gestionnaire de l'équipement.
Je souhaite également connaître les mesures que vous comptez prendre pour ne
pas isoler la région de Millau du flux migratoire, en l'évitant comme le
préconise l'initéraire conseillé par Bison futé mais, au contraire, pour
rechercher un tracé empruntant les routes départementales puisqu'il ne reste
plus qu'elles en dehors de l'autoroute permettant de passer à proximité de la
ville de Millau.
A mon humble avis, il apparaît qu'aujourd'hui la date d'ouverture probable du
viaduc de Millau, annoncée en 2001, puis en 2003, sera difficilement respectée.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de m'indiquer les mesures que
vous comptez prendre pour assurer, dans des conditions de sécurité optimale, la
traversée de Millau par les véhicules légers et les poids lourds.
En 2002, l'autoroute arrivera au Nord à Saint-Germain, et au Sud, à La
Cavalerie sur les bords des falaises. Je vous laisse imaginer le spectacle à
Millau !
Par ailleurs, aujourd'hui, les candidats à la concession sont connus.
Pouvez-vous nous dire quelle est la durée des travaux qu'ils prévoient et s'ils
sollicitent une subvention d'équilibre de l'Etat ? Si tel était le cas, en
effet, tout porterait à croire que l'Etat dans cette affaire ferait une fausse
économie.
Voilà beaucoup de questions, mais autour d'un seul sujet. Tout cela, monsieur
le ministre, nécessite un dialogue ouvert, un partenariat, et c'est cette
démarche à laquelle nous vous invitons. Je vous ai envoyé des questions
écrites, des lettres, nous souhaitons travailler ensemble parce que vous ne
pouvez pas ignorer les collectivités locales.
J'en profite pour remercier la commission des finances et son président
d'avoir proposé cette procédure. Je la trouve intéressante ; elle le sera
encore plus si les réponses de M. le ministre à mes questions sont positives
pour le département que je représente.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je précise d'abord que je n'ignore pas les collectivités
territoriales.
A l'Assemblée nationale, comme au Sénat, lors des questions d'actualité, les
députés ou les sénateurs de l'opposition précisent de plus en plus souvent
qu'ils s'expriment au nom de tous les groupes de l'opposition. Pour votre part,
vous ne pourriez le faire sur ce sujet tant ma décision prise au nom du
Gouvernement s'agissant de la réalisation du viaduc de Millau est soutenuede
toutes parts.
Tout à l'heure, je parlais de ténacité à propos de M. Bernard ; vous, vous
faites preuve non pas de ténacité mais d'entêtement. Je vous répète que si je
n'avais pas pris cette décision-là, comme aucun financement, aucun moyen n'a
été prévu, le viaduc de Millau n'aurait pu être réalisé. J'ai voulu faire
avancer les choses. Toutes les conditions posées seront respectées. Ainsi, les
habitants de Millau, eux, ne paieront pas quand ils emprunteront le viaduc pour
rejoindre au nord ou au sud l'autoroute !
Vous faites des comparaisons en évoquant la route de Tarbes à Lourdes.
Pourquoi cette solution a-t-elle été retenue ?
Nous avons comparé le coût de la mise à deux fois deux voies de la nationale à
celui de la construction d'une autoroute concédée, et nous nous sommes aperçus
qu'il fallait plus de subventions publiques pour réaliser l'autoroute mise en
concession que pour mettre à deux fois deux voies la route nationale. C'est
tout simplement de la bonne gestion de l'argent public.
D'abord, permettez-moi de vous dire que je reçois 20 000 courriers d'élus ou
questions écrites parlementaires par an je réponds et je répondrai au vôtre.
S'agissant de la RN 10, vous avez fait le tour de France de mes propos. Or,
aujourd'hui, la presse fait état de mes réponses aux questions que vous posez.
J'espère que vous les avez lues, tout au moins celles qui concernent votre
région !
Je pense que c'est peut-être à cause d'un certain entêtement, qui a conduit à
refuser pendant très longtemps la mise en concession du viaduc, que des retards
ont été pris dans la réalisation de ce programme.
Le recours à la procédure de l'adossement est maintenant clairement et
légalement exclu.
Le 20 mai 1998, le Gouvernement a décidé la mise en concession du viaduc de
Millau, avec un tarif de péage qui pourrait avoisiner 40 francs, et le
lancement de la nouvelle procédure d'enquête publique qui s'avérait nécessaire.
La mise en concession du viaduc de Millau a été déclarée d'utilité publique, le
23 novembre 1999. La procédure de désignation du concessionnaire a été
immédiatement lancée, en décembre 1999.
Le 24 janvier 2000, date limite de remise des offres, quatre groupements se
sont déclarés candidats. Ils ont été admis à présenter une offre en juin, après
une période d'analyse indispensable. La date limite de remise des offres a été
fixée au 22 novembre 2000 et trois candidats ont remis une offre : le
groupement Société du viaduc de Millau, la société EIFFAGE, le groupement des
entreprises Générale routière et Ferrovial Agroman. L'analyse des offres a
immédiatement débuté et l'audition des candidats se déroulera au cours de
l'hiver 2000-2001.
Au vu du rapport de la commission d'analyses des offres, je retiendrai le
concessionnaire à la fin du mois de février 2001. J'ai donné publiquement ces
informations mais je reconnais ne vous les avoir jamais communiquées dans cet
hémicycle puisque vous ne m'avez jamais posé la question ici.
Le décret d'approbation du contrat de concession sera soumis au Conseil d'Etat
au début de l'été 2001, après mise au point, et les études d'exécution seront
immédiatement engagées.
Je suis conscient que le fait de respecter les textes en vigueur pour assurer
aux Aveyronnais et à l'ensemble du pays la mise en service rapide, avec
l'objectif que je maintiens de fin 2003, d'une infrastructure indispensable, et
de les tenir régulièrement informés est tout à fait nécessaire, mais je m'y
tiendrai, au bénéfice de ce fantastique projet, qui illustre d'ailleurs le
changement de millénaire.
Vous avez soulevé le problème plus général du développement touristique et de
l'aménagement local de cette région. Je suis favorable à la constitution d'un
groupe de travail animé par Mme le préfet. Mon objectif est que Millau et sa
région profitent au maximum du chantier, dans un premier temps, et du viaduc,
dansun second temps.
Soyez assuré de la détermination du Gouvernement pour faire en sorte que ce
projet soit réalisé dans les délais et qu'il soit un plus pour l'axe tout
entier. Il faut procéder au raccordement jusqu'à l'autoroute A 9 et il faut
construire ce viaduc de Millau.
Je sais de quoi je parle car je passe souvent à Millau et connais bien les
trente kilomètres de bouchon qui se forment l'été. L'autoroute qui est coupée
l'aurait été encore pendant sept ans ou huit ans si l'on s'en était tenu à
votre position initiale, à savoir le refus de la mise en concession de ce
projet.
M. Jean Puech.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech.
Monsieur le ministre, le sujet est trop important pour ouvrir une polémique,
et je ne reviendrai donc pas sur l'entêtement que vous me prêtez. Je représente
les Aveyronnais dans cet hémicycle et je tiens à m'exprimer en leur nom.
Ce que vous ne savez peut-être pas, même si vous lisez les revues de presse,
c'est qu'aujourd'hui la presse locale titre, et ce sont les élus de Millau qui
s'expriment : « Grand pont autoroutier : nous allons être les cocus du péage. »
Ce n'est pas moi qui le dis ; je n'ai d'ailleurs pas assisté à cette réunion.
Ne laissez donc pas entendre que, dans l'Aveyron, il y aurait un entêté qui
refuserait vos propositions !
Je souhaite que nous tenions une réunion de travail. Vous avez proposé des
dates, vous les affirmez, vous les confirmez. Le décret sera publié au cours du
second semestre de 2001, si j'ai bien compris, et vous dites qu'on pourra
rouler sur le viaduc le plus haut du monde en 2003, qu'il va être construit sur
deux kilomètres et demi avec des dizaines de piles dont deux supérieures à 300
mètres de haut. Les élus aveyronnais ont besoin d'informations pour gérer cette
période-là. Mais tout le monde sait très bien que ce ne sera pas possible. Vous
avez prévu vous-même, dans le cahier des charges que vous avez transmis aux
groupements soumissionnaires, dont nous n'avons pas pu avoir communication,nous
élus,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
On n'a pas le
droit !
M. Jean Puech.
... quatre ans pour la réalisation de l'ouvrage. Cela signifie que le viaduc
sera achevé en 2005-2006 seulement ; c'est un problème d'une autre
dimension.
Monsieur le ministre, je vous le répète sans entêtement, je souhaite qu'ait
lieu une réunion de travail, que vous nous receviez, que vous répondiez aux
questions écrites, qui paraissent au
Journal officiel !
Quel dédain pour
la représentation nationale ! J'ai réitéré mes questions, sans obtenir de
réponse. J'ai écris au Premier ministre, sans obtenir non plus de réponse. On
n'a jamais vu cela !
Monsieur le ministre, je suis ouvert à la discussion avec un représentant du
Gouvernement sur ce sujet, essentiel pour le département que je représente.
M. le président.
La parole est à M. Collin, au nom du groupe du Rassemblement démocratique et
social européen.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
m'associe, bien entendu, à l'hommage qui a été rendu à M. Lambert, président de
la commission des finances, d'avoir proposé ce débat interactif, sans doute
plus vif, plus intéressant que le débat traditionnel.
Monsieur le ministre, parmi les fascicules budgétaires que nous examinons
aujourd'hui, je souhaiterais concentrer mon propos sur le problème de la
sécurité routière, car c'est un sujet qui préoccupe les pouvoirs publics et
l'ensemble de nos concitoyens en raison, bien sûr, des drames, hélas ! de la
circulation.
En effet, tout le monde connaît ce chiffre terrible de 8 000 morts par an sur
les routes françaises, dont un quart sont âgées de dix-huit à vingt-quatre ans.
Ce bilan très lourd est difficile à supporter et nous sommes tous conscients
qu'il ne s'agit pas là d'une fatalité.
Dans les années soixante-dix, il faut le rappeler, car on l'a un peu oublié,
la route tuait près de 14 000 personnes. Aujourd'hui, alors que le parc
automobile et la circulation se sont considérablement accrus, le nombre
d'accidents a diminué. Les politiques publiques en la matière ne sont donc pas
vaines. On peut s'en réjouir, mais il faut aller plus loin.
L'idéal du zéro victime est malheureusement inconcevable. Mais le Gouvernement
doit inlassablement chercher à atteindre l'objectif fixé en 1997 et qui
consiste à réduire le nombre de victimes par deux. C'est pourquoi la politique
de sécurité routière mérite un effort budgétaire important.
En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2001, on peut se réjouir
de l'augmentation des crédits qui y sont consacrés, puisque, par rapport à
l'année 2000, ils progressent de 12,4 % en crédits de paiement et de 11,55 % en
autorisations de programme. Depuis quatre ans, le sécurité routière est
redevenue une priorité nationale, on peut s'en féliciter.
On peut également se féliciter des moyens croissants accordés à l'entretien
des routes et à l'amélioration des conditions de sécurité des tunnels alpins.
Si la sécurité routière est une affaire de comportement, la qualité des
infrastructures est tout aussi essentielle.
S'agissant du volet répressif, bien qu'il ne concerne pas directement le
budget des transports, mais plutôt les budgets des ministères de l'intérieur et
de la défense, je signale que l'augmentation des unités de gendarmerie
affectées à la sécurité routière s'inscrit dans la ligne d'une détermination
forte en faveur de la lutte contre les accidents de la route.
Les moyens affectés à la communication et à la formation doivent eux aussi
continuer à jouer leur rôle en faveur de la présention et de l'infléchissement
des comportements. Les accidents relèvent essentiellement de la responsabilité
individuelle ; la pédagogie est, par conséquent, un outil important de la
sécurité routière.
En tant qu'élu local, je me réjouis également des crédits accordés aux
collectivités territoriales. Les accidents de la route représentent, en effet,
pour les maires de petites communes, des drames de proximité auxquels ils
doivent faire face ; ils doivent surtout anticiper, avec des moyens adaptés aux
problématiques locales.
Conformément à la nouvelle procédure budgétaire, je souhaiterais connaître
votre avis, monsieur le ministre, sur deux axes, dont l'un est envisagé dans le
cadre de la grande cause nationale que je viens d'évoquer, l'autre est déjà
engagé au niveau européen.
Le premier risque de susciter des grincements de dents bien qu'il s'agisse
d'une pratique qui a cours chez certains de nos voisins européens et qu'il soit
donc normal d'en parler. Au Danemark, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Italie
et aux Pays-Bas, la durée du permis de conduite est limitée et, selon
différents dispositifs, le renouvellement est soumis à un contrôle de
l'aptitude physique et intellectuelle des conducteurs.
Dans notre pays, ce procédé peut sembler attentatoire aux libertés : le permis
est devenu un droit banal, puisque 77 % de la population en âge de conduire l'a
obtenu.
Toutefois, parce que ce permis implique des obligations aussi fondamentales
que le respect de la sécurité d'autrui, il est opportun d'imaginer, dans le
prolongement du permis à point, un système prévoyant des contrôles tout au long
de la vie.
Le second axe, vous l'avez évoqué, monsieur le ministre, à l'occasion de la
présentation des priorités de la présidence française de l'Union européenne
dans le domaine des transports : il s'agit de la prévention des accidents de la
route.
En Europe, les accidents de la route, c'est 100 000 morts par an. Le sujet est
donc également crucial pour l'ensemble de la Communauté européenne.
Vous avez à ce titre parlé d'un texte législatif pour adapter des limiteurs de
vitesse pour les véhicules de 3,5 tonnes et d'études préalables pour
l'installation prochaine de limiteurs-avertisseurs de vitesse sur lesvéhicules
légers.
Nous avons adopté, l'année dernière, une loi sur la sécurité routière. L'une
de ses principales mesures a consisté à créer un délit en cas de récidive de
dépassement de grande vitesse. Et lorsque l'on sait que la vitesse est en cause
dans 48 % des accidents mortels, il est naturel de songer à une solution
technique dans le cadre d'une politique de sécurité routière.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je partage tout à fait votre analyse quant à la nécessité de
poursuivre la lutte contre l'insécurité routière.
S'agissant de votre première suggestion, j'attire votre attention sur
l'expérience personnelle de chacun d'entre nous : si des altérations physiques
peuvent parfois intervenir avec l'âge - la baisse de la vue, par exemple -
elles sont souvent compensées par l'adaptation des comportements des
conducteurs.
Je relève d'ailleurs que les assureurs appliquent les surprimes en fonction du
nombre d'accidents et de l'inexpérience des conducteurs novices, et non de
l'âge. Il faut bien étudier les faits. Ce sont le plus souvent les jeunes qui
sont impliqués dans les accidents de la circulation.
Sachez cependant que je ne nie pas le problème que vous avez évoqué.
Dans plusieurs pays de l'Union européenne, la réglementation des permis de
conduire de la catégorie B prévoit un contrôle médical pouvant déboucher sur
des restrictions sur les trajets autorisés ou la conduite de nuit.
En France, lorsque le préfet a connaissance d'une incompatibilité possible
entre l'état physique d'un conducteur et le maintien du permis de conduire, il
peut prescrire un examen médical dont il tirera les conséquences.
La France participe d'ailleurs aux réflexions communautaires sur ce sujet, qui
doivent s'appuyer, vous en conviendrez, sur des études approfondies.
Je confirme que la France a obtenu, lors du Conseil des ministres des
transports de l'Union européenne le 26 juin 2000, que sa demande relative aux
limiteurs de vitesse modulables par le conducteur soit prise en compte. Une
étude sera réalisée sur les effets et les moyens de rendre obligatoire
l'installation de ces limiteurs de vitesse sur tous les véhicules, en plus de
l'obligation d'un limiteur de vitesse pour tous les véhicules de plus de 3,5
tonnes. Je souhaite que le Parlement européen, qui se prononcera prochainement,
retienneces deux mesures.
Le comité interministériel du 25 octobre dernier a par ailleurs décidé qu'à
partir de 2002 l'administration achètera des véhicules équipés de ce
dispositif. Il sera procédé à une évaluation de l'usage qu'en font les
conducteurs et des répercussions sur leur comportement.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre, au nom du groupe communiste républicain et
citoyen.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le ministre, intermodalité, développement durable du territoire,
paquet ferroviaire européen, extension des garanties sociales des travailleurs
des transports, engagements de l'Etat font partie des questions que l'on peut
naturellement poser à l'occasion de ce débat budgétaire.
Par ailleurs, l'année 2000 est marquée par les conflits des transporteurs
routiers dénonçant leurs conditions de travail et l'action des cheminots, qui
manifestent leur inquiétude face à la négociation européenne.
Monsieur le ministre, je vous sais attentif aux craintes en même temps qu'aux
aspirations portées par ces mouvements, qui expriment, à n'en pas douter, un
certain malaise et mettent en évidence les énormes besoins sociaux de ce
secteur.
Pour cette raison, on ne peut que regretter que le Gouvernement ait programmé
une réduction du budget des transports terrestres de 1,4 %, même si ce budget
demeure important avec 48,4 milliards de francs.
A contrario
, on ne peut que se féliciter de l'ordre des priorités :
développement des transports collectifs, ferroviaires et urbains.
L'augmentation non négligeable des autorisations de programme, qui atteignent
4,4 milliards de francs, rend compte de cette préoccupation. Cela favorisera la
décongestion des villes et de certains axes routiers aujourd'hui saturés.
Ainsi, en Ile-de-France, le trafic de la SNCF et de la RATP, avec la démarche
qualité et le tramway, est en nette progression.
En province, l'effort en matière de nouvelles infrastructures n'est pas
négligeable. Les nouvelles autorisations de programme confirment la poursuite
du plan de modernisation des équipements et de développement de
l'intermodalité, par l'extension heureuse du versement transport.
A fortiori,
comment ne pas se féliciter du développement du fret
ferroviaire ? On ne peut que souhaiter qu'il se développe encore davantage, car
chacun est conscient qu'il contribue à la protection de l'environnement et au
renforcement de la sécurité routière, en particulier lorsqu'il s'appuie sur
l'intermodalité.
Sans nier l'importance du transport routier pour le développement économique,
le transport ferroviaire de marchandises constitue une solution pour réduire la
pollution atmosphérique et le bruit et économiser sur le coût des
infrastructures et de l'énergie.
Au-delà de la qualité de nos réseaux autoroutiers, il devenait urgent de
redoubler d'effort en matière de fret ferroviaire.
C'est la tâche que vous vous êtes assignée, monsieur le ministre. Nous vous
soutenons pleinement.
Le rail a regagné des parts de marché par rapport à la route : le trafic
ferroviaire a augmenté de 9 % en un an.
Cette amélioration n'en demeure pas moins fragile, car l'avantage
concurrentiel du transport routier réside dans la faiblesse des coûts supportée
en dernière instance par la collectivité quant à la pollution, aux
infrastructrures et à l'insécurité routière.
Elle s'explique aussi par l'accroissement de l'intensité du travail, par des
salaires trop bas, autrement dit par une détérioration des conditions de
travail dans le transport routier que des conflits répétés mettent en
évidence.
La négociation européenne menée ces derniers temps sous la présidence
française du Conseil des ministres et l'adoption ces jours derniers d'un très
important « paquet » social suffiront-elles à modifier les mauvaises habitudes
prises dans ce secteur, qui sont dans le droit-fil des directives européennes
et de la déréglementation ?
Ces questions essentielles appellent débat et réponse de votre part, monsieur
le ministre.
J'ajoute que, selon nous, la programmation d'investissements lourds pour
développer les infrastructures trans-européennes et l'intermodalité s'impose.
Dans un contexte d'orthodoxie budgétaire où l'essentiel de l'accroissement des
recettes est consacré à la réduction du déficit budgétaire et à la baisse des
impôts, le financement de tels travaux relève de la quadrature du cercle.
Devons-nous y consacrer une part des excédents du budget de l'Union européenne
?
Pour en revenir à la France, alors que, pendant vingt ans, 1 000 milliards de
francs ont été investis dans le développement des infrastructures routières, ce
ne sont que 300 milliards de francs qui ont été consacrés aux infrastructures
ferroviaires. Autant dire que le retard accumulé est énorme, le vieillissement
du parc des locomotives en témoigne.
Nous approuvons le plan de modernisation du matériel de la SNCF, qui va se
traduire par la commande de 300 nouvelles locomotives électriques et de 120
locomotives Diesel.
Nous pensons qu'il faut aussi, parallèlement, investir dans les hommes et dans
leur formation.
Ce plan de modernisation est la condition
sine qua non
du maintien des
parts de marché au niveau actuel pour le fret ferroviaire. Il est aussi porteur
de développement et d'emplois pour toute la filière, ce qui ne peut que
consolider et conforter la croissance.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger également sur les
conditions de financement de ce plan, qui, à la lecture du projet de budget,
n'apparaissent pas clairement.
Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur les moyens financiers prévus
à cet effet pour cette année et tracer quelques perspectives pour les années
qui viennent ?
Ajoutons encore que, pour indispensables qu'elles soient, ces ambitions ne
suffiront pas à elles seules à assurer le rétablissement d'un équilibre entre
le fer et la route, s'il n'est pas relayé par un plan d'envergure à l'échelon
européen.
La France a fait preuve de nombreuses et originales initiatives dans ce
domaine.
Des accords de coopération entre plusieurs compagnies européennes de chemins
de fer ont pu être conclus.
La mise en place des « corridors de fret européen » comme le corridor
BELIFRET, résultat d'un premier accord, en novembre 1997, entre les chemins de
fer belges, luxembourgeois et italiens, a été étendu en vertu d'un second
accord, en février 1998, concernant, au sud-ouest, l'axe Marseille, Barcelone
et Valence, et, au sud-est, Milan.
Au vu du développement du trafic, qui est estimé à plus de un million de
tonnes en 2000, soit plus de 40 % en un an, les accords de coopération de ce
type méritent d'être développés.
On ne peut que se féliciter de ces initiatives françaises, qui préservent et
dynamisent les chemins de fer français. D'autres projets sont-ils à l'ordre du
jour, monsieur le ministre ?
Je ne saurais finir mon intervention sans parler des transports fluviaux.
De par leurs coûts, les transports fluviaux participent à la régulation
intermodale des réseaux de communication. Des efforts importants méritent d'y
être consacrés.
Quelles sont les perspectives de développement de ce mode de transport ? Où en
est-on, par exemple, en ce qui concerne le tracé et la réalisation de la
liaison Seine-Nord, à laquelle les responsables de la région Nord -
Pas-de-Calais sont tellement attachés ?
Monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir répondre aux
interrogations dont je viens de vous faire part.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicains et
citoyen.)
M. le président.
Mon cher collègue, il y avait beaucoup de questions dans votre intervention !
(Sourires.)
J'ai cru entendre tout à l'heure qu'il fallait laisser au ministre le plus de
temps possible pour répondre.
(Nouveaux sourires.)
M. Pierre Lefebvre.
C'est peut-être le système qui n'est pas bon !
M. le président.
Je ne le crois pas !
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, il faut reconnaître que vous avez à la fois posé de nombreuses
questions sur le budget des transports terrestres et exprimé votre sentiment
sur les perspectives.
Je comprends d'autant mieux votre démarche que la politique du Gouvernement en
faveur des transports terrestres s'inscrit non seulement dans le présent, mais
aussi dans le court, le moyen et le long terme.
Il faut changer la donne en ce qui concerne les différents modes de
transports, sinon nous allons à l'asphyxie. C'est pourquoi le développement du
réseau et du trafic ferroviaires est une nécessité.
Lorsque j'ai proposé de doubler le trafic ferroviaire en dix ans, cela en a
fait sourire quelques-uns. Pourtant, depuis le début de l'année, le trafic a
augmenté de 8 % dans notre pays.
On voit bien que le besoin est en train de croître ; il faut maintenant que
les conditions matérielles et personnelles correspondent, et que les
investissements nécessaires soient réalisés pour supprimer les goulets
d'étranglement. S'agissant de la création d'un réseau ferré de fret européen,
la décision, qui est maintenant pratiquement actée, notamment grâce à des
financements européens, permettra de réduire les goulets d'étrangement. On sait
qu'il y en a plusieurs. Je pourrais vous parler de Lyon, de Nîmes, de
Montpellier, de Bordeaux, etc. On trouve des exemples dans chaque région !
Telle est notre démarche. Il nous faut maintenant améliorer la qualité du
service, notamment pour le transport de marchandises.
L'achat de 420 locomotives est en deçà de l'objectif visé de 600, et je
rappelle qu'il s'agit de locomotives pour le transport de marchandises.
Aujourd'hui, on ne les a pas. Il faut donc en commander tout de suite 120 pour
aller vers cet objectif de 420 locomotives.
Vous avez évidemment repris les propos de MM. les rapporteurs en ce qui
concerne le budget. Je vous répète, monsieur le sénateur, que le budget des
transports terrestres s'élèvera à 51,9 milliards de francs au lieu de 50,7
milliards de francs en 2000.
En ce qui concerne les crédits consacrés au fluvial, que vous avez évoqués -
je crois aussi au fluvial - ils auront augmenté depuis 1997 de près de 60 %.
J'ai répondu tout à l'heure sur la nécessité de réaliser cette liaison
Seine-Nord, qui va de Dunkerque-Escaut à Paris en passant par l'Oise-aval,
Rouen et Le Havre. Il faut que tout le territoire profite des crédits. Des
investissements sont déjà prévus et même engagés dans le cadre des contrats de
plan pour l'Oise-aval et pour Dunkerque-Escaut. Dans les prochains mois, à
l'occasion des discussions relatives aux schémas de services collectifs - les
préfets, qui organisent la concertation, donneront leur avis d'ici au mois
d'avril 2001 - la question du tracé sera bien entendu évoquée pour la partie
centrale.
Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos questions, mais voilà l'état
d'esprit dans lequel nous travaillons.
Alors que j'étais député depuis déjà une quinzaine d'années, j'ai assisté
comme vous au déclin du service ferroviaire, qu'il s'agisse du transport
marchandises ou du transport voyageurs hors TGV - car le TGV se développait et
c'était une bonne chose - au profit de la route ! Si le développement du trafic
routier continuait au même rythme qu'alors, ce serait aujourd'hui l'asphyxie
!
Vous avez dit qu'il existait des projets importants prouvant qu'il était
possible de trouver des solutions, et vous avez cité des exemples. Il y a bien
sûr l'Eurostar, le Thalys, mais il y en aura d'autres. Sur toute la côte
méditerranéenne, par exemple, nous allons faire en sorte que l'écartement des
voies soit le même, que ce soit en Italie, en France, en Espagne, ce qui sera
très intéressant tant pour les déplacements des voyageurs que pour
l'acheminement des marchandises.
Il faut également absolument faire le Lyon-Turin. Tout cela représente des
investissements considérables, mais il faut les réaliser car, comme je l'ai dit
tout à l'heure, chaque fois que ce sera possible, mieux vaut mettre les camions
sur des trains que les laisser circuler sur la route, surtout quand cette
dernière est déjà trop engorgée !
M. le président.
La parole est à M. Bellanger, au nom du groupe socialiste.
M. Jacques Bellanger.
Nous nous félicitons de la volonté du Gouvernement de promouvoir le service du
transport ferré de marchandises. Monsieur le ministre, vous venez encore de le
réaffirmer.
La création de corridors européens devra s'inscrire dans cette perspective.
Les principaux flux d'échanges s'organisent aujourd'hui bien au-delà des
différents territoires nationaux. A des trafics nouveaux dans une économie
moderne doivent correspondre des normes nouvelles communes à toute l'Europe,
dans le domaine tant du matériel que de la sécurité, ainsi que de nouvelles
infrastructures adaptées à ces règles, à ces nouveaux corridors, à ces besoins
nouveaux de tous ordres : flux tendus, ferroutage, et j'en oublie. L'Europe, la
France notamment, ont, de surcroît, choisi le développement durable, impliquant
des contraintes supplémentaires. Ces nouvelles obligations, ces nouveaux choix,
monsieur le ministre, nous imposeront des investissements lourds, rapides et
importants. Vous venez de le rappeler, ilsseront considérables.
L'histoire des chemins de fer nous démontre déjà que les amortissements de ces
investissements sont à très longs termes et aléatoires pour des capitaux
purement privés. En ce domaine, le libéralisme est donc une voiesans issue.
Le développement durable accentue cette caractéristique. L'expérience récente
du tunnel sous la Manche est un exemple concret de cette réalité. Dans ces
conditions, il nous faut trouver un compromis entre l'investissement privé,
l'investissement public à très long terme, les subventions d'Etat et/ou
européennes et les interventions économiques des collectivités locales, parmi
lesquelles seules, sans doute, les régions auront la taille suffisante.
Quels sont, monsieur le ministre, les outils appropriés dont dispose le
Gouvernement ou qu'il envisage de créer pour ce type d'investissement, dont le
meilleur exemple me semble sans doute aujourd'hui la liaison Lyon-Turin et
quelles en sont les traductions budgétaires ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Votre question,
monsieur le sénateur, participe de l'idée qu'il faut changer la donne dans le
domaine des transports en général, des transports terrestre et ferroviaire en
particulier, ainsi que du transport combiné. Ce dernier ne recouvre pas
simplement les transports ferroviaire et routier. Il regroupe tous les
modes.
Ce problème du transport combiné est particulièrement important en termes de
compétitivité dans l'hinterland de nos ports. Certains d'entre vous le savent
très bien, le Gouvernement s'efforce de trouver un équilibre entre les
exigences économiques, sociales et environnementales.
S'agissant du transport de marchandises - j'en ai parlé longuement en
répondant tout à l'heure aux rapporteurs - nos concitoyens veulent une
répartition nouvelle en faveur de modes plus respectueux de l'environnement et
de la sécurité, y compris plus économes du point de vue de la consommation
d'énergie, car cette dimension doit également être prise en compte. C'est bien
dans cette direction que s'inscrit la politique que, depuis 1997, je m'efforce
de mener au sein du gouvernement de Lionel Jospin. Elle exige d'importants
efforts financiers non seulement pour le ferroviaire, mais aussi pour les voies
navigables, si l'on veut qu'elles soient compétitives par rapport au transport
routier.
Le transport combiné rail-route a connu des difficultés l'an dernier dues au
fait que nos voisins allemands avaient augmenté leurs tarifs. Or le transport
de marchandises est, par essence, si j'ose dire, international. Mais, depuis
les dix premiers mois de l'année, il a augmenté de 5 %. Ce sont 14 milliards de
tonnes par kilomètres qui ont été transportées, soit pratiquement le quart du
transport ferroviaire de fret, proportion qui est très importante..
Il faut l'accroître encore et améliorer la qualité des services offerts aux
chargeurs, je pense par exemple à la vitesse moyenne du transport de
marchandises.
Il est bien évident qu'il faut gagner du temps, en supprimant, j'en parlais,
les goulets d'étranglement et, surtout, en favorisant l'interopérabilité à
l'échelle européenne. Car vouloir faire un réseau européen, c'est bien, à
condition de ne pas avoir six courants électriques différents ou différents
écartements de rails !
On a réalisé un tunnel sous la Manche. Les camions, qui sont placés sur le
train avant l'entrée du tunnel, reprennent la route à sa sortie. Mais, beaucoup
d'entre eux allant au même endroit - je pense à la région parisienne - pourquoi
ne pas les laisser sur le train ? La réflexion que nous devons avoir sur la «
route roulante » est intelligente et particulièrement intéressante pour les
endroits sensibles. C'est évident pour les traversées pyrénéennes ou alpines,
mais ce système peut être développé sur d'autres. Certes, cela nécessite des
efforts.
Des engagements sont proposés pour le transport combiné rail-route : 620
millions de francs pour compenser le différentiel de coûts externes entre le
rail et la route et 120 millions de francs pour financer des
infrastructures.
Monsieur le sénateur, je crois comme vous qu'il faut trouver des moyens et
s'engager dans des projets si nous voulons éviter les difficultés que nous
connaissons aujourd'hui en matière de circulation. Le temps presse !
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, au nom du groupe du RPR.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, je veux vous poser trois questions.
La première concerne un problème qui a déjà été évoqué cet après-midi. Depuis
les conclusions que nous avons rendues sur le fret ferroviaire avec le
président François-Poncet voilà maintenant près de trois ans, où en sommes-nous
?
Pour 1999, le fret, quoi qu'on en dise ici, a continué à stagner à 134
millions de tonnes exactement. En nombre de tonne-kilomètre, nous avons
régressé. Alors que vous nous aviez annoncé un doublement en dix ans, voilà
déjà deux ans de perdu ! Vous nous annoncez maintenant un doublement en six
ans. Très concrètement, où en sommes-nous s'agissant des 620 locomotives ?
Quelles sont, pour le fret, les perspectives en tonnes pour 2001 et 2002 ? Nous
voulons le savoir pour que vos paroles ne s'envolent pas avant que vous
n'arriviez à Béziers !
Ma deuxième question porte sur les transports en Ile-de-France, où des
centaines de milliers de voyageurs galèrent au quotidien !
Hier soir, vous avez pu mesurer, en visitant la gare de la Bibliothèque
nationale de France avec M. Huchon, que la situation ne cesse de se dégrader
depuis deux mois. Je prendrai l'exemple des transports ferrés dans mon
département, les Yvelines.
Depuis la rentrée, la situation est la plus mauvaise connue depuis des années
: chute de caténaires, patinage de trains sur les feuilles, pannes de systèmes
de communication et de motrices, et je ne parle pas des rames sans chauffage,
des jours de grève, des drames personnels sur la voie et de l'insécurité !
La semaine passée - la SNCF vient d'ailleurs de présenter ses excuses - sur la
ligne Paris-Montparnasse - Rambouillet, 40 % des voyageurs ne savaient pas
quand ils partiraient ni quand ils arriveraient ! Une même journée, sur la même
ligne et pour trois trains, les voyageurs ont changé quatre fois de train pour
faire 51 kilomètres !
Alors le doute s'empare de tous. Les questions pleuvent sur la sécurité des
infrastructures et des matériels. Ce n'est plus supportable. La SNCF parle de «
transilien » mais elle met quatre mois pour faire réparer des trous et des
fissures dans le quai principal d'une gare comme la mienne, malgré deux rappels
!
Voilà des questions concrètes, monsieur le ministre !
Le milliard de francs supplémentaire annoncé pour les transports publics en
Ile-de-France, c'est en fait une dotation de l'Etat qui baisse de 3,7 %.
Comment, dans ces conditions, crédibiliser le plan de déplacement urbain si
cher à Mme Voynet et à vous-même, plan qui prévoit que 2 % des conducteurs
d'automobile abandonnent leur auto pour les transports collectifs ? C'est
pourtant bien l'objectif que vous vous êtes fixé.
On chuchote d'ailleurs de source interne à la SNCF qu'une partie des motrices
manquantes sont parties au fret.
A quand, concrètement, la solution pour lever les étranglements de Versailles
Chantiers-Viroflay entre Mantes-la-Jolie et Paris ?
A quand les investissements en matériel et la fameuse liaison d'information
train-bus qui n'en est qu'au stade expérimental à Saint-Quentin-en-Yvelines
?
Ma troisième question quittera l'Ile-de-France pour aller dans la banlieue de
Londres. Qu'en est-il de la prise de risques financière que la SNCF a souscrite
avec votre autorisation pour 10 milliards de francs d'investissement en réponse
à l'offre Go Ahead en Grande-Bretagne ?
Alors que vous prônez le monopole en France, nous voici libéraux chez nos
voisins ! Ne vont-ils pas demander le légitime principe de réciprocité ? Est-ce
que nous pouvons subventionner, nous, des dizaines de milliards pour la SNCF et
RFF et nous en aller risquer ainsi de l'argent à l'étranger,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cela, ce sont
les Anglais qui le demandent !
M. Gérard Larcher.
... alors qu'il nous faut améliorer notre réseau en Ile-de-France, adapter nos
tunnels au fret, engager les fameuses voies dédiées au fret que nous
proposions, avec M. François-Poncet ?
Voilà, monsieur le ministre, des questions concrètes car telle est la vie
quotidienne de ceux que nous représentons. Ce sont des réponses à ces questions
que nous attendons et non le rappel des grands principes.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, il était assez plaisant d'entendre votre dernière suggestion car je
croyais entendre certains de mes collègues qui, en Angleterre ou ailleurs,
tiennent le même raisonnement. Ils me demandent comment j'accepte qu'une
entreprise comme la SNCF puisse répondre à leur appel d'offres et venir chez
eux alors qu'ils ne peuvent venir en France.
Mais pourquoi voulez-vous que nous refusions à une entreprise publique de se
rendre dans des pays qui prônent le libéralisme, notamment pour le secteur
ferroviaire, si elle est retenue après avoir répondu à un appel d'offres ? Au
nom de quoi le lui refuserions-nous ?
Ne pensez-vous pas que, moi aussi, j'ai peut-être intérêt à ce que les choses
se passent bien pour les voyageurs qui partent de Paris et passent sous la
Manche ? Ne croyez-vous pas qu'il est aussi de mon intérêt que tout se passe
bien pour eux, ensuite, jusqu'à Londres ? Pourquoi voulez-vous refuser cela à
la SNCF ? Il est certain qu'il faut mettre chaque fois en balance les risques
et les intérêts. Mais ne restez pas recroquevillé ! L'entreprise doit avoir
aussi une dynamique ! Je suis pour l'autonomie de gestion.
Au demeurant, il s'agit d'une prise de risques non pas par la SNCF, mais par
sa filiale Go Ahead, dont l'essentiel de l'apport est en compétences et non en
capital.
M. Gérard Larcher.
Eh oui !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais vous avez
raison de vouloir vous faire préciser le caractère de cette filiale !
En ce qui concerne la région parisienne, le problème des irrégularités est un
problème réel. Si vous aviez été présent, hier soir, à l'inauguration à
laquelle j'ai fait allusion, vous auriez entendu le président Gallois lui-même
tenir les mêmes propos que vous, rappeler toutes les mesures que l'on est en
train de mettre en oeuvre pour essayer de rétablir la situation. Sur la
question de la sécurité, il a fallu réhumaniser les gares. Je rappelle qu'en
région parisienne les politiques précédentes consistaient plutôt à tailler dans
le vif, à supprimer des emplois, à laisser les gares ouvertes certes, mais sans
personnel ! Je rappelle qu'il y a eu 87 000 cheminots en moins de 1984 à 1997.
C'était cela les politiques précédentes, et c'est ce que nous sommes en train
de corriger.
Vous ne pouvez pas faire porter à ce gouvernement-ci la responsabilité des
situations qui ont été créées avant et qui se sont traduites par un
affaiblissement à la fois humain, en matériels et en qualité, faute
d'investissements suffisants.
Ces deux dernières décennies, on peut le dire, le réseau voyageurs, notamment,
mais aussi le réseau marchandises ont connu un sous-investissement.
Or, dans le XIIe plan sont inscrits 6,47 milliards de francs. C'est environ 50
% de plus que dans le plan précédent. Je vous le dis parce que je ne voudrais
pas que vous restiez avec des idées fausses. Certes, vous pouvez considérer
qu'une augmentation de 50 % est insuffisante et qu'il faudrait 500 % de plus !
Mais moi, je vous dis que 50 % de plus, c'est une rupture, c'est une inversion
de tendance ! Au travers de cette augmentation, c'est notre détermination que
nous exprimons !
Qu'il soit prévu, dans les contrats de plan Etat-région actuels, de dépenser
dix fois plus en faveur du réseau ferroviaire que dans les précédents contrats,
c'est, je vous le dis, une rupture, et cette rupture correspond à un besoin de
la société et des élus.
Je vous assure, monsieur le sénateur, que chaque fois que vous contribuerez,
en tant que représentant de la nation, à la promotion de cette politique en
faveur du développement du transport collectif, en particulier du transport
ferroviaire, vous me trouverez à vos côtés !
M. Gérard Larcher.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse extrêmement générale.
Les usagers quotidiens des lignes qui relient Mantes et Rambouillet à Paris
n'ont donc qu'à attendre le XIIe plan !
(Sourires.)
Je dois vous dire, pour prendre un exemple dans ce budget en très forte
croissance, que, lorsqu'il manque 100 000 francs pour boucher des trous sur le
quai principal d'une gare qui accueille 6 000 voyageurs, on n'a pas le
sentiment qu'il y a véritablement eu une rupture, si ce n'est une rupture
d'essieu ou une rupture des voies !
Ce que nous voulons, nous, c'est du concret : du concret sur le terrain, du
concret dans la réalité du transport des Franciliens. Tout le reste n'est que
paroles !
Pour avoir dialogué avec les consommateurs au sein d'un comité d'usagers qui
existe depuis cinq ans, je peux vous assurer qu'ils ne ressentent absolument
pas les effets bénéfiques de votre politique dans leur vie quotidienne !
En ce qui concerne la Grande-Bretagne, je dirai que, sans être contre les
engagements à l'étranger - j'ai pu les trouver bons en d'autres secteurs
d'activité - je pense qu'il y a d'autres priorités aujourd'hui face à l'urgence
de la situation.
M. le président.
La parole est à M. Madrelle, au nom du groupe socialiste.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
opérations les plus urgentes du XIIe plan ont fait l'objet, en Gironde, de
conventions de financement particulières pour assurer, sans aucune
interruption, la continuité des travaux engagés au plan précédent. Au premier
rang de ces opérations figure la RN 10 au nord du département de la Gironde.
Les médias se font désormais quotidiennement l'écho de l'insécurité effrayante
régnant sur cet « itinéraire européen » qui voit défiler des murs de camions
internationaux énormes alors que ses caractéristiques sont celles d'une route
paisible de l'entre-deux guerres. Les chaînes de télévision nationales se sont
elles-mêmes récemment emparées de ce sujet, dont le caractère dramatiquement
mortel occulte le côté ridicule que toute la France connaît désormais.
Ainsi, voilà quinze jours, sur TF 1, dans l'émission
7 à 8
du dimanche,
à l'heure de la plus grande écoute, a été diffusé un reportage fort bien fait
sur cette situation dramatique.
Mises en place par les services de l'Etat dans le cadre d'une opération de
sensibilisation que je soutiens, les silhouettes noires, figurant sur les
bas-côtés les victimes de l'insécurité de cette route, nous renvoient en pleine
figure la cruauté d'une situation insensée dont, visiblement, vos services
n'ont pas pris la pleine mesure.
A la fin du XIe Plan, nous avons été abasourdis d'apprendre que les
acquisitions foncières nécessaires à la réalisation d'un projet qui était censé
être établi depuis plus de six ans n'étaient pas encore réalisées.
Malgré les dispositions dont j'avais obtenues la mise en oeuvre, grâce à
l'action conjuguée de M. le préfet de la Gironde et de M. le président du
conseil régional d'Aquitaine, visant à garantir à la direction départementale
de l'équipement la disponibilité des crédits nécessaires à l'achèvement des
acquisitions foncières pour permettre enfin, selon les termes mêmes de vos
services locaux, « le traitement simultané des deux déviations de Marsas et de
Cavignac », malgré la volonté politique la plus déterminée de tous les acteurs
locaux, malgré la révolte chaque jour croissante des populations riveraines,
qui se demandent quel voisin, quel enfant, quel parent va mourir demain sur
cette route, malgré la volonté apparente du préfet, malgré cette mobilisation
générale, rien n'avance !
Ces carences désespérantes ne sont pas tolérables. J'avais déjà appelé votre
attention sur cet état de fait en juin dernier. Je constate que la situation
reste bloquée.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de prendre sans délai
les mesures qui s'imposent, désormais, avec la plus grande urgence.
Parmi celles-ci, je demande à nouveau l'interdiction totale de cet axe aux
poids lourds en transit, auxquels il faut imposer l'usage de l'autoroute A
10.
Les populations n'admettent pas - et elles ont raison - que ne soient pas
réglées les modalités d'application d'une telle disposition dont la prétendue
difficulté, souvent mise en avant, révèle avant tout le défaut de coordination
nécessaire à l'action cohérente des deux préfets de région concernés.
Il apparaît en effet désormais clairement que l'aménagement d'ensemble à deux
fois deux voies de cet itinéraire ne sera pas achevé avant de longues années.
Nous n'endurerons pas un tel calvaire ! Sitôt cet axe débarrassé des trafics de
fret au long cours, qui n'ont rien à y faire, une deuxième mesure immédiate
doit être mise en oeuvre : la mise en sécurité de la route actuelle aux points
les plus dangereux.
Vous avez, monsieur le ministre, maintes fois affirmé votre volonté de lutter
contre l'insécurité routière, et je sais que vous vous y employez. Vous en avez
ici une représentation dramatiquement caricaturale et je vous invite à
rétablir, auprès de nos populations nord-girondines la confiance qu'elles ont
perdue à l'égard des services de l'Etat, qui écrivent froidement que « l'appel
d'offres - fructueux - a été une première fois déclaré sans suite en avril 1998
en raison des acquisitions foncières inachevées et de la découverte d'un site
paléolithique, puis deux fois infructueux en 1999 ».
Il vous revient de nous en donner les garanties en prenant les mesures
d'urgence qui s'imposent aux yeux de tous et en ordonnant à vos services
locaux, toutes administrations confondues, une évaluation humaine de la
situation : comment faire comprendre aux riverains qui tremblent jour et nuit,
aux parents qui pleurent, aux voisins qui se révoltent, aux chauffeurs des bus
scolaires qui, en traversant la RN 10 au niveau de Laruscade, jouent leur vie
et celle des enfants à la roulette russe, tous les jours, comment leur faire
comprendre que les travaux n'avancent pas parce qu'il faut procéder à de
longues fouilles archéologiques, parce que les services chargés de l'adaptation
du droit des sols sont surchargés, parce que les bureaux d'études sont
encombrés, que sais-je encore ?
Je vous demande, monsieur le ministre, de nous faire connaître les
dispositions concrètes que vous allez prendre. Nous attendons un calendrier de
réalisation, un échéancier précis de mise en service de la voie nouvelle et la
description des aménagements d'urgence que vous allez prescrire sur la route
existante, ainsi que les mesures de police que vous déciderez pour rétablir la
sécurité. Il s'agit vraiment d'une question de vie ou de mort !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous avez raison de mettre en avant toute ma détermination, qui ne
s'exerce pas seulement par des mots, en ce qui concerne l'insécurité
routière.
J'ai eu l'occasion de la manifester assez fortement sur cette RN 10 quelques
semaines après mon arrivée au Gouvernement, mais aussi par les choix qui ont
été opérés dans la partie située dans les Landes, vous le savez d'ailleurs,
monsieur le sénateur.
Je suis conscient comme vous, même si mon propos reste responsable, sur ce
qu'on peut faire et sur ce qu'on doit faire. Je suis conscient de l'insécurité
qui règne sur cette RN 10, surtout au nord de la Gironde, même si tout n'est
pas imputable à l'infrastructure.
Parfois, et j'attire votre attention sur ce point, à vouloir tout imputer à
l'infrastructure, on n'arrive plus à expliquer que l'essentiel des accidents
mortels se passent à quinze ou vingt kilomètres du domicile, que l'essentiel
des accidents mortels, notamment en ce qui concerne les jeunes, se passent
souvent dans la nuit du vendredi, du samedi ou du dimanche.
Parler de l'insécurité routière comme vous le faites, notamment à propos des
infrastructures, même si vous avez raison, ne doit pas nous faire oublier notre
responsabilité, à quelque niveau que nous soyons, sur la mobilisation de tous
les autres éléments pour faire reculer l'insécurité routière.
Par ailleurs, l'existence d'une route nationale gratuite mise progressivement
à deux fois deux voies parallèlement à une autoroute payante plus longue est
sûrement à l'origine des difficultés que nous connaissons. Bien des camions
préfèrent emprunter la route à deux fois deux voies gratuite plutôt que
l'autoroute payante, qui leur fait faire un détour.
Une question se pose alors : peut-on ou non instituer une obligation ?
Des mesures ont été prises au niveau de la région Poitou-Charentes. Pour ma
part, j'ai pris un certain nombre de décisions, que je me permets de vous
rappeler puisque vous avez dit que, à l'échelon des services de l'Etat, il ne
se passait rien.
En plus de la mise en sécurité de la RN 10 dans les Landes, financée à 100 %
par l'Etat, pour un montant de 1 320 millions de francs, les aménagements de la
RN 10 sont prévus dans les contrats de plan Etat-régions : 2,6 milliards de
francs ont ainsi été inscrits pour la sécurisation de cet axe avec, en
particulier, 1,3 milliard de francs pour la poursuite de la mise à deux fois
deux voies dénivelée dans la région Poitou-Charentes et 191 millions de francs
pour son achèvement dans la Gironde, au nord de Marsas.
Sur cette dernière section, concernant la déviation de Cavignac, la décision a
été prise de faire en même temps la déviation de Laruscade, les déblais de
l'une servant aux remblais de l'autre, ce qui réduit le coût des deux
opérations. Des acquisitions foncières étant encore nécessaires sur la
déviation de Laruscade, la déclaration d'utilité publique de l'opération sera
prorogée en début d'année pour permettre l'acquisition de l'ensemble des
terrains d'ici à la fin de l'été 2001. Les remembrements sont en cours ; le
nouvel appel d'offres sera lancé dans le courant du printemps 2001 et les
travaux pourront démarrer dès l'automne 2001, en vue d'un achèvement total en
2004. Les 190 millions de francs nécessaires à l'achèvement de l'opération
seront mis en place en complément des 122 millions de francs déjà mobilisés
pour achever cette opération dans les meilleurs délais.
Concernant l'interdiction de circulation des poids lourds de plus de 7,5
tonnes, il convient de souligner que la liberté de circuler sur les routes
nationales est un principe fondamental et que sa restriction ne peut être
envisagée que pour des motifs majeurs, au premier rang desquels figure la
sécurité, mais sur des sections réduites. Le préfet d'Aquitaine a limité les
conditions de circulation des poids lourds dans une section reconnue comme «
accidentogène », ce qui était moins le cas en Poitou-Charentes, comme je l'ai
dit tout à l'heure.
Soyez assuré que, conjointement avec les ministres de l'intérieur et de la
défense, je demanderai aux préfets une présence accrue des forces de l'ordre
sur cet axe dans le cadre des plans de contrôles routiers de 2001.
M. Philippe Madrelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le ministre, je vous demande de mettre vraiment la « pression » sur
vos services, parce que c'est une course de lenteur.
J'aurais pu vous parler également de la situation des aménagements de la RN
137, qui figuraient aussi au contrat de plan précédent et qui se trouvent
aujourd'hui dans une situation d'enlisement identique à celle que j'ai
stigmatisée à propos de la RN 10.
Cette route nationale, d'une dangerosité quasi égale, n'a reçu pour tout
traitement que la réfection de la couche de chaussée sur une courte section,
réfection qui a évidemment pour premier effet d'inciter les usagers à accroître
leur vitesse !
Comme pour la RN 10, je vous demande, monsieur le ministre, de donner à vos
services instruction de privilégier l'efficacité et la mise en oeuvre rapide
des aménagements indispensables au rétablissement de la sécurité sur cette
route nationale.
Sans négliger les nécessaires précautions à prendre à l'égard de
l'environnement, je souhaite vous sensibiliser au fait que, pour des travaux
d'aménagement de routes existantes comme la RN 137, dont personne ne comprend
qu'ils puissent être à l'origine de bouleversements écologiques, d'autant que
l'emprise reste la même, on devrait pouvoir faire l'économie de procédures
interminables pour privilégier ce qui nous paraît fondamental : la protection
des vies humaines. Le retard pris est tel que l'incompréhension de la
population est totale.
M. le président.
La parole est à M. Le Grand, au nom du groupe du RPR.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le ministre, j'aborderai trois problèmes.
Premièrement, le b.a.-ba de la sécurité routière, c'est l'apprentissage de la
conduite et la connaissance du code de la route. Or vous n'êtes pas sans savoir
que, dans toute la France, les exploitants d'auto-école et les inspecteurs
manifestent ou sont en grève. Les premiers demandent plus d'inspecteurs et,
tout comme les candidats, une amélioration des conditions d'accueil sur les
lieux de déroulement des épreuves du permis de conduire. De leur côté, les
inspecteurs souhaitent pouvoir bénéficier soit d'une voiture de service, soit
d'indemnités leur permettant de se rendre sur les lieux d'examen. Que
comptez-vous leur répondre ?
Deuxièmement, il faut, à l'évidence, permettre au transport routier de mieux
répercuter ses coûts sur ses tarifs et lui assurer un meilleur équilibre dans
les relations contractuelles. C'est à ce prix qu'il assainira les conditions
économiques de son activité, qu'il sera respectueux de la sécurité et de
l'environnement et que les chauffeurs jouiront de conditions de travail moins
pénibles. C'est aussi à ce prix qu'on fera cesser le dépavillonnement des
transporteurs.
Il s'agit d'une profession très éprouvée : quatre conflits en trois ans et
demi. Le dernier en date a permis d'apporter quelques solutions : ainsi, la
TIPP sera récupérée à raison de 35 centimes par litres en 2000 et de 25
centimes en 2001.
Or la Commission européenne vient de sonner le glas du carburant
professionnel.
Cette profession, déjà touchée par un dumping social et économique, va se voir
de plus ébranlée par un différentiel de fiscalité. Que pouvez-vous répondre,
monsieur le ministre, aux transporteurs routiers ?
S'agissant, troisièmement, du ferroutage et du transport ferroviaire des
marchandises, on peut faire les plus beaux discours, les plus enflammés, les
mieux documentés. Vous avez parlé tout à l'heure de six cent cinquante
locomotives. Dont acte ! Mais les rails continuent de faire défaut ! Vous nous
affirmez que vous allez les doubler en dix ans, voire en six ans. De toute
façon, ce sera encore insuffisant pour « définistériser » la France par rapport
à l'Europe en matière de fret.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu, répondant à mon collègue M. Puech,
vanter les mérites de la concession du viaduc de Millau. Vous avez aussi vanté
les avantages des concessions autoroutières, qui nous ont permis, voilà une
trentaine d'années, de construire un réseau autoroutier tout à fait convenable.
Ne pourriez-vous, suivant la même logique, aller jusqu'à la concession de
corridors ferroviaires de fret, ce qui nous permettrait de relier au moins les
ports entre eux, tout particulièrement ceux qui me sont le plus chers,
Cherbourg et Le Havre, en développant un hinterland et en permettant à ces deux
ports, situés plus à l'ouest que d'autres sur la Manche, qui voient passer 20 %
du trafic mondial, de tirer leur épingle du jeu parce qu'ils seraient ainsi
parfaitement reliés au reste de l'Europe ?
Monsieur le ministre, le bon geste que vous faites pour les autoroutes et que
vous allez faire pour Millau, faites-le aussi pour le rail !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, même si je brûle de vous répondre tout de suite sur votre troisième
point
(Sourires)
, je reprendrai chacun des thèmes de votre intervention
dans l'ordre que vous avez suivi.
Après l'augmentation du nombre des inspecteurs du permis de conduire dans le
budget de 2000 - trente postes supplémentaires -, le Gouvernement a retenu,
lors du comité interministériel de sécurité routière, la création de 230 postes
entre 2001 et 2003. Au budget de 2001, ce sont soixante-dix-sept nouveaux
postes qui sont inscrits. Cette augmentation de 30 % de leur nombre permet
d'améliorer les conditions de passage du permis de conduire et de renforcer le
contrôle des auto-écoles, avec l'accord de la profession.
Enfin, des mesures ont été prises pour favoriser l'amélioration des conditions
d'accès au permis de conduire des jeunes en difficulté, mesures qui revêtent
pour moi une importance particulière.
Quant aux auto-écoles, elles bénéficient du plan fiscal présenté par le
Gouvernement, en ce qui concerne tant les mesures spécifiques aux PME que
l'ajustement de la fiscalité pétrolière, qui profite à tout le monde.
J'ajoute que le décret sur la moralisation de la profession, qui a fait
l'objet d'un accord avec ses représentants, sera promulgué avant la fin de
l'année ; il était attendu depuis plus de quinze ans ! Les contrôles vont donc
s'intensifier.
S'agissant du transport routier de marchandises, la loi de février 1998 -
certains l'appellent la « loi Gayssot », mais c'est à tort puisque c'est une
loi de l'Assemblée nationale et du Sénat - révèle son efficacité en matière
d'assainissement des conditions d'exercice. Le « paquet social routier », qui
fait actuellement l'objet de discussions devant les instances communautaires,
viendra, je l'espère, ajouter d'autres effets positifs. J'espère, par exemple,
pouvoir obtenir l'interdiction de l'utilisation, par des entreprises
européennes et sur les routes européennes, d'une main-d'oeuvre venue de pays
tiers, et payée aux tarifs qui ont cours dans ces pays tiers. En ce qui
concerne la TIPP, qui est, vous le savez, déductible en 2000 et 2001, la
Commission a effectivement évoqué son intention de la supprimer. Mais nous
allons discuter. Il ne faut pas partir battu
a priori
! Je ne prétends
pas que je n'ai pas, moi-même, été un peu alerté, mais nous allons faire en
sorte que les conditions économiques et sociales de la profession soient
défendues.
Pour ce qui est des infrastructures ferroviaires, il appartient à Réseau ferré
de France de mettre en oeuvre les projets de modernisation et de
développement.
Plus fondamentalement, s'il peut être tentant de déroger aux attributions
fixées par la loi à RFF, dans l'objectif louable d'accélérer la réalisation de
nouvelles infrastructures qui mobilisent de lourds investissements, je crois
utile de vous apporter un certain nombre de précisions qui illustrent les
difficultés de la démarche.
Compte tenu des conditions de concurrence intermodale, le fret ferroviaire
n'est pas en mesure de rémunérer, il s'en faut, le coût des infrastructures.
Cela est vrai partout en Europe.
En Grande-Bretagne, on a privatisé, mais les travaux d'infrastructures sont
financièrement si lourds qu'il est impossible d'obtenir un retour sur
investissements ! L'ordre de grandeur de la capacité contributive du fret
ferroviaire est, en moyenne, de 10 %. C'est là une des explications majeures de
la mixité des lignes ferroviaires, situation très répandue. Dès lors, que le
mode de réalisation de lignes nouvelles pour le fret soit public ou privé,
l'essentiel du financement devra, à l'évidence, être public.
Pourquoi introduire un autre gestionnaire que RFF si 90 % des financements
doivent être publics ? D'autant que, comme l'ont montré, il y a quelques jours,
les débats de la première conférence européenne sur les infrastructures
ferroviaires, organisée par RFF, une partie des difficultés rencontrées en
Europe pour l'écoulement du trafic ferroviaire de fret réside justement dans
l'existence d'une multitude de gestionnaires d'infrastructures, qui ont du mal
à se coordonner, chacun ayant sa stratégie propre en matière de redevance
d'infrastructures.
Est-il souhaitable, dans ce contexte, d'ajouter encore d'autres gestionnaires
d'infrastructures, au risque de balkaniser le réseau ? Nous ne le pensons pas.
Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas dédier des lignes ferroviaires au
fret, qu'il ne faut pas faire des corridors. Le corridor BELIFRET, qui réunit
la Belgique, le Luxembourg, la France et l'Italie, bientôt rejoints par
l'Espagne, est quelque chose qui marche ! Or il s'agit d'entreprises publiques
faisant rouler des trains sur des infrastructures également publiques. En tout
cas, ce sont autant de tonnes de marchandises en moins sur la route !
Bien entendu, certains projets particuliers peuvent faire l'objet de montages
spécifiques. Je pense notamment aux projets internationaux comme la liaison
Perpignan-Figueras, entre la France et l'Espagne, ou le futur tunnel
ferroviaire transalpin Lyon-Turin, entre la France et l'Italie. Pour ces
projets transfrontaliers, les modalités de réalisation doivent être examinées
au cas par cas, dans le cadre d'accords internationaux entre la France etles
pays voisins.
M. Jean-François Le Grand.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le ministre, je ne pars jamais battu mais permettez-moi d'arriver un
peu déçu !
(Sourires.)
En ce qui concerne les inspecteurs, sachez que, dans le département de la
Manche, le délai atteint près de quatre mois entre deux examens, faute
d'inspecteurs. Alors, 77 de plus, c'est bien, mais c'est insuffisant pour
permettre le délai normal entre deux examens, soit quinze jours.
Sur le fret, monsieur le ministre, je suis un peu inquiet pour vous, car j'ai
l'impression que vous ne croyez plus en votre propre discours.
(M. le
ministre fait un signe de dénégation.)
Si vraiment le ferroutage est rentable, alors il y aura un retour sur
investissements, notamment sur les axes les plus importants.
Vous parliez tout à l'heure de BELIFRET. C'est l'un de ces axes que l'on
pourrait qualifier de milliardaire, comme on le disait des lignes aériennes
transportant des milliards de passagers. Cela prouve que des actions peuvent
être menées sous des formes diverses et variées grâce à l'investissement
privé.
Cela ferait autant d'investissements publics disponibles pour d'autres
secteurs et d'autres lignes qui, eux, ne sont pas
a priori
bénéficiaires. Vous auriez là l'occasion d'une péréquation intelligente qui
vous permettrait de doter l'ensemble de la France d'un réseau tout à fait
performant !
Mais, un jour, vous verrez, vous croirez à votre propre discours !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je suis d'accord avec vous : 77 inspecteurs, ce n'est pas suffisant.
C'est pour cela que nous avons prévu la création de 210 postes en trois ans,
chiffre que je rapproche du zéro enregistré, en termes de création de postes
d'inspecteur, de 1993 à 1997 !
M. le président.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de vous être prêté à ce
nouveau mode de discussion d'un budget. Naturellement, nous aurons, avec M. le
président de la commission des finances, à affiner le dispositif, mais je crois
que notre débat budgétaire a gagné en échanges ; il est plus interactif, comme
on dit aujourd'hui.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les
routes et la sécurité routière inscrits à la ligne « Equipement, transports et
logement » seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des
crédits affectés à la mer.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 1 213 286 420 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 214 404 732 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 11 119 112 000 francs ;
« Crédits de paiement : 5 346 588 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 18 352 298 000 francs ;
« Crédits de paiement : 7 243 682 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 60
bis,
qui est rattaché pour son
examen aux crédits affectés aux transports et à la sécurité routière, ainsi
que, en accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-16 tendant à
insérer un article additionnel après l'article 60
bis.
Equipement, transports et logement
Article 60 bis