SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Vallet,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, la sécurité a été élevée au rang de deuxième
priorité du Gouvernement. Cette préoccupation quotidienne et majeure de nos
concitoyens - bon nombre d'entre eux considèrent en effet, nous l'avons
constaté à l'occasion du congrès des maires, qu'elles est maintenant plus
importante encore que les problèmes de l'emploi - mérite l'attention
particulière des responsables de la nation. C'est à l'aune de cette importance
que je souhaite vous présenter les crédits proposés en 2001 pour la sécurité et
estimer aussi la qualité de leur utilisation.
L'année 2000 aura été particulièrement difficile pour le ministère de
l'intérieur.
Elle a vu en effet se succéder bien des événements dramatiques. Je tiens en
premier lieu à saluer la qualité de l'engagement de tous les professionnels
qui, au prix de leur vie - c'est le cas pour quatorze pompiers et plusieurs
fonctionnaires de police - viennent au secours de nos concitoyens et méritent
notre reconnaissance.
Dans le même temps, les policiers ont été confrontés à des réformes
ambitieuses et à une attente toujours plus grande de la population en matière
de sécurité. Les élus et les professionnels taisent de moins en moins l'urgence
d'une réforme de l'organisation des services d'incendie et de secours. Enfin,
l'actualité n'a pas cessé de mettre en exergue, et récemment encore, les
problèmes rencontrés sur certaines parties de notre territoire, à commencer par
la Corse.
Face à ces évolutions, ces problèmes et ces préoccupations, j'avais imaginé
que le projet de budget pour 2001 du ministère de l'intérieur serait marqué du
sceau de l'ambition et de la réforme. Il n'en est rien.
Les effectifs de policiers diminueront. Le sentiment d'insécurité ne devrait
pas reculer. La sécurité civile ne bénéficiera pas des moyens supplémentaires
qui, pourtant - l'actualité l'a montré - font défaut, sauf pour les matériels
dont la livraison a été programmée depuis longtemps. Le projet de budget ne
fait pas état de bien des réformes attendues, comme celle des services
d'incendie. Le personnel de l'administration centrale continuera à vieillir et
à diminuer. Certains thèmes d'importance sont aux abonnés absents.
Le projet de budget de l'ambition et de la réforme n'est en réalité qu'un
projet de budget de reconduction, d'attentisme, pour lequel l'aspect cosmétique
l'emporte sur la réflexion de fond. Il est construit sur une apparence et un
affichage qui sont bien éloignés des préoccupations et des besoins de la
population.
J'aborderai très rapidement les grandes masses.
En dehors des collectivités territoriales, les crédits du ministère de
l'intérieur devraient augmenter de 4,4 % en 2001 pour atteindre 59,28 milliards
de francs. Si l'on ôte les effets de structure, le projet de budget atteint
56,05 milliards de francs, soit une hausse de 2,3 %. Celui de la police
augmente de 1,86 %.
Il s'agit, à 97 %, d'un budget de fonctionnement. A elles seules, les dépenses
de personnel monopolisent quatre cinquièmes des moyens.
Le ministère disposera de plus de 164 500 emplois, soit 1 000 de moins qu'en
2000. Les trois quarts du personnel sont employés par la police nationale. A ce
nombre s'ajoutent les 20 000 adjoints de sécurité.
Monsieur le ministre, vous insisterez sur la marge de manoeuvre dégagée dans
le projet de budget pour 2001. Vous nous parlerez des 918 millions de francs de
moyens supplémentaires. Vous nous direz votre souhait de les affecter à la
police de proximité, à l'achat d'hélicoptères pour la sécurité civile, à des
revalorisations indemnitaires et à un effort informatique. Mais tout cela ne
suffira pas à cacher les insuffisances.
Je présenterai brièvement les quatre agrégats.
L'administration territoriale dispose de plus de 7 milliards de francs. Hors
transferts, les préfectures bénéficieront seulement d'un effort d'amélioration
de leur réseau informatique. Le mouvement de globalisation des crédits
préfectoraux s'accentue avec quatorze préfectures globalisées en 2001.
La sécurité civile présente une forte hausse de 15,8 % de ses crédits avec 1,6
milliard de francs. Mais cette hausse n'est qu'apparente. En effet, quand on
enlève les transferts de cotisations sociales, la professionnalisation des
unités, les hélicoptères programmés depuis des années et la revalorisation
indemnitaire des pilotes, il ne reste rien. En 2001, la sécurité civile ne
bénéficiera pas d'un franc de plus ni pour ses actions ni pour son
fonctionnement. Quant aux réformes, elles se limiteront à la création d'un
nouvel état-major de zone.
Pour la police nationale, c'est le budget de la poudre aux yeux, si vous me
permettez cette expression. En effet, les effectifs budgétaires augmentent de
plus de 700 emplois, mais les effectifs réels diminuent. Les crédits de
fonctionnement augmentent, mais ils vont tous à la police de proximité. Les
dépenses informatiques augmentent, mais le réseau ACROPOL prendra encore du
retard. Plusieurs grosses opérations immobilières seront lancées, mais les
crédits de paiement diminuent.
Par ailleurs, même si cela est marginal, monsieur le ministre, je suis très
intrigué par deux chiffres ; 10 millions de francs iront aux syndicats de
police et 3 millions de francs - c'est le chiffre qui m'a le plus étonné -
correspondent aux « dons » des compagnies d'assurances aux oeuvres sociales du
ministère en contrepartie de la communication par la police à ces compagnies
des fichiers des voitures volées. Il serait intéressant que vous développiez
ces deux points qui n'ont pas manqué de nous étonner.
Enfin, l'administration générale voit ses crédits augmenter de 1,6 milliard de
francs en raison de la hausse de 1,2 milliard de francs des dépenses
d'élections. Les 400 millions de francs restants sont pris par des mesures de
transferts de cotisations sociales et de crédits de pensions. Parallèlement,
les effectifs de l'administration diminuent pour la septième année consécutive.
Cette baisse est accentuée par la mise à disposition de 10 % des effectifs,
soit 216 personnes sur 2 300, au profit d'autres institutions, dont 21
personnes pour les syndicats et 30 pour les oeuvres sociales.
Je ferai quelques courtes observations.
Tout d'abord, le ministère a une politique de globalisation des crédits qui
permet, en interne, plus de souplesse et d'efficacité d'utilisation des sommes,
mais cela se traduit par une autorisation parlementaire biaisée : impossible de
connaître l'évolution de tous les postes de fonctionnement et de dépenses
informatiques, car le directeur de cabinet du ministre fait sa propre
répartition, qui n'a rien à voir avec celle du bleu, en janvier 2001. « Votez
d'abord, vous saurez après ce que l'on a fait de l'argent. » est donc le mot
d'ordre.
On atteint le ridicule quand on apprend que la préfecture du Finistère
dépensera 646 francs pour certaines indemnités, alors que l'on ne sait pas ce
que la police fera des 4 milliards de francs qui lui seront attribués pour son
fonctionnement ! Cela ne peut plus durer.
Nous savons que la globalisation est l'avenir de la gestion publique mais,
pour nous, elle doit aller de pair avec un effort accru, un effort maximum de
transparence. Or, dans les réponses aux questionnaires, vous nous indiquez
vous-même que vous ne savez pas comment seront réparties les sommes que vous
nous demandez de voter. Nous n'acceptons pas cette remise en cause par avance
du « bleu » et du « vert » budgétaires.
Ma deuxième remarque concerne la politique immobilière, qui est conduite en
dépit du bon sens. On commence par réaliser les grosses opérations qui se
chiffrent en plusieurs centaines de millions de francs, et on voit ce qu'il
reste pour les petites opérations. J'illustrerai mon propos par un chiffre que
je juge éloquent.
Vous avez délégué, en 1999, 50 millions de francs aux préfets pour l'entretien
immobilier préfectoral. Les sous-préfectures, beaucoup plus nombreuses que les
préfectures, n'auront bénéficié que du quart de cette somme. Le reste est allé
aux préfectures, aux hôtels et aux jardins des préfets, cela alors que le
ministère convient lui-même que le parc immobilier des sous-préfectures et des
commissariats se dégrade. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est vous dans vos
réponses à nos questions et dans les chiffres que vous nous avez
communiqués.
Ma troisième remarque a trait à la sécurité civile. Alors que l'année 2000
aura été marquée par les drames et l'accroissement des charges et des attentes
en matière de sécurité civile, le budget ne retient rien pour la sécurité
civile en 2001 en dehors de mesures indemnitaires pour les pilotes de Canadair,
de l'achat d'hélicoptères prévu de longue date et des crédits nécessaires à la
professionnalisation des armées. Pis, les moyens de fonctionnement diminueront
alors même qu'il faut reconstituer les stocks et réorganiser les
états-majors.
Le Gouvernement estime donc que la sécurité civile n'est pas une priorité. Les
quatorze pompiers morts dans les feux de forêts, les quatre-vingt-douze
victimes des tempêtes, les victimes des inondations et les habitants de la côte
Atlantique souillée par l'
Erika
auraient certainement un avis contraire.
C'est le point le plus noir de votre projet de budget. Vous nous répondrez
qu'un projet de loi est en préparation. Il sera trop tard. Nous voulons des
actes dès maintenant.
Ma quatrième remarque vise la réforme des services départementaux d'incendie
et de secours, les SDIS, qui attendra encore un an. La comparaison de
l'évolution des moyens et de l'intérêt de l'Etat pour les SDIS et de celle des
crédits affectés par les collectivités locales à ces mêmes services serait
pourtant intéressante. Le Gouvernement promet un projet de loi pour la fin de
l'année 2001, alors que le rapport Fleury, qui le préfigure, est déjà paru. Là
aussi, cela fera perdurer un an les problèmes : financement, cohabitation
difficile entre volontaires et professionnels, inégalités injustifiées entre
communes, etc. Le mécontentement gronde, monsieur le ministre.
S'agissant de la police nationale, on peut déjà constater un paradoxe étonnant
: les emplois budgétaires augmentent de 700, mais le nombre de policiers sur le
terrain diminuera en tout de 1 300, en raison de la suppression des 2 000
policiers auxiliaires. Vous ne pourrez pas nous dire, monsieur le ministre, que
le nombre de policiers en tenue sur la voie publique augmente ! Ne cherchez pas
à habiller de mots une réalité comptable que vos chiffres nous révèlent, que la
Cour des comptes confirme et que nous constatons tous sur le terrain, à savoir
que le nombre de policiers diminue.
Parallèlement, un malaise croît chez les personnels : les tâches indues
demeurent lourdes. Où se trouvent d'ailleurs les 5 000 emplois administratifs
prévus par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, la
LOPS ? On n'en compte actuellement que 1 300 ou 1 400. Les réformes passent mal
; ACROPOL ne satisfait pas les personnels ; un choc de générations se crée
entre jeunes et anciens. Surtout, tous se plaignent de leurs rapports avec la
justice. Là, le malaise atteint son paroxysme. Les magistrats ne se déplacent
jamais dans les commissariats ; ils notent des officiers de police judiciaire
sans les connaître ; ils ont une conception assez distante de la notion de «
permanence » ; ils font preuve de légèreté dans le traitement quasi automatique
de certaines affaires sans se soucier des conséquences que cela peut avoir pour
les fonctionnaires de police confrontés, par exemple, à des victimes voyant
partir leur agresseur avant même qu'elles n'aient fini leur déposition. Bref,
le tableau est sombre.
Dans le même temps, qu'en est-il du sentiment d'insécurité ? Faute d'outil de
mesure détaillé, puisque l'appareil statistique n'a pas évolué malgré les
réformes profondes de la police nationale, il est délicat de s'appuyer sur des
preuves certaines. Je citerai tout de même vos chiffres. La criminalité
augmente, au premier trimestre 2000, de 2,5 %. Le taux d'élucidation diminue à
environ 26,5 %
(M. le ministre de l'intérieur fait un signe de dénégation.)
Je cite vos chiffres, monsieur le ministre.
Parallèlement, c'est là le plus grave, l'impression d'un retournement notable
de la tendance à l'insécurité ne prévaut pas. Les Français ne se sentent
globalement pas plus en sécurité qu'il y a un an ou deux. Nous le savons bien,
et c'est cet échec que nous vous reprochons. Vous pouvez vous gargariser de la
police de proximité. Nous la voyons à l'oeuvre et pouvons vous dire que
l'insécurité ne recule pas.
Par ailleurs, des problèmes inquiétants persistent dans la police. Que se
passera-t-il en 2002 quand le contrat des adjoints de sécurité arrivera à
échéance ? Le projet de budget fait là une impasse alors que la transition
aurait dû commencer à être gérée dès cette année.
Qu'en est-il du renouvellement du parc automobile ? Combien de véhicules ne
peuvent plus rouler ? Un véhicule sur quatre a dépassé les critères de réforme
et la moitié seulement des besoins seront couverts en 2001, même après l'effort
figurant au collectif budgétaire. Ce sont vos chiffres, monsieur le
ministre.
J'en viens au logement des compagnies républicaines de sécurité, les CRS. Sur
79 casernes et cantonnements, les deux tiers ont besoin de lourds travaux. Là
aussi, ce sont vos chiffres.
Quant au fameux réseaux de l'autocommutateur central répartissant des organes
périphériques pour offrir des lignes éloignées, ACROPOL, vous ne pouvez nier ni
les problèmes techniques, ni la lenteur de mise en place qui en diffère
l'ouverture, sur Paris notamment.
Bref, la modernité de certains hôtels de police, le brillant des vélos tout
terrain, le clinquant des policiers en rollers ne doivent pas cacher que la
paupérisation existe dans de nombreux postes de police qui, n'ayant pas encore
basculé dans la police de proximité, ont le sentiment désagréable de l'oubli et
du délaissement.
Dernière remarque : ce projet de budget est muet sur quatre points
essentiels.
Rien n'est dit sur les contrats locaux de sécurité qui mobilisent pourtant les
élus et les ressources des contribuables locaux.
Rien n'est dit sur la Corse. Il ne me semble pourtant pas que l'inacceptable
terrorisme corse ait disparu ni que les risques de contamination en d'autres
points du terrorisme régressent. C'est tout au moins mon sentiment.
Rien n'est dit sur la mise en place de la loi sur la présomption d'innocence.
Vous avez indiqué que son coût - 70 millions de francs - est couvert par le
collectif budgétaire. Certes, mais que dire sur les problèmes administratifs
que son apparition soulèvera ? Votre ministère m'a indiqué, dans ses réponses à
mes questions, que le surcroît de travail induit par les transferts aux juges
et les délais de présentation augmenteront de 30 % à 50 %, alors que ces tâches
indues prennent déjà environ 25 % du temps de travail des policiers en tenue.
Je crains qu'il ne reste pas grand-chose pour patrouiller sur la voie publique,
surtout avec des effectifs en baisse.
Finalement, ce budget n'est pas transparent puisque le ministère reconnaît
lui-même qu'il le reconstruira en janvier 2001 en interne. Il se traduira par
une baisse des effectifs de policiers sur le terrain. Il ne propose rien pour
la sécurité civile, rien pour les services départementaux d'incendie et de
secours, les SDIS.
Le sentiment d'insécurité de nos concitoyens ne recule pas.
Nous ne pouvons donc nous satisfaire de ce projet de budget de la sécurité et
de l'administration pour 2001. Certes, il y a quelques points positifs,
quelques bonnes intentions, quelques gestes ici ou là. Mais cela ne suffit pas.
La politique menée doit se traduire concrètement. L'argent que la nation
dépense pour la sécurité publique et civile, pour l'administration du
territoire et l'administration générale du ministère est-il employé en toute
transparence, dans un pur souci d'efficacité, avec des conséquences visibles
pour tous les citoyens ? Ce n'est manifestement pas le cas. C'est la raison
pour laquelle votre commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs,
vous propose de rejeter les crédits de la sécurité et de l'administration pour
2001.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la police et la sécurité.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des crédits de la
police pour 2001, je tiens, après avoir rappelé les conditions souvent très
périlleuses dans lesquelles les policiers se dévouent au service de la sécurité
de notre pays, à rendre hommage aux 4 policiers tués et aux 4 118 policiers
blessés en mission de police au cours de l'année 1999.
Je tiens en outre à souligner que les difficultés de la vie policière restent
injustement méconnues de l'opinion publique. Celle-ci a tendance à ne retenir
que les « bavures » réelles ou supposées, pointées par des médias peu enclins à
l'indulgence à l'égard de la police. S'il importe naturellement de sanctionner
sans faiblesse les dérives, il ne faut pas laisser penser aux policiers que
leur parole a moins de poids que celle de personnes cherchant systématiquement
à mettre en cause leur action.
M. Christian Bonnet.
Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis.
Dans sa déclaration de politique générale, au mois
de juin 1997, le Premier ministre avait placé la sécurité au rang de « deuxième
priorité du Gouvernement », après l'emploi. Or, dans un contexte d'augmentation
de la criminalité, le budget pour 2001 ne semble pas traduire cette priorité
affichée pour la sécurité.
En 1999, la police a constaté avec la gendarmerie nationale plus de 3,5
millions d'infractions. Elle doit faire face à une délinquance de plus en plus
violente mettant en cause un nombre alarmant de mineurs.
Or le budget de la police pour 2001, qui s'élève à 32 milliards de francs,
augmente de 1,86 % en francs courants, ce qui correspond à une progression à
peine supérieure à celle qui est enregistrée pour l'ensemble des dépenses
civiles de l'Etat.
Dans la ligne des orientations définies au colloque de Villepinte, le
Gouvernement a souhaité procéder à la généralisation de la police de proximité,
expérimentée depuis 1999.
On ne peut que souscrire aux principes.
Une telle orientation nécessite cependant des moyens importants placés au
contact des populations.
Or, du fait des difficultés à placer sur le terrain un nombre suffisant de
policiers, cette politique repose entièrement sur les titulaires
d'emplois-jeunes, mal formés, mal encadrés, dont le recrutement est
problématique et l'avenir incertain. Elle ne rencontre d'ailleurs pas
véritablement l'adhésion des personnels.
De graves hypothèques pèsent donc sur la généralisation de la police de
proximité.
En outre, les moyens d'équipement et de fonctionnement de la police, bien que
présentés en nette progression, resteront notoirement insuffisants pour
permettre à la police d'accomplir normalement ses missions.
La commission des lois constate, dans un premier temps, qu'une véritable
insécurité persiste en France.
Après l'augmentation sensible constatée en 1998, les statistiques de la
criminalité se sont stabilisées en 1999 et se sont dégradées au premier
semestre 2000. Les vols représentent les deux tiers des infractions. Les vols
de téléphones portables, souvent commis avec violence, sont néanmoins en nette
augmentation.
Cependant, les statistiques officielles ne suffisent pas à retracer la forte
insécurité subie et perçue par les citoyens dans leur vie quotidienne.
L'appareil statistique apparaît inadapté, puisque les statistiques recensent
uniquement les crimes et délits transmis à l'autorité judiciaire, ce qui exclut
les contraventions telles les violences entraînant une incapacité de travail de
moins de huit jours ou encore les actes dits d'incivilité, c'est-à-dire des
comportements provoquants, tout à fait susceptibles d'être réprimés
pénalement.
De plus, la faiblesse du taux d'élucidation contribue à alimenter l'insécurité
et à décourager les citoyens de porter plainte. Le taux d'élucidation s'est
établi à 27,63 % en 1999. Il convient d'observer que ce taux est en baisse
constante ces dernières années. Or ce taux moyen cache de profondes disparités.
Si 80,06 % des homicides sont élucidés, seuls le sont 9,02 % des cambriolages
et 3,4 % des vols à la tire, si bien que le taux d'élucidation de l'ensemble de
la délinquance de voie publique s'élève à 9,32 %.
Les infractions subies le plus couramment par les citoyens ont donc une chance
minime d'être élucidées. Une fois élucidées, d'ailleurs, elles ont plus d'une
chance sur trois d'être classées sans suite par les parquets, faute de moyens.
La commission des lois a fréquemment déploré cette rupture de la chaîne
répressive, qui accroît le sentiment d'impunité chez les délinquants et
provoque le découragement des citoyens et des forces de police.
Quant à la délinquance des mineurs, elle apparaît particulièrement
préoccupante.
Par ailleurs, la politique de lutte contre le trafic de stupéfiants et la
toxicomanie s'avère quelque peu ambiguë, puisque l'on constate encore une
augmentation de 5,34 % des interpellations. La consommation d'ecstasy et de
cocaïne a nettement augmenté même si, il convient de le souligner, celle
d'héroïne a baissé, attestant d'un transfert sur les drogues de synthèse.
Le terrorisme, quant à lui, a subi une recrudescence de près de 20 %,
notamment en Corse et en Bretagne.
Quant à la pression migratoire, elle s'avère véritablement mal endiguée, du
fait notamment de la situation dans les Balkans ayant généré une migration
d'origine kurde-kosovare.
Sur 39 855 mesures d'éloignement prononcées par voie judiciaire ou par arrêté
préfectoral, seules 7 821 ont été effectivement exécutées, soit un taux
d'exécution de 19,6 %, ce qui est particulièrement bas. Plusieurs dizaines de
milliers de personnes ont donc eu vocation à devenir des « clandestins
officiels ».
La commission des lois ne peut que souhaiter un éloignement effectif des
personnes n'ayant pas droit de séjour dans notre pays.
Phénomène récent, l'explosion de la « cybercriminalité » ne cesse de
progresser. On peut estimer que 200 000 infractions auraient effectivement été
commises à l'aide ou dans le domaine des nouvelles technologies en 1999.
Les affaires liées au réseau Internet présentent une augmentation importante
du nombre d'escroqueries commises en matière de commerce électronique, grâce à
l'utilisation frauduleuse de références de cartes bancaires. En ce qui concerne
les autres délits commis sur Internet, il a été enregistré onze affaires de
pédophilie en 1999 et cinquante affaires d'incitation à la haine raciale.
Une action menée sur le plan national et international s'avère donc nécessaire
afin de lutter efficacement contre la « cybercriminalité » ; encore faut-il que
la police soit dotée de matériels et de logiciels particulièrement adaptés.
La commission des lois observe, dans un second temps, que la généralisation de
la police de proximité demeure hypothéquée par un véritable manque de
moyens.
Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement a enclenché un
processus de généralisation de la police de proximité.
Cette politique nécessite des moyens importants. Or, si les effectifs de
policiers sont stables depuis 1995, ils sont à l'heure actuelle lourdement
grevés par les vacances de postes résultant du temps de formation des agents
appelés à remplacer les nombreux personnels partant en retraite. En tout état
de cause, il semble que la montée en puissance de la politique de proximité
s'accompagne de difficultés réelles pour mettre en place dans les zones
sensibles les policiers nécessaires à la réussite de cette politique.
Les recrutements de personnels administratifs devant permettre de décharger
les policiers sont intervenus en nombre insuffisant. Il est indispensable de
décharger davantage les policiers de tâches administratives de manière qu'ils
puissent se consacrer pleinement à leurs missions proprement policières sur le
terrain.
De surcroît, la police de proximité repose sur des emplois-jeunes.
Etaient en fonction, au mois d'août 2000, 14 231 adjoints de sécurité, pour un
effectif budgétaire de 20 000 et environ 7 000 agents locaux de médiation
sociale sur les 15 000 prévus. Le recours à ces agents suscite de nombreuses
inquiétudes alors même que les adjoints de sécurité sont appelés à représenter
un cinquième de l'effectif du corps de maîtrise.
Leurs missions sont très variées, mais ils ne peuvent pas participer à des
missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre. Ils portent une arme
quand leurs missions le justifient.
Les adjoints de sécurité ont été affectés majoritairement à des tâches
d'îlotage et d'accueil dans les commissariats et sont le plus souvent dotés
d'une arme. Mais, en pratique, les missions qui leur sont confiées s'écartent
souvent de la lettre et de l'esprit de la réglementation. Faute d'un
encadrement suffisant, il est fréquent de rencontrer sur le terrain des
adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou simplement confiés à un jeune
stagiaire.
En outre, leur présence en priorité dans les zones sensibles les conduit
fréquemment dans les faits à participer à des opérations de maintien de
l'ordre. Il est tout à fait anormal d'exposer aux risques les plus élevés des
jeunes qui n'y sont pas préparés.
Le tutorat s'est révélé un échec. En outre, des difficultés de recrutement
sont apparues, tirant vers le bas le niveau des personnels.
La formation initiale des adjoints de sécurité se révèle inadaptée et nombre
d'adjoints de sécurité sont ainsi incapables d'accomplir la moindre tâche
administrative.
La commission des lois insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la
sélection des candidats, d'autant plus qu'ils auront vocation à entrer en
nombre par concours spéciaux dans la police.
La commission des lois relève, dans un troisième temps, que le budget de la
police nationale pour 2001 qui lui est soumis ne traduit pas la priorité
affichée pour la sécurité. Il s'élève à 32 milliards de francs et,
contrairement aux intentions affichées, il ne traduit pas une priorité en
faveur de la sécurité des Français.
En effet, les dépenses en personnel connaissent une faible augmentation de 0,9
%.
Les effectifs budgétaires sont en importante diminution par rapport à l'année
précédente alors que se profile une gestion sous tension.
Ainsi, l'effectif budgétaire total de la police nationale régresse de près de
1 %. Cette situation est particulièrement grave dans les commissariats de
villes moyennes comme Mâcon, où vous devez vous rendre samedi.
De plus, le projet de budget prévoit certaines transformations et créations
d'emplois. Deux cents emplois d'officiers seront transformés en emplois de
gardiens et brigadiers majors. Huit cents postes de personnels administratifs
et techniques seront créés. Cependant, ces créations de postes ne suffisent pas
à rattraper le retard sur l'objectif de création en cinq ans de 5 000 emplois
administratifs et techniques.
En outre, l'évolution prévisionnelle des effectifs paraît quelque peu
inquiétante. Du fait des recrutements massifs intervenus à la fin des années
soixante, la police doit faire face à un afflux de départs à la retraite,
aggravé par le phénomène, jusqu'à présent sous-estimé, des prises de retraite
anticipées.
Ainsi, la progression des crédits de fonctionnement et d'équipement sera
insuffisante pour répondre aux retards accumulés ces dernières années.
Les crédits de fonctionnement sont insuffisants à plusieurs égards.
L'inscription prévue au profit des services logistiques ne permettra pas de
rattraper le retard en matière de renouvellement du parc automobile. Enfin, le
budget ne prend pas en compte la loi du 15 juillet 2000 sur la présomption
d'innocence s'agissant de l'enregistrement audiovisuel des auditions des
mineurs. Cette disposition entrera en application le 16 juin 2001. Or il faut
aménager les locaux, acheter du matériel et former du personnel.
En outre, parmi les crédits d'investissement, les crédits d'équipement
consacrés au parc lourd se situent à un niveaux équivalent à celui de 2000. Ils
ne permettront pas de résorber le retard cumulé. De plus, les besoins de
rénovation et de construction de locaux resteront très importants, compte tenu,
là encore, des retards accumulés en la matière. Les crédits consacrés au
logement des policiers demeurent, eux aussi, notoirement insuffisants,
considérant que la politique du logement est un élément essentiel de la
fidélisation des agents dans la région parisienne.
La commission de lois constate donc encore une fois que l'effort en matière de
fonctionnement et d'équipement des services est insuffisant pour permettre à la
police d'accomplir normalement ses missions.
Ces observations l'on donc conduite à donner un avis défavorable sur le projet
de budget de la section police-sécurité pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Schosteck, rapporteur pour avis.
(M. Jean-Pierre Fourcade applaudit.)
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la sécurité civile.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, j'assume un difficile héritage puisque j'ai la charge de
reprendre un rapport que préparait depuis de nombreuses années, avec talent et
compétence, mon collègue et ami René-Georges Laurin, auquel, bien entendu, je
rends un hommage tout particulier.
Les crédits du ministère de l'intérieur pour la sécurité civile sont en
croissance de 26 % pour 2001. C'est là, bien entendu, un élément dont il faut
nous réjouir.
Toutefois, cette progression, pour importante qu'elle soit, ne doit pas faire
illusion puisqu'elle résulte de deux facteurs incontournables : d'une part, les
conséquences de la professionnalisation des armées, les personnels appelés du
service national devant être remplacés par des engagés et des volontaires :
d'autre part, l'engagement effectif, mais avec retard, du programme
d'acquisition d'hélicoptères BK 117, neuf livraisons étant prévues en 2001.
Les crédits de l'Etat pour la sécurité civile - 2,7 milliards de francs, dont
1,6 milliard de francs au titre du ministère de l'intérieur - couvrent les
moyens opérationnels lourds : flotte aérienne, unités militaires, service de
déminage. Ils sont à rapprocher des 13 milliards à 15 milliards de francs
engagés par les collectivités territoriales pour le fonctionnement des services
départementaux d'incendie et de secours.
L'attachement constant de l'opinion publique à la qualité de prestations de
plus en plus diversifiées des services de sécurité civile a été conforté par
l'efficacité, le professionnalisme et le dévouement dont les personnels de
sécurité civile ont su faire preuve lors des graves catastrophes qui ont
marqué, ces derniers mois, notre pays.
La commission des lois, évidement unanime, tient à rendre hommage à tous les
secouristes et, en particulier, aux onze sapeurs-pompiers et aux deux démineurs
décédés en service l'an dernier, ainsi qu'aux douze sapeurs-pompiers qui ont
trouvé la mort au cours des huit premiers mois de l'année 2000.
La commission approuve les diverses mesures indemnitaires et statutaires
d'harmonisation prises en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et
professionnels, parallèlement à la départementalisation des services d'incendie
et de secours et elle constate leur coût élevé pour les collectivités
territoriales.
Tout en affirmant la nécessité de payer le prix de la sécurité civile - il
s'agit d'un élément incoutournable de la sécurité en général - la commission
des lois souligne la nécessité de procéder à une révision approfondie mais
concertée des conditions de son financement, afin que l'Etat supporte une part
de l'effort qui soit moins éloignée de ses responsabilités en la matière.
La commission souhaite vivement que les élus soient étroitement associés par
le Gouvernement aux réflexions qu'il a engagées dans la perspective d'une
révision des lois de 1996 sur la sécurité civile.
Je souhaite également bien marquer aujourd'hui, mais surtout pour l'avenir,
les enseignements que nous devons tirer de la gestion des catastrophes de
grande ampleur que notre pays a connues. Il importe en effet de s'interroger
avant qu'il ne soit trop tard sur les premiers enseignements que nous pouvons
tirer de la façon dont ont été gérées les conséquences de ces catastrophes.
Nous attendons les conclusions de la mission interministérielle d'évaluation
présidée par M. Gilles Sanson, inspecteur général de l'administration. Mais
nous connaissons déjà ce qu'indiquait fort judicieusement le président
Christian Poncelet devant notre assemblée le 18 janvier dernier : « Nous ne
pourrons pas éluder plus longtemps les questions posées par la multiplication
des phénomènes naturels qui affectent notre pays. Il convient sans aucun doute
de s'interroger sur l'adéquation de notre dispositif de réaction aux situations
d'urgence et sur la nécessité de renforcer une culture de gestion de crise,
dont Jean-Pierre Chevènement soulignait, le 9 février 2000 devant le Sénat,
qu'elle était "très présente chez nos compatriotes de l'outre-mer, confrontés
au retour régulier des cyclones tropicaux" ».
Ainsi, d'une part, les services de la météorologie semblent avoir sous-estimé
l'intensité des tempêtes et, d'autre part, de nombreuses personnes ont eu le
sentiment de n'avoir pas été informées en temps utile des risques encourus et
des précautions à prendre le cas échéant. Chacun a tenu à souligner l'action
exemplaire des agents des services publics et, en particulier, celle des
sapeurs-pompiers, et les événements ont démontré l'impératif d'un service
public de proximité présent en toutes parties du territoire.
Les tempêtes ont illustré tout l'intérêt de disposer de « pompiers citoyens »,
proches de la population et du terrain, même si, par ailleurs, leur action doit
être coordonnée avec celle des services départementaux d'incendie et de
secours, dont l'utilité n'est évidemment pas en cause.
C'est à juste titre qu'a été souligné l'esprit de solidarité dont de nombreux
citoyens ont su faire preuve, ce qui constitue, selon l'expression du président
Christian Poncelet, « la plus belle réponse que les Françaises et les Français
pouvaient apporter à ceux qui dénoncent la frilosité et l'égoïsme de nos
compatriotes ».
Les événements de l'hiver dernier ont aussi démontré la capacité des élus
locaux à faire face à des situations exceptionnelles, à organiser la solidarité
et à mobiliser les énergies.
Comme l'a souligné encore le président Christian Poncelet, « par le maillage
de notre territoire qu'elles assurent, les collectivités locales ont constitué,
face aux intempéries, un formidable filet de sécurité. Une fois de plus, les
élus ont confirmé leur rôle irremplaçable au service des populations. La
décentralisation, c'est bien le service public de proximité ».
Toutefois, les conséquences pratiques des décisions gouvernementales se sont
trop souvent fait attendre et l'on peut parfois regretter un délai excessif
entre l'effet d'annonce et le déblocage effectif des crédits.
Les graves inondations survenues en novembre 1999 dans plusieurs départements
du sud de la France et ayant entraîné la mort de trente-cinq personnes et des
dégâts considérables - 3,5 milliards de francs pour l'indemnisation des
dommages - ne peuvent malheureusement pas être analysées comme des événements
totalement exceptionnels.
Le rapport public de 1999 de la Cour des comptes comporte un développement sur
la prévention des inondations en France. Il rappelle que celles-ci constituent
le risque naturel prédominant dans notre pays, en raison de l'importance de son
réseau de cours d'eau - plus de 275 000 kilomètres - du peuplement sur les
rives - 11 600 communes et 2 millions d'habitants - et de son exposition aux
deux grands types de crues, crues de plaine et crues torrentielles.
Ainsi, en dix-huit mois - de janvier 1999 à juin 2000 - en dehors des effets
des tempêtes de décembre 1999, on a enregistré douze inondations de grande
ampleur ayant provoqué la mort de cinquante et une personnes.
Le rapport de la Cour des comptes souligne, en premier lieu, que
l'insuffisance des dispositifs juridiques successivement mis en place a eu pour
effet, jusqu'à présent, de freiner sensiblement notre connaissance du risque
d'inondation.
La Cour des comptes remarque d'abord que le retard pris pour se doter d'un
instrument juridique unique de prévention - les plans de prévention des risques
naturels - ne permet pas d'espérer une connaissance suffisante des risques sur
l'ensemble du territoire avant un certain nombre d'années, d'autant que les
plans de prévention des risques élaborés à ce jour sont encore trop peu
nombreux : 2 500 communes en sont dotées et, au total, 5 000 communes devraient
en bénéficier d'ici à 2005.
La commission des lois avait souligné l'an dernier que « pour l'essentiel, les
obstacles semblaient provenir d'une information insuffisante des élus locaux
(...), l'Etat ne paraissant pas les associer de manière satisfaisante à la
politique de prévention ».
La Cour des comptes mentionne qu'aucun plan de prévention n'a été prescrit
pour des villes fluviales importantes comme Lyon, Toulouse, Bordeaux, Rouen et
Orléans.
Elle considère que « la situation générale de méconnaissance de ce risque en
Ile-de-France, à l'exception principalement des Yvelines et, depuis peu, de la
Seine-et-Marne, est alarmante »
(MM. Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Fourcade s'exclament)
et qu'« à
Paris... la protection n'est pas assurée contre une crue de type 1910 ».
Elle souligne la rareté des analyses économiques du risque d'inondation et
l'absence de méthodologie générale adaptée à l'échelon national, rappelant
qu'une étude limitée à l'échelon local ne peut suffire au regard de ce risque,
qui doit être traité au niveau des grands versants.
Elle relève que le dispositif juridique en matière de prévention des
inondations est « inadapté, confus et obsolète », qu'il appelle une réforme
d'ensemble et qu'elle « ne peut aujourd'hui se concevoir en dehors d'une
coopération étroite et d'un financement partagé entre l'Etat et les groupements
de collectivités,... avec une définition claire de toutes les responsabilités
en jeu ».
Enfin, la Cour des comptes signale la complexité de l'organisation
administrative en matière de lutte contre les inondations - cinq directions
relèvent de quatre ministères - et les limites du régime d'assurance, marqué
par la déresponsabilisation des assurés - un taux unique de la surprime liée
aux catastrophes naturelles est fixé sans que soit pris en compte le degré de
vulnérabilité des biens - et par l'indifférence des assureurs, puisqu'il existe
des mécanismes de réassurance auprès de la caisse centrale de réassurance,
elle-même garantie par l'Etat.
C'est ainsi que Jacques Fleury, député de la Somme, a été chargé par le
Premier ministre d'une mission temporaire sur les problèmes rencontrés dans la
mise en oeuvre de la réforme des services d'incendie et de secours. Il a ainsi
suggéré de procéder à une nouvelle répartition des compétences des services
d'incendie et de secours axées sur celles du département et de prévoir un
financement adapté à chaque niveau d'organisation, ainsi que diverses mesures
d'accompagnement. Nous aurons bien entendu l'occasion d'en débattre de façon
plus approfondie lorsqu'un texte nous sera soumis. Nous l'attendons !
La commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre
Mauroy, a constaté que les services départementaux d'incendie et de secours
fonctionnaient mal, faute d'être placés sous une autorité administrative
clairement identifiée, puisqu'ils sont des établissements publics communs aux
départements, aux communes et aux structures intercommunales. Elle a souligné
que la question du financement des SDIS était une source de conflits entre
collectivités.
La commission Mauroy a envisagé que les services départementaux d'incendie et
de secours, compte tenu de leur vocation territoriale, « soient au minimum
placés sous l'autorité du président du conseil général ».
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Je n'aurais garde d'oublier, bien entendu, la
mission sénatoriale d'information chargée de dresser le bilan de la
décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter
l'exercice des compétences locales. Celle-ci a préconisé un renforcement du
rôle des départements dans le fonctionnement des services d'incendie et de
secours.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même annoncé, le 7 octobre dernier, que
les « retours d'expérience des catastrophes naturelles » et les réflexions en
cours devraient conduire au dépôt, dès l'automne 2001, d'un projet de loi sur
la sécurité civile, tandis que « des dispositions notamment plus techniques »
pourraient aussi être soumises au Parlement dans des délais plus proches.
Enfin, le Premier ministre a considéré, le 22 novembre 2000 devant le congrès
de l'Association des maires de France, que la loi de 1996 sur les services
d'incendie et de secours n'avait pas atteint ses objectifs et qu'elle était «
source de confusions et de litiges ». Il a ajouté que la législation en la
matière devait « être révisée dès l'année prochaine ».
La commission des lois demande instamment que les orientations proposées par
le Gouvernement soient précédées d'une étude d'impact approfondie, ainsi que
d'une concertation étroite avec toutes les parties concernées et
particulièrement, bien entendu, les élus locaux.
En conclusion, la commission des lois a estimé qu'elle ne pouvait méconnaître
l'effort sensible réalisé par l'Etat, qui augmente ses crédits de 26 % pour
2001, tout en rappelant les raisons conjoncturelles de cette augmentation. Elle
souhaite vivement que cet effort soit poursuivi plus profondément encore dans
les années qui viennent, car elle est très préoccupée de la menace que fait
courir à nos régions, jusqu'ici, semble-t-il, plutôt épargnées, l'évolution de
la climatologie.
Cette satisfaction relative ne lève donc pas les inquiétudes pour l'avenir et
cette double constatation a conduit la commission à ne pas vouloir rejeter ces
crédits, sans aller toutefois jusqu'à les approuver sans réserve. Elle s'en
remet donc à la sagesse du Sénat pour cet avis, partiel il est vrai, sur les
crédits de la sécurité civile.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application des décisions de la
conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit
dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour quarante minutes.
Compte tenu des anciennes fonctions de M. le ministre de l'intérieur, je suis
sûr qu'il aura à coeur de veiller au strict respect des décisions de la
conférence des présidents.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le ministre, vous nous l'avez dit en commission des lois, le budget
de la sécurité que vous nous proposez est un budget de consolidation marqué par
une progression d'ensemble modérée de 1,86 % pour la police nationale, mais une
progression plus significative dans le détail : 5,8 %, soit près de 1 milliard
de francs pour les crédits de fonctionnement.
S'agissant de la sécurité civile, son budget connaît une augmentation très
sensible des crédits d'équipement. Au total, la hausse s'élève à 26 %, soit 1,6
milliard de francs. Je suis néanmoins conscient que, pour procéder à des
comparaisons, la bonne rigueur commande de retirer la part importante que
représentent les cotisations sociales, mais pas les hélicoptères, monsieur le
rapporteur pour avis, car, même si leur acquisition était programmée depuis
longtemps, c'est cette année que les crédits sont inscrits au budget.
Le budget est donc convenable en ce qui concerne la police et très
satisfaisant pour ce qui est de la sécurité civile. Autant dire que c'est sans
le moindre état d'âme que le groupe socialiste votera à l'unanimité le budget
de la sécurité.
On notera que, dans le détail, s'agissant de la police, ce budget est bien
conforme aux priorités identifiées par le Gouvernement depuis trois ans. Il
s'inscrit donc dans la continuité d'une politique qu'il convient de juger sur
la durée et sur sa dynamique. La police de proximité, en particulier, demeure
bien l'une des toutes premières priorités du Gouvernement après la lutte contre
le chômage. Elles a déjà donné des résultats très positifs ; j'y reviendrai.
On notera aussi que, dans le cadre de la poursuite de cette action de
proximité, 1 810 policiers seront affectés dans les 176 circonscriptions
supplémentaires.
On retiendra d'ailleurs que, en ce qui concerne les moyens de fonctionnement,
dont la police de sécurité est un élément, les crédits augmentent de 6,9 % et
même de 10 % si, comme on le doit, on y ajoute les 200 millions de francs du
collectif budgétaire.
On notera enfin que l'équipement en informatique respecte le schéma directeur
informatique, avec une progression de 6,67 % et un agrégat qui augmente de 22 %
si on y ajoute la police technique et scientifique et les transmissions.
De même, en matière d'équipement motorisé, les 65 millions de francs consacrés
au parc lourd semblent satisfaisants. En revanche, la progression de 30 % des
crédits affectés au parc automobile semble un peu juste au regard de l'état de
ce dernier.
Enfin, des mesures catégorielles, qu'il ne faut pas oublier - elles
représentent 160 millions de francs - doivent permettre d'améliorer l'exercice
du métier de fonctionnaire de police. On retiendra tout particulièrement
l'indemnité de police de proximité.
Il s'agit d'un bon budget, donc, et il est mal venu de donner ici ou là des
leçons quand on sait le retard considérable qui avait été pris dans la mise en
oeuvre de la loi de programmation, lors de la législature précédente.
Il reste quelques points que je souhaiterais aborder dans la perspective d'une
amélioration de l'efficacité de la police.
Quoi qu'on en dise, et en préalable, la délinquance sur la voie publique a
diminué. Si l'on constate, en 2000, une progression d'ensemble des infractions,
c'est en raison de la petite délinquance financière, notamment le trafic de
cartes bleues, et de la délinquance économique qui, elle, peut se révéler
beaucoup moins « petite ». Autrement dit, votre police de proximité porte ses
fruits, monsieur le ministre. Cependant, elle doit s'adapter, en collant au
terrain comme elle le fait, mais aussi en prenant en compte les nouvelles
formes, souvent plus sophistiquées, de la délinquance. De ce point de vue, il
est probable que les 100 millions de francs d'investissement réservés aux
locaux - bureaux de police, points contact de police - sont un peu
insuffisants.
Mais la question est surtout celle des hommes, de leur nombre et de leur
comportement. Monsieur le ministre, avez-vous assez de personnels pour mettre
en oeuvre vos légitimes ambitions ? Que va-t-il advenir des adjoints de
sécurité, les ADS, dont les premiers, et les meilleurs, sont entrés dans la
police comme fonctionnaires, ce qui est une bonne chose, mais dont il est,
semble-t-il, de plus en plus difficile d'assurer le remplacement ? Le marché de
l'emploi y est sûrement pour quelque chose, et personne ne s'en plaindra. Mais
est-on sûr de suffisamment informer les jeunes sur les perspectives de carrière
? Est-on sûr de leur donner tous les moyens de formation pour qu'ils puissent
passer dans de bonnes conditions examens et concours ?
Des réponses sur ces points sont souhaitables, car les ADS sont
indispensables, en particulier avec la fin du service national dans le courant
de l'année 2001.
On a l'impression que les policiers dédiés à la voie publique sont quelquefois
bien seuls. Certes, il faut poursuivre l'effort pour que les tâches de
mécanicien, d'électricien, de cuisinier ne soient plus assurées par des
fonctionnaires de police. De même, il faut continuer à réduire les gardes
statiques.
Reste que l'action policière devrait être l'émanation du corps social et, à ce
titre, être essentiellement menée en partenariat avec la justice. Après avoir
signé un contrat local de sécurité, le procureur de la République joue-t-il
bien le jeu de la concertation avec la police ? Je n'en suis pas si sûr. De
même, l'action policière doit se comprendre en partenariat avec l'éducation
nationale, les collectivités locales, les élus et leurs travailleurs sociaux,
voire avec le milieu associatif. Une concertation renforcée avec tous ces
interlocuteurs qui connaissent bien leur circonscription, leur quartier devrait
permettre un meilleur repérage de la délinquance et, partant, une prévention
efficace.
Par ailleurs, tous les services du ministère sont-ils bien utilisés ? La
gestion des CRS n'est-elle pas d'une lourdeur excessive ? Est-il bien
nécessaire de demander aux renseignements généraux des analyses ou des
prospectives politiques, au demeurant assez aléatoires, alors même qu'ils
pourraient jouer un rôle majeur avec la police judiciaire en identifiant, par
exemple, la délinquance, parfois la grande délinquance, cachée dans les
quartiers sous le faux nez de certaines associations, notamment cultuelles ?
Voilà des pistes sur lesquelles j'aimerais avoir votre sentiment, monsieur le
ministre.
Je parlerai maintenant des services de sécurité civile pour lesquels, je l'ai
souligné, vous nous proposez un très important effort d'équipement.
Les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, font
actuellement l'objet de critiques unanimes, quelquefois même excessives. Je le
dis avec d'autant plus d'objectivité que je n'ai pas voté la loi qui les a
réformés. Que pensez-vous en faire ? Je n'oserai pas vous demander de suivre le
rapport Mauroy en créant un grand service national de sécurité civile sous
l'autorité de l'Etat, mais avez-vous l'intention, comme le préconisent le
rapport Fleury et la commission Mauroy, d'adosser les SDIS aux conseils
généraux et, dans l'affirmative, dans quelles conditions financières ?
Peut-être sommes-nous au début d'un processus, mais quelques éclaircissements
nous seraient utiles.
J'en viens aux méfaits de la tempête. Le projet de loi de finances
rectificative prévoit une « rallonge » de 75 millions de francs pour les
collectivités locales victimes des intempéries de la fin de l'année dernière.
J'ignore si c'est suffisant ; d'ailleurs, personne ne le sait, parce que les
préfectures n'ont pas encore pu clairement et définitivement arrêter les
comptes. Ce qui est certain, monsieur le ministre, c'est que les choses vont
durer. Les dégâts, dans les communes forestières en particulier, sont
considérables et se feront sentir pendant encore deux ans au moins. Ainsi, les
débardages sont toujours en cours et se prolongeront, dans la plupart des cas,
pendant plusieurs années.
Je sais bien qu'en la matière, une part importante des crédits provient
d'autres ministères, en particulier du ministère de l'agriculture. Mais je
voulais attirer l'attention du Gouvernement, que vous représentez tout entier
ici, sur un problème qu'il ne faudrait pas oublier.
Monsieur le ministre, quel confort que d'être dans l'opposition ! On peut sans
vergogne affirmer un certain nombre de choses dans le détail et le contraire
dans la synthèse finale. Mais je ne donne pas de leçons, nous avons fait de
même. (
Sourires.)
Ainsi, nos rapporteurs, toujours excellents, ont cédé
à la tentation du toujours plus, réclamant plus de policiers - et des vrais - ,
plus de police de sécurité, plus d'hélicoptères, plus de crédits
d'investissement pour les locaux et plus de moyens pour les préfectures. Mais
il ne faut pas être grand clerc pour deviner que le Sénat, dans sa majorité,
votera finalement contre le projet de loi de finances, invoquant le laxisme du
Gouvernement et des dépenses prétendument excessives.
Quant à nous, monsieur le ministre, nous voterons ce budget, et sans états
d'âme !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le
conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, nous connaissons le remède
miracle du Gouvernement contre l'insécurité dans nos quartiers : la police
urbaine de proximité.
Expérimentée tout d'abord dans quelques sites pilotes, dont celui de la cité
des Bosquets, à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, elle serait progressivement
généralisée à l'ensemble du territoire en 2002. A l'évidence, nous serions en
droit d'attendre du ministère de l'intérieur qu'il dégage, dès 2001, des moyens
importants en rapport avec les ambitions affichées.
Disons-le clairement : de l'avis des policiers eux-mêmes, la police de
proximité constitue une bonne réforme, mais elle nécessitera des crédits
considérables. Hélas ! ce budget n'apparaît manifestement pas adapté aux
prétentions gouvernementales, laissant même craindre un scandaleux effet
d'annonce à visée électoraliste.
Comment, en effet, imaginer que 800 créations d'emplois administratifs
destinées à libérer les policiers de tâches bureaucratiques et une maigre
augmentation de 7 % des crédits de fonctionnement de la police nationale seront
de nature à financer non plus 62 mais 170 unités de police de proximité ?
Cette réforme d'envergure se traduira par une hausse, jugée exceptionnelle, de
4,4 % des crédits du ministère de l'intérieur, hors concours aux collectivités
locales.
Dès lors, mettre en oeuvre la réforme à effectifs budgétaires presque
constants revient à condamner une bonne idée, faute d'une réelle volonté
politique. Cela revient également à faire de la sécurité urbaine l'apanage de
quelques zones privilégiées, et ce au détriment de bien d'autres, dont les
commissariats seront priés de fournir leurs contingents de fonctionnaires aux «
sites vitrines ».
D'ailleurs, ne voit-on pas aujourd'hui les brigades de roulement dites «
police secours » littéralement dépecées, réduites aux effectifs minimum, à
seule fin d'alimenter ces unités ?
Rien qu'en Seine-Saint-Denis les syndicats de policiers s'accordent tous à
reconnaître la nécessité de recruter plus de 400 fonctionnaires
supplémentaires, non pas pour pallier ces ponctions, mais seulement pour
satisfaire les besoins induits par l'insécurité ambiante.
Tout cela pour vous dire que, si vous ne décidez pas de débloquer des moyens à
la hauteur des enjeux, ces sites pilotes dissiperont difficilement une
impression de tromperie sur la marchandise, tout particulièrement en
Seine-Saint-Denis, département malheureusement toujours en pointe dans les
statistiques de l'insécurité.
Tous les Séquano-Dyonisiens ont compris, hélas ! que les moyens prétendument
énormes déployés par un gouvernement bien présomptueux sont insuffisants. J'en
veux pour preuve l'augmentation irrésistible des crimes et délits entre 1998 et
1999, de l'ordre de 7 %. Le taux de criminalité y est de 87,42 pour mille
habitants, la moyenne nationale étant de 60 pour mille habitants.
Tout cela pour vous dire que la police de proximité ne parviendra pas à
juguler la délinquance et la criminalité quotidiennes, pour la simple et bonne
raison que les crédits sont dérisoires au regard de la réforme souhaitée.
A moins, bien sûr, que, derrière la faiblesse des moyens, ne se cache le désir
de « sous-traiter » de plus en plus de dépenses aux collectivités locales, ce
qui serait proprement scandaleux !
Outre le fait que les contrats locaux de sécurité demeurent les grands absents
de ce projet de loi de finances, force est de déplorer que les relations
quotidiennes entre les municipalités et la police nationale sont complètement
occultées. Pourtant, combien de communes sont-elles amenées à prendre en charge
une partie des dépenses matérielles des commissariat !
Chaque fois que je prends la décision de repeindre le poste de police de ma
ville, Neuilly-Plaisance, d'acquérir une voiture, des VTT, des uniformes pour
les brigades à vélo ou des ordinateurs, je ne peux m'empêcher de repenser aux
mots très forts de votre prédécesseur, M. Chevènement, venant ici proclamer le
caractère fondamental et exclusif de la responsabilité de l'Etat en matière de
sécurité. Je n'aurais rien à redire à de tels propos, si le ministère de
tutelle s'attaquait réellement à la pauvreté des commissariats.
Ma crainte, aujourd'hui, est de voir le Gouvernement ne rien faire pour
remédier à cette situation et continuer de s'appuyer sur les communes à seule
fin de se ménager quelques marges de manoeuvre financières.
Nous avons désormais la preuve que la police de proximité se fera à effectifs
et à budget presque constants. Pour cette raison, les collectivités
territoriales seront, hélas ! contraintes de financer la police nationale,
soucieuses qu'elles sont de garantir la sécurité de leurs administrés.
Pour toutes ces raisons, et parce que votre budget est loin d'être à la
hauteur des véritables enjeux, monsieur le ministre, je ne pourrai que m'y
opposer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pourrais
bien évidemment consacrer de longs développements à la sécurité, mais les
rapporteurs l'ont fait excellemment, qu'il s'agisse de la police ou de la
sécurité civile. Aussi, monsieur le ministre, je me contenterai de vous poser
quelques questions et d'évoquer quelques problèmes.
Je commencerai par la police. Dans le pays, et même quelquefois dans la
capitale, monsieur le ministre, on parle beaucoup des relations entre les élus
et la police. Cela vient du fait, selon moi, que les contrats locaux de
sécurité ne sont pas suffisants pour associer réellement les maires à cette
mission de sécurité.
L'erreur, en fait, est de ne pas comprendre que le maire est autorité de
police, aux termes du code général des collectivités territoriales. La police
municipale, dont le maire est responsable, c'est la sûreté, le bon ordre, la
sécurité et la salubrité publiques. Et le maire ne serait pas associé
régulièrement à ce qui se fait au titre du contrat local de sécurité ?
Les contrats locaux de sécurité sont une très bonne idée, à condition,
monsieur le ministre, qu'ils soient structurés autour des maires, d'abord, que
les réunions, que je souhaite régulières, fassent l'objet d'un compte rendu, et
les travaux d'une évaluation. A défaut, c'est risquer de décourager tous les
élus et tous les partenaires. Il reste, de ce point de vue, beaucoup d'efforts
à faire car à quoi bon signer des contrats locaux de sécurité si les
signataires n'y croient bientôt plus ?
En outre, je pense, comme les rapporteurs, qu'il faut associer impérativement
les parquets à cette mission. Sinon, on ne fera diminuer ni l'insécurité ni,
surtout, le sentiment d'insécurité.
D'ailleurs, d'une manière générale, monsieur le ministre, on peut toujours
prétendre que la délinquance diminue ou qu'elle augmente. Mais, sans des outils
vraiment fiables, qu'il reste à trouver, l'exercice est un peu vain, d'autant
que les statistiques de la police et de la gendarmerie ne reposent pas sur les
mêmes bases.
S'agissant du coût des tâches parajudiciaires - je ne parle pas des tâches
indues - il est évident que la police et la gendarmerie consacrent beaucoup de
temps aux transfèrements, notamment. La justice ne compte pas, de ce point de
vue. M. Carraz et moi-même avions demandé, et je pense que ce serait toujours
utile, que l'on procède en la matière comme pour l'assurance maladie : l'assuré
reçoit son relevé de soins sur lequel figure le coût que la collectivité a
assumé pour telle ou telle opération. De même, on pourrait envoyer au
parquetier et au juge une fiche de coût pour le transfèrement demandé. Après
tout, cela ferait peut-être réfléchir certains. Il conviendrait, d'ailleurs,
d'assurer une meilleure coordination de la centralisation des demandes de
transfèrement et d'extraction ; l'expérimentation est en cours. Pour l'heure,
on constate un grand gaspillage, et la police serait mieux utilisée
ailleurs.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Troisième observation, nous savons tous qu'une des difficultés rencontrées
pour la mise en oeuvre du plan de réorganisation de la police et de la
gendarmerie tient à la crainte qu'ont éprouvée les policiers de ne plus pouvoir
être mutés dans des zones un peu moins sensibles que celles où ils ont été
affectés en début de carrière. La raison en est qu'il n'y a pas de politique du
logement. Des crédits sont bien alloués, mais ils sont insuffisants.
Il est évident que, notamment en région d'Ile-de-France, si l'on ne fait pas
un effort très significatif, les policiers continueront à avoir pour objectif
de partir le plus vite possible.
La fidélisation, condition de la police de proximité que vous mettez en place,
monsieur le ministre, nécessite une vraie politique sociale, notamment en
faveur des jeunes fonctionnaires.
Je ne pense pas que cela soit suffisant, même si des efforts sont faits.
Aujourd'hui, nous le savons bien, l'obligation de résidence, qui est pourtant
prévue par le statut de la police nationale, n'est pas respectée. Comment
pourrait-elle l'être ? Les policiers travaillent dans des zones difficiles, ils
ne peuvent pas en plus y être logés. A cet égard, une réflexion doit être menée
sur le plan local avec les préfets pour instaurer une véritable politique du
logement dans la police nationale.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ma dernière question concerne la sécurité civile. On parle beaucoup de la loi
de 1996. J'ai même entendu dire qu'il fallait des pompiers de terrain. Or tous
les pompiers sont des hommes de terrain. Il ne faut pas séparer les
professionnels et les volontaires. Je crois que la départementalisation malgré
tout le permet, quand elle est menée de manière coordonnée.
J'ai toujours considéré que le département, et pas seulement pour cette
mission, était le lieu où pouvaient s'exercer la solidarité et une bonne
péréquation. Il y a effectivement des problèmes de financement. La loi de 1996
a révélé qu'un certain nombre de collectivités n'avaient pas suffisamment de
moyens pour assurer les secours. La sécurité civile, comme la sécurité
d'ailleurs, a un coût. Si on n'y consacre pas entre 300 francs et 350 francs
par habitant et par an, on n'a pas les moyens réels de mettre en oeuvre une
politique de sécurité civile.
Il faut que l'Etat apporte son aide, car des départements sont très démunis.
Vous avez prévu une petite part de la dotation globale d'équipement pour les
SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours. C'est bien. Une
réflexion est en cours. Le rapport Fleury a formulé des propositions
intéressantes. L'Association des maires de France et l'Assemblée des
départements de France en ont fait également.
J'en suis convaincu, il ne faut pas entretenir le climat malsain qui existe
dans certains départements. Nous rencontrons tous des problèmes pour
l'aménagement et la réduction du temps de travail des sapeurs-pompiers. En
effet, compte tenu des conditions d'exercice de leurs missions, ce n'est pas
forcément facile et toutes les dérives peuvent exister dans ce domaine, avec
des risques d'explosion des budgets des SDIS.
S'agissant des budgets, j'évoquerai un point particulier, monsieur le
ministre. Je suis frappé de l'augmentation des interventions des
sapeurs-pompiers au titre du secours médical d'urgence. Il s'agit là d'un vrai
problème. Cette situation résulte à la fois des restrictions de crédits
imposées aux hôpitaux et d'une mauvaise organisation, parfois, avec les
médecins libéraux et les ambulanciers. Par conséquent, il est plus simple
d'appeler les pompiers. S'agissant de ce type d'interventions, j'ai constaté,
dans mon département, une augmentation d'une année sur l'autre de plus de 7 %.
J'ai mis en place un dispositif de vérification de la nature de ces
interventions pour que nous sachions exactement où nous en sommes. Je considère
qu'elles ne relèvent pas des missions des services d'incendie. Si elles leur
sont confiées, car ils sont désormais bien équipés et comptent de plus en plus
souvent parmi eux des infirmiers et des médecins ; ils devraient être
remboursés par les agences régionales de l'hospitalisation,...
M. Paul Girod.
Effectivement !
M. Jean-Jacques Hyest.
... comme le sont les SMUR et les SAMU. En effet, quand les pompiers viennent
chercher un malade à son domicile parce qu'aucun autre service public ne peut
intervenir, il n'y a pas de raison que les frais que cette intervention génère
ne leur soient pas remboursés. (
M. Jacques Machet applaudit.).
C'est
d'ailleurs une des propositions du rapport Fleury. Elle pourrait être mise en
oeuvre très rapidement si les instructions nécessaires étaient données, car
cela ne nécessiterait pas l'intervention du législateur. Les services
d'incendie et de secours verraient ainsi leur rôle conforté et leurs moyens
seraient mieux utilisés.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire sur ce budget.
J'aime être concret et répugne à me lancer dans de grands débats. S'agissant du
budget de la sécurité, certains affichent un réel optimisme. Pour ma part, je
considère, monsieur le ministre, qu'il règne un profond malaise dans la police
et qu'il est temps de rassurer ces fonctionnaires, d'autant que, d'ici à
quelques années, leurs effectifs connaîtront un profond renouvellement, qui
n'est pas totalement préparé.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, «
l'insécurité n'est pas un fantasme ». La formule est connue ; la réalité
qu'elle recouvre est, hélas ! toujours bien trop occultée. En effet, même si
une partie de la gauche a pu sembler s'y rallier, c'était pour aussitôt en
limiter la portée.
Ce gouvernement ne fait pas exception puisqu'il veut, par tous les moyens,
accréditer l'idée lancée par votre prédécesseur, monsieur le ministre, et selon
laquelle « l'insécurité est parfaitement contenue dans notre pays ». Or, force
est de constater et de déplorer, mes chers collègues, que tel n'est pas le cas.
Bien au contraire ! Les faits sont accablants. La criminalité et la délinquance
augmentent. Depuis 1997, les hausses succèdent aux augmentations.
Ainsi, au premier semestre 2000, le nombre de crimes et de délits constatés en
France s'est établi à 1 844 493, soit une augmentation de 2,5 % par rapport au
premier semestre de 1999. Cette hausse est minime, dira-t-on, avec l'habileté
des mots. Mais elle représente tout de même, excusez du peu, 100 000 actes de
délinquance supplémentaires en année pleine. Ce résultat confirme la tendance
enregistrée depuis l'installation de votre majorité puisque la hausse a été de
2,3 % au premier semestre de 1998 et s'élève à 3,4 % au premier semestre de
1999.
Voilà la dure réalité des chiffres, que masque une présentation officielle
toujours plus habile.
A Paris, monsieur le ministre, le préfet de police fait de la communication
sur la baisse de 7,6 % de la délinquance sur la voie publique au cours des dix
premiers mois de cette année, pour mieux atténuer la hausse de 1,8 % du total
des infractions recensées dans la capitale.
Plus alarmantes encore sont certaines hausses particulières.
Sur le plan national, au cours des six premiers mois de cette année, les
crimes et les délits contre les personnes ont augmenté de 6,1 %, parmi lesquels
on note une progression de 10,2 % des coups et blessures volontaires et de 6,3
% des viols.
Les vols, toutes catégories confondues, sont stables, mais les vols avec
violences progressent de 14,7 % et les vols à main armée de 5,2 %, la palme
revenant aux vols avec violences commis contre des particuliers à domicile, qui
connaissent une hausse de 23,1 %.
Aussi, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour toutes les victimes,
fortement traumatisées par ces agressions, de plus en plus violentes.
Le pouvoir des mots est habilement utilisé pour affadir la dramatique réalité.
Les truands ont disparu ; ce ne sont plus que des malfaiteurs, alors même que
les règlements de comptes se multiplient. Les petis délits, pourtant réprimés
par le code pénal, ont cédé la place aux « incivilités », pour mieux signifier
qu'il faut être « gentil » avec ces « pauvres » petits délinquants.
« Vous n'êtes pas tolérants », a-t-on répondu à de téméraires habitants du
XVIIIe arrondissement, qui s'étaient risqués à formuler quelques récriminations
à leurs élus locaux.
La tolérance doit avoir ses limites. Et je suis de plus en plus choqué par
certains faits. Je pense, par exemple, aux dealers qui ne prennent même plus la
peine de ranger leur marchandise au passage d'un véhicule de police.
Mais que l'on se rassure, la sécurité demeure un droit de l'homme.
Le seul problème, si j'ose dire, c'est que le Gouvernement se cache derrière
les mots pour mieux dissimuler son échec en matière de sécurité, pourtant
première mission de l'Etat.
En matière de sécurité, le moins que l'on puisse dire est que l'égalité n'est
pas assurée partout et à tous. Peut-on dire que celle-ci a encore un sens dans
les 818 quartiers sensibles, répertoriés comme tels par les Renseignements
généraux en 1999 ? « Quartiers sensibles », une autre façon habile d'utiliser
le vocabulaire. Les plus faibles de nos concitoyens sont les premières victimes
de la violence qui règne dans ces quartiers à haute délinquance.
Au point que ces victimes n'osent plus porter plainte, de peur des
représailles. Le « chiffre noir de la criminalité » qu'a évoqué le rapporteur
pour avis, notre excellent collègue M. Jean-Patrick Courtois, dont je salue le
parler juste, est d'autant plus noir qu'il est important.
Les mineurs sont également les premières victimes de la violence qu'ils
génèrent. Et ne pas prendre les mesures efficaces d'éloignement de certains
d'entre eux relève réellement de la non-assistance à personne en danger. Les «
sauvageons » - toujours les mots ! - n'ont pas disparu avec le changement de
ministre.
Conclusion, la situation est grave, d'autant plus préoccupante qu'elle ne
cesse de se détériorer. Et que fait le Gouvernement ?
Il se cache, encore et toujours, derrière les mots, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Carrère.
Tu parles !
M. Bernard Plasait.
Et quel est le mot magique ? La proximité ! Un seul mot, remède à tous les
maux.
Je ne discuterai pas du bien-fondé du terme, même s'il me semble relever du
pléonasme et de l'aveu.
M. Jean-Louis Carrère.
Ah bon ?
M. Bernard Plasait.
Pléonasme, car la police doit tout naturellement être proche des gens qu'elle
est censée protéger. Aveu, parce que c'est l'aveu qu'elle ne l'était plus.
L'orientation pourrait être bonne à la double condition de distinguer les
missions de prévention et de répression et de doter la police de proximité des
moyens nécessaires.
Comme le bon sens le commande, pour être efficace, cette police a besoin de
moyens, à commencer par des fonctionnaires, hommes et femmes, nombreux, bien
formés et disponibles.
Malheureusement, je ne peux que partager l'analyse de M. le rapporteur qui
considère que le succès de cette orientation est gravement hypothéqué par le
manque de moyens.
Alors qu'il aurait fallu accroître les effectifs de façon substantielle,
notamment pour anticiper les départs en retraite, le budget que vous nous
présentez pour 2001 consacre une diminution des effectifs de près de 1 %.
Par conséquent, vous en êtes réduit à gérer la pénurie et à ne compter que sur
les 20 000 adjoints de sécurité qui, à terme, seront recrutés.
Votre politique se réume donc à déshabiller Pierre pour habiller Paul, ce qui
ne manquera pas d'avoir de graves répercussions.
Je ne peux que souligner, comme chaque année, les difficultés de recrutement
rencontrées en région d'Ile-de-France et regretter la très faible formation des
adjoints de sécurité - aucun diplôme n'est exigé - ainsi que les défaillances
du système d'encadrement - le tutorat a échoué -, ce qui nous conduit à voir
patrouiller dans la capitale des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes.
Les Français ont besoin de vrais policiers pour assurer leur sécurité, de
vrais professionnels, bien formés, bien rémunérés et considérés à la mesure des
services qu'ils rendent à la nation tout entière.
Et si je m'associe évidemment à l'hommage rendu aux quatre policiers tués et
aux 4 118 fonctionnaires blessés en mission l'an dernier, je déplore que ce
budget, qui ne fait que stagner en francs constants, ne permette pas de
répondre aux premières urgences, juste aux premières urgences, monsieur le
ministre.
Je pense à la persistance dramatique des tâches indues ainsi qu'aux tâches
administratives pour lesquelles vous avez interrompu, dès 1997, le recrutement
des 4 300 emplois que prévoyait la loi de programmation.
De même, je considère qu'une attention toute particulière doit être portée au
corps des officiers de police qui assument aujourd'hui de très lourdes
responsabilités, sans la juste compensation qu'ils méritent.
Enfin, mais c'est aussi devenu un classique depuis trois ans, je ne peux que
dénoncer l'insuffisance chronique des crédits de fonctionnement et
d'équipement.
Cela conduit, notamment, à un retard préjudiciable du réseau ACROPOL, au
maintien en service de près de 7 000 véhicules qui ont dépassé leurs critères
de réformes et à l'insatisfaction des besoins en logements des policiers,
particulièrement en région parisienne.
Or, la première condition de l'efficacité d'une police, c'est la motivation
des hommes et des femmes qui la font.
Pour cela, il faudrait une politique cohérente et ferme qui, pour reprendre la
formule de Raymond Marcellin, consiste « à créer l'insécurité dans le camp de
nos adversaires ».
Je crains fort, monsieur le ministre, que, avec votre politique, nous n'en
soyons bien loin.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens
tout d'abord à m'associer à l'hommage rendu tout à l'heure aux pompiers tués en
service commandé, ainsi qu'à tous ceux qui ont été blessés, sans oublier les
membres des autres forces de sécurité qui veillent sur notre population.
S'agissant des pompiers, je regrette que l'Assemblée nationale ait écarté un
certain nombre de dispositions introduites par le Sénat dans le projet de loi
relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique,
notamment la validation des services accomplis par les sapeurs-pompiers
volontaires qui sont en même temps fonctionnaires publics territoriaux, et
l'augmentation de la pension de réversion et de la pension d'orphelin
attribuées aux ayants cause des sapeurs-pompiers décédés en service
commandé.
Sur ces deux dispositions que le Sénat avait introduites et que l'Assemblée
nationale a supprimées, un mauvais dialogue s'est établi entre les deux
assemblées au sujet d'un corps et d'un groupe d'hommes et de femmes qui
méritent cependant une reconnaissance absolument unanime de la nation.
Monsieur le ministre, je voudrais vous parler quelques instants de la sécurité
civile et de la défense civile pour des raisons que vous connaissez bien et qui
me vaudront d'ailleurs l'honneur de vous recevoir dans quelques jours dans une
autre enceinte.
Je vous avoue éprouver une certaine inquiétude par rapport à la manière dont
l'ensemble de notre pays appréhende actuellement la question : mon inquiétude
est liée non à une insuffisance des réflexions engagées - il y en a, et
beaucoup - non à une absence de prise de conscience au niveau de
l'administration centrale de l'évolution d'un certain nombre de menaces, et en
particulier de la menace latente du terrorisme, sur lequel plusieurs groupes de
travail sont actuellement à l'oeuvre au sein des organismes gouvernementaux,
mais à une tendance de la population française a pour des raisons qui
s'expliquent d'ailleurs facilement, à n'aborder le problème de la sécurité
civile que sous l'angle des grandes catastrophes que nous venons de subir :
inondations, pollutions en tous genres, etc.
C'est effectivement un sujet qui mérite examen et analyse. En ce qui concerne
les grandes tempêtes de l'année dernière, notamment, force est de constater que
notre système de secours a très bien réagi mais par la base, c'est-à-dire par
les élus locaux et les corps de sapeurs-pompiers au contact de la population.
Peut-on en dire autant de certaines grandes administrations ou de certains
grands services, en particulier d'EDF, quant à la rapidité avec laquelle ils
ont fait face aux difficultés auxquelles ils étaient confrontés ? Le moins que
l'on puisse dire, c'est que, malgré les louanges sur le résultat final, un
certain nombre de critiques sont émises ici ou là sur la manière dont les
choses ont été gérées au cours de la période de réparation et de remise à
niveau. Il y a probablement là matière à réfléchir, de même qu'il faut
s'interroger sur l'efficacité de certains grands plans derrière lesquels on se
réfugie un peu facilement ; ainsi, le plan POLMAR-Terre ne semble pas avoir
fait la preuve d'une parfaite efficacité dans l'affaire de l'
Erika
.
Mon propos, monsieur le ministre, sera plutôt axé autour de l'idée
suivante.
Nous avons certes des plans à revoir et un certain nombre de réflexions à
mener. Sommes-nous certains que, dans un certain nombre de cas, nous ne sommes
pas à la recherche du Graal ? Je m'explique.
Actuellement, une réflexion est menée sur l'unification des réseaux de
télécommunications. C'est important. Je sais qu'un certain nombre de solutions
apparaissent. Mais n'a-t-on pas trop attendu avant de prendre une décision
effective ? Churchill disait que la bataille d'Angleterre avait certes été
gagnée par les pilotes, auxquels il rendait un hommage appuyé, mais également
grâce à un vieux militaire chargé du choix des appareils volants, autrement dit
des avions, qui, un jour, stoppant la course au prototype toujours plus
performant, avait décidé de passer au stade de la construction : ce fut le
Spitfire, qui permit la victoire de la bataille d'Angleterre, car il existait
en nombre suffisant.
Ne sommes-nous pas, dans les réflexions que nous menons en matière de
sécurité, à la recherche permanente de l'efficacité la plus parfaite possible
pour l'immédiat ou les prochains mois, ce qui nous empêche de passer à l'action
? Il faudrait, à mon avis, réfléchir sur ce point.
De la même manière, monsieur le ministre, ne devons-nous pas réfléchir à la
façon dont sont menés nos exercices en matière de sécurité civile ? Il est
courant de dire que, lorsque l'on simule un exercice sur un accident de
centrale nucléaire, par exemple, il faut le faire de telle manière que cela
dérange le moins possible la population civile pour ne pas l'affoler.
Je me permets de verser au débat l'expérience américaine : aux Etats-Unis, les
exercices de sécurité civile sont conçus et contrôlés en dehors de
l'administration, par des sociétés dont c'est le métier. Ainsi, le dernier
grand exercice de sécurité civile a mobilisé jusqu'à la Maison Blanche, et à
une date non fixée à l'avance : cet exercice était prévu dans une fourchette de
quatre ou cinq jours, mais personne ne savait exactement à quel moment il
serait déclenché !
M. Jean-Louis Carrère.
C'est plus efficace que pour le décompte des voix !
(Sourires.)
M. Paul Girod.
J'ajoute que la société organisant l'opération a passé son temps à créer des
incidents supplémentaires dans le cadre même de l'exercice !
Je crains que nos exercices ne soient souvent un peu trop littéraux, préparés,
déterminés à l'avance, et que les seuls incidents survenant ne soient dus qu'à
des erreurs de lecture de tel ou tel ayant insuffisamment pris connaissance des
documents préparés d'avance qui, normalement, ont tout prévu. Il y a donc, à
mon avis, une réflexion à mener de ce côté-là.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui regrettent que nous ayons à nous
prononcer par un seul vote sur l'ensemble des crédits du ministère de
l'intérieur. En effet, même si les critiques que je peux formuler ici ou là
sont fortes, j'aurais aimé apporter mon soutien au Gouvernement s'agissant des
tâches régaliennes de l'Etat.
Malgré tout ce qui a été dit tout à l'heure sur la réalité du malaise existant
dans la police, malaise dont je partage l'analyse, et malgré les réflexions que
je viens de faire sur la sécurité civile, j'aurais aimé voter ces crédits.
Malheureusement, le budget de l'intérieur étant un et un seul, la procédure en
vigueur quant au vote de la loi de finances dans notre pays m'amènera à émettre
un vote négatif sur ces deux points, ce que je regrette profondément.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont une appréhension
globalement positive des crédits du ministère de l'intérieur pour la
sécurité.
Ils considèrent en effet que, du point de vue qualitatif, ce budget aborde et
tente de résoudre concrètement un certain nombre de problèmes soulevés les
années passées par les parlementaires et les syndicats de policiers.
Je pense en particulier à la question de la remise sur le terrain de policiers
employés à des tâches administratives. Il était temps ! Déjà la loi
d'orientation sur la police et la sécurité de 1995 avait prévu le recrutement
de personnel administratif à cet effet. Le rapport parlementaire de la mission
d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, remis en 1999, a
constitué, de ce point de vue, l'élément déclencheur qui se traduit
aujourd'hui, dans le budget de la police pour 2001, par la création de 800
postes de personnels administratif et scientifique.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent également
souligner les efforts de formation et de reclassement réalisés en faveur des
adjoints de sécurité ; je pense en particulier à la création d'un concours
spécifique « gardien de la paix », même si les choses peuvent et doivent être
encore améliorées, notamment du point de vue de la formation.
De plus, si l'on considère que la profession devient, en période de
croissance, d'autant moins attractive - on en voit d'ailleurs les effets sur le
concours d'officiers -, il convient de veiller particulièrement à maintenir la
qualité du recrutement des adjoints et à leur donner un cadre statutaire
satisfaisant. Ces exigences deviennent impératives si, comme vous nous l'avez
dit en commission, monsieur le ministre, l'on s'oriente vers un élargissement
des compétences des adjoints de sécurité et si ces personnels ont effectivement
vocation à intégrer le corps des gardiens de la paix.
Cependant, il faudra être particulièrement vigilant à ce que l'effort de
qualité en faveur des adjoints de sécurité ne se traduise pas par la
constitution d'un corps de policiers au rabais ; c'est la crainte exprimée par
le corps des gardiens de la paix à laquelle il nous faut répondre.
Ce risque n'est pas aussi fantasmatique qu'on veut parfois bien le présenter,
si l'on considère qu'il faudra, dans les prochaines années, faire face aux
massifs départs à la retraite.
Privilégier une lecture qualitative du projet de budget me conduit également à
avoir une vision plus critique.
La préoccupation des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
consiste moins à mesurer l'importance des moyens investis, auquel cas il
faudrait déplorer la hausse somme toute relative des crédits de cette année,
qu'à évaluer l'adéquation des moyens engagés avec la politique qu'ils sont
destinés à mettre en oeuvre. En d'autres termes, s'il est bien de créer et de
redéployer les postes, encore faut-il savoir pour quelles missions !
Je me limiterai, dans le temps qui m'est imparti, à évoquer le défi de la
police de proximité. Le chantier est loin d'être achevé. Si la généralisation
des contrats locaux de sécurité a pu démontrer, s'il en était encore besoin,
l'intérêt de cette redéfinition de la politique de la sécurité qui réconcilie
répression et prévention, prenons cependant garde qu'elle ne soit pas non plus
victime de son succès. Des améliorations notables doivent être notamment
apportées sur la vocation partenariale des contrats locaux de sécurité, qui en
constitue l'un des soubassements. Nombreux sont les syndicats qui ont pu
déplorer qu'elle ne se limite trop souvent qu'à des relations épisodiques entre
élus et chefs de police.
Il faut songer à y associer plus étroitement, dans une logique de
complémentarité, les autres acteurs directs ou indirects de la sécurité, tels
les chefs d'établissement scolaire ou des sociétés de transport, mais également
la gendarmerie et les autres polices : police des douanes, police municipale,
par exemple.
Sur ce dernier aspect, la signature effective ou à venir des conventions
conclues entre les polices municipales et la police nationale doit être perçue
comme une bonne chose, à condition toutefois qu'elle soit faite dans la
complémentarité, sans remise en cause d'aucune sorte du caractère éminemment
national et régalien de la police.
Quoi qu'il en soit, ces précisions ne remettent pas en question l'aspect
positif de ce projet de budget, que nous voterons donc.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Guérini.
M. Jean-Noël Guérini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, débattre du
budget du ministère de l'intérieur, et plus particulièrement des crédits
consacrés à la police, c'est débattre sur une priorité gouvernementale, retenue
comme telle par le Premier ministre, dès sa déclaration de politique générale :
je veux parler de la sécurité, ce droit fondamental du citoyen dans la
République, un droit égal pour tous et en tous lieux.
Trois ans après, il nous appartient d'examiner les conditions dans lesquelles
cette volonté politique, solennellement exprimée, s'est inscrite et se poursuit
durablement dans les faits.
Elle s'est traduite par l'élaboration et la mise en place des contrats locaux
de sécurité et par le développement concomitant de la police de proximité,
c'est-à-dire, au-delà de l'indispensable développement des moyens, par une non
moins indispensable réorganisation en profondeur des modes d'intervention de la
police.
Une réorganisation ne vise à rien moins qu'à rendre la police plus soucieuse
du citoyen et de ses attentes, plus sensible à la perception de l'insécurité et
mieux impliquée dans les territoires où sa présence est nécessaire. Elle a pour
finalité de la rendre plus efficace.
S'il fallait fournir une illustration concrète de la justesse de la politique
mise en oeuvre par le Gouvernement, je la trouverais dans mon département,
celui des Bouches-du-Rhône, et à Marseille.
En 1999, les chiffres de la délinquance sur la voie publique, génératrice plus
que toute autre du sentiment d'insécurité, y ont enregistré une baisse de 5,6
%, n'en déplaise à M. le rapporteur spécial, André Vallet.
Des chiffres plus éloquents encore ont été enregistrés à Marseille, puisque
cette baisse a été, pour l'ensemble de la ville, de 9,2 % en 1999 et que, pour
les six premiers mois de l'année 2000, une décrue supplémentaire de 8,37 % est
venue s'y ajouter.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Grâce à Gaudin !
(Sourires.)
M. Jean-Noël Guérini.
Non, grâce au Gouvernement, et non pas grâce à M. Gaudin !
(Nouveaux
sourires.)
Par rapport à la période allant de janvier à juin 1999, les derniers chiffres
connus pour l'année 2000 font état d'une nouvelle baisse de 18,13 %.
Il s'agit là de résultats encourageants, mes chers collègues, qui nous font
enregistrer avec satisfaction l'engagement d'aborder, dès le début de 2001, la
seconde phase du dispositif, qui concernera 11 millions d'habitants, répartis
dans quatre-vingts départements.
L'achèvement définitif du programme étant annoncé pour juillet 2002, atteindre
un tel objectif suppose la création de postes, l'adaptation et la formation des
personnels à ces nouvelles méthodes et un accroissement des moyens
matériels.
Les mesures les plus significatives sont notamment la création de 550 postes
administratifs, qui permettra le retour sur le terrain d'autant de policiers
délivrés de tâches qui ne sont pas les leurs, la mobilisation de 200 millions
de francs supplémentaires, destinés à financer le seul fonctionnement de la
police de proximité, le développement de la formation liée à ce dispositif et
la création d'un régime indemnitaire particulier, mais aussi l'affectation de
700 millions de francs d'autorisations de programme à la rénovation du parc
immobilier et, surtout, à la construction d'hôtels de police.
On peut affirmer objectivement, monsieur le ministre, que votre projet de
budget correspond aux ambitions et à la volonté déjà inscrites dans les budgets
précédents.
Pour autant, ne nous dissimulons pas qu'il reste encore beaucoup à faire.
En effet, le problème des effectifs demeure, avec la délicate question du
nombre important des départs à la retraite dans les prochaines années,
conséquence d'un déséquilibre de la pyramide des âges. Le mouvement de
rééquilibrage amorcé dans ce projet de budget par transformation de postes doit
être impérativement accéléré.
Je tiens en outre à évoquer un autre problème d'effectifs, celui qui est lié à
la pérennisation des ADS dans les années à venir.
Par ailleurs, malgré la création de 150 nouveaux postes, l'insuffisance
numérique des personnels scientifiques et techniques, indispensables à une
police moderne confrontée aux formes nouvelles de la criminalité organisée,
subsiste.
Reste, enfin, l'urgente nécessité qui s'attache à la rénovation et à la
reconstruction des centres de rétention, dont l'état est plus qu'affligeant,
s'agissant notamment de celui de Marseille, ainsi qu'à la modernisation de
nombreux commissariats. Je sais que ces deux dossiers sont pour vous
prioritaires, monsieur le ministre.
Au-delà de ce projet de budget, auquel le groupe socialiste apportera, bien
évidemment, son soutien, c'est donc une lourde tâche qui vous attend encore,
monsieur le ministre.
Cependant, la détermination dont vous avez fait preuve afin d'obtenir de
notables ouvertures de crédits complémentaires en collectif budgétaire nous
incite à penser que vous saurez la mener à bien.
Qu'il me soit permis de déborder un peu du cadre qui m'est imparti et de
souligner, en guise de conclusion, que si, comme je le dis presque
quotidiennement à tous ceux qui viennent me confier leurs inquiétudes, la
sécurité est avant tout affaire de police et relève de vos services, monsieur
le ministre, le sentiment d'insécurité qu'éprouvent nombre de nos concitoyens
procède, quant à lui, de facteurs plus complexes.
S'il repose effectivement sur la délinquance, notamment sur une délinquance de
rue que l'on a eu trop longtemps le tort de sous-estimer, il résulte aussi de
bien d'autres éléments que nous devons prendre en compte.
En effet, un habitat dégradé, des rues malpropres et sombres, des friches sans
avenir au coeur de nos cités, l'éloignement qui coupe certaines personnes âgées
de l'accès aux services publics, des groupes d'adolescents désoeuvrés faute de
lieux de loisirs ou de terrains de sports de proximité sont autant de facteurs
engendrant un malaise ambiant qui suscite l'inquiétude et nourrit parfois des
fantasmes que d'aucuns s'emploient, de façon nauséabonde, à entretenir.
A tous ces problèmes, seule une ambitieuse politique de la ville, comme celle
que s'emploie à mener le Gouvernement, est susceptible d'apporter une
réponse.
Cette politique repose aussi en grande partie sur un partenariat volontariste
avec les collectivités territoriales. Ainsi, le département des
Bouches-du-Rhône s'est engagé à hauteur de plus de 231 millions de francs sur
six ans. Cet effort est lourd, très lourd même, mais chacun aura compris, mes
chers collègues, que nous sommes confrontés à un véritable enjeu de société et
que la réussite est à ce prix.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, ce débat sur la sécurité est extrêmement intéressant. Beaucoup
d'éléments concrets ont été apportés, même si, monsieur le ministre, le Sénat
ne se prononcera pas immédiatement sur les crédits consacrés à la sécurité,
puisque c'est l'ensemble du projet de budget du ministère de l'intérieur, y
compris les crédits affectés à la décentralisation, qui fera l'objet de notre
vote.
Je voudrais toutefois, s'agissant des crédits alloués à la sécurité, faire
état de mon désappointement, de ma déception eu égard, en particulier, au net
décalage qui me semble exister entre les paroles et la réalité.
Quels sont les indicateurs dont nous disposons en la matière ? Le rapporteur
spécial, M. André Vallet, a très justement souligné que le nombre des crimes et
délits a augmenté de 2,5 % au premier semestre de 2000, que celui des
infractions violentes a progressé de 10 % entre 1998 et 1999 et qu'un sentiment
diffus d'insécurité existe partout, dans toutes nos communes, qu'elles soient
rurales ou urbaines, dans tous les quartiers, qu'ils soient ou non considérés
comme sensibles.
Au regard de ce constat, quel est l'indicateur de l'action de l'Etat, monsieur
le ministre ? C'est tout simplement le nombre de policiers en tenue sur la voie
publique et susceptibles de consacrer leur activité à des tâches de maintien de
l'ordre ou de police, en particulier de proximité. Or l'effectif des agents de
la police nationale était de 149 800 en 2000, et il sera de 148 300 en 2001,
soit un recul de 1 %.
Monsieur le ministre, il est inhabituel que la commission des finances évoque
des variations d'effectifs, car nous nous attachons à prendre en considération
l'évolution globale des masses du budget de l'Etat, mais le décalage entre les
paroles et la réalité est ici trop criant pour que l'on puisse ne pas
réagir.
Ce projet de budget pour 2001 prévoit au total la création de 20 000 emplois
de fonctionnaire, mais aussi, parallèlement, une diminution de 1 % du nombre de
policiers en tenue.
M. Jean-Louis Carrère.
Cela vous fait mal à la bouche !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le ministre, quelles sont les priorités du
Gouvernement auquel vous appartenez ? (
M. Machet applaudit.)
La sécurité
est-elle ou non prioritaire ? Bien d'autres choses, naturellement, seraient à
dire quant à la préparation de l'avenir.
Au nombre des personnels en tenue figurent les adjoints de sécurité. Ils sont
encore 20 000, mais leur nombre diminuera inéluctablement, ce qui explique le
recul global des effectifs en tenue disponibles sur la voie publique. Monsieur
le ministre, votre prédécesseur nous avait en quelque sorte « vendu » ces
adjoints de sécurité, dans l'optique des contrats locaux de sécurité, comme
représentant des moyens supplémentaires pour assurer la sécurité dans les rues,
dans les quartiers de nos communes. Or, aujourd'hui, leur nombre diminue. Ces
adjoints de sécurité, très dignes d'estime et sympathiques au demeurant, qui
auront, je l'espère, développé, pendant leur temps de service au sein des
commissariats, une vocation pour ce métier, sont en fait des titulaires
d'emploi-jeune, relativement peu formés et opérationnels. Ils ont, certes, le
mérite de compléter les moyens de la police professionnelle, mais que
deviendront-ils dans l'avenir ?
Bien d'autres sujets ont été abordés, mais je ne voudrais pas trop prolonger
le débat.
Cela étant, la sécurité civile, les rôles respectifs des services d'incendie
et de secours et des établissements hospitaliers constituent autant de
questions qui n'ont pas été traitées, or nous sommes bien là au coeur des
responsabilités de l'Etat, cet Etat de plus en plus dépensier, qui fait de plus
en plus n'importe quoi mais qui ne fait pas son métier essentiel, prioritaire,
qui est d'assurer la sécurité de nos citoyens.
Monsieur le ministre, je crois que, à l'occasion de ce débat budgétaire, il
revient au Sénat, au vu des propositions et des analyses des rapporteurs
spéciaux et des rapporteurs pour avis, de faire état de ce qui à ses yeux est
l'essentiel. Or, dans ce domaine de la sécurité, la situation n'est pas
satisfaisante. Tous les intervenants se sont exprimés en ce sens, c'est notre
devoir de le dire, car il s'agit là d'un problème d'opinion publique, d'un
problème de société, qui touche à l'évolution de la délinquance dans notre
pays, plus spécialement lorsqu'elle concerne les villes et les mineurs.
Ce sujet est donc incontournable, mais rien ne nous est dit sur la manière
dont il sera traité dans l'avenir. Pourtant, nous savons bien qu'il y a là des
risques très graves pour le tissu social, qu'une sorte de gangrène peut gagner
les esprits, affecter les comportements et dégénérer en tensions et en
violences. Nous savons bien que tout cela est dangereux pour l'Etat et notre
société, mais aucune réponse ne nous est faite à ce sujet.
Par conséquent, monsieur le ministre, ne vous étonnez pas que, cette année,
alors que tel n'avait pas été le cas l'année dernière, les commissions du Sénat
saisies au fond ou pour avis appellent à rejeter vos crédits de sécurité. L'an
passé, je le répète, nous n'avions pas adopté la même attitude, nous ne nous
étions pas livrés à la même analyse, mais nous avons examiné en conscience la
situation et cela nous conduit cette fois à la préconisation d'un rejet qui, je
l'espère, mes chers collègues, sera largement suivie sur les travées du Sénat,
de telle sorte que nous marquions nettement notre souci et notre préoccupation
au Gouvernement et que nos concitoyens comprennent bien que nous les avons
entendus !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère.
Ce n'est pas la peine de lui répondre, c'est tellement démago !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, monsieur le président de
la commission des finances, monsieur le rapporteur général, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme convenu, je n'ai pas
l'intention de faire aujourd'hui devant vous une présentation générale du
projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2001. En effet, mes auditions
par la commission des finances de votre assemblée, le 16 novembre dernier, puis
par la commission des lois, le 28 novembre, m'ont permis de me livrer à cet
exercice.
Je m'efforcerai donc de répondre le plus précisément possible aux différentes
questions soulevées, à la fois par écrit et oralement, par MM. les rapporteurs,
ainsi qu'aux principales interrogations formulées par les orateurs des
différents groupes parlementaires.
Pour ordonner mon propos, qu'il me soit permis de regrouper ces questions en
trois thèmes : la police, la sécurité civile et l'administration territoriale.
Nous débattrons un peu plus tard, sans doute cet après-midi, des dotations aux
collectivités locales.
Mais avant d'entrer dans le détail de vos questions, vous me permettrez de
vous rappeler quelques données chiffrées sur ce projet de budget. En effet,
j'ai entendu beaucoup de chiffres depuis le début de cette séance, interprétés
en règle générale en la défaveur du Gouvernement, et je crois nécessaire de les
remettre en perspective.
A périmètre constant et hors dotations aux collectivités locales et crédits
pour l'organisation des élections, le budget du ministère de l'intérieur
augmente bien de 4,4 % par rapport à l'année dernière, contre 0,3 % pour
l'ensemble du budget de l'Etat, monsieur le rapporteur général.
Avec plus de 900 millions de francs l'année prochaine, les mesures nouvelles
du ministère de l'intérieur, celles qui représentent notre véritable capacité
d'intervention, sont en hausse de 50 % par rapport à l'an 2000 - 50 %, monsieur
le rapporteur général !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pas les effectifs !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous bénéficierons notamment de plus de 1
milliard de francs pour l'immobilier et de 1 milliard de francs pour
l'informatique, les transmissions et les nouvelles technologies.
Ce qui est vrai pour les crédits l'est aussi pour les emplois, monsieur le
rapporteur général !
En 2001, après la création nette de 713 emplois, l'effectif global
opérationnel du ministère s'établira à près de 185 000 agents, en intégrant les
unités de sécurité civile et les adjoints de sécurité.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je parlais des personnels de maintien de l'ordre !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
En outre, le Gouvernement vous proposera de
majorer ces crédits initiaux dans un collectif budgétaire.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas sérieux !
M. Jean-Louis Carrère.
Il faut savoir avoir tort !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ainsi, 200 millions de francs supplémentaires
seront inscrits pour le fonctionnement de la police nationale, pour renforcer
la police de proximité, assurer un meilleur entretien du parc des véhicules et
tirer les conséquences de la loi sur la présomption d'innocence, ce qui répond
à plusieurs de vos préoccupations ; 175 millions de francs seront également
ouverts pour les grands projets immobiliers de la police.
Par ailleurs, la sécurité civile bénéficiera de 28 millions de francs
supplémentaires à titres divers, notamment pour la reconstitution de ses stocks
et le remplacement de ses véhicules lourds brûlés cet été.
Enfin, les crédits des préfectures seront également majorés de 20 millions de
francs.
Ces quelques chiffres valent de longs discours. Les grandes politiques dont
mon ministère a la charge retrouveront toutes dans ce budget les moyens qui
leur sont nécessaires.
Je le redis devant vous, le budget du ministère de l'intérieur pour 2001 sera
un bon budget, même si, bien évidemment, il faut continuer à aller dans ce sens
dans les années qui suivent.
Au fur et à mesure des réponses que je vous apporterai, vous constaterez que
ce progrès est à comparer avec le tableau des tristes années 1995 et 1996, où
vous étiez, monsieur le rapporteur général, moins disert qu'aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère.
Il a oublié !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
S'agissant de la police, j'ai noté vos
nombreuses questions sur les effectifs de police, notamment sur les adjoints de
sécurité, sur les conditions de travail des policiers, en particulier sur le
programme ACROPOL, sur le logement des personnels de police et sur les
conséquences de la loi relative à la présomption d'innocence. Je vous
apporterai également des précisions sur ma conception de la « coproduction » de
sécurité, qui concerne aussi bien les contrats locaux de sécurité que les
polices municipales, et, enfin, sur la délinquance et l'évolution de certains
types de délinquance, sujet de préoccupations de M. Courtois bien que ce ne
soit pas des questions d'ordre strictement budgétaire.
S'agissant des effectifs de la police nationale, traités notamment par MM.
Courtois, Vallet et Demuynck, il est vrai que la police nationale doit faire
face à un vaste mouvement de départ à la retraite qui n'avait pas été anticipé
par les gouvernements précédents. Il aurait fallu anticiper ces 4 000 départs
par an en 2001 et 2002, selon le principe de la gestion prévisionnelle des
effectifs.
Il aurait fallu s'en préoccuper, monsieur le rapporteur général, dès 1995. Or
je ne me rappelle pas vous avoir entendu à l'époque ! C'est M. Debré, ministre
de l'intérieur, et élu de Paris - je m'adresse également à M. Plasait - qui
avait partiellement « déshabillé » la préfecture de police de Paris.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous arrangez les choses à votre convenance !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La vérité est parfois difficile à admettre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est votre vérité toute relative !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis.
N'y a-t-il pas eu Chevènement, après M. Debré ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Certes, en 2000, les effectifs sont encore bas
mais ils augmenteront progressivement jusqu'en 2005. D'ailleurs, c'est
justement pour pallier l'imprévision des gouvernements qui nous ont précédés
que nous procédons à des embauches en surnombre, ce qui n'est pas, c'est vrai,
dans l'orthodoxie budgétaire.
C'est ainsi que M. le Premier ministre a pris la décision de former 2 400
policiers en surnombre ; j'en ai demandé encore pour 2001. Les écoles de la
police national sont pleines ; elles forment en 2000 plus de 6 500 élèves
gardiens de la paix pour combler les déficits dont nous sommes vos héritiers.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Les écoles de police comptent
aujourd'hui 2 000 élèves gardiens de la paix de plus que les années
précédentes.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est trop facile !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Dans ce contexte très défavorable, le
Gouvernement est néanmoins parvenu à maintenir les effectifs...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quelle analyse partisane !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Non, pas partisane, je dis la vérité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Vous avez eu quatre ans pour réparer les
erreurs.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous avons donc maintenu les effectifs à leur
niveau de 1995, et nous sommes parvenus à faire face aux deux premières vagues
de généralisation de la police de proximité ; nous sommes en train de la mettre
en place. Le projet de loi de finances pour 2001, avec la création de 800
emplois techniques, scientifiques et administratifs, y contribue fortement.
Dois-je vous rappeler que, dans la loi d'orientation et de programmation
relative à la sécurité - j'étais député à l'Assemblée nationale - de M. Pasqua,
un de mes prédécesseurs, 5 000 emplois administratifs étaient prévus ? En
avez-vous vu la trace dans les budgets de 1995 et de 1996, préparés par les
gouvernements que vous souteniez ? Certainement pas !
M. René-Pierre Signé.
Non !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous, nous le faisons à votre place. Cela nous
demandera un certain temps - 5 000 emplois, ce n'est pas rien ! - mais déjà,
avec 800 emplois créés cette année, nous faisons un premier pas qui va dans le
bon sens.
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Et Chevènement, qu'a-t-il fait ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Par ailleurs, nous nous sommes également
organisés pour redéployer 5 000 policiers en trois ans dans les quartiers et
lieux les plus sensibles du territoire. Personne ne peut contester cette
politique de redéploiement menée par le Gouvernement.
Je n'oublie pas le renfort que représentent les adjoints de sécurité dans ce
dispositif, dont il est faux de dire qu'ils sont une police de second rang,
source de problèmes, alors qu'ils constituent - les policiers que je rencontre
sur le terrain le reconnaissent eux-mêmes - un renfort déterminant à la police
de proximité, puisque 90 % d'entre eux sont affectés dans les zones
sensibles.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Personne ne les critique ; nous nous inquiétons
simplement de leur sort !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'y viens, monsieur Marini !
En outre, les adjoints de sécurité contribuent à faire évoluer la police. Ils
sont jeunes ; leur moyenne d'âge est de vingt-deux ans ; ils constituent une
police plus proche de la population, notamment de par leur origine, puisqu'on
compte dans leur rang plus de 30 % de femmes, et de nombreux adjoints de
sécurité sont originaires des quartiers où justement des problèmes de sécurité
se posent.
Enfin, affirmer que les adjoints de sécurité forment une police de second rang
n'est pas sérieux. Il faut savoir qu'ils sont amenés à suppléer les policiers
auxiliaires en raison de la suppression du service national. J'imagine que, en
tout cas pas sur les travées de la droite de cet hémicycle, vous n'allez pas
critiquer cette suppression du service national...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce que nous souhaitons, ce sont des policiers
professionnels !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il fallait procéder à ces remplacements. Le
recrutement en année pleine de 20 000 adjoints de sécurité est un élément très
important pour faire en sorte que la disparition des policiers auxiliaires
n'affaiblisse pas les moyens d'intervention de la police.
La politique de recrutement d'adjoints de sécurité a été un véritable succès.
Certes, la baisse du chômage, due à la politique menée par le Gouvernement et à
la croissance retrouvée, pose parfois, par endroits, des difficultés de
recrutement. Cela tient également au fait que les adjoints de sécurité, qui se
forment sur le terrain, après deux ans et demi ou trois ans de travail aux
côtés des policiers, aspirent naturellement à passer un concours pour intégrer
les rangs de la police et à suivre une formation en école. Près de 3 000
d'entre eux ont déjà intégré les rangs de la police nationale. Le poste
d'adjoint à la sécurité constitue en quelque sorte une prérecrutement bien
utile pour la police, parce que ce sont des personnes que l'on connaît, que
l'on a vues à l'oeuvre sur le terrain et dont on connaît le cursus, le
comportement et les capacités.
Dès lors, la partie du contrat qui reste à courir n'est plus susceptible
d'intéresser de nouveaux jeunes ; ce sont les rompus de contrat. Je souhaite
que des décisions soient prises, et elles le seront car je m'en occupe très
sérieusement. Chaque fois qu'un jeune quitte son contrat pour intégrer les
rangs de la police nationale, il faut que l'on puisse proposer un nouveau
contrat de cinq ans à un jeune ; on remet en quelque sorte le compteur à zéro
chaque fois qu'un contrat est rompu.
M. René-Pierre Signé.
Très bien ! C'est ce qu'ils n'ont pas su faire !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Ça, c'est bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il faut pérenniser la présence des adjoints de
sécurité dans la police nationale.
Dans ce contexte de tension pesant sur les effectifs de police, vous avez
aussi évoqué un certain malaise qui toucherait le corps des officiers. Sachez
que, pour réagir face à ce phénomène, une action d'information est actuellement
engagée dans des journaux spécialisés et une campagne d'affichage est en
préparation pour susciter, bien entendu, les vocations.
Je répondrai maintenant à M. Demuynck. Les effectifs en Seine-Saint-Denis sont
passés, entre le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2001, de 3 339 à 3 570
gardiens de la paix. C'est une simple précision que j'apporte, qui démontre
qu'il n'y a non pas, aujourd'hui, une baisse d'effectifs en Seine-Saint-Denis,
mais au contraire un accroissement d'effectifs qui sera bien sûr
progressif...
Par ailleurs, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, la police de proximité, à
qui, avec le Premier ministre, j'ai rendu visite, fait son travail. Il est bien
utile. C'est vrai pour la Seine-Saint-Denis comme pour d'autres départements,
notamment en zones urbaines denses.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Elle n'est pas assez nombreuse !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La police de proximité va s'intensifier. La
première vague compte 63 circonscriptions de police. La deuxième vague - nous
somme en train de la mettre en place - comptera 180 circonscriptions de police.
Quant à la troisième vague, elle est prévue pour être mise en place au tout
début de l'année 2002. A cette date, l'ensemble des Français qui vivent en zone
de police seront concernés par la police de proximité.
Je suis heureux de constater que la police de proximité est un élément positif
qui est acté dans cet hémicycle.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Elle n'est pas assez dense !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est une bonne politique par rapport à une
vieille conception de la police de maintien de l'ordre, tout à fait efficace.
Mais, aujourd'hui, nos concitoyens demandent une police de proximité afin
qu'elle agisse au plus près de leur vie. C'est là, effectivement, une vraie
révolution, qu'il nous faut réaliser. Les policiers l'ont compris. Aujourd'hui,
dans la police, dans toute la hiérarchie du bas en haut, et du haut en bas,
chacun est convaincu qu'il faut aller vers la police de proximité.
Concernant les conditions de travail des policiers, évoquées par MM. Courtois
et Vallet notamment, un rappel me paraît nécessaire. Je ne peux laisser dire
que les crédits de fonctionnement de la police seront insuffisants en 2001.
Le projet de budget prévoit que la police disposera en 2001, pour la première
fois, de crédits de fonctionnement de plus de 4 milliards de francs, en
augmentation de près de 7 % par rapport à 2000. Les moyens de la police de
proximité seront de 200 millions de francs en 2001, 145 millions de francs
étant réservés au financement et à l'équipement des nouvelles implantations
immobilières nécessaires à la police de proximité. Les crédits informatiques de
la police augmenteront de 33 %, et les crédits immobiliers progresseront de 18
%.
Le réseau ACROPOL par ailleurs, dont les élus ou les policiers eux-mêmes se
plaignent quelquefois au motif qu'il tarde à se généraliser, contribue d'ores
et déjà à l'amélioration des conditions de travail des policiers. Les
performances insuffisantes des réseaux analogiques utilisés par la police
nationale rendaient très difficile la coordination opérationnelle des services.
Ce n'est plus le cas dans les zones couvertes. Progressivement, les zones vont
être couvertes : 80 % du territoire national devrait l'être en 2002. L'ensemble
du programme sera achevé en 2007.
Le coût d'ensemble du programme ACROPOL est de 4,4 milliards de francs. En
2000 comme en 2001, nous disposerons de 400 millions de francs pour ce
programme. Un nouveau marché est en cours de négociation, qui devrait être
signé d'ici à la fin de l'année.
Vous avez également évoqué les conséquences pour les services de police de
l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, à
laquelle M. Hyest, notamment, a fait allusion.
L'obligation d'enregistrer les auditions des mineurs gardés à vue - 3 000
sites d'enregistrement devront être équipés d'ici au 1er juillet 2001 - se
traduira par un coût évalué à 70 millions de francs. La dotation est prévue
dans le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné avant la fin
de cette année.
M. Hyest m'a également interrogé sur le logement des policiers. Mon ministère
mène une politique dynamique de réservation : sur les six dernières années, les
crédits consacrés à cet objectif ont atteint un montant cumulé de 760 millions
de francs et un stock de plus de 12 000 logements a été constitué, qui permet
d'assurer un taux de satisfaction des demandes supérieur à 50 %. Néanmoins,
nous sommes confrontés à des problèmes d'adaptation au terrain, problèmes
auxquels le coût du foncier n'est pas étranger.
Bien évidemment, nous allons poursuivre ce travail, en partenariat, là encore,
avec les collectivités, qui peuvent veiller à ce que les programmes de
logements soient bien entrepris.
L'offre totale est supérieure à 15 000 logements. Soucieux d'avoir une
meilleure connaissance des besoins des fonctionnaires dans ce domaine,
notamment en région parisienne, nous avons lancé une enquête très précise
auprès des fonctionnaires eux-mêmes pour déterminer quel est leur souhait. Il
serait en effet mauvais de construire des logements que nous ne pourrions
ensuite attribuer.
MM. Hyest, Courtois et Vallet m'ont questionné sur la coproduction de sécurité
par rapport à la police. Je ne reviens pas sur le contrat local de sécurité,
puisque - il faut quand même le dire - la police et la gendarmerie ne peuvent
pas être les seuls coproducteurs de sécurité. D'ailleurs, beaucoup d'entre vous
l'ont reconnu. L'Etat doit assumer ces tâches mais, bien évidemment, pas toutes
les tâches.
Je répondrai tout à l'heure à M. Plasait, qui évoquait l'augmentation du
nombre de viols. On ne peut pas placer un policier derrière chaque homme pour
l'empêcher de commettre un viol, notamment dans les lieux privés. C'est un
problème de société. La police peut élucider les affaires de viol ; elle peut,
par sa présence sur la voie publique, empêcher que des viols ne s'y commettent.
Mais elle ne peut être partout à la fois ! Il faut ramener les problèmes à leur
juste valeur.
Oui, la sécurité est une affaire de partenariat. C'est pourquoi les contrats
locaux de sécurité ont été créés. Au 1er décembre 2000, le nombre de ces
contrats s'élevait à 457, dont 148 étaient de nature intercommunale et 12
spécifiques au transport public. Par ailleurs, 275 contrats étaient en cours de
préparation.
Ce partenariat concerne aussi les polices municipales. Comme l'écrit de façon
quelque peu critique M. Courtois dans son rapport, à ce jour près de six cents
conventions de coordination entre la police municipale et la police ou la
gendarmerie nationale ont été signées. Le bilan définitif sera supérieur, car
plusieurs conventions seront prochainement signées.
Nous pouvons donc être satisfaits, même si les contrats locaux de sécurité -
et un certain nombre de personnes, notamment une au sein de mon cabinet,
s'occupent de cette question - doivent être relancés et évalués. Il faudra bien
évidemment réexaminer ces questions parce que la police de proximité ne peut se
substituer à l'absence ou à la déficience de ces contrats. Ce partenariat entre
les élus locaux, les acteurs économiques, les services déconcentrés de l'Etat,
la justice et la police doit se renforcer encore.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Beaucoup de mots, beaucoup de réunions, mais peu
d'effectifs !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Les contrats locaux de sécurité sont une réalité
et quand les élus jouent le jeu, je puis vous dire qu'ils fonctionnent bien
!
J'aborderai maintenant un vaste sujet qui a été évoqué par MM. Vallet,
Courtois, Hyest et Marini, et à propos duquel j'entends ici et là des critiques
récurrentes : les statistiques de la délinquance.
Le système actuel de collecte des statistiques sur les crimes et délits
présente, comme je l'ai dit en commission, l'avantage d'être ancien, puisqu'il
date de 1972. Il fournit donc des séries statistiques longues, très utiles pour
analyser les évolutions de la criminalité, et ses principes n'ont pas été remis
en cause depuis vingt-huit ans. Sur le plan local, ce système est un instrument
essentiel pour l'élaboration des contrats locaux de sécurité. Il est également
très utile pour le redéploiement des autorités de police.
Comme je l'ai indiqué aux autorités de police, notamment au directeur général
de la police qui partage mon opinion, mon objectif est de répondre
objectivement et sans discrimination aux préoccupations là où elles
s'expriment, sans faire intervenir des critères politiques qui conduiraient à
placer des effectifs ici plutôt que là.
(Très bien ! sur les travées
socialistes.)
M. Robert Bret.
Contrairement à ce qui se passait avant !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Les statistiques viennent théoriquement à
l'appui des décisions prises de la sorte. Elles ne sont bien évidemment pas
figées, car elles doivent s'adapter à l'évolution même de la délinquance.
En 1988 et en 1995, les réflexions qui ont été menées ont fait évoluer l'outil
statistique. Celles qui sont actuellement en cours sur ce sujet le sont sans
tabou et ne sont pas destinées à tripatouiller des chiffres dans les bureaux du
ministère ! Nous réfléchissons à la façon non seulement de retracer le nombre
et la typologie des interventions, mais aussi de mieux évaluer l'efficacité des
interventions de la police, de mieux prendre en compte les évolutions du droit
pénal et celles de la délinquance - je pense notamment à la cybercriminalité,
nouvelle forme de délinquance qu'il nous faut aussi saisir statistiquement - et
de limiter la charge de collecte et de saisie des statistiques dans les
services.
Selon moi, les évolutions de la délinquance ne peuvent être interprétées avec
précision que sur une période suffisamment longue, à savoir l'année entière, et
je parle sous le contrôle d'anciens ministres de l'intérieur. Les statistiques
faites sur un ou trois mois n'ont aucun sens. Elles ne servent qu'à faire
plaisir au ministre ou à déplaire à ceux qui le critiquent, et encore, puisque,
de toute façon, les ministres et les majorités changent !
Voyons donc objectivement comment les choses évoluent en année pleine et
prenons les décisions en fonction des évolutions constatées.
M. Vallet a déploré l'absence dans le projet de loi de finances initiale pour
2001 de moyens supplémentaires pour lutter contre la délinquance en Corse.
Permettez-moi de vous dire qu'en matière de délinquance, en tout cas la
délinquance de voie publique, la Corse enregistre des résultats très
favorables. Je vous informe, au risque de vous surprendre, qu'ils n'ont même
jamais été aussi bons ! Cela est peut-être dû à la présence de nombreux
policiers. Quant à la délinquance, je dirai classique, celle que l'on peut
regretter dans nos quartiers, elle ne se retrouve pas en Corse. Je dispose de
toutes les statistiques, si elles vous intéressent ; je tenais à en informer la
Haute Assemblée.
J'en viens aux critiques émises, notamment dans le rapport de M. Courtois, sur
la délinquance des mineurs. Il s'agit, c'est vrai, d'un problème important et
difficile. Le nombre de mineurs délinquants a malheureusement augmenté de 73 %
en dix ans, soit 72 000 mineurs de plus. Peu importe les gouvernements
concernés, puisque ce ne sont ni les gouvernements ni ceux qui les soutiennent
qui favorisent la délinquance, qu'elle soit le fait de mineurs ou non. Nous
avons en effet tous intérêt à ce que la délinquance diminue.
Certes, une diminution de l'ordre de 1 % est intervenue en 1999, ce qui est
vraiment très faible par rapport à 1998, et, sur la même période, la part des
mineurs dans le nombre total de personnes mises en cause pour des faits de
délinquance a légèrement diminué, de moins de 2 %. Ces mouvements restent donc
fragiles.
Sur les dix premiers mois de l'année 2000 - je réponds à votre question même
si je préfère, comme je l'ai dit, parler en année pleine - le nombre de mineurs
mis en cause a très légèrement augmenté de 0,5 %. La baisse est en revanche
assez nette pour les vols : moins 3 %. Mais restons prudents. Nous observons en
effet une relative stagnation de la délinquance des mineurs depuis deux ans. Ce
phénomène s'explique sans doute pour partie par l'action déterminée des forces
de police et peut-être aussi de la justice avec les mesures concernant
notamment l'éloignement et les centres de réinsertion, de rééducation. Ce
phénomène s'explique aussi par l'amélioration de la croissance et de la
situation économique et sociale. Encore une fois, tout cela reste fragile et
personne ne dispose de solution miracle.
Ce phénomène ne se limite d'ailleurs pas à certaines couches sociales. Il
existe aussi des mineurs délinquants issus de couches sociales auxquelles on ne
penserait pas. Tout montre que l'origine sociale n'est donc pas toujours à
l'origine de la délinquance...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si tout le monde avait des papiers, il y aurait moins
de délinquance !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il s'agit de questions de société pour
lesquelles le ministère de l'intérieur et la police ne peuvent pas tout régler,
cette dernière n'étant pas, si vous me permettez l'expression, la voiture balai
de la société ! Nous devons nous préoccuper de ces problèmes bien en amont.
Quant aux chiffres relatifs à Paris, monsieur Plasait, il faut les prendre
avec d'autant plus de prudence qu'ils ne portent que sur les dix premiers mois
de l'année 2000. Nous ne disposerons que dans un mois de la totalité des
chiffres de l'année 2000. Je note toutefois que la baisse est de 7,6 % pour la
délinquance, de 19 % pour les cambriolages ; de 14,5 % pour les vols à la
roulotte, de 11 % pour les vols de voitures, de 6 % pour les vols à la tire et
de 2,6 % pour les destructions et dégradations.
Les vols avec violence, sont eux, hélas ! en progression, ainsi que la
délinquance financière et économique, qui a augmenté de 26,5 % ! Si l'on cumule
toutes ces données, on peut toujours faire dire aux statistiques que la
délinquance est en augmentation à Paris, alors que la délinquance sur la voie
publique, par exemple, a baissé, elle, de 7,6 % ! Les infractions commises sur
Internet ou ailleurs n'ont pas lieu sur la voie publique... Vous conviendrez
que tous ces chiffres doivent donc être maniés avec prudence.
Pour en finir avec Paris, monsieur Plasait, mieux vaut éviter d'aborder les
sujets qu'on connaît moins bien et de politiser un sujet qui ne s'y prête
vraiment pas !
Qu'il y ait des problèmes à Paris, c'est sans doute vrai, mais la préfecture
de police fonctionne bien. Elle fait son travail, malgré les attributions qui
lui ont été retirées, notamment en 1995 ; elle retrouve progressivement des
marges et le préfet de police a vocation - il le sait, je le lui ai dit - à
affecter les effectifs en priorité là où les problèmes se posent de manière
objective.
Je crois que Paris, capitale de la France, a bien besoin de la police
nationale, formée avec des règles, avec une déontologie. Je le dis ici très
nettement, je n'ai rien contre les polices municipales dans leur ensemble. Ce
Gouvernement a d'ailleurs traduit dans la loi une idée qui avait pourtant été
émise par MM. Quilès, Pasqua et Debré. Il est vrai que ce dernier l'avait
proposée juste avant la dissolution, et que le projet correspondant avait peu
de chances d'aboutir ! C'est chose faite grâce à M. Chevènement. La police
municipale est encadrée.
Je me permets néanmoins de dire que Paris, compte tenu de sa situation
particulière, a besoin d'une police de proximité dans les arrondissements en
même temps que d'une police de l'ordre public pour assurer le maintien de
l'ordre et la sécurité des manifestations. La préfecture de police et les
policiers font preuve d'une grande maîtrise, d'un grand professionnalisme, je
veux le dire ici devant vous, puisque M. Plasait m'a interpellé en particulier
sur un arrondissement de Paris que je n'aurai pas l'outrecuidance d'évoquer
ici, car ce n'est pas le lieu.
J'en arrive à la question de M. Vallet sur les subventions aux syndicats : 10
millions de francs. Très franchement, il me paraît normal que les syndicats -
que, j'imagine, personne ne récuse ici, ni dans la police, ni ailleurs, car ils
sont bien utiles - puissent être financés par la puissance publique. C'est
mieux que par d'autres méthodes ! Il me semble donc normal d'assurer aux
syndicats représentatifs des personnels les moyens de fonctionnement
nécessaires au dialogue social.
Un amendement parlementaire au projet de budget pour 1997 a souhaité isoler,
dans un chapitre séparé du budget global de la police, les subventions de
fonctionnement des syndicats, soit 8,5 millions de francs en 1997 et 10
millions de francs aujourd'hui.
Ces crédits sont répartis au prorata de la représentativité des syndicats, qui
rendent compte de leur emploi. En contrepartie, le démarchage publicitaire,
souvent source d'abus, a été interdit.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Vallet, vous émettiez des critiques sur
la non-transparence de mon budget. Très franchement, je ne vous ai pas entendu
adresser ces critiques à mes prédécesseurs, notamment à ceux qui faisaient
partie des gouvernements que vous souteniez.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est qu'il n'était pas rapporteur spécial à l'époque
! C'est une bonne raison !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais les méthodes de présentation n'ont pas
régressé, elles ont même été améliorées dans le sens de la transparence. C'est
notamment vrai pour les syndicats. Je puis vous dire qu'il n'y a vraiment rien
de nouveau qui puisse vous préoccuper par rapport aux périodes antérieures.
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Pourquoi écrire « autres organismes » ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'en viens aux compagnies d'assurance puisque
vous les avez aussi évoquées.
Le ministère de l'intérieur, grâce à un traitement interne des données,
communique aux sociétés d'assurance les informations qui leur permettent de
retrouver rapidement l'identité des propriétaires de véhicules volés. Cette
action de l'Etat est une contribution très précieuse pour les sociétés
d'assurance. Par conséquent, ces dernières ont proposé d'abonder par fonds de
concours le budget du ministère de l'intérieur. Il n'y a là rien de nouveau.
La Cour des comptes a validé ce dispositif à maintes reprises. Le fait nouveau
est que j'ai demandé que l'on mette fin au lien qui existait en effet jusqu'à
cette année entre le versement des sociétés et le budget social du ministère.
Ce sera fait en 2001. Cela vous a échappé, me semble-t-il. Les fonds des
sociétés d'assurance sont versés sur le chapitre du fonctionnement de
l'administration centrale.
Les subventions aux oeuvres sociales sont versées sur un autre chapitre
budgétaire. Il n'y a donc plus de lien entre les deux.
Monsieur Guérini, en ce qui concerne Arenc, nous venons de choisir le terrain
sur lequel doit être reconstruit un bâtiment : 100 millions de francs seront
consacrés à ce projet. En attendant la livraison de ce bâtiment, 2 millions de
francs seront dépensés pour rénover les locaux existants.
J'en arrive au budget de la sécurité civile.
Bien évidemment, mesdames, messieurs les sénateurs, vos questions ont porté
sur les conséquences à tirer des catastrophes de l'hiver dernier, sur les
évolutions envisagées pour assurer un meilleur fonctionnement des SDIS et, plus
largement, sur les conclusions à tirer du rapport Fleury sur la sécurité
civile.
Plusieurs questions, émanant notamment de MM. Schosteck et Paul Girod, ont
porté sur les conséquences de ces catastrophes de l'année dernière.
Le Sénat a déjà eu l'occasion d'étudier cette question par l'intermédiaire de
sa commission spéciale sur le naufrage de l'
Erika.
Le dispositif de lutte à terre et en mer est certes perfectible. M. le Premier
ministre a réuni en effet deux comités interministériels de la mer en février
et en juin 2000. De nombreuses mesures ont été décidées dont la plupart ne
relèvent pas du champ de compétences du ministère de l'intérieur.
Les enseignements tirés du naufrage de l'
Erika
ont été précieux pour la
gestion de l'accident du
Ievoli Sun ;
chacun s'accorde à souligner la
très bonne coordination qui a eu lieu entre la partie maritime et la partie
terrestre du plan POLMAR. Le fait que le préfet de zone ait été chargé de cette
question a sans doute contribué à cette bonne coordination.
Dans le même ordre d'idées, M. Schosteck a souligné l'inadaptation des plans
contre les inondations.
Vous savez que ces domaines relèvent non pas de la sécurité civile, mais des
plans de prévention des risques, les PPR, définis dans la loi de 1995. Le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est pilote dans
ce domaine, mais la direction de la sécurité civile travaille actuellement avec
Météo France et le ministère de l'équipement à une amélioration des procédures
d'alerte. C'est un des enseignements tirés des inondations du Tarn et de
l'Aude.
En ce qui concerne les SDIS, je vous rappelle que la loi de 1996 n'était pas
sans imperfections, imperfections que nous souhaitons gommer.
Dans le cadre du projet de loi sur la décentralisation, le Gouvernement
proposera des dispositions permettant de conforter la place des conseils
généraux au sein des conseils d'administration et de stabiliser les dépenses
des communes en matière de secours et de lutte contre l'incendie. C'est
d'ailleurs ce que j'ai dit lors du congrès de l'Association des maires de
France.
M. Vallet a également regretté le caractère, selon lui, tardif du projet de
loi sur la sécurité civile. Un premier train de mesures liées au financement
des SDIS sera présenté au Parlement dès le premier semestre 2001 ; je viens
d'en parler à l'instant.
Pour le reste, il convient de se donner le temps de la réflexion sur
l'ensemble de la problématique posée par les questions de sécurité civile.
C'est ce que j'ai annoncé lors de mon intervention au congrès des
sapeurs-pompiers de Strasbourg, le 7 octobre dernier. Après une année de
réflexion, le débat sur la loi d'orientation donnera au Parlement la
possibilité de faire part de son expérience et d'aider le Gouvernement à
trouver des solutions à plus long terme.
M. Hyest, ainsi que M. Marini, se sont demandé si une contribution des
hôpitaux pourrait financer les interventions des sapeurs-pompiers. C'est une
hypothèse sur laquelle il nous faut travailler.
Monsieur Girod, vous avez évoqué le problème des exercices. J'en ai parlé dès
le 22 septembre, lors de ma première rencontre avec les préfets. J'ai alors
demandé que des exercices soient régulièrement organisés. Dans ce domaine, les
exercices sont de plus en plus réalistes, la population et les élus étant
associés à leur conception et à leur application.
La méthode est perfectible, certes. Mon ministère et la direction de la
défense et de la sécurité civile y réfléchissent. Il s'agit d'adapter les
exercices auxquels sont soumis les personnels aux évolutions de notre société.
Nous allons donc continuer à faire évoluer les capacités d'intervention,
notamment en nous appuyant sur les exercices.
J'évoquerai maintenant la situation immobilière des préfectures et des
sous-préfectures, en réponse à M. Vallet.
Je vous confirme, monsieur le rapporteur spécial, qu'aucun programme n'est
différé pour des raisons budgétaires. Les crédits immobiliers du ministère au
titre des préfectures et des sous-préfectures atteindront en 2000 leur montant
le plus élevé depuis vingt ans, avec 268 millions de francs.
Je partage votre souci à l'égard des sous-préfectures. J'ai d'ailleurs annoncé
qu'aucune sous-préfecture ne devrait fermer. Elles correspondent à un service
de proximité que l'Etat doit offrir.
M. Paul Masson.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Toutefois, si aucune sous-préfecture ne doit
fermer, il faut revoir les contours d'un certain nombre de leurs missions. Lors
des assises de modernisation des préfectures qui se sont tenues à Lyon, le 23
novembre, et auxquelles j'ai assisté toute la journée, j'ai pu entendre tous
les personnels s'exprimer du jardinier au préfet, si je puis dire. Nous avons
dressé un bilan de la situation des préfectures et sous-préfectures, qui
restent pour moi des rouages essentiels de la déconcentration de l'Etat, au
service du citoyen.
En 2000, 79 projets concernant des sous-préfectures ont été lancés. Certains
en sont au recrutement du maître d'oeuvre : Lannion, Dunkerque et Dole.
D'autres sont déjà en phase de travaux : Brives, Corte, Tournon et
Oloron-Sainte-Marie. Enfin, de gros dossiers sont devant nous : Torcy,
Sarcelles et Reims. Vous voyez donc que tout cela avance.
Sur l'insincérité de mon budget, j'ai déjà répondu à M Vallet. Il n'y a pas de
changements fondamentaux : la transparence est à l'ordre du jour.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de
m'avoir écouté avec patience. J'ai peut-être répondu avec quelque vivacité,
mais c'est bien au Parlement que cette vivacité doit s'exprimer, puisque c'est
le lieu de l'échange, de la transparence. Et, quand on présente un bon budget,
on le fait naturellement avec allant !
(Bravo et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, vous venez d'indiquer que c'est
en toute objectivité que vous aviez présenté votre budget. Or je me permets de
vous indiquer que les effectifs de policiers que vous avez communiqués
comportent quelques inexactitudes. Si c'était par rapport à des chiffres que
j'aurais moi-même établis, vous pourriez contester mes dires...
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais non !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
... mais, en l'occurrence, je m'appuie sur les
chiffres de la Cour des comptes.
Vous avez indiqué tout à l'heure qu'en 1993, 1994, 1995 et 1996 la situation
n'était pas bien brillante et que les choses se sont redressées ensuite. C'est
exactement le contraire qui s'est produit.
En 1993, il y avait, selon les chiffres de la Cour des comptes, 118 580
policiers sur le territoire national ; en 1994 : 121 000 ; en 1995 : 121 000 ;
en 1996 : 122 000 ; en 1997 : 121 000 ; en 1998 : 121 000 ; en 1999 : 117 000 ;
en 2000 : 115 000. Or, votre budget fait apparaître le chiffre de 113 013.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Où est la vérité ? La Cour des comptes mentirait-elle
?
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Tels sont les chiffres de la Cour des comptes, qui
montrent que ceux que vous avez cités ne sont pas tout à fait exacts.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est grave !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
En tout cas, vous ne pouvez pas dire, en utilisant un
mot que vous nous avez appliqué, que la Cour des comptes « tripatouille » les
chiffres.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est particulièrement grave, cela nécessite une
réponse !
M. Paul Masson.
Oui, le ministre doit répondre !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ne vous en faites pas, je vais répondre,
monsieur Marini.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'y compte bien !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Je souhaiterais évoquer un deuxième point un peu plus
polémique. Je ne le ferai que sous forme interrogative car, si je peux garantir
les chiffres de la Cour des comptes, je ne peux pas garantir ceux que je vais
citer.
Vous avez indiqué tout à l'heure qu'il n'y aurait pas d'affectation sur des
critères politiques. Or, un grand journal du matin vient d'indiquer que, dans
la dernière promotion des gardiens de la paix affectés à la préfecture de
police de Paris, sur 111 gardiens, 48 ont été affectés dans le XVIIIe
arrondissement. Est-ce vrai ou non ? Je n'en sais rien.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On aimerait bien le savoir !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Votre avis sur ce point est particulièrement
intéressant.
M. Jean Arthuis.
Le ministre se sert en premier !
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Enfin, dernier point : la Cour des comptes indique
que 14 % des effectifs de police ne sont pas affectés à des missions de police
sur le territoire.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il est normal que l'on m'interpelle, mais il est
tout aussi normal que je rétablisse les faits.
Ainsi, monsieur le rapporteur spécial, j'ai dit que je ne voulais pas qu'on
puisse nous accuser de « tripatouillage », ce qui n'est pas exactement
l'interprétation qu'ont fait de mes propos certains sénateurs, me semble-t-il.
Je ne vous ai jamais accusés, vous, de « tripatouillage ».
Par ailleurs, en ce qui concerne les effectifs, j'indique, une bonne fois pour
toutes, que je mets en cause les gouvernements précédents, notamment ceux de
1995 et 1996, qui n'ont pas fait de gestion prévisionnelle, notamment par
rapport aux départs à la retraite. Cette carence pèse lourdement sur les
effectifs de la police nationale.
Monsieur Vallet, bien évidemment, vous prenez des chiffres...
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Ce sont les chiffres de la Cour des comptes !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
D'abord, une politique de surnombres n'est pas
de celles que peut particulièrement apprécier la Cour des comptes ! Ensuite,
dans vos chiffres, vous ne tenez pas compte...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un constat comptable !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il n'y a pas que cela ! Il y a aussi la
politique.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il n'y a pas que cela, mais cela compte. Vous dites
que la Cour des comptes se trompe, dit des mensonges...
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ce que je veux dire semble vous gêner, monsieur
le rapporteur général, mais la vérité ne devrait pas vous gêner ! Les chiffres
qu'a évoqués M. Vallet ne tiennent compte ni des 2 400 policiers embauchés en
surnombre, ni des adjoints de sécurité, au nombre de 20 000, ni des policiers
auxiliaires, dont le nombre a atteint dans le passé 9 000.
M. Vallet semble m'approuver.
M. André Vallet,
rapporteur spécial.
Absolument pas !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais vous avez opiné du chef, j'ai donc pensé
que vous reconnaissiez le bien-fondé de ma remarque. Le tout forme un ensemble
de policiers qui peuvent être présents sur le terrain.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous parlons des policiers professionnels !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Par ailleurs, les policiers doivent de plus en
plus être relevés des tâches indues qui étaient les leurs. Tel est le sens de
l'embauche, cette année, de 800 personnels administratifs qui seront redéployés
au sein des effectifs de la police nationale, ce qui permettra de remettre des
policiers sur le terrain. C'est la réalité. Vous ne l'avez pas fait, nous si
!
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
S'agissant du XVIIIe arrondissement, le préfet de police, qui agit en toute
autonomie, a considéré qu'en fonction des départs à la retraite et des
mutations sur la première vague des 110 policiers qui, au mois de novembre,
étaient transférés à la préfecture de police de Paris, 43 agents - et non 48
comme vous l'avez indiqué - devraient être affectés au XVIIIe arrondissement.
Aucun des 160 agents nommés début décembre ne sera affecté dans le XVIIIe
arrondissement ; ils seront répartis ailleurs. Simplement, quand des problèmes
se posent à certains endroits, nous les réglons. Quand des départs à la
retraite ou des mutations interviennent, le préfet de police est normalement
fondé à répondre à la demande et aux besoins.
Tout à l'heure, MM. Vallet et Plasait ont mis en cause les relations que je
pouvais entretenir avec les élus locaux. L'année dernière, un élu local de
l'opposition du XVIIIe arrondissement avait déposé un voeu soutenant que le
ministre des relations avec le Parlement n'avait pas obtenu, de la part du
ministre de l'intérieur et du préfet de police, les effectifs nécessaires pour
ledit arrondissement. Sur ce plan, j'attends les critiques, tout en étant
serein.
(Bravo et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Parole de ministre maire !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
D'arrondissement, monsieur Marini !
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la
ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix aujourd'hui à la
suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 2 821 438 095 francs. »