SEANCE DU 4 DECEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 55
bis
. - Après l'article L. 5211-5 du code de la santé
publique, il est inséré un article L. 5211-5-2 ainsi rédigé :
«
Art. L. 5211-5-2
. - Il est institué au profit de l'Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé une taxe annuelle frappant les
dispositifs médicaux tels qu'ils sont définis à l'article L. 5211-1 et les
dispositifs médicaux de diagnostic
in vitro
mentionnés au 4° de
l'article L. 5311-1, mis sur le marché français. Elle est exigible des
fabricants, ou pour les produits importés hors de la Communauté européenne, de
leurs mandataires.
« Le taux de cette taxe est fixé par décret, entre un minimum de 0,15 % et un
maximum de 0,4 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé. La taxe n'est
pas exigible lorsque les ventes n'ont pas atteint, au cours de l'année civile
précédente, un montant hors taxes de 500 000 F.
« Une obligation de déclaration est instituée selon les mêmes conditions et
les mêmes pénalités que celles fixées aux premier et deuxième alinéas de
l'article L. 5121-18 pour les médicaments et produits bénéficiaires d'une
autorisation de mise sur le marché.
« La déclaration est accompagnée du versement du montant de la taxe.
« A défaut de versement, la fraction non acquittée de la taxe, éventuellement
assortie des pénalités applicables, est majorée de 10 %.
« La taxe est recouvrée selon les modalités prévues pour le recouvrement des
créances des établissements publics administratifs de l'Etat.
« Les modalités du présent article sont fixées par décret. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° II-39, MM. Adnot, Darniche, Donnay, Durand-Chastel, Foy,
Seillier et Turk proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° II-34, M. Huriet propose de rédiger ainsi la première phrase
du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 55
bis
pour l'article
L. 5211-5-2 du code de la santé publique : « Le taux de cette taxe est fixé à
0,15 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes réalisé. »
Par amendement n° II-41, M. Oudin, au nom de la commission des finances,
propose, à la fin du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 55
bis
pour l'article L. 5211-5-2 du code de la santé publique, de
remplacer la somme : « 500 000 francs » par la somme : « 5 millions de francs.
»
Par amendement n° II-22, M. Oudin, au nom de la commission des finances,
propose, au début du dernier alinéa du texte présenté par l'article 55
bis
, pour l'article L. 5211-5-2 du code de la santé publique, après les
mots : « Les modalités », d'insérer les mots : « d'application. »
La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° II-39.
M. Hubert Durand-Chastel.
Cet amendement vise à supprimer l'article 55
bis
qui crée, au profit de
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, une taxe assise
sur le chiffre d'affaires des fabricants de dispositifs médicaux.
Cette taxe aurait pour effet de produire une double distorsion de concurrence
au détriment, d'une part, de toute société installée en France et, d'autre
part, des petites sociétés qui seraient plus lourdement pénalisées que les
grandes.
En effet, les sociétés exerçant une activité similaire à partir d'un autre
Etat membre que la France, au sein de l'espace européen, pourraient fournir,
dans le cadre du marché unique, des produits concurrents estampillés «
Communauté européenne » à moindre prix dès lors qu'elles ne supporteraient pas
cette taxe.
L'objet du présent amendement est donc de ne pas pénaliser injustement les
sociétés exerçant en France et, en conséquence, d'éviter que celles-ci ne
quittent le territoire national pour bénéficier d'une facturation plus
avantageuse.
Par ailleurs, la disposition fiscale proposée instaurerait une disparité entre
les grosses sociétés qui ont les moyens de s'organiser pour faire exercer cette
activité en dehors de notre territoire, notamment en créant des plates-formes
de facturation dans un autre pays de l'Union européenne, et les plus petites
qui n'ont pas cette capacité.
M. le président.
La parole est à M. Huriet, pour présenter l'amendement n° II-34.
M. Claude Huriet.
L'article 55
bis,
qui résulte d'un amendement du Gouvernement adopté
par l'Assemblée nationale, institue, au profit de l'Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, une taxe annuelle sur les
dispositifs médicaux assise sur le chiffre d'affaires et dont le taux serait
fixé par décret entre un minimum de 0,15 % et un maximum de 0,4 % du chiffre
d'affaires réalisé.
Si le principe d'une telle contribution qui viendra conforter les ressources
propres de l'Agence est acceptable, cette nouvelle recette ne doit cependant
pas être un prétexte à un désengagement financier de l'Etat. Le fait qu'une
part significative des ressources de l'Agence, part qui ne devrait pas être
inférieure à 40 %, provienne de dotations budgétaires est en effet le gage de
son indépendance. Ce pourcentage, que nous avons évoqué à plusieurs reprises
lorsque nous avons discuté de l'Agence du médicament d'abord, puis de l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé ensuite, avait semblé
recueillir l'unanimité du Sénat.
Le dispositif technique proposé par l'article 55
bis
est, lui, très
contestable : on demande au législateur de voter le principe d'une taxe sans en
fixer le taux. Tout au plus sait-on que ce taux serait compris entre 0,15 % et
0,4 % du chiffre d'affaires, ce qui constitue une fourchette très large :
quasiment du simple au triple. Sachant que l'assiette de cette taxe se chiffre
en dizaines de milliards de francs, le rendement final pourrait être compris,
selon le taux retenu, entre 35 millions et 100 millions de francs.
C'est à la loi de fixer précisément le taux de cette contribution.
L'amendement que je propose fixe le taux à 0,15 % du chiffre d'affaires, taux
retenu, semble-t-il, par le Gouvernement dans ses simulations.
Je m'interroge, enfin, sur le montant de l'assiette de cette contribution.
Selon les informations en ma possession, le chiffre d'affaires de l'ensemble
des dispositifs médicaux s'élève à environ 40 milliards de francs par an.
Ainsi, le Gouvernement sous-estime l'assiette, et je n'en perçois pas les
raisons.
Certes, la taxe ne serait pas exigible lorsque les ventes sont inférieures à
500 000 francs, mais je doute que cette exonération suffise à expliquer cette
différence quant au rendement attendu de la contribution, soit 35 millions à 38
millions de francs.
J'aimerais donc que le Gouvernement indique précisément quel serait le
rendement attendu de cette taxe et à partir de quelle assiette ce montant
serait calculé.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre les amendements n°
II-41 et n° II-22 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements
n°s II-39 et II-34.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
La commission des finances n'a pas examiné les deux
amendements qui viennent d'être défendus, mais je crois pouvoir parler en son
nom, sous le contrôle de son président.
L'amendement n° II-39 vise à supprimer la taxe instituée au profit de
l'AFSSAPS alors que l'amendement n° II-34 et l'amendement n° II-41, que je
propose au nom de la commission des finances, visent à en réduire le taux et
l'assiette.
Ces trois amendements procèdent d'une même philosophie : limiter la
progression des prélèvements.
En fait, cet article 55
bis
soulève deux questions de principe.
Première question : les agences ont-elles besoin de ressources affectées ou
doivent-elles se contenter de subventions en provenance de l'Etat et de
l'assurance maladie ? Nous avons évoqué cette question au cours des débats
précédents et nous sommes convenus qu'il fallait un juste équilibre entre les
deux, seule solution permettant de conforter l'indépendance financière des
agences tant vis-à-vis de l'Etat que des industries qui les contrôlent. Il
serait dommage de créer des ressources affectées alors que l'Etat diminue sa
participation.
En fait, la critique que la commission des finances adresse, d'une façon très
générale, à la fiscalité affectée, c'est son absence de récapitulation dans le
budget de l'Etat. Mais nous pensons que la modification des dispositions de
l'ordonnance du 2 janvier 1959 nous permettra, à terme, de résoudre ce
problème.
Seconde question : à partir du moment où les professionnels doivent contribuer
par une taxe affectée à l'activité de l'Agence, cette contribution ne doit-elle
pas respecter le principe d'égalité ? Il n'y a pas de raison objective qu'un
secteur paie et pas un autre ! Or c'est ce qui se produit, puisque l'industrie
pharmaceutique acquitte plusieurs prélèvements, ce qui n'est le cas ni des
fabricants de dispositifs médicaux ni des entreprises de produits
cosmétiques.
Cette double question de principe me conduit donc, un peu à mon corps
défendant, à demander à M. Durand-Chastel de retirer son amendement au profit
de celui de M. Huriet et de celui de la commission des finances.
L'Agence a besoin de ressources propres en complément des subventions.
Quelques questions se posent que Claude Huriet a parfaitement cernées. Quelle
sera la base de cette nouvelle taxe ? Le Gouvernement l'estime à 28 milliards
de francs dans l'exposé des motifs, mais la profession évoque le chiffre de 40
milliards de francs.
Quel sera le taux retenu ? Le Gouvernement laisse au pouvoir réglementaire la
possibilité de le faire varier selon un rapport qui va presque de un à trois.
Je pense que cette fourchette est trop large et c'est pourquoi j'émets un avis
très favorable sur l'amendement de M. Huriet.
Je pense aussi qu'il faut exonérer de la taxe les petits fabricants de
dispositifs médicaux, qui sont nombreux. Je propose donc de relever le seuil
d'imposition à 5 millions de francs de chiffre d'affaires.
Je terminerai par deux souhaits, madame le ministre.
Le premier souhait est que vous procédiez à la clarification des taxes
diverses et variées dont bénéficie l'AFSSAPS. On en compte actuellement une
dizaine. Cela mérite manifestement une clarification.
Mon second souhait est que bientôt, grâce à la réforme de l'ordonnance
organique, l'état A retrace en prévision l'ensemble du produit de ces taxes
affectées.
Bien entendu, quand la commission des finances formule ce voeu, c'est qu'elle
souhaite que les taxes affectées dans le domaine social puissent être mieux
connues, mieux cernées, mieux déterminées, presque mieux maîtrisées.
Quant à l'amendement n° II-22, il vise à réparer une erreur matérielle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° II-39, II-34, II-41 et
II-22 ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'article 55
bis
, adopté
en première lecture à l'Assemblée nationale, vise à créer une taxe sur le
chiffre d'affaires sur les dispositifs médicaux afin d'instituer une cohérence
avec l'industrie du médicament.
Je me permets de rappeler au Sénat que l'industrie du médicament est soumise à
plusieurs taxes et redevances au profit de l'AFSSAPS, l'ensemble devant
rapporter en 2000 près de 218 millions de francs, soit beaucoup plus que le
rendement attendu en matière de dispositifs médicaux.
Au-delà de ce souci d'égalité avec l'industrie du médicament, je souhaite
revenir sur certaines de vos interrogations et sur celles de l'industrie.
Concernant le caractère discriminatoire de cette taxe, la rédaction que je
vous propose devrait permettre de pallier le risque de ne frapper que les
sociétés installées en France. En effet, l'utilisation des notions de fabricant
ou de mandataire pour les produits importés hors de l'Europe vise la personne
responsable de la mise sur le marché. Il n'y a donc aucune disparité selon que
le dispositif est importé ou non.
En outre, l'AFSSAPS pourra disposer de différents moyens pour identifier
l'ensemble des entreprises assujetties à la taxe : les éléments fournis dans le
cadre du contrôle national de qualité des laboratoires d'analyses et de
biologie médicale pour les diagnostics
in vitro ;
les informations
recueillies auprès des établissements de santé ou dans le cadre des inspections
; enfin, la base européenne EURAMED.
En conséquence, je donne un avis défavorable sur l'amendement n° II-39.
J'indique tout de suite que le Gouvernement est favorable à l'amendement
rédactionnel n° II-22 proposé par la commission.
Pour ce qui est du taux de la taxe et des seuils d'exonération, j'aimerais
rappeler plusieurs points.
D'une part, il n'y a pas de lien nécessaire entre le montant demandé et
l'activité de l'Agence, la taxe n'étant pas affectée mais participant au
financement de son fonctionnement général.
D'autre part, la fixation du taux ne doit pas nécessairement dépendre de la
loi.
S'agissant de l'amendement n° II-34, je dirai à M. Huriet que les hypothèses
sur lesquelles travaillaient mes services étaient plus proches du montant bas
de la fourchette, soit 0,15 %, que du montant haut établi à 0,4 %.
S'agissant de l'amendement n° II-41, je suis prête à remonter le seuil
d'exonération.
En conséquence, sur ces trois amendements, je m'en remettrai à la sagesse de
la Haute Assemblée.
M. le président.
Monsieur Durand-Chastel, l'amendement n° II-39 est-il maintenu ?
M. Hubert Durand-Chastel.
Ainsi que m'en a prié la commission, je le retire au profit de l'amendement n°
II-34.
M. le président.
L'amendement n° II-39 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-34.
M. Louis Boyer,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer,
rapporteur pour avis.
Je voudrais simplement rappeler quelle a été la
position de la commission des affaires sociales sur cet article.
La commission a accepté le principe d'une telle contribution, qui viendrait
conforter les ressources propres de l'AFSSAPS. Elle a cependant rappelé que
cette nouvelle recette ne devrait pas être un prétexte à un désengagement
financier de l'Etat.
La commission a, en outre, considéré que le dispositif proposé par l'article
55
bis
soulevait des problèmes juridiques dès lors qu'il était demandé
au législateur de voter le principe d'une taxe sans en fixer le taux. Mme le
ministre vient de répondre à cet argument.
La commission ne s'est naturellement pas prononcée sur les amendements de nos
collègues Claude Huriet et Jacques Oudin, mais je peux dire qu'à titre
personnel je les voterai car ils répondent parfaitement aux interrogations que
la commission des affaires sociales avait soulevées.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-34, accepté par la commission et pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-41, pour lequel le Gouvernement s'en remet
à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 55
bis,
modifié.
(L'article 55
bis
est adopté.)
Article 56