SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'éducation nationale : I. - Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues ; pour la première
fois succédant à mon collègue M. Delong, je vais présenter les crédits de
l'enseignement scolaire. Je tenterai de le faire de manière brève et
dynamique.
Monsieur le ministre, vous gérez la plus grande entreprise nationale : un
budget de 332 milliards de francs 959 000 emplois budgétaires et 12,5 millions
d'élèves dans les différents niveaux d'enseignement.
En 2001, votre projet de budget progresse à nouveau de 2,82 % en valeur réelle
et à périmètre constant, et prévoit 13 000 créations d'emplois.
A ce moment de mon exposé, je souhaite, à la fois au nom de la commission des
finances et en mon nom personnel, car je connais bien le secteur de
l'éducation, rendre hommage à l'effort fantastique accompli depuis des années
par tous les enseignants et tous les chefs d'établissement face à la
démocratisation de l'enseignement.
Nous avons réellement, en France, un enseignement de qualité.
Monsieur le ministre, quel contraste dans le style et dans l'action entre
votre prédécesseur et vous-même ! A des réformes annoncées de manière parfois
jugées provocatrices, à des déclarations jugées parfois excessives par les
partenaires de l'éducation, ont succédé une volonté et un réel effort de
concertation, de dialogue et d'écoute. Toutefois, certains ont pu y voir aussi
de l'indécision, de l'attentisme, peut-être dans la perspective des un ou deux
ans qui nous séparent d'échéances électorales, c'est-à-dire dans une phase qui
n'est sans doute pas la plus propice à des réformes de l'éducation.
Ce contraste dans le style et dans l'action des deux ministres de l'éducation
nationale successifs s'inscrit pourtant dans un contexte qui, lui, est le même.
C'est d'ailleurs ce qui va conduire la commission des finances à proposer le
rejet de votre budget, comme nous l'avions fait l'année précédente.
M. Jean-Louis Carrère.
Ah !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je vois déjà mon collègue Jean-Louis Carrère réagir,
lui qui, depuis cinq ans, apporte, dans ce débat, la contradiction et
l'ironie...
M. Jean-Louis Carrère.
Il y a de quoi !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
... depuis les travées du groupe socialiste, lorsque
je présente mon rapport sur le budget de l'éducation.
(Sourires.)
Ce contexte est toujours marqué par une baisse des effectifs : 270 000 élèves
de moins en cinq ans. Ce nombre est quand même significatif, mais ne croyez
pas, car ce serait caricaturer notre position, que nous en tirions la
conséquence automatique qu'il faut, de ce fait, réduire les effectifs
d'enseignants, non ! Nous estimons simplement que cette baisse des effectifs
d'élèves est l'occasion de réfléchir sur les objectifs généraux de l'éducation
nationale, qui doivent devenir de plus en plus qualitatifs, de travailler à une
meilleure gestion prévisionnelle, à une meilleure mobilité des enseignants et à
une meilleure place des enseignants par rapport aux élèves. Ce phénomène de
réduction des effectifs d'élèves va d'ailleurs très vraisemblablement se
poursuivre au cours de la prochaine décennie.
Par ailleurs, le diagnostic sur l'école n'a pas réellement changé. Tous
s'accordent à reconnaître que l'enseignement à l'école maternelle et à l'école
élémentaire, malgré ses succès, n'arrive pas encore à donner à tous les élèves
des possibilités de maîtriser les savoirs fondamentaux. Tous continuent à dire
que de grandes difficultés existent au collège et que beaucoup d'enfants
s'adaptent très mal la première année. Tous, enfin, espèrent que les réformes
du lycée vont se poursuivre.
M. René-Pierre Signé.
Il y a des progrès !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
En fait, on pourrait dire, s'agissant du milieu
éducatif, qu'il souffre d'une sorte de malédiction de la réforme.
D'une part, lorsque la réforme est amorcée, il arrive que le ministre soit
changé ; d'autre part, quand la réforme est décidée, elle se heurte,
semble-t-il, à une résistance que certains qualifient de corporatiste, mais qui
provient, en réalité, de toute la machine, de sorte que l'on est conduit soit à
présenter la réforme, mais en renvoyant sans fin à des commissions et à des
personnalités pour en étudier tel ou tel aspect, soit, devant la menace de
manifestations, à prudemment la remiser dans les cartons du grand ministère de
l'éducation nationale.
Donc, face à cette véritable malédiction, nous souhaiterions être assurés,
monsieur le ministre, de votre volonté de poursuivre les réformes et de les
mener à bien.
Le contexte étant posé, j'en arrive maintenant à trois questions
fondamentales, que j'ai extraites du rapport.
S'agissant, premièrement, du plan pluriannuel de recrutement, nous approuvons
la démarche prévisionnelle qui doit vous conduire à prévoir les départs,
nombreux, des enseignants au cours des décennies qui viennent et à pourvoir de
manière programmée, discipline par discipline, à leur remplacement.
En revanche, nous regrettons que l'on ne prenne pas mieux en compte les
conclusions à tirer des rapports successifs de la Cour des comptes et de la
commission d'enquête du Sénat sur la gestion de personnels enseignants. Y
a-t-il vraiment 10 000, 15 000, 20 000 ou 30 000 enseignants qui ne sont pas
devant les élèves ? Si cela est vrai, il faut trouver en priorité des méthodes
de gestion qui remettent ces personnels en situation d'enseigner.
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Deuxièmement, avant même de lancer des recrutements
supplémentaires, qui seront de l'ordre, pour les niveaux d'enseignement dont
nous parlons maintenant, de 7 300 par an, il faut mettre au point leur gestion,
leur mobilité, leur spécialisation et améliorer leur système d'affectation, de
mutation et de mobilité.
Car annoncer ainsi le plan de recrutement demandé par les syndicats, mais
qu'ils jugent aujourd'hui insuffisant, c'est s'exposer à des risques de dérive,
les recrutements successifs des années 2002 ou 2003 venant démentir les
pronostics.
Vous avez, de manière d'ailleurs relativement raisonnable, limité la
proposition à 7 300 recrutements par an pour ces niveaux d'enseignement, mais
je crains que cette logique quantitative et non qualitative de la gestion ne
vous amène à être l'objet de pressions pour que les effectifs soient encore
augmentés, avec toutes les dérives possibles.
Vous me répondrez qu'une telle démarche est encouragée par l'opinion publique
et qu'un sondage montre que plus de 80 % des Français approuvent le recrutement
d'effectifs supplémentaires. Mais c'est évident ! Si on demande aux Français
s'il faut plus de policiers, ils répondront par l'affirmative. Si on leur
demande s'il faut plus d'agents hospitaliers, ils répondront encore par
l'affirmative. Et si on leur demande s'il faut plus d'enseignants, ils
répondront toujours par l'affirmative ! Dans tous ces domaines, un sondage de
cette nature ne peut absolument pas changer notre point de vue. Il faut
améliorer la gestion des effectifs.
Nous souhaiterions donc un effort original et novateur de réforme des méthodes
et des structures de gestion qui combinerait déconcentration, pour la partie de
gestion administrative, et décentralisation, pour les établissements
publics.
Nous vous posons ainsi la question, monsieur le ministre : avez-vous la
volonté de faire progresser les méthodes de gestion et la diffusion de
l'éducation dans notre pays en combinant de nouvelles mesures de
déconcentration et de nouvelle mesures d'autonomie et de décentralisation pour
les établissements ?
M. Jean-Louis Carrère.
Vous êtes devenu un champion de la décentralisation !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Troisièmement, s'agissant des aides-éducateurs qui,
hors enseignement supérieur, sont au nombre de 70 000, nous vous interrogeons
sur leur formation et sur leur chance de sortir du système éducatif pour aller
dans d'autres secteurs de l'économie et exercer d'autres activités. Nous nous
posons la question fondamentale de leur devenir.
Nous redoutons que la tendance naturelle ne soit à la pérennisation des
emplois en leur donnant une forme de contrat administratif. Nous redoutons
aussi que les titulaires de ces emplois ne soient installés dans leurs
emplois.
Il faut donc distinguer l'emploi du sort de son occupant actuel. Nous
souhaiterions, monsieur le ministre, connaître vos intentions, à cet égard.
Aujourd'hui, ces 70 000 aides-éducateurs représentent aussi 7 milliards de
francs. Nous souhaitons qu'il n'y ait pas de dérive budgétaire, de dérive
financière, et nous espérons que ces emplois nouveaux ne deviendront pas
permanents pour les trente ans à venir.
Nous nous inquiétons également de la situation personnelle de ces jeunes, qui
ont fait un effort et dont le rôle de médiateur et le rôle d'appui à la
diffusion des nouvelles technologies dans le secteur éducatif sont reconnus par
tous. Nous ne contestons ni leur mission ni la manière dont ils l'ont remplie,
mais nous nous interrogeons sur leur devenir.
Telles sont, messieurs les ministres, les quelques observations et les trois
questions que nous souhaitions formuler devant vous aujourd'hui.
Il y a une logique quantitative. Beaucoup d'inégalités subsistent. Nous ne
pensons pas que la maîtrise de la gestion soit réellement assurée. C'est ce qui
a conduit la commission des finances, comme elle l'avait fait l'an dernier, à
proposer le rejet de votre budget.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
Nous avons l'habitude !
M. le président.
La parole est à M. Bernadaux, rapporteur pour avis.
M. Jean Bernadaux,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le
savez, l'éducation nationale, première ligne budgétaire, représente, en
incluant l'enseignement supérieur, près du quart du budget total de l'Etat.
Pour leur part, les crédits du seul enseignement scolaire s'élèvent à près de
332 milliards de francs en 2001, ce qui représente une progression de 2,82 % à
structure constante, c'est-à-dire de 9 milliards de francs.
Convient-il de se féliciter d'une telle évolution, qui permettrait de
renforcer l'encadrement des élèves, dont le nombre est d'ailleurs en baisse
continue depuis dix ans ? Faut-il, au contraire, s'en inquiéter en considérant
qu'un tel effort budgétaire reste vain s'il ne s'accompagne pas de réformes
pédagogiques ou structurelles de notre système éducatif ?
Je voudrais aussi rappeler que les dépenses de rémunérations représentent 95 %
de ce budget et que près de 4 milliards de francs supplémentaires seront
affectés aux pensions de retraite.
S'agissant de la ventilation des crédits, le coût de la création des 12 838
emplois annoncés, qui représentent les deux tiers des emplois créés dans le
projet de budget, est de 1,9 milliard de francs.
Les mesures catégorielles s'élèveront, pour leur part, à 2,2 millions de
francs, consacrés en particulier à la poursuite du plan d'intégration des
instituteurs dans le corps des professeurs des écoles.
Les crédits de fonctionnement et d'intervention augmenteront de près de 1
milliard de francs, 90 millions de francs étant consacrés à la mise en oeuvre
des nouvelles technologies et 60 millions de francs, à l'apprentissage des
langues vivantes et à la rénovation de l'enseignement des sciences en
primaire.
Je rappellerai pour mémoire que le dernier collectif budgétaire avait prévu
une rallonge de 1 milliard de francs, affecté principalement à l'enseignement
professionnel et à la prévention de la violence.
Pour en revenir aux quelque 13 000 emplois annoncés, la commission des
affaires culturelles tient à préciser que les véritables créations d'emplois ne
concernent, en fait, que 800 professeurs des écoles et 600 enseignants ou
assimilés du second degré.
Dans le même temps, 600 emplois de certifié et 400 emplois de PLP 2 seront
créés par transformation de 18 000 heures supplémentaires ; 1 338 postes
d'enseignant du second degré en surnombre seront consolidés et 3 000 emplois
seront financés au titre de la résorption de l'emploi précaire. J'ajouterai que
4 125 emplois de professeur des écoles stagiaire seront créés pour anticiper
les départs en retraite.
Dans le droit-fil des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur la
gestion des personnels de l'éducation, qui avait constaté, au cours des dix
dernières années, une forte croissance des emplois et, dans le même temps, une
réduction importante des effectifs d'élèves, la commission des affaires
culturelles s'est interrogée sur le bien-fondé des créations d'emplois massives
prévues pour 2001, qui répondent sans doute aux voeux des organisations
syndicales et qui procèdent d'ailleurs davantage d'une consolidation que d'une
véritable création.
S'agissant notamment des 3 000 emplois créés en application du plan de
résorption de la précarité, on peut estimer que les modalités des concours
réservés ne garantissent pas nécessairement la qualité de l'encadrement des
élèves.
La commission tient en revanche à souligner la création de 1 675 emplois de
personnel non enseignant, qui devrait permettre de renforcer l'encadrement des
établissements, notamment de ceux qui sont difficiles, mais force est de
constater que cet effort reste très insuffisant pour les médecins scolaires, en
dépit d'une augmentation du nombre des vacations.
Je ne dirai qu'un mot du plan de programmation pluriannuelle annoncé par M. le
ministre : la commission a souhaité qu'il ne s'appuie pas exclusivement sur des
données quantitatives et permette de mieux calibrer les concours de recrutement
en fonction d'orientations pédagogiques précises.
Comme vous le savez, ce plan devrait permettre de créer 33 200 emplois entre
2001 et 2003, tandis que le plan de recrutement sur cinq ans permettrait de
recuter 62 000 nouveaux professeurs des écoles ainsi que 88 000 enseignants du
second degré.
Je rappelle, également pour mémoire, que le récent rapport Vallemont évalue le
nombre des départs en retraite des enseignants à 430 000 jusqu'en 2010, soit 47
% des effectifs, ce qui imposerait de recruter environ 28 000 fonctionnaires
par an pour le premier degré et le second degré.
J'évoquerai ensuite brièvement l'état des réformes engagées pour chaque niveau
d'enseignement.
S'agissant de la réforme de l'école primaire, qui constitue votre priorité,
monsieur le ministre, je ne puis que m'étonner d'une mise en oeuvre aussi
tardive des nouveaux programmes, notamment pour la lecture, alors que les tests
réalisés lors de la dernière journée d'appel de préparation à la défense
révèlent encore une trop forte proportion de jeunes confrontés à de graves
difficultés de lecture. La responsabilité de l'école et du collège en ce
domaine paraît évidente.
Je noterai également les réticences exprimées par les professeurs des écoles,
comme le révèle une enquête récente, pour enseigner des matières non scolaires
et non évaluées, y compris les langues étrangères. Je ne peux, enfin, que
constater la modestie des mesures envisagées pour améliorer la liaison entre
l'école et le collège.
Concernant les langues vivantes à l'école primaire, je voudrais rappeler que
70 % des classes de cours moyen sont d'ores et déjà concernées, mais aussi que
les enseignants du premier degré ne représentent qu'un peu plus de la moitié
des intervenants, et que l'anglais est enseigné dans les trois quarts des
classes.
Il y a donc un effort à mener pour généraliser l'apprentissage de ces langues
à la rentrée prochaine, et pour améliorer la formation des futurs professeurs
des écoles dans une perspective de diversification linguistique, telle que
celle-ci a été préconisée par une mission d'information de notre commission,
présidée par notre collègue M. Jacques Legendre, dont vous connaissez, je
crois, les conclusions.
Pour en terminer avec le primaire, j'indiquerai que la commission a exprimé
des réserves sur le principe de l'inclusion obligatoire de l'enseignement de la
langue corse dans l'horaire scolaire des écoles de l'île.
Je souhaiterais, enfin, monsieur le ministre, que vous précisiez vos
intentions sur la généralisation de l'aménagement des rythmes scolaires, qui
intéresse tout particulièrement les élus locaux que nous sommes. J'aborderai
ensuite la rénovation du collège, qui a été engagée par Mme Ségolène Royal, et
qui est aujourd'hui recentrée autour de quelques priorités.
Comme vous le savez, l'inspection générale a établi un bilan mitigé de ce plan
de rénovation et les enseignants ont émis des réserves à son endroit, ce qui
conduit à formuler des interrogations sur la pertinence du collège dit
unique.
A cet égard, la commission suivra avec attention la reflexion confiée à M.
Joutard sur la réforme du collège « unique, mais non uniforme » et sur les
perspectives d'une orientation plus précoce des collégiens en difficulté.
S'agissant de la réforme controversée du lycée, engagée par votre
prédécesseur, monsieur le ministre, celle-ci a été sensiblement infléchie.
Si vous avez maintenu certaines mesures, comme l'aide individualisée et les
travaux personnels encadrés, vous avez renforcé les horaires dans les matières
générales, vous avez, à bon droit, privilégié la filière littéraire ainsi que
l'enseignement des langues vivantes.
Au total, la commission qui avait accueilli avec une certaine inquiétude le
projet de « lycée allégé » ne peut que se féliciter d'une réhabilitation des
savoirs fondamentaux au lycée, dont la maîtrise commande largement la réussite
dans l'enseignement supérieur.
J'évoquerai, en dernier lieu, trois dossiers préoccupants, et d'abord le
problème de la désaffection à l'égard des fonctions de directeur d'école et de
chef d'établissement. Aujourd'hui, 10 % des écoles maternelles et des écoles
élémentaires ne disposent pas de directeur et 400 postes de chef
d'établissement sont vacants dans le secondaire : cette désaffection ne touche
d'ailleurs pas de la même manière les lycées cotés de centre-ville, les
établissements difficiles et les petits collèges en zone rurale isolée.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, à l'issue de la concertation en
cours, pour rendre ces responsabilités plus attrayantes, pour clarifier les
missions de ces personnels et pour mieux reconnaître leur fonction ?
S'agissant du problème de la violence scolaire, force est de constater que les
six plans de prévention engagés depuis 1992 par les ministres qui se sont
succédé n'ont enregistré que des résultats décevants : selon les dernières
statistiques, 240 000 déclarations d'incidents de toute nature sont transmises
chaque trimestre par les collèges et les lycées et 6 300 incidents graves sont
signalés au parquet.
Si les faits graves ont baissé dans les sites expérimentaux, il faut noter que
la situation continue à se dégrader, notamment dans la région parisienne, où
les agresseurs sont en outre de plus en plus jeunes. Une mobilisation de tous
les instants s'impose à l'évidence.
Je terminerai en disant un mot des emplois-jeunes. Certes, le projet de budget
ne prévoit aucun recrutement, mais le coût de quelque 70 000 aide-éducateurs a
représenté 7 milliards de francs en 2000.
Notre excellent collègue M. Alain Gournac propose, dans son rapport, des
mesures intéressantes pour préparer la sortie de ceux qui ont un contrat
s'achevant en 2002, pour modifier leur statut juridique, pour renforcer leur
formation qui a été négligée et pour relancer la contractualisation avec les
entreprises afin de faciliter leur sortie de la fonction publique.
Tout en partageant l'essentiel de ses observations et propositions, je noterai
cependant que le rôle des aide-éducateurs a pu également se révéler positif
dans les établissements du second degré. Je souhaiterais, monsieur le ministre,
que vous puissiez nous éclairer sur leur avenir.
Au total, je dirai que ce projet de budget, en dépit de l'augmentation de ses
crédits, manque d'orientations claires, comporte des mesures trop disparates,
ignore la plupart des propositions pourtant réalistes de la commission
d'enquête du Sénat sur l'éducation et, surtout, prévoit des créations d'emplois
au-delà des besoins induits par les départs en retraite.
Sous réserve de ces observations, la commission a émis un avis défavorable sur
les crédits de l'enseignement scolaire pour 2001.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère.
Pas toute la commission, sa majorité !
M. le président.
La parole est à Mme Luc, rapporteur pour avis.
Mme Hélène Luc,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement technique.
Monsieur le président, messieurs les ministres,
mes chers collègues, en raison d'une croissance économique enfin retrouvée,
rarement les besoins en formation qualifiée ont été aussi importants : c'est
donc avec une certaine satisfaction que la commission des affaires culturelles
constate que l'enseignement professionnel bénéficiera, en 2001, d'un train de
mesures nouvelles qui se traduisent par un effort budgétaire important.
Cet élan nouveau est marqué, en particulier, par une rénovation pédagogique,
par la première étape du plan pluriannuel de recrutement d'enseignants, ainsi
que par la revalorisation attendue depuis longtemps du statut des professeurs
de lycée professionnel, les PLP.
La commission tient à remarquer que ces engagements reprennent plusieurs
propositions qu'elle formule depuis plusieurs années à l'occasion de l'examen
des crédits de l'enseignement technique.
Cependant, de nombreux secteurs d'activité éprouvent aujourd'hui de grandes
difficultés pour recruter une main-d'oeuvre jeune et qualifiée, et les besoins
sont tels que certains employeurs n'hésitent plus à embaucher des jeunes en
cours de formation, en complétant leur qualification au sein de
l'entreprise.
Convient-il de se satisfaire d'une telle situation ? Je ne le pense pas.
L'enseignement professionnel a un rôle capital à jouer pour répondre à ces
besoins et à l'émergence de nouveaux métiers ; il doit ainsi nécessairement
moderniser ses formations offertes à tous les niveaux et créer de nouveaux
diplômes en concertation avec les professions.
Dans ces conditions, comment ne pas s'inquiéter de la très préoccupante
désaffection des élèves à l'égard de la filière professionnelle, alors que
celle-ci assure pourtant le plus souvent à ses diplômés un taux d'embauche
élevé ?
En dépit des efforts engagés, force est de constater que la voie
professionnelle souffre encore d'un problème d'image et, je le souligne,
qu'elle ne peut, à elle seule, comme le voudraient certains, remédier au
problème de l'échec scolaire qui prend en fait naissance à l'école et qui se
perpétue au collège, noeud de toutes les difficultés.
Par ailleurs, une étude récente de l'INSEE sur les facteurs de réussite
scolaire a mis en évidence le poids prédominant du revenu et des conditions de
vie des familles par rapport à l'influence de l'organisation du système
éducatif et des réformes pédagogiques. L'enseignement professionel a donc un
rôle capital à jouer pour réduire ces inégalités persistantes, notamment en
mettant en place une politique sociale d'envergure en faveur de ses élèves et
de leurs familles. Je pense notamment aux 10 % de nos concitoyens dont la
situation relève du seuil de pauvreté.
Après ce préambule, j'indiquerai que l'enseignement professionnel bénéficiera,
en 2001, d'un milliard de francs de mesures nouvelles, somme qui sera
consacrée, pour l'essentiel, à la création de quelque 2 500 emplois nouveaux de
professeur de lycée professionnel et à des crédits d'heures d'enseignement.
Ces emplois nouveaux se répartissent ainsi : 180 création nettes d'emplois,
400 emplois créés par la transformation d'heures supplémentaires, 1 150 emplois
destinés à résorber l'emploi précaire, 300 emplois de chef de travaux et une
consolidation de 380 emplois en surnombre.
Par ailleurs, l'enseignement professionnel semble devoir bénéficier du quart
des 1 300 nouveaux emplois de personnel ATOS, administratif, technicien,
ouvrier et de service, crées dans le second degré. Pourriez-vous confirmer ce
point, monsieur le ministre délégué ?
Les quelque 550 millions de francs de crédits d'heures d'enseignement
devraient permettre de réduire de vingt-trois heures à dix-huit heures
l'obligation de service des professeurs de lycée professionnel qui dispensent
un enseignement pratique, de financer le suivi pédagogique des stagiaires en
entreprise, ainsi que les heures de soutien dans les matières générales.
J'ajouterai que plus de 30 millions de francs permettront de doubler le
montant de la prime d'équipement des élèves, qui passera à 2 200 francs.
Je voudrais souligner l'importance de cet effort budgétaire, en rappelant, en
outre, que quelque 600 millions de francs de crédits nouveaux ont déjà été
accordés à l'enseignement professionnel dans le dernier collectif.
Pour en terminer avec les emplois, monsieur le ministre délégué, je
souhaiterais vous demander des explications sur l'utilisation et l'affectation
des emplois au sein de l'éducation nationale, en prolongeant en quelque sorte
les travaux de la commission d'enquête du Sénat sur la gestion des personnels
de l'éducation. Selon certaines organisations, que j'ai d'ailleurs reçues,
plusieurs milliers de postes de professeur de lycée professionnel auraient été
transférés dans le cadre d'une globalisation des moyens du second degré, pour
recruter plus de certifiés et d'agrégés et dégager des supports pour les
rémunérer ; dans le même temps, les concours de professeur de lycée
professionnel auraient été sous-calibrés depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix, ce qui aurait contribué à entretenir une trop forte précarité
de l'emploi - de l'ordre de 18 % - dans les lycées professionnels.
Pouvez-vous apporter des éclaircissements sur ce problème, monsieur le
ministre, et indiquer au Sénat la part qui reviendra à l'enseignement
professionnel pour les emplois annoncés au titre du plan pluriannuel ?
J'évoquerai, ensuite, le problème très préoccupant de l'évolution des
effectifs dans les lycées professionnels, qui ont perdu près de 50 000 élèves
lors des deux dernières rentrées scolaires, soit trois fois plus que les
filières générales.
La commission s'est interrogée sur les raisons de ce mouvement de reflux des
orientations vers l'enseignement professionnel, qui risque de se poursuivre
jusqu'en 2005.
Cette évolution est d'autant plus inquiétante qu'elle s'inscrit dans une
conjoncture de croissance des embauches : en effet, aujourd'hui, 400 000 ou 800
000 offres d'emplois, selon les sources, ne seraient pas pouvues et plus de la
moitié des industriels feraient état de difficultés de recrutement.
Sauf à assister en spectateur à la reprise économique et à laisser les
employeurs assumer eux-mêmes la qualification de leurs salariés, l'enseignement
professionnel doit être plus réactif aux besoins de l'économie : une réflexion
devrait sans doute être engagée sur ses finalités, en liaison d'ailleurs avec
celle qui est menée sur l'école et le collège.
Je dirai maintenant quelques mots des orientations pédagogiques annoncées, qui
se traduiront notamment par un allégement des horaires des élèves et par
l'introduction des projets pluridisciplinaires à caractère professionnel, les
PPCP, qui devraient permettre de développer le travail des enseignants en
équipe.
Par ailleurs, l'effort engagé en faveur de la formation générale des élèves se
traduira par une aide individualisée en mathématique et en français, ainsi que
par une extension des cours d'éducation civique aux élèves qui préparent un
certificat d'aptitude professionnelle, un CAP, ou un brevet d'études
professionnelles, un BEP.
Je noterai également que 300 millions de francs seront consacrés à
l'amélioration du suivi des stagiaires en entreprise, ce qui était
particulièrement nécessaire.
S'agissant des aides sociales, celles-ci devraient représenter au total 1,5
milliard de francs : je rappellerai à cet égard que 38 % des lycéens
professionnels sont boursiers, contre 17 % dans la filière générale ; le
doublement de la prime d'équipement, déjà évoqué, qui s'ajoute à la prime de
qualification et aux parts supplémentaires des bourses, traduit l'effort engagé
en faveur de ces lycéens.
Vous avez par ailleurs évoqué, monsieur le ministre délégué, le principe d'une
généralisation de la rétribution des stages, qui fait actuellement l'objet
d'une négociation : la commission y est évidemment favorable, une telle formule
devant en effet permettre d'assurer une égalité de traitement entre les lycéens
professionnels et les apprentis ; elle estime cependant que cette solution ne
doit pas avoir pour conséquence de réduire le nombre des stages proposés par
les entreprises, ce qui suppose un financement adapté.
J'en reviens au problème de la reconnaissance attendue de la fonction des
professeurs de lycée professionnel : j'ai déjà évoqué l'alignement de
l'obligation de service pour l'ensemble de ces enseignants, quelle que soit la
discipline enseignée, alignement qui répond à une revendication ancienne.
La commission des affaires culturelles s'est cependant étonnée que les
enseignants du premier degré détachés en sections d'enseignement général et
professionnel adapté, SEGPA, restent à l'écart de cet alignement horaire :
pouvez-vous nous indiquer les raisons d'une telle discrimination et quand ces
enseignants verront leur obligation de service ramenée à dix-huit heures,
monsieur le ministre ?
Cette reconnaissance de la fonction se traduira également par la
titularisation de 1 150 maîtres auxiliaires, contractuels et vacataires, en
application du plan de résorption de la précarité dans la fonction publique,
ainsi que par une revalorisation statutaire.
J'en terminerai par quelques commentaires relatifs aux mesures annoncées pour
conforter l'enseignement professionnel comme voie de réussite, commentaires qui
concernent d'abord l'orientation positive des élèves.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre délégué, la mise en place
expérimentale d'un entretien dit « de plan de carrière » à quinze ans, afin de
réduire les sorties du système éducatif sans qualification ni diplôme. Une
telle mesure serait en effet utile, puisque 96 000 élèves sortent encore chaque
année sans aucun diplôme, et 60 000 sans aucune qualification.
Mais il faut prendre garde au risque d'orientations qui forceraient la main
aux familles les plus fragilisées ou les moins au fait des arcanes du système
éducatif.
La commission des affaires culturelles souhaiterait par ailleurs que vous
précisiez le rôle des futures classes d'orientation, dont vous avez annoncé la
création dans chaque lycée professionnel, ainsi que leur articulation avec les
classes de quatrième et de troisième technologiques existantes, que vous
envisagez de rénover. Auront-elles vocation à dispenser une telle formation
générale dans le cadre de la scolarité obligatoire ou seront-elles des
structures autorisant une orientation professionnelle précoce ?
M. le président.
Il vous faut conclure, madame le rapporteur pour avis !
Mme Hélène Luc,
rapporteur pour avis.
J'en ai fini, monsieur le président.
Vous avez également annoncé la création de « lycées des métiers thématiques »
et le regroupement des diverses formations professionnelles sur un même site
pour améliorer la lisibilité et la fluidité de la filière professionnelle,
ainsi que la mise en place de passerelles afin de faciliter la poursuite des
études.
Je rappellerai que 17 % seulement des diplômés professionnels accèdent à
l'enseignement supérieur. Tout doit être fait pour que les diplômés de BEP
puissent accéder à un « bac pro » dans la même filière, puis à des études
supérieures
via
un baccalauréat technologique. Je rappellerai cependant
que les bacheliers professionnels peuvent, d'une part, être tentés par un
emploi immédiat, ce qui est la vocation même de leur diplôme, et, d'autre part,
être dissuadés de poursuivre leurs études
via
des classes de transition,
du fait de leur âge plus élevé.
Sous réserve de ces observations, et compte tenu de l'effort budgétaire prévu
et des perspectives annoncées, la commission des affaires culturelles qui, vous
le savez, accorde une grande importance à l'enseignement professionnel, a
donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits de
l'enseignement technique pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.
- M. Pelletier applaudit également.)
M. Jean-Louis Carrère.
C'est une victoire !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 42 minutes ;
Groupe socialiste, 24 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Mes chers collègues, je vous indique qu'un dépassement de 30 % des temps de
parole prolongerait la discussion budgétaire jusqu'à Noël. Je serai donc très
vigilant et n'hésiterai pas à vous rappeler à l'ordre !
Par ailleurs, messieurs les ministres, le temps programmé pour le Gouvernement
est prévu au maximum pour quarante minutes.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Nous ferons plus court, monsieur le
président !
M. le président.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget
de l'enseignement scolaire augmente de 2,82 %, c'est-à-dire de près de 9
milliards de francs. Il s'établit à 331,9 milliards de francs et reste le
premier budget de l'Etat.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'il s'agissait d'un effort « sans
précédent depuis dix ans ». Vous avez affiché ces chiffres avec satisfaction :
« Une progression aussi forte n'a été enregistrée, en francs constants, qu'une
seule fois depuis le budget que j'avais moi-même fait adopter en 1993 »,
avez-vous déclaré. Avec 14 438 nouveaux emplois budgétaires, vous bénéficiez de
près de 60 % des emplois créés par l'Etat l'année prochaine.
Le temps du dogme affirmé, mais en réalité jamais respecté, du gel de l'emploi
public est donc bien révolu.
Ce projet de budget pour 2001 affiche comme priorité la création d'emplois,
avec 12 838 emplois nouveaux dans l'enseignement scolaire.
J'en dresserai un rapide inventaire.
Dans l'enseignement primaire, aux 800 créations d'emplois nouveaux de
professeurs d'écoles s'ajoute la création de 4 125 emplois de stagiaires.
Dans l'enseignement secondaire, le budget prévoit 900 nouveaux emplois. Par
ailleurs, 1 000 emplois sont créés par la transformation de crédits jusque-là
consacrés aux heures supplémentaires d'enseignement. Enfin, 700 postes
d'assistants de langues étrangères sont créés.
Dans le cadre de la résorption du plan de lutte contre la précarité, 3 000
enseignants sont titularisés.
S'agissant des personnels non enseignants, 1 675 nouveaux emplois sont
créés.
Vous affichez, par ailleurs, quelques priorités.
L'apprentissage des langues vivantes et la rénovation de l'enseignement des
sciences à l'école primaire font l'objet d'un effort particulier : l'objectif
affiché est de généraliser l'enseignement d'une langue en CM 1 à la rentrée
2001 et, d'autre part, d'étendre l'opération pédagogique d'enseignement des
sciences « la main à la pâte ». Enfin, la formation artistique et culturelle
obtient 263 millions de francs de crédits nouveaux.
En ce qui concerne la lutte contre les exclusions en milieu scolaire, le plan
« handiscol » prévoit de porter à 50 000 le nombre d'enfants et d'adolescents
handicapés accueillis en milieu scolaire.
Les bourses destinées aux élèves méritants sont étendues à la classe de
première : 10 000 bourses seront financées. Les mesures sociales inscrites au
budget de l'enseignement scolaire pour 2001 s'élèvent à près de 212 millions de
francs.
Malgré ces points positifs, votre budget n'est pas très innovant. Il s'inscrit
dans le cadre de la poursuite des réformes pédagogiques entamées par votre
prédécesseur.
Ainsi, en ce qui concerne le collège, les dispositifs d'aide personnalisée aux
élèves sont confirmés et étendus. La principale innovation concerne
l'instauration, à titre expérimental, de travaux croisés en classe de
quatrième. Ces travaux en petits groupes autour de plusieurs matières devront
permettre aux élèves de mieux percevoir la cohérence des différents
enseignements. Dès cette année, les élèves de troisième devront passer un
brevet informatique et Internet.
Au lycée, la réforme engagée en 1998 se poursuit doucement : consolidation des
réformes mises en place l'an dernier et mise en oeuvre de mesures concernant
les classes de première, dont la généralisation des travaux personnels
encadrés.
Quant au lycée professionnel, la charge hebdomadaire de cours est allégée. La
principale innovation pédagogique porte sur le projet pluridisciplinaire
professionnel.
Mais ce budget présente des interrogations persistantes.
L'ensemble des mesures en faveur du personnel absorbe la quasi-totalité de la
hausse du budget. De ce fait, seule une petite partie de ces fonds est
consacrée au financement des réformes pédagogiques mises en place par votre
prédécesseur.
L'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la
communication mobilise 90 millions de francs de crédits supplémentaires. Ces
crédits s'inscrivent dans le cadre du plan triennal de développement de
l'information et de la communication dans l'enseignement.
Cependant, les chiffres publiés par votre ministère cachent une réalité
souvent difficile.
Il manque en effet aux professeurs la formation indispensable pour intégrer
les outils multimédias et Internet dans l'enseignement de leur discipline.
Au-delà de la maîtrise des bases de l'informatique, ce sont bien les méthodes
d'intégration des nouvelles technologies qui semblent faire le plus cruellement
défaut.
L'autre point noir reste la médecine scolaire. Le Gouvernement se targue,
cette année, d'avoir fait un effort sans précédent en inscrivant dans le budget
la création de 300 personnels de santé, dont 50 médecins et 150 infirmières.
Cela reste, en tout état de cause, largement insuffisant au regard, d'une part,
de leur nombre particulièrement faible et, d'autre part, de l'accroissement de
leurs responsabilités. On peut s'interroger sur la pertinence de ces choix
budgétaires, alors que le Parlement a voté une proposition de loi donnant de
nouvelles responsabilités aux infirmières scolaires.
Cette proposition de loi risque de rester lettre morte si le Gouvernement ne
se donne pas les moyens de sa politique. Actuellement, le nombre des
infirmières scolaires est de 5 700, réparties sur 7 500 collèges et lycées
publics ainsi que 5 500 établissements primaires. Une infirmière est en charge
en moyenne de 2 240 élèves. A cela s'ajoute la nécessité de leur donner une
formation spécifique.
Cette politique, monsieur le ministre, est, pour nous, une politique
d'affichage des moyens, mais elle semble en négliger la finalité, c'est-à-dire
l'amélioration de la qualité de l'enseignement, laquelle vous tient sans doute
autant à coeur qu'à nous.
En opérant ces choix, vous ne faites que renforcer une certaine rigidité du
budget de l'éducation nationale. Les exemples européens nous montrent pourtant
que la qualité de l'enseignement ne va pas nécessairement de pair avec un
budget pléthorique. On peut, en effet, s'interroger sur la pertinence d'un tel
choix dans un contexte de baisse du nombre d'élèves, du fait de l'évolution
démographique.
Par ailleurs, la hausse des crédits, principalement orientés vers les dépenses
en personnel, est contestable. Une réflexion est d'autant plus urgente à mener
que plus de 80 % des crédits sont des dépenses de personnel, ce qui fait de ce
budget l'un des plus rigides.
Le projet de budget pour 2001 conforte l'argument discutable selon lequel la
priorité accordée à l'éducation nationale doit nécessairement se traduire par
une augmentation des crédits, alors que c'est surtout une meilleure répartition
des moyens et un souci de l'efficacité qu'il faut, en réalité, encourager.
Au-delà des discours d'intention, force est de constater que les réformes
difficiles mais primordiales semblent, pour l'essentiel, repoussées au profit
de groupes de travail, de comités de suivi divers et variés. Le grand chantier
de la rénovation du collège fait l'objet d'une consultation. Du coup, la
question de la lutte contre l'échec scolaire paraît être reportée. Or, chaque
année, on estime à 57 000 le nombre de jeunes qui sortent de l'enseignement
secondaire sans qualification ni diplôme.
On ne peut que faire le constat d'un échec de l'école sur ce point. Même si la
démocratisation de l'enseignement est réelle, il reste que, selon un récent
rapport de l'INSEE, « le risque d'accumuler du retard scolaire dans le primaire
ou au collège est trois fois plus élevé pour les familles les plus modestes que
pour les familles les plus aisées ».
Les décisions en matière d'enseignement technologique ne sont annoncées que
pour la prochaine rentrée. Un conseil national de l'innovation pédagogique a
été créé. Concernant le sport à l'école, là aussi une mission a été constituée.
Mais, l'abondance de consultations ne peut masquer éternellement l'attente
d'actions.
Les grands discours sur la nécessité de réformer de l'intérieur l'éducation
nationale semblent abandonnés. Ainsi, il semble que le projet de réforme des
instituts universitaires de formation des maîtres, engagé par Claude Allègre,
n'est plus d'actualité.
Pourtant, le constat est quasi unanime pour reconnaître les lacunes de cette
formation, notamment en matière de professionnalisation. Comment réformer la
pédagogie sans initier d'abord à la pratique pédagogique ? De même, la question
de l'évaluation du corps professoral, pourtant lagement reconnue comme
insuffisante, n'est pas abordée.
D'autres questions demeurent sans réponse, notamment les revendications des
directeurs d'école en matière de statut. Ces directeurs se recrutent d'ailleurs
de plus en plus difficilement, en raison du poids des responsabilités.
En matière de lutte contre la violence scolaire, la création d'un comité
national de lutte contre la violence scolaire, dont l'une des missions sera de
surveiller onze sites expérimentaux, nous a été annoncée le 24 octobre dernier.
Nous en prenons acte. Toutefois, la représentativité politique de ce comité
national n'est pas des plus percutante.
La situation sur le terrain, loin de s'améliorer, tend plutôt à s'aggraver. Si
l'on prend en compte l'ensemble des établissements, le nombre total d'actes de
violence signalés a progressé de 15,5 %.
Pour avoir étudié de façon très approfondie les problèmes de la violence
scolaire, je ne me risquerai pas à tenir des propos lapidaires sur ce sujet, il
est trop profond, trop vaste. En tout cas, je vous l'accorde, monsieur le
ministre, il ne faut pas s'arrêter aux constats.
Un budget de l'éducation nationale doit avoir un sens et il nous semble devoir
répondre à de grandes missions.
La transmission du savoir profite actuellement à une élite, au prix de combats
féroces entre les meilleurs, pouvant conduire à leur destruction - je vous
renvoie, à cet égard, aux problèmes de santé mentale chez de nombreux
adolescents, en particulier dans les classes préparatoires.
L'orientation scolaire reste le résultat d'un tri face à une impuissance à
mettre en valeur le potentiel de chaque individu et à lui accorder un
avenir.
Donner des signaux, monsieur le ministre, vous savez le faire !
Vous avez encouragé l'enseignement précoce des langues en traitant avec les
collectivités. En Alsace, nous vous en sommes reconnaissants.
Vous avez mis en oeuvre notre souhait commun - nous l'émettions avec vous
depuis longtemps - d'une éducation à la sensibilité face aux violences. C'est
important, au niveau du discours.
La santé scolaire ne relève pas de propos incantatoires et d'annonces
quantitatives. Elle nécessite non pas de nouveaux diagnostics de situation mais
une volonté politique d'organiser une véritable médecine du travail pour nos
enfants, sans oublier les aspects éducatif et préventif.
Mais le sens, c'est aussi la confiance. C'est répondre aux inquiétudes des
directeurs d'école, aux difficultés de recrutement des principaux
d'établissement.
Le sens, c'est encore la sécurité des personnes.
Redonner du sens passe par une démarche de qualité. Bien sûr, la satisfaction
des besoins élémentaires est nécessaire afin de vivre autre chose que
l'urgence. Mais cette démarche de qualité implique également une prise en
compte d'une évolution qui ne nous est pas obligatoirement inspirée par le
haut. Je pense au processus d'auto-évaluation, qui devrait être bien
conduit.
Enfin, une véritable politique de changement passe par une démarche de
régionalisation. Le rectorat peut, entre autres, être l'agence régionale des
établissements et l'acteur d'une véritable habilitation après évaluation.
Au lieu d'un centralisme administratif coûteux sur le plan budgétaire, nous
proposons une déconcentration régionale qui ne doit pas dupliquer, par sa
rigidité, les structures du modèle national.
L'enseignement scolaire a besoin d'une réforme s'inscrivant dans une logique
qualitative. Le budget pour 2001 ne nous semble pas s'inscrire dans une telle
logique.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Darcos
M. Xavier Darcos.
Monsieur le ministre, le 13 novembre dernier, vous avez déclaré, lors de la
présentation à l'Assemblée nationale de votre projet de budget - en
augmentation de 2,8 %, à structure constante, pour 2001 - que vous étiez fier
et heureux d'appartenir à un Gouvernement dirigé par un Premier ministre qui a
eu à coeur, à contre-courant des tendances dominantes, de donner à nos maîtres
les moyens d'accomplir pleinement leur belle mission.
Concernant ces derniers, vous vous exprimiez en ces termes : « Pour ne
froisser personne, je me garderai de revenir sur la façon dont leur mission a
été "maltraitée", ou plutôt "mal traitée", au gré des budgets et des
non-décisions au cours des quinze dernières années. » Qu'ils aient été mal
traités par votre prédécesseur, nul ne le contestera, surtout pas eux-mêmes !
Mais prétendre que rien n'a été décidé pendant les quinze dernières années est
sans doute plus discutable.
Vous me permettrez, au cours de ce bref exposé, plutôt que de revenir sur un
certain nombre de domaines qui ont été largement évoqués, d'indiquer quelque
pistes qui peuvent être utiles à notre réflexion commune.
Vous avez dit que la situation, ce n'était pas
Apocalypse Now
. C'est
vrai, mais sans doute les blocages sont-ils nombreux. En préambule, j'en
citerai un, tout simple : les réponses aux questions que les parlementaires
posent à votre ministère.
Quand il a été mis fin au gouvernement Juppé, en 1997, le nombre des questions
de sénateurs auxquelles il n'avait pas été répondu dans les délais
réglementaires s'élevait à 45.
Dans une circulaire publiée au
Journal officiel
du 7 juin 1997,
relative à l'organisation du travail gouvernemental, M. Lionel Jospin, devenu
Premier ministre, exigea, d'abord, la participation du Gouvernement aux séances
des questions au Gouvernement, mais aussi, de ses ministres, le respect du
délai d'un mois pour répondre aux questions écrites qui leur étaient posées, le
délai accordé d'un mois supplémentaire devant rester exceptionnel.
Or, fait sans précédent dans l'histoire de la République, le nombre de
questions écrites auxquelles le Gouvernement de M. Jospin n'a pas répondu dans
les délais réglementaires s'élève à ce jour à près de 5 000 pour le seul Sénat.
En ce qui concerne votre département ministériel, leur nombre a plus que doublé
par rapport à 1997.
Cet exemple est sans doute secondaire, mais il me paraît significatif de la
complexité des problèmes, de l'inquiétude des élus, qui vous harassent de
questions, peut-être de l'hésitation de vos services à trouver les bonnes
réponses ou de la surcharge d'un ministère que je sais très occupé. Mais
peut-être montre-t-il tout simplement que, moins que d'un personnel
supplémentaire, ce ministère a surtout besoin d'une doctrine.
Pour ce qui est de l'éducation comme pour le reste, il faut donc faire preuve
d'une grande prudence dans les déclarations tant que les problèmes persistent,
et ce malgré les belles augmentations budgétaires.
J'évoquerai maintenant deux sujets : le personnel et les cadres enseignants,
d'abord, l'enfant ou l'élève, ensuite.
Pour ce qui concerne le personnel enseignant, j'ai noté que le budget avait
prévu, pour 2001, des emplois d'enseignants tant dans le premier degré que dans
le second. Je ne reviens pas sur les chiffres. D'ailleurs, je l'avoue, je ne
compte pas m'en plaindre. Tout le monde a intérêt à ce que l'école française
soit le mieux encadrée possible.
Je constate aussi que, dans un protocole signé le 10 juillet dernier, vous
avez accru le nombre de titularisations d'agents non titulaires.
Enfin, vous avez annoncé un plan triennal relatif aux emplois qui prévoit la
création de 33 200 emplois, dont 17 675 créations nettes correspondant à
l'embauche de personnels supplémentaires dans les premier et deuxième degrés,
pour un coût de 4 milliards de francs.
Ne faisons pas la fine bouche, même s'il est faux de dire qu'aucune
programmation n'a jamais été faite en termes de recrutement des enseignants. Je
vous renvoie, à cet égard, à la loi qui instituait un « nouveau contrat pour
l'école ».
Je vous félicite donc, monsieur le ministre, de l'effort accompli en matière
budgétaire. Mais, en même temps, je m'interroge.
Lorsqu'il était ministre de l'économie et des finances, M. Arthuis, pour
connaître le nombre de fonctionnaires de son département ministériel, avait
fait procéder au décompte des lignes téléphoniques.
L'éducation nationale n'a même pas cette chance. En dix ans, les crédits ont
augmenté de 100 milliards de francs. Depuis vingt ans, le nombre d'enseignants
a augmenté de 40 %, alors que les effectifs scolaires ont diminué de 17 %.
Cette situation peut-elle s'éterniser, sachant qu'une enquête du Sénat fait
apparaître, par ailleurs, que quelque 30 000 enseignants ne se sont jamais
présentés devant des élèves ?
Des analyses qualitatives, des recherches logistiques doivent être effectuées
; une meilleure utilisation de vos propres ressources est sans doute
possible.
Nous sommes bien là au coeur de l'immense débat qui agite chaque rentrée
scolaire : là des classes surchargées, ailleurs des classes que l'on ferme ;
ici, des professeurs surchargés par les heures supplémentaires, ailleurs, des
professeurs qui n'ont jamais vu un élève de leur vie ! Personne n'y trouve son
compte. Vous le verrez en préparant la prochaine rentrée et la carte scolaire
2001-2002.
Certes, il faut améliorer la situation des instituteurs. Le général de Gaulle,
en 1958, avait considéré que c'était la première priorité de l'éducation
nationale. Il voyait dans ce métier le meilleur métier du monde puisqu'il avait
pour ambition de former les jeunes.
Mais ces instituteurs, ces professeurs ne sont plus seulement instituteurs et
professeurs. Pour prendre un exemple, estimez-vous normal que des instituteurs
dirigent des établissements médicaux hospitaliers accueillant des enfants
gravement atteints, qui ne seront jamais scolarisés, nécessitant exclusivement
des soins hospitaliers ou de maternage, alors même qu'il existe, à cet effet,
des associations remarquables comme les Papillons blancs, l'UNAPEI, les
Paralysés de France, etc. ?
L'éducation nationale ne devrait-elle pas cibler plus précisément ses missions
?
S'agissant des lieux d'enseignement, je distinguerai plusieurs types de
situations.
Il y a d'abord - cela a été évoqué, dans son excellent rapport budgétaire, par
notre collègue Jean Bernadaux - ces 4 500 écoles qui ne disposent pas
aujourd'hui d'un directeur. Est-ce vrai ? Est-ce possible ? Cela peut-il durer
?
Dans le second degré, 400 postes de direction sont encore vacants.
Or, vous le savez, monsieur le ministre, et votre administration le sait
également depuis longtemps, c'est par l'intermédiaire des personnels de
direction que le pilotage national prendra vie sur le plan territorial. Il nous
faut des chefs d'établissement de grande qualité, bien rémunérés, ayant des
perspectives de carrière, sinon rien ne réussira, ni au niveau de la classe ni
au niveau de l'académie.
M. André Maman.
Très bien !
M. Xavier Darcos.
Je m'interroge sur ce que vous comptez faire des aides éducateurs recrutés en
octobre 1997 pour répondre à des besoins immédiats ou non satisfaits.
Aujourd'hui, ils se sont déjà constitués en lobby pour obtenir des
titularisations. Que fera-t-on des emplois-jeunes lorsque leur contrat arrivera
à expiration ? Avez-vous l'intention de les transformer eux aussi en
maîtres-auxiliaires voués à la titularisation ?
En ce qui concerne la gestion des personnels, le dernier rapport de
l'inspection générale de votre département ministériel exprime les ambitions et
les illusions de la direction des ressources humaines au ministère de
l'éducation nationale. Les pages 76 et 77 de ce rapport me semblent
essentielles. Elles se référent à la complexité des méthodes de gestion
prévisionnelle, que nous connaissons bien, à la sous-estimation des blocages
corporatistes, à l'injustice d'un système qu'il faut réviser.
Permettez-moi d'en citer un extrait : « Ainsi, les référentiels de compétences
ne sont guère utilisés pour le recrutement et la formation ; les instruments
d'évaluation sont parfois mis au point, mais aucune conséquence n'en est tirée
en matière de rémunération et de promotion. »
Est-il normal, monsieur le ministre, que le professeur qui habite à cinquante
mètres de son lycée et qui arrive toujours en retard le matin, devant des
élèves donc démotivés, ait la même carrière que celui qui se passionne pour son
métier et qui se donne à ses élèves avec un dévouement admirable ?
Certes, le corps enseignant doit être soutenu, considéré et équitablement
rémunéré, mais l'avance à l'ancienneté, au grand et au petit choix, ne peut
plus suffire. Il faut la compléter par d'autres formules. Les responsabilités
doivent être définies autrement.
MM. Patrick Lassourd et Jacques Legendre.
Très bien !
M. Xavier Darcos.
A la suite de la publication d'un petit livre que j'ai écrit récemment, j'ai
reçu beaucoup de lettres de professeurs. Ce qui m'a frappé, c'est que, bien
loin d'exiger, comme ils le faisaient naguère, des salaires ou une
reconnaissance sociale plus grande, ils font surtout appel à un pilotage clair.
Ils ont le sentiment d'être aujourd'hui, au sein des établissements, dans une
sorte de barbarie tranquille où l'école s'enfonce doucement, d'être confrontés
à la violence, au désoeuvrement, à un environnement déshumanisé et, finalement,
d'être peu écoutés.
J'ai vu dans ces lettres, essentiellement, le message de professeurs qui
attendent du Parlement et de la nation non seulement des crédits, non seulement
des budgets, mais un véritable projet éducatif.
J'en terminerai en évoquant les réformes que vous souhaitez mettre en place,
monsieur le ministre.
Vous insistez sur l'école primaire, et vous avez raison. Elle doit faire
l'objet de toute notre attention. Il est en effet inacceptable qu'en France, en
2001, 15% des élèves qui arrivent en classe de sixième ne sachent ni lire, ni
écrire, ni compter.
Comment peut-on se satisfaire de cette situation ?
Mais le collège unique risque de prolonger cette situation. Je sais que vous
avez confié un rapport au recteur Joutard portant sur cette question. Je sais
que vous réfléchissez aussi à la réorganisation des programmes, pour laquelle
vous aviez confié un rapport à M. Boissinot.
Tout cela est bien, mais il me semble que nous n'en sommes plus au temps des
réflexions générales. Il y a une réelle volonté de changer la structure
elle-même, d'autant que l'école jamais n'a été aussi inégalitaire.
En effet, les enfants d'ouvriers et d'employés sont de moins en moins nombreux
à intégrer les grandes écoles, qu'il s'agisse de l'Ecole polytechnique, de
l'Ecole nationale d'administration ou de l'Ecole nationale supérieure des mines
de Paris. Certes, telle n'est pas forcément la finalité de l'école, mais cela
constitue cependant, pour les milieux populaires, un recul considérable.
Peut-être l'école devrait-elle, plutôt que d'aligner des chiffres sans cesse en
augmentation, s'interroger sur sa mission ? N'a-t-elle pas perdu de vue la
métaphore si juste du maître et du père de famille que nous devons à Jules
Ferry ? Ne devrait-elle pas viser à être une structure solide, encouragée par
les pouvoirs publics, imposant le travail et la discipline, loin de la
turbulence extérieure ? Ne devrait-elle pas avoir pour ambition de permettre
aux meilleurs de réussir, de se faire valoir par leurs propres mérites et par
leurs efforts personnels et d'accéder, quelle que soit leur origine sociale,
aux plus hauts degrés de la société française ?
Telle est l'école que nous voulons, une école de l'effort, du mérite, avec des
objectifs clairs. Le Parlement et la nation attendent de vous, messieurs les
ministres, que vous vous attaquiez aux problèmes de fond.
Avant de conclure, je voudrais insister une fois encore sur le thème de la
violence, qui est implicitement présent dans mon intervention et à propos
duquel beaucoup de questions vous sont régulièrement posées.
Comme vous le savez, mes chers collègues, il ne suffira pas de rédiger des
rapports pour remédier à la situation présente : il faudra accepter de
reconnaître que l'école doit rester à l'écart de la turbulence extérieure.
Sur ce phénomène de violence se greffent des problèmes de santé. Ainsi, la
couverture médicale et sociale de nos jeunes présente d'immenses lacunes et
nous manquons d'infirmiers et de médecins, la coordination des services étant
insuffisante.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Xavier Darcos.
L'école doit donc se concentrer sur ces tâches de portée limitée, mais remplir
toute sa mission. Les postes ne feront rien à l'affaire si un pilotage nouveau
et ambitieux n'est pas clairement proposé à la nation.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a
limité à dix minutes le temps de parole imparti à chaque orateur. Il faut le
respecter !
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget
alloué à l'enseignement scolaire est en constante augmentation depuis un
certain nombre d'années. Parallèlement, les effectifs des enfants scolarisés ne
cessent de diminuer. Le moment est donc opportun pour optimiser l'action du
ministère, notamment en ce qui concerne l'enseignement scolaire.
Le siècle à venir sera, nous le savons tous, encore plus exigeant que celui-ci
quant à la formation, qui devra s'adapter constamment aux techniques nouvelles.
C'est pourquoi je me réjouis de l'augmentation des crédits consacrés au
développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication à l'école primaire.
Il y a de moins en moins d'élèves dans nos écoles, et je serais tenté de dire
que c'est tant mieux, car les moyens qui leur seront affectés pourront être
d'autant mieux répartis et profiter prioritairement à ceux qui en ont le plus
besoin.
L'école doit en effet, aujourd'hui plus encore qu'hier, jouer son rôle de
promotion sociale et culturelle. Il nous faut, encore et toujours, démocratiser
l'école, consacrer des efforts très importants à la lutte contre l'échec
scolaire, qui doit être menée dès le plus jeune âge, faire davantage pour les
élèves qui, socialement ou culturellement, sont les plus démunis. Ceux-ci n'ont
pas les mêmes chances que les autres au départ, nous le savons bien, et un
système qui ne leur permet pas de combler leur retard est un mauvais système,
car il ne fait que reproduire le même schéma social, les mêmes disparités et
les mêmes échecs.
Permettez-moi, messieurs les ministres, d'aborder quatre domaines qui
m'apparaissent prioritaires : l'enseignement en milieu rural, l'enseignement
primaire et la nécessaire mise à niveau de tous les élèves avant leur arrivée
au collège, l'éducation physique et sportive et, enfin, l'enseignement des
langues étrangères.
Tout d'abord, l'école est bien souvent le dernier service public présent en
milieu rural ; elle se trouve donc au coeur de l'indispensable projet de
dynamisation de nos campagnes. Pourtant, face à la dépopulation constante de
certains cantons, deux logiques s'affrontent depuis longtemps : la logique du
ministère, qui, à dessein de « rentabiliser » le service public, ferme de
nombreuses écoles en milieu rural, et celle des élus locaux, acteurs de
terrain, qui souhaitent conserver à tout prix leurs écoles.
Il nous faut, je le crois, adopter une position nuancée, trouver un juste
milieu entre les impératifs budgétaires et la nécessaire vitalisation du milieu
rural.
Certes, le maintien d'écoles rurales s'accompagne, bien souvent, d'un
regroupement des élèves dans des classes de même niveau, mais il subsiste de
nombreuses classes à plusieurs niveaux. Des études ont montré que, globalement,
la coexistence dans une même classe d'élèves de niveaux différents pouvait être
bénéfique pour les uns et les autres, mais cela n'est plus vrai quand certains
élèves du groupe sont en difficulté scolaire.
Le critère fondateur de notre école, c'est-à-dire l'égalité des chances, ne
peut pas, dans ce cas, être respecté. Nous devons donc réfléchir à une
amélioration de l'enseignement en milieu rural, en privilégiant les
regroupements intercommunaux avec des niveaux homogènes.
Quel bilan peut être dressé, messieurs les ministres, pour nos écoles rurales
dans ces différents domaines ?
Je voudrais maintenant insister sur l'inadaptation scolaire de nombreux jeunes
qui arrivent en classe de sixième. Quel est le pourcentage de jeunes, messieurs
les ministres, qui achèvent le cycle de l'école primaire sans posséder les
bases indispensables : 10 %, 15 %, davantage encore ? Nous connaissons les
disparités qui se font jour à l'issue de la classe de troisième, mais elles ne
sont que le prolongement d'une situation qui remonte à l'entrée au collège. Si
la plupart de ces jeunes sont voués à un échec certain au collège, que dire de
leurs difficultés futures ! Ils sont condamnés au chômage et au RMI.
Le projet de budget pour l'enseignement scolaire témoigne de ce que ce
problème a été pris en considération. Cependant, il n'y est répondu que
ponctuellement, par l'octroi de crédits au soutien scolaire et à la remise à
niveau des collégiens, et ce dès la classe de sixième. C'est bien, mais
n'est-ce pas déjà trop tard ? Des heures de remise à niveau sont prévues : cet
encadrement me paraît intéressant, mais il devrait débuter, à mon sens, dès
l'école primaire.
En effet, certains jeunes traînent des lacunes depuis le cours préparatoire,
c'est-à-dire depuis leur apprentissage de la lecture et de l'écriture. Ne
vaudrait-il pas mieux ventiler les crédits que le ministère a alloués au
soutien scolaire au collège en élargissant l'application de ce dispositif à
l'école primaire ? C'est en amont qu'il faut agir, et je souhaiterais donc
savoir si une augmentation des crédits a été envisagée afin de financer
l'encadrement et le suivi scolaire dans le primaire.
Sur ce point aussi, des solutions peuvent être trouvées. Je pense, par
exemple, à l'aide aux devoirs : peut-être pourrions-nous encourager de jeunes
retraités volontaires à se consacrer, à raison d'une ou de deux heures par
semaine, au suivi scolaire de jeunes en difficulté ?
Par l'initiation à une langue vivante dès le cours élémentaire première année,
mise en place en 1989 et en 1995, le ministère souhaite préparer activement la
vie future de nos jeunes au sein d'un monde où l'usage des langues étrangères
sera une priorité.
A cet égard, nous savons tous, hélas ! dirais-je, que la langue véhiculaire du
troisième millénaire sera l'anglais. Je regrette beaucoup que ce ne soit pas le
français, mais je crois qu'il faut regarder la vérité en face et accepter le
fait que, sans s'opposer aux langues nationales ou régionales, la pratique de
cette langue est un préalable aux échanges.
Monsieur le ministre, vous souhaitez qu'une langue vivante étrangère soit
enseignée dès le cours préparatoire. Je m'en félicite, mais je m'interroge sur
la possibilité d'étendre cet enseignement indispensable à la totalité de nos
écoles primaires, au premier rang desquelles nos écoles rurales. Il faudrait
pourtant y parvenir très rapidement, en souhaitant que cet enseignement puisse
aussi être dispensé par les professeurs d'école, qui doivent être formés à cet
effet.
Dans le même ordre d'idée, je m'interroge également sur la présence réelle,
partout en France, de l'enseignement de l'éducation physique et sportive, ô
combien important pour l'équilibre corporel et intellectuel de l'enfant. Or,
bien trop souvent, nos communes rurales sont les laissées-pour-compte de
l'application des directives du ministère.
Pour conclure, le budget de l'enseignement scolaire me paraît globalement bon.
Il devrait permettre de remplir les missions que je viens d'évoquer rapidement,
et j'émets donc un avis favorable à son adoption, mais avec l'appréciation
suivante : « doit faire ses preuves ».
(Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à
l'occasion de l'examen de ce quatrième projet de budget de l'enseignement
scolaire présenté par le gouvernement de la gauche plurielle, je veux souligner
une augmentation des crédits s'inscrivant dans le prolongement des années
précédentes et des mouvements sociaux de l'an passé.
Avec dix milliards de francs supplémentaires, ce budget est en hausse de 2,82
% et permet de financer 12 838 nouveaux emplois budgétaires, ce à quoi invite
également une croissance économique revenue. Une nouvelle ère d'écoute et de
dialogue a été ouverte, qui peut redonner confiance dans le travail individuel
et collectif, en vue d'une transformation réelle.
La priorité donnée à l'éducation nationale répond aux attentes profondes d'une
majorité de la population, des parents et des enseignants, soucieux de l'avenir
des enfants.
Ainsi, dans mon département du Val-de-Marne, mais également dans d'autres, ces
attentes sont très fortes, puisqu'il s'agit d'obtenir la mise en oeuvre d'un
plan d'urgence réclamé haut et fort l'année dernière pour simplement rattraper
les retards et respecter l'équité dans l'affectation des moyens.
Je salue donc, au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen, les créations de postes et les transformations d'heures
supplémentaires et de contrats précaires en postes statutaires, permière étape
d'une rupture avec le dogme du gel de l'emploi public.
Notre appréciation favorable est renforcée par l'annonce d'un plan
pluriannuel, dont nous avions demandé la mise en oeuvre à plusieurs reprises
dans cet hémicycle. Cette projection dans l'avenir nous paraît en effet
essentielle pour sortir d'une logique de gestion dans l'urgence.
L'augmentation de 20 % à 50 % dans les cinq années à venir du nombre de postes
aux concours d'enseignement est indispensable pour faire face au phénomène
massif des départs en retraite entre 2001 et 2008.
Toutefois, ces annonces seront-elles suffisantes pour accompagner les
évolutions indispensables à l'amélioration de la qualité, qu'il s'agisse de la
suppression des classes surchargées, de la prise en charge individuelle des
élèves en difficulté, du travail en équipe des personnels enseignants et non
enseignants - je pense particulièrement ici à la création d'équipes
pluridisciplinaires incluant des médecins, des psychologues, des infirmières,
des personnels ATOS, dont le nombre doit absolument être revu à la hausse - de
la résorption de la précarité, qui est un véritable problème, ou de
l'allégement de la charge de travail des personnels de l'éducation nationale,
qui ont encore trop d'heures supplémentaires à effectuer ?
Les organisations représentatives des enseignants et des parents que j'ai
reçues expriment des préoccupations très fortes dans ce domaine. Il faut les
écouter, messieurs les ministres, ainsi d'ailleurs que les directeurs
d'école.
Par ailleurs, il faut absolument diversifier le recrutement et mieux
professionnaliser la formation. Pour cela, il serait bon d'envisager rapidement
un prérecrutement, comme celui auquel il est procédé dans les IPES, les
instituts de préparation aux enseignements du second degré, et de redéfinir et
d'adapter les missions des IUFM, les instituts universitaires de formation des
maîtres.
J'attire également l'attention sur la situation des surveillants, qui ne sont
pas assez nombreux et qui quittent prématurément le système, faute de temps et
de reconnaissance, ainsi que sur celle des titulaires d'emploi-jeune, qu'il
s'agisse de leur formation ou de leurs perspectives d'obtenir des postes
stables dans l'éducation nationale.
Par ailleurs, je voudrais évoquer la situation de l'éducation physique et
sportive à l'école, en particulier la nécessité de renforcer les horaires dans
cette discipline pour les collégiens et les lycéens. Peut-être ce point
sera-t-il discuté lors des assises nationales du sport, qui doivent se tenir,
me semble-t-il, vers le mois de mars.
Est également positif tout ce qui va dans le sens d'un allégement des charges
financières pour les familles : le doublement de la prime d'équipement versée
aux parents des élèves des lycées professionnels, la gratuité du carnet de
correspondance au collège, qui doit être étendue au lycée, ou le plan Handiscol
visant à améliorer l'accueil en milieu scolaire ordinaire d'enfants et
d'adolescents handicapés.
Je m'arrêterai quelques instants sur certaines priorités et finalités du
système éducatif.
Ainsi perdure avec force la question de l'interdépendance des inégalités
sociales et de l'école. Une étude récente de l'INSEE souligne le poids
prédominant du revenu et des conditions de vie des familles sur la réussite
scolaire, par rapport à l'organisation du système éducatif et des réformes. Il
y a trois fois plus de risques d'échec scolaire pour les enfants des familles
les plus modestes que pour les enfants des familles les plus aisées. Ce n'est
pas tolérable, il faut y remédier, c'est une obligation nationale.
Pour la part dépendant de votre action, monsieur le ministre, il y a
incontestablement matière à une politique et à des mesures sociales
d'envergure, ainsi qu'à une réelle gratuité de l'école, pour réduire, en vue de
l'annuler, l'inégalité des chances à l'école.
A cet égard, nous attendons beaucoup des conclusions du rapport sur ce sujet,
des décisions et des mesures fortes qui s'en suivront, je l'espère. C'est un
chantier essentiel pour les années à venir et je vous demande de l'engager avec
force et conviction, monsieur le ministre.
Mais, dans le même temps, d'un point de vue interne, l'école est en elle-même
génératrice d'inégalités. De nombreux travaux montrent que l'inégalité n'est
pas seulement présente à l'entrée de l'école, mais aussi à la sortie. Des
expériences menées au sein des établissements peuvent renforcer ou au contraire
réduire les inégalités.
Ainsi, d'une école à l'autre, dans le même milieu social et dans la même
région, les taux d'échec et les taux de violence peuvent varier
considérablement, comme si la manière d'aborder les élèves, en petits groupes,
individuellement, en partant de ce qu'ils sont, de leurs identités différentes,
en gommant leur appartenance sociale et culturelle, en bridant leur
individualité, pouvait changer les choses ; je crois qu'elle le peut.
Ce problème de la manière dont on aborde aujourd'hui les élèves, issus de
milieux différents et allant vers des milieux différents, n'est pas seulement
un problème pédagogique, mais aussi une question de contenu des savoirs, de
contenu de la laïcité, de mesures inégalitaires prises pour les aider.
Quelle diversité des savoirs, quelle variété des langues, quel lien entre
toutes les disciplines convient-il d'introduire dans l'enseignement, pour que
l'enfant connaisse et comprenne mieux d'où il vient, pour promouvoir une
ouverture d'esprit, bref pour qu'il se structure et optimise ses potentiels
personnels ?
Je veux rappeler notre attachement à favoriser, au-delà des dépenses, les
efforts faits pour développer l'apprentissage des langues et de l'informatique
avec les moyens nécessaires.
D'évidence, l'école n'est à l'abri ni des évolutions ni des dérives du monde.
Que deviennent les rapports éducateurs-éduqués dans un monde où tout serait
jugé bon à vendre ou à acheter ? Ce problème concerne tous les acteurs de
l'école mais, au-delà, toute la société, et ce n'est pas virtuel, comme en
témoigne l'ordre du jour de la réunion intergouvernementale européenne.
Cette libéralisation prend le visage de l'article 133 du traité d'Amsterdam,
dont la réforme est programmée dans la plus grande discrétion au sommet
européen de Nice. Ce qui est en jeu dans ces négociations et dans cette réforme
du traité d'Amsterdam, c'est « la mise en concurrence sur une base commerciale
» des services d'éducation dans le monde entier, un marché de 1 000 milliards
de dollars en dépenses publiques pour l'ensemble du monde, 50 millions
d'enseignants et plus de 1 milliard d'élèves, répartis dans des centaines de
milliers d'établissements scolaires.
Je suis solidaire des citoyens qui manifestent aujourd'hui à Nice et, s'il n'y
avait pas la discussion budgétaire, je serais là-bas à leur côté.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué à l'enseignement professionnel.
Merci de le dire !
Mme Hélène Luc.
Avec toutes celles et tous ceux qui ont à coeur une vision humaniste, nous
devons dire haut et clair que « l'école n'est pas une marchandise ».
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Très juste !
Mme Hélène Luc.
Une autre dimension de la société qui pénètre de plein fouet l'école, c'est la
violence, et pas seulement dans les zones d'éducation prioritaire. Alors se
posent avec force la nature et la taille des remèdes. Comment dépasser la seule
réponse répressive à un phénomène encouragé par un climat délétère où le
langage de la force, de la haine, de l'instinct primaire, de l'intérêt
personnel l'emporte trop souvent sur celui du droit, de la raison, de la paix,
du « vivre ensemble », de l'intérêt général ? Comment faire pour que l'école
soit, au contraire, un lieu de respect des autres, d'échanges, de rapports
humains solidaires, de valorisation de la personnalité de l'enfant ?
Je salue, à cet égard, la mise en place du comité national de lutte contre la
violence à l'école, qui devra mener une large réflexion et une action
préventive contre la violence.
Je souhaite également rappeler, parce que des mutations et des enjeux majeurs
sont devant nous, le besoin qui se manifeste d'un vaste débat national sur la
construction de l'avenir du système éducatif, y compris au Parlement, monsieur
le ministre.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, et pour la raison principale
que le budget de l'éducation nationale est en hausse de 10 milliards de francs,
qu'il reste le premier budget de l'Etat et qu'il s'inscrit comme la première
étape d'un plan pluriannuel, pour la raison qu'il peut prendre place dans un
projet de transformation globale de l'école, le groupe communiste républicain
et citoyen le votera.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget
des enseignements scolaires, qui concernent les écoles, les collèges et les
lycées, c'est-à-dire le plus grand nombre de familles, d'élèves et de
personnels, reste, avec 332 milliards de francs, le premier budget de l'Etat et
constitue la concrétisation d'une priorité politique indiscutable.
Si la progression moyenne du budget global s'affiche à un peu plus de 1 %, le
budget de l'enseignement scolaire progresse, lui, à structures constantes, de
2,8 %, ce qui correspond presque à 9 milliards de francs supplémentaires, bien
que la population scolaire continue de diminuer sensiblement.
Je note également avec satisfaction l'abandon du dogme du plafonnement des
effectifs de l'emploi public qui constitue selon moi une réponse à ce que
demandait M. le rapporteur spécial, une meilleure réponse aux besoins, et
surtout une meilleure transparence dans la gestion des personnels, ce que peu
de ministres ont réussi à faire. Peut-être est-ce la bonne voie ?
En termes d'emplois, sont créés 800 postes de professeur des écoles, ainsi que
4 125 postes de professeur des écoles stagiaires. Dans le second degré, je note
la création de 900 emplois d'enseignant et de personnel d'éducation auxquels il
faut ajouter 600 postes de certifié et 400 de professeur de lycée
professionnel, fruit de la transformation maintes fois réclamée d'heures
supplémentaires. Viennent s'y ajouter 3 000 titularisations d'enseignants
précaires, ce qui avait fait l'objet d'une forte demande de notre part, et 1
338 consolidations d'emplois en surnombre.
Je note également avec satisfaction la création de 1 675 emplois de personnels
ATOS. Ce n'est pas encore tout à fait suffisant : les régions font de tels
efforts pour construire des lycées, les conseils généraux pour construire des
collèges qu'ils sont confrontés à un accroissement des besoins. Mais c'est un
point tout de même très positif.
Les crédits consacrés à la formation continue, aux TIC, les technologies de
l'information et de la communication, aux langues et aux sciences, à
l'enseignement artistique dans le premier et le second degré enregistrent
également des progressions substantielles traduisant une volonté politique
claire qui s'inscrit dans le double objectif, messieurs les rapporteurs, de
répondre aux besoins quantitatifs mais également aux besoins qualitatifs.
Parmi plusieurs mesures à caractère social, trois ont retenu mon attention,
très satisfaite : le plan Handiscol, évoqué par Hélène Luc précédemment, je n'y
reviens pas, la création de 10 000 bourses supplémentaires pour les classes de
première et le doublement de la prime d'équipement des élèves des lycées
d'enseignement professionnel.
Monsieur le ministre délégué, c'est très bien ! La région Aquitaine,
d'ailleurs, vous accompagnera dans cet effort et, à la rentrée scolaire, nous
ferons en sorte d'assurer la gratuité de la caisse à outils pour tous les
élèves entrant en LEP.
S'ajoutent également nombre de mesures conjoncturelles.
Dans le premier degré, 20 735 postes d'instituteur sont transformés en postes
de professeur des écoles ; c'était une demande très forte eu égard à la
contrainte des mouvements « en sifflet » qui ne permettait pas une
accessibilité assez grande des instituteurs dans le corps des professeurs des
écoles. Je note également 500 créations d'emploi hors classe pour les
professeurs des écoles.
Dans le second degré, je relève l'achèvement de l'intégration des conseillers
d'éducation dans le corps des conseillers principaux d'éducation ;
l'accroissement de la hors classe des professeurs d'enseignement général de
collèges, les PEGC, et des CE d'éducation physique et sportive avec plus 190
emplois pour les uns et 30 emplois pour les autres ; et, pour les autres corps,
la transformation de 1 428 emplois en hors classe pour atteindre les 15 %
statutaires. Ce sont des mesures attendues, nécessaires et intelligentes.
Cette longue énumération confirme les avancées très positives de votre projet
de budget. Cependant, quelques questions sérieuses demeurent et je tiens à vous
les indiquer. Je n'aborderai ni la question des aides-éducateurs, ni celle,
très importante, de la nécessaire évolution des instituts universitaires de
formation des maîtres, les IUFM, mon collègue Serge Lagauche en traitera.
Simplement, s'agissant du plan pluriannuel, je vous poserai deux questions.
Ne craignez-vous pas, messieurs les ministres, que le recours à la liste
complémentaire ne puisse représenter un petit danger de contractualisation de
l'enseignement pour des raisons que je vous indiquerai concrètement ?
Ne manque-t-il pas, par surcroît, une orientation plus facilement identifiable
à ce plan pluriannuel ? Le plan, c'est très bien ; les moyens financiers, c'est
très bien. Mais il me semble que les enseignants cherchent ce souffle qui
pourrait être impulsé par une tonalité clarifiée.
Maintenant, je vous poserai quatre brèves questions.
S'agissant de l'application des 35 heures, où en est-on ? Qu'est-il prévu dans
ce budget ?
Qu'en est-il de la réforme des rythmes scolaires, et des zones d'éducation
prioritaire, les ZEP ?
Y aura-t-il assez de créations de postes de directeur d'école pour permettre
d'augmenter les décharges ?
A quand l'amélioration de l'indemnisation ?
Qu'adviendra-t-il du protocole Sapin et de la résorption des emplois précaires
et avec quel financement, même si j'ai noté avec satisfaction la résorption
d'un grand nombre de ces emplois ?
Néanmoins, messieurs les ministres, votre projet de budget reste très
largement positif, et nous le soutiendrons avec enthousiasme.
M'adressant aux rapporteurs, en conclusion, j'aurais préféré qu'ils
s'inspirent des conclusions de la commission des finances de l'Assemblée
nationale. Chers amis de la majorité du Sénat, quand le bon exemple vient de
l'Assemblée nationale, de grâce, suivez-le plutôt que de faire des contorsions
à haut risque que vous renouvelez tous les ans lors du débat budgétaire. Vous
n'y parviendrez pas !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis
surpris de la tournure de ce débat. Le budget de l'enseignement scolaire
représente plus de 330 milliards de francs et nous allons en survoler l'examen
en moins de trois heures. Vous me direz que c'est mieux que l'an passé, puisque
nous en avions débattu un dimanche après-midi.
C'est un paradoxe car l'éducation nationale est le premier budget de la
nation, l'éducation étant la priorité des priorités, nous en sommes tous
d'accord. Mais on se rend compte finalement que le Parlement n'en parle qu'une
fois par an, lors de ce débat budgétaire. Peut-on d'ailleurs parler de débat
alors que 95 % des crédits sont consacrées aux salaires ? Quant à l'essentiel,
c'est-à-dire la politique éducative de la France, il échappe totalement au
regard de la représentation nationale.
A partir de là, monsieur le ministre, j'ai deux manières de concevoir mon
intervention, soit un balayage rapide de l'ensemble des sujets que vous
écouterez avec la courtoisie qui vous caractérise et que vous noierez dans une
réponse globale, soit de considérer que c'est la seule occasion qui nous est
donnée de débattre au fond des vraies questions. Cela suppose, je vous le
concède, de ne pas tomber dans la caricature...
Mme Hélène Luc.
Si vous ne disposez pas d'assez de temps de parole, prenez-vous en à la
conférence des présidents !
M. Jean-Claude Carle.
... moi dans la caricature de l'opposant qui ne trouve aucune qualité à votre
budget, vous, monsieur le ministre, dans la caricature du ministre qui prétend
conduire une « révolution pacifique de l'enseignement », qui affirme que
critiquer l'éducation nationale, c'est s'attaquer aux enseignants.
Ce genre de débat, monsieur le ministre, nous l'avons eu trop souvent pour
continuer à nous jouer la comédie. Si nous voulons que ce débat serve à quelque
chose, il faut tomber les masques.
Au fond, quel est votre argument ? C'est de nous dire que l'on ne peut pas
voter contre un budget qui augmente de près de 3 %, « une des plus fortes
augmentations depuis le budget que j'avais présenté en 1993 », avez-vous même
ajouté.
Monsieur le ministre, un budget en augmentation n'est pas forcément un bon
budget. Vous disposez de moyens supplémentaires, encore faut-il s'en servir
efficacement pour répondre à de nouveaux besoins.
Plusieurs de nos collègues ont cerné les limites de l'exercice, il n'est pas
besoin que j'y revienne.
M. René-Pierre Signé.
En bref, c'est un mauvais budget !
M. Jean-Claude Carle.
Permettez-moi de m'en tenir à quelques considérations simples.
Depuis dix ans, le budget de l'éducation nationale a augmenté de 42 % en
volume. Avec 100 francs par jour et par élève, la France est l'un des pays qui
fait le plus.
Dans ces conditions, comment expliquer que les jeunes, les enseignants et,
maintenant, les parents descendent ensemble dans la rue ?
Comment expliquer que, en 1998, 20 % des élèves de sixième ne maîtrisaient pas
la lecture, contre 17 % en 1997, et qu'aujourd'hui 38 % des élèves ne
maîtrisent pas le calcul ?
Comment expliquer que, malgré 18 000 créations de postes depuis 1997 et la
diminution de près de 300 000 élèves, 30 000 enseignants, comme l'a dit M.
Xavier Darcos, ne sont pas devant les élèves, ces élèves perdant une demi-année
de cours entre la sixième et la terminale ?
Comment expliquer que, dans un nombre croissant de départements, y compris
dans des départements défavorisés, une famille sur deux opte désormais pour
l'enseignement privé à un moment ou à un autre de la scolarité de ses enfants
?
Mme Hélène Luc.
C'est l'héritage que vous nous avez laissé !
M. Jean-Claude Carle.
Comment expliquer que l'Etat soit obligé de faire entrer la force publique
dans l'école pour protéger la communauté éducative ?
Comment expliquer que les élites de la République fuient l'enseignement,
pourtant l'une des plus belles missions ?
M. René-Pierre Signé.
C'est vous qui défendez l'école laïque !
M. Jean-Claude Carle.
Que nous le voulions ou non, l'école traverse une crise.
Crise morale des jeunes, qui affirment de plus en plus que l'école n'est pas
celle qu'ils attendent, des jeunes, que l'on met, par manque de courage, en
situation d'échec et qui deviennent agressifs à l'égard du système éducatif.
M. René-Pierre Signé.
C'est vous qui le critiquez !
Crise d'identité des enseignants, qui ne croient plus que l'école peut réduire
les inégalités, des enseignants, qui considèrent toujours le mérite comme une
valeur fondatrice du système scolaire, mais qui ne retrouvent plus cette valeur
dans l'école d'aujourd'hui, des enseignants guettés par la lassitude.
Enfin, crise de confiance des familles, qui s'interrogent sur le choix à
faire, des familles partagées entre la volonté de protéger leurs enfants et le
souhait de les voir dans les meilleurs établissements.
Monsieur le ministre, ce n'est pas rendre service à la France que de nier la
crise dans laquelle se trouve notre système éducatif.
M. René-Pierre Signé.
Excessif !
M. Jean-Claude Carle.
Cessons de nous retrancher derrière des réponses toutes faites qui sont autant
de faux-fuyants : celles qui consistent à céder aux corporatismes ; celles qui
consistent à se comparer avec les pays étrangers ; celles, enfin, qui rendent
hommage au travail admirable des enseignants dans les discours pour mieux les
oublier dans les actes.
M. René-Pierre Signé.
Oh ! là ! là !
M. Jean-Claude Carle.
Cette crise est latente ; elle dépasse le monde de l'enseignement pour toucher
la société dans son entier. Ne pressentez-vous pas que le système va exploser
?
M. René-Pierre Signé.
Il faut raison garder !
M. Jean-Claude Carle.
Pardonnez-moi de m'exprimer sous forme de questions. Si les choses vont aussi
mal, c'est aussi parce que nous ne posons plus, depuis longtemps, les bonnes
questions.
Votre projet de budget en témoigne comme les précédents : vous ne savez
répondre qu'en termes de moyens.
Avant de nous demander « comment », posons-nous d'abord la question
essentielle du pourquoi ?
M. Xavier Darcos.
Très juste !
M. René-Pierre Signé.
C'est faux !
M. Jean-Claude Carle.
L'enseignement, pour quoi faire ?
Qu'est-ce qu'un élève qui réussit ? Un bac + 6 sans emploi ou un CAP avec un
vrai métier ?
Qu'avons-nous à proposer aux jeunes d'aujourd'hui comme espérance, comme
conception de l'homme et de la société ?
Enfin, une même école pour tous reste-t-elle encore possible ?
(Mme Hélène Luc proteste.)
Poser ces questions, c'est s'interroger sur le rôle et les missions de
l'école, sur la cohérence entre le projet et la réalité de chaque
établissement. C'est non seulement transmettre à l'enfant des connaissances,
mais aussi l'aider à développer ses potentialités. C'est oser ouvrir le débat
sur l'idée de l'égalité des chances, sorte de sanctuaire inviolable au nom
duquel on impose un moule unique à tous les enfants. Idée généreuse, je vous
l'accorde, mais idée pervertie !
Messieurs les ministres, la France n'est pas l'addition d'individus tous
identiques et interchangeables. L'égalité n'est pas l'uniformité. A raisonner
ainsi, la démocratisation apparente de l'école a abouti à laisser nombre de
jeunes sur le bord du chemin.
Promouvoir une véritable égalité des chances, c'est permettre à chaque
personne de s'épanouir et de réussir sa vie au mieux de ses propres capacités,
de ses propres talents et, parfois aussi, de ses propres handicaps. C'est
prendre conscience que chaque élève est en soi « une aventure personnelle ».
C'est faire comprendre à un jeune que, quels que soient ses résultats
scolaires, il a un avenir, et qu'il sera utile demain dans la société.
Repenser l'éducation de nos enfants dans un monde qui change, ce doit être le
« pourquoi » de notre débat. Reste maintenant le « comment ».
Je pense qu'avant de dépenser à nouveau nous devrions d'abord faire le point
sur l'existant, en clair, évaluer l'éducation nationale dans toutes ses
dimensions.
Quand nous votons plus de 350 milliards de francs de budget pour l'éducation
nationale, vérifions-nous suffisamment où va cet argent et quelle est son
efficacité ? C'est pourtant notre tâche principale, et tout citoyen est en
droit de nous demander des comptes.
C'est ce qu'a fait le Sénat en évaluant la gestion des personnels de
l'éducation nationale. A cette occasion, nous avons mesuré la difficulté
d'évaluer le fonctionnement de cette grande administration.
Pour beaucoup d'enseignants, être évalués ce serait être jugés. De là, sans
doute, la répulsion naturelle et l'absence de culture française en matière
d'évaluation des politiques publiques.
Dans le prolongement de l'action de votre prédécesseur, monsieur le ministre,
vous avez institué un Haut conseil de l'évaluation de l'école. Le Sénat m'a
désigné pour le représenter au sein de cette nouvelle instance.
Je vous dis « Chiche » monsieur le ministre ! Evaluons. Evaluons de manière
indépendante et objective. Faisons en sorte que le Haut Conseil ne soit pas un
cache-sexe de la direction de la programmation et du développement.
Evaluons les moyens, les structures, les programmes, les politiques engagées,
en intégrant les conséquences de la décentralisation des compétences en matière
d'éducation et d'enseignement supérieur. Nous le faisons depuis six ans dans la
région Rhône-Alpes, je peux vous dire que c'est infiniment profitable.
Evaluons aussi les enseignants, non pour les juger ou les sanctionner, mais au
contraire pour témoigner la considération que nous portons à leur travail et à
leur mission.
Quand je vous entends dire, monsieur le ministre, qu'il existe pour cela une
inspection générale, je ne peux m'empêcher de sourire. Vous savez mieux que
personne comment ce système fonctionne et quelles sont ses limites.
M. René-Pierre Signé.
Alors, il n'y a plus de débat !
M. Jean-Claude Carle.
Quand vous évoquez les indicateurs de performance de l'éducation nationale, je
vous concède qu'ils ont le mérite d'exister. Mais quel crédit accorder à des
données aussi complexes émanant de votre propre administration ?
M. René-Pierre Signé.
Assez !
M. Jean-Claude Carle.
Les parents eux-mêmes ont du mal à s'y retrouver et vont chercher ailleurs
l'information. Témoin le succès des palmarès et autres classements des lycées
publiés dans la presse.
(M. le ministre délégué marque son
étonnement.)
En l'occurrence, c'est bien parce que les parents ont de moins en moins
confiance qu'ils veulent se faire leur propre jugement et faire leur propre
évaluation.
Comme l'a écrit Bernanos : « Quand la jeunesse claque des dents, le monde
entier a froid ». Demain, si le Gouvernement et le Parlement ne prennent pas
les mesures nécessaires pour résorber la crise de confiance et d'adaptation que
traverse l'école, ce sont les enseignants, les élèves et les parents qui s'en
chargeront.
C'est pourquoi nous ne ferons pas longtemps l'économie d'un débat national,
non pas d'un simple débat sans vote au Parlement, mais d'un vrai débat qui
permette aux Français de s'emparer du sujet et de s'exprimer.
Ces remarques me conduisent à présenter deux propositions.
En premier lieu, dans le cadre de l'augmentation de la mission du Parlement,
je souhaite que le budget de l'éducation nationale fasse l'objet d'un débat
d'orientation budgétaire dès l'année prochaine. C'était d'ailleurs l'une des
propositions de la commission d'enquête parlementaire.
En second lieu, je crois qu'il faut organiser un référendum sur l'école, afin
que se dégagent des priorités nationales autour de l'éducation pour les
prochaines années.
M. Daniel Eckenspieller.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
N'importe quoi !
M. Jean-Claude Carle.
Vous craignez la réponse du suffrage universel, mon cher collègue ? La
Constitution le permet.
Au nom de l'égalité des chances, cessons de nous retrancher derrière une «
éthique de façade » pour nier les réalités.
Une crise n'est pas forcément une mauvaise chose, monsieur le ministre, le
débat et l'affrontement des idées non plus. D'un mal, il peut en sortir un bien
et des solutions d'avenir.
Tel n'est pas le cas du projet de budget que vous nous proposez et qui se
situe dans la logique des budgets passés. C'est pourquoi les Républicains et
Indépendants voteront contre.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. René-Pierre Signé.
On s'en doutait.
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le ministre, votre cabinet à bien voulu nous transmettre les
résultats d'un sondage. La question centrale était : « Le ministre de
l'éducation nationale, Jack Lang, va annoncer un plan pluriannuel de
recrutement d'enseignants et de personnels. Approuvez-vous ou désapprouvez-vous
cette décision ? » La réponse est sans appel : 87 % des Français approuvent un
tel plan.
Dans un premier temps, j'ai pensé qu'il n'était pas sérieux de lancer un
sondage sur une action forcément plébiscitée sans même l'ombre du début d'une
explication sur le pourquoi et le comment de l'action.
Dans un deuxième temps, je me suis quand même dit qu'il ne faudrait surtout
pas rater l'exécution de ce plan pluriannuel. Annoncer c'est bien ; réaliser
avec succès, c'est mieux, c'est même fondamental.
Monsieur le ministre, en tant que parlementaire qui n'a pas été consulté et
alors que le budget de l'éducation nationale mériterait, à mon sens, un débat
d'orientation avant la discussion de la loi de finances, ma question est : «
quels sont les objectifs visés par ce plan pluriannuel ? »
Ce plan va-t-il permettre de diminuer les résultats négatifs encore trop
importants de notre système éducatif ? Je rappelle qu'à l'entrée en CE 2, 23 %
des élèves ne maîtrisent pas les connaissances fondamentales de la lecture, et
qu'à l'entrée en sixième les résultats ne sont guère meilleurs : 33 % des
élèves n'ont pas les connaissances de base du calcul. Ces chiffres, ils ont été
publiés par le ministère de l'éducation nationale et ils figurent dans le
rapport de la commission d'enquête du Sénat !
Ce plan va-t-il améliorer le maillon faible de l'enseignement scolaire qu'est
le collège, avec son cortège de dysfonctionnements dus à une évolution parfois
dangereuse de la société, que nous connaissons bien et qui inquiètent à juste
titre les Français ?
Dans le fond, qu'attendent les Français de l'éducation nationale ? Les
Français veulent tout simplement que leurs enfants réussissent grâce à
l'école.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est plutôt bien !
M. Francis Grignon.
Eu égard à l'importance de son budget, qui s'élève à 332 milliards de francs
cette année, je crois qu'ils sont en droit d'exiger des résultats de cette très
grande administration.
Certes, l'école peut apporter la connaissance, la maîtrise du raisonnement et
un ensemble de valeurs qui vont permettre à l'individu de se réaliser et de se
socialiser. Mais son rôle est, au premier chef, de permettre l'acquisition et
l'assimilation des connaissances.
J'ai du mal à imaginer des enfants bien intégrés dans la société sans qu'ils
maîtrisent des savoirs fondamentaux. On ne peut construire un raisonnement et
des valeurs que sur des bases solides. Or ces savoirs se construisent en
classe.
Revenons à la classe, tout le monde en parle ! Parlons donc des enseignants,
des élèves et des programmes.
Les enseignants, tout d'abord : ils doivent à mon sens être les plus qualifiés
et les plus compétents possibles. Des progrès significatifs sont encore à faire
dans ce domaine.
Nous avons donc présenté des propositions dans les conclusions de la
commission d'enquête. Je cite quelques-unes d'entre elles qui me semblent
importantes : le renforcement des exigences des concours permettant de
titulariser les maîtres auxiliaires ; la reconversion disciplinaire des maîtres
auxiliaires en surnombre par une formation complémentaire en IUFM ; un
recrutement plus sélectif des vacataires, privilégiant ceux qui se destinent à
l'enseignement, assorti d'une formation pédagogique ; un calibrage plus fin des
concours dans le cadre d'une véritable programmation pluriannuelle des
recrutements prenant en compte les départs massifs en retraite des enseignants
attendus dans les années à venir.
Très important : votre plan va-t-il modifier la nature des recrutements en
fonction des besoins réels ?
Je citerai encore : un « cadrage disciplinaire » annuel des IUFM et un
contrôle sur le nombre de leurs étudiants acceptés en première année ; une
redéfinition des modalités de recrutement des chefs d'établissement, une
revalorisation de leur fonction, un développement de leurs prérogatives à
l'égard de leur équipe éducative et un élargissement de leur recrutement en
dehors du monde enseignant, dans une perspective de professionnalisation et,
enfin, des possibilités de réorientation des enseignants confrontés à des
difficultés pédagogiques, pour permettre leur reconversion dans d'autres
administrations.
J'ajoute, au-delà de ces propositions, que nous sommes à un tournant crucial
concernant la qualification des enseignants. Sur les 83 000 emplois-jeunes,
beaucoup risquent d'être intégrés à l'éducation nationale. Si c'était le cas,
ne ratons pas leur qualification, de même que celle des milliers d'emplois qui
devront être intégrés à la suite de votre plan pluriannuel et en fonction des
départs massifs à la retraite.
Dans l'entreprise, ce qui condamne à la qualité, c'est la concurrence. Dans
l'éducation nationale, il n'est pas question de concurrence, alors imposons les
concours les plus solides possible, pour avoir les meilleurs enseignants, par
respect pour tous ceux qui ont pris la peine d'être qualifiés d'abord, mais
aussi pour donner les meilleures chances de réussite à nos enfants.
Après les enseignants, dont nous pouvons programmer les qualifications et les
compétences, j'en viens aux élèves dont nous ne changerons pas la diversité. Il
y aura toujours des bons et des moins bons.
La commission d'enquête a fait des propositions très concrètes pour prendre en
compte cette diversité.
Elle a notamment proposé que soit établi un bilan complet des zones
d'éducation prioritaires, les ZEP, faisant apparaître les résultats des élèves,
l'évolution de leur scolarité et le coût réel du dispositif, qu'un usage
approprié des redoublements soit fait, que soient développées des formules
d'aide et de remédiation permettant de s'assurer de l'acquisition des
disciplines fondamentales des élèves pour chaque cycle pédagogique de l'école
et du collège, qu'une formation pédagogique modulée, soit dispensée dans les
IUFM pour répondre à la diversité des besoins des élèves dans les
établissements, qu'un suivi des élèves tout au long de leur scolarité soit
assuré dans le cadre des bassins de formation, que soient mises en oeuvre, à
partir de la classe de cinquième, des séquences consacrées à l'orientation,
enfin que soit assurée une diversification des personnels chargés de cette
éducation dans la perspective d'une orientation « positive », notamment vers
une voie professionnelle revalorisée.
Je m'arrête là pour ne pas prolonger le débat. Car ce rapport comporte
quarante-quatre propositions. J'ai personnellement mis un point d'honneur à
réaliser la mission qui m'avait été confiée sans agressivité et de la façon la
plus objective et la plus constructive possible.
M. René-Pierre Signé.
Très bien !
M. Francis Grignon.
Alors, messieurs les ministres, qu'a-t-on fait de ces propositions ? Est-on
prêt à en débattre ? Qu'attend-on pour les appliquer ? J'aimerais bien des
réponses précises à ces questions.
Dans la classe toujours, après les enseignants et les élèves, il y a les
programmes.
Il est impossible d'entrer dans le détail, tellement la matière est vaste et
variée, mais, de grâce ! évitons les bouleversements intempestifs. Une heure de
changement de programme dans les collèges touche 100 000 divisions et demande
la création ou la suppression de 5 000 emplois, emplois qui, si on les veut
qualifiés, demandent des années de préparation et sont là pour des dizaines
d'années.
A cet égard, je me demande comment vous allez pouvoir gérer les deux heures de
travaux personnels encadrés dans les collèges et lycées. Laissons les
enseignants enseigner, non pas encadrer !
Voilà en quelques mots, messieurs les ministres, et sans entrer dans le
détail, quelques-unes des questions que je me pose à l'occasion de l'examen du
budget de l'enseignement scolaire, à défaut d'un débat parlementaire plus
approfondi et plus complet que j'appelle de mes voeux, sachant qu'en aval il
faudrait peut-être associer plus largement les parents d'élèves de façon à les
motiver dans leur rôle de premier éducateur afin que nos enfants disposent d'un
maximum d'atouts pour réussir dans la vie.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M.
Grignon vient d'évoquer la commission d'enquête qui avait été chargée
d'examiner la situation et la gestion des personnels des écoles et des
établissements du second degré. Ayant été l'un des rapporteurs de cette
commission, je peux témoigner de son objectivité et de l'important travail
qu'elle a réalisé.
Ce travail, monsieur le ministre, a été présenté à votre prédécesseur, qui
s'était engagé à reprendre, tout au moins partiellement, nos observations et
nos suggestions. Nous avions notamment proposé, comme certains de nos collègues
ce soir, d'instaurer un débat d'orientation budgétaire concernant l'éducation
nationale. Allez-vous donc, monsieur le ministre, reprendre un certain nombre
de ces observations et suggestions ? Allez-vous organiser enfin, l'année
prochaine, un débat d'orientation budgétaire sur l'éducation nationale, débat
qui nous permettra de discuter plus longuement, dans des conditions différentes
de celles qui nous sont imposées aujourd'hui ?
En considérant simplement la baisse structurelle des effectifs d'élèves, la
commission a mis en lumière la dérive du budget de l'éducation nationale,
puisqu'il apparaît que la décroissance démographique n'a aucun effet
budgétaire. Ce fait a été relevé. Je n'y reviens pas, sinon pour faire
remarquer que, depuis la rentrée de 1996-1997, les effectifs des enfants
scolarisés se sont réduits de 176 000 dans le primaire et de 93 000 dans le
secondaire, que l'enseignement scolaire a bénéficié de la création de 7 700
emplois budgétaires nouveaux, dont 6 000 d'enseignants. Cette tendance n'est
pas près de s'inverser, puisque, selon les prévisions du ministère pour les
trois prochaines années, 30 000 emplois devraient être créés alors que le
chiffre de 200 000 élèves de moins est annoncé par vos services pour les cinq
prochaines années. Je constate que le coût budgétaire d'un élève a augmenté de
près de 13 % au cours des dernières années et qu'il devient peu à peu l'un des
plus importants au monde.
Dans ce contexte, sans doute n'est-il pas vain de s'interroger sur la
situation réelle de cette hausse de crédits. Traduit-elle une priorité ou, plus
prosaïquement, n'est-elle pas le reflet de l'impuissance du Gouvernement face à
des difficultés de gestion qui le dépassent ?
La hausse des crédits n'est pas condamnable en elle-même, dans la mesure où
elle repose sur l'idée selon laquelle la priorité accordée à l'éducation
nationale doit nécessairement avoir une traduction financière mais elle est
préoccupante en ce que la dépense semble loin d'être optimisée.
La commission sénatoriale a enquêté sur la gestion des personnels des écoles
et des établissements professionnels. Elle a notamment démontré qu'une gestion
inadéquate des moyens, plus qu'une véritable pénurie d'emplois, expliquait
largement les dysfonctionnements qu'elle a pu constater.
Cela a été signalé tout à l'heure, mais la commission l'a déjà relevé : 30 000
enseignants sont aujourd'hui sans responsabilité éducative.
Dès lors, force est de considérer que le choix du Gouvernement traduit une
certaine fuite en avant budgétaire, puisqu'il laisse croire que les difficultés
de l'éducation nationale pourront être réglées par une simple augmentation de
crédits.
Pour ma part, je suis convaincu que la plupart des difficultés relèvent
surtout de problèmes structurels. Puisqu'il me reste très peu de temps, je ne
citerai qu'un seul exemple pour appuyer mon propos : celui de la gestion des
maîtres auxiliaires.
Depuis plus de vingt ans, les rectorats pouvaient recruter des maîtres
auxiliaires lorsqu'ils manquaient d'enseignants dans certaines matières. La
crise du recrutement d'enseignants titulaires, de 1985 à 1992, a entraîné un
recours massif aux maîtres auxiliaires.
La crise terminée, de nombreux maîtres auxiliaires se sont retrouvés au
chômage, souvent après de nombreuses années d'enseignement. Afin de régler ce
problème social aigu, le ministère a décidé leur réemploi, mais il a précisé
que tout recours à de nouveau maîtres auxiliaires était exclu.
Les rectorats ne peuvent donc plus utiliser cet élément de souplesse qui
permettait aux établissements d'assurer toutes les heures d'enseignement
prévues, dans quelque discipline que ce soit. La situation est bien souvent
ubuesque, puisque l'on trouve des enseignants titulaires en surnombre dans
certaines matières alors que d'autres cours ne peuvent plus être assurés faute
de personnel qualifié.
Sans doute le réemploi des maîtres auxiliaires était-il socialement une bonne
chose, mais il ne faudrait pas que l'arrêt du recrutement de nouveaux maîtres
auxiliaires, qui vous amène à recruter des vacataires ne pouvant exécuter plus
de 200 heures par an, ce qui ne recouvre pas l'intégralité de l'année scolaire
- autre situation ubuesque - il ne faudrait pas, dis-je, que l'arrêt du
recrutement des maîtres auxiliaires laisse la place à un auxiliariat encore
plus précaire.
Conséquence sans doute de cette mauvaise gestion, conséquence sans doute de la
rigidité des strutures, conséquence sans doute de la centralisation excessive
il apparaît qu'un nombre non négligeable d'élèves - de 15 % à 20 % - ne
maîtrisent pas encore les connaissances de base à l'entrée du cours moyen
deuxième année, voire de la sixième.
En un mot, monsieur le ministre, suffit-il d'engraisser le mammouth pour
régler les dysfonctionnements de l'éducation nationale ? Permettez-moi de
penser que c'est peut-être nécessaire mais que ce n'est sûrement pas
suffisant.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout en
saluant la qualité du rapport de notre collègue Hélène Luc, dont je partage les
appréciations et les conclusions, je souhaiterais brièvement intervenir dans
les trois minutes de temps de parole qui me restent sur l'enseignement
professionnel, domaine de notre ex-collègue M. Mélenchon et, plus précisément,
sur le devenir des formations professionnelles qui ont, durant de très
nombreuses années, permis à de multiples jeunes, issus souvent de milieux
défavorisés, d'accéder à une formation qualifiante.
Aujourd'hui, la formation professionnelle peine à recruter des jeunes, peine
à recruter des enseignants dans un contexte de reprise économique.
Vous avez évoqué, messieurs les ministres, la fluidité des formations. C'est
là une question qui nous semble essentielle.
En effet, l'enseignement professionnel se doit de tout mettre en oeuvre, avec
l'enseignement général d'ailleurs, pour favoriser les passages d'un
enseignement à l'autre.
Le contenu de la formation est ensuite extrêmement important ; on méconnaît
bien trop souvent les efforts réalisés ces dernières années par les équipes
d'enseignants professionnels confrontés à des publics scolaires très
hétérogènes.
La culture, la culture scientifique naturellement, mais aussi l'ensemble des
arts doivent pénétrer davantage dans les lycées professionnels et techniques.
Il faut briser bien des mythologies qui ont la vie longue ; la place de la
culture et des arts est un élément qui nous semble essentiel pour ce faire.
Au titre de la valorisation de l'enseignement professionnel et de ses jeunes,
la rémunération des jeunes stagiaires nous paraît devoir faire l'objet d'un
véritable encadrement.
Nous souhaiterions donc que s'engage dans la prochaine période une véritable
réflexion sur l'enseignement professionnel, en liaison avec l'enseignement
général. Nous savons que les personnels, les jeunes, mais aussi les
représentants des entreprises ou des syndicats ont, en la matière, de
véritables propositions à formuler.
Votre budget, messieurs les ministres, marque bien des avancées, même s'il
convient de poursuivre la réflexion, l'information, pour donner à
l'enseignement professionnel la place qui lui revient dans notre système
éducatif.
En attendant, nous avons une raison de plus de voter ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en hausse
constante depuis 1997, le budget de l'enseignement scolaire connaît pour
l'année 2001 une augmentation de 2,82 % et atteint presque les 332 milliards de
francs. Cette progression confirme évidemment la priorité accordée par le
Gouvernement à l'éducation nationale.
Cependant, dans son rapport, M. Bernadaux se demande s'il ne faut pas déplorer
cette augmentation dans la mesure où l'évolution démographique des élèves dans
l'enseignement scolaire est à la baisse depuis plusieurs années, mais aussi
dans la mesure où les créations d'emplois sont vaines si elles ne
s'accompagnent pas de réformes pédagogiques ou structurelles.
Les sénateurs du groupe socialiste souscrivent totalement à l'idée que les
créations d'emplois doivent s'accompagner de réformes substantielles et ils
mesurent, parallèlement, l'ampleur de celles qu'a lancées le Gouvernement.
Sur ce point, le rapporteur pour avis ne nous dément absolument pas, puisque,
dès les premières pages de son rapport, il détaille les montants alloués aux
dernières réformes pédagogiques de M. le ministre, montants qui viennent
compléter ceux qu'a mis en place votre prédécesseur.
Ainsi, les nouvelles technologies de l'information et de la communication
bénéficient de 90 millions de francs supplémentaires pour la mise en oeuvre du
brevet informatique et Internet. L'apprentissage des langues et la
modernisation de l'enseignement des sciences voient leurs crédits doubler. De
nouveaux crédits, à hauteur de 263 millions de francs, sont débloqués pour la
formation artistique et culturelle.
M. Jean-Louis Carrère.
Très bien !
M. Serge Lagauche.
Ces éléments démontrent, s'il en était encore besoin, que la hausse du budget
de l'enseignement scolaire est loin d'être vaine. Votre objectif à travers ce
budget, monsieur le ministre, est bien d'accompagner et de rendre effectives
sur le terrain les réformes engagées depuis 1997 par un effort en termes de
créations d'emplois, de crédits de fonctionnement et d'interventions.
Au cours des dix prochaines années, la moitié du personnel de l'éducation
nationale sera renouvelée. Ces derniers temps, au sein du personnel enseignant,
pourtant acquis à la nécessité de moderniser notre système éducatif, certains
ont été heurtés par l'ampleur des réformes : ils ont besoin de temps pour les
assimiler et se les « approprier ».
L'arrivée de nouveaux professeurs sera l'occasion de mieux faire prendre à
l'ensemble du corps enseignant le virage de la modernisation. C'est tout
l'objectif du plan pluriannuel de programmation des moyens, très attendu par
les acteurs du système scolaire, même si, pour l'instant, il se heurte aux
exigences de l'ordonnance de 1959. La voilà, cette meilleure gestion
prévisionnelle des moyens tant attendue, notamment par la majorité sénatoriale.
Vous êtes donc entendus, messieurs ! Mais cela ne vous empêche pas de reprocher
maintenant une anticipation excessive des besoins futurs...
Au demeurant, les créations d'emplois prévues n'absorbent pas à elles seules
l'augmentation du budget pour 2001. D'un coût de 1,126 milliard de francs,
elles sont comparables à l'augmentation des crédits de fonctionnement et
d'intervention destinés au financement des réformes pédagogiques, des mesures à
caractère social en direction des élèves et de l'amélioration des moyens de
fonctionnement. On ne peut pas vouloir que nos enfants maîtrisent mieux, et
plus tôt, les langues étrangères ou les nouvelles technologies de l'information
et de la communication sans dégager de moyens supplémentaires pour cela !
Malgré l'ampleur des créations d'emplois programmées sur trois ans, vous
n'êtes pas sans le savoir, monsieur le ministre, les syndicats enseignants
expriment des inquiétudes : d'abord sur le nombre de créations nettes
d'emplois, ensuite sur les conditions du recrutement.
Le contexte de croissance, dont nous nous réjouissons par ailleurs, rendra les
recrutement plus complexes, tout particulièrement ceux de spécialistes pour
l'enseignement professionnel. N'y aura-t-il pas là des difficultés ?
Le fort renouvellement générationnel à venir doit également s'accompagner
d'une réforme significative de la formation initiale des futurs professeurs,
afin de l'adapter aux nouvelles ambitions pour l'école définies depuis 1997.
Actuellement, les stagiaires ressentent une coupure forte, sinon un fossé,
entre la formation dispensée à l'IUFM et le vécu sur le terrain. Il convient de
prendre aussi en compte leurs attentes pour répondre aux principales
difficultés qu'ils rencontrent une fois placés devant des classes.
Il s'agit, non pas d'ajouter des modules à ceux qui existent déjà, comme cela
a été fait régulièrement, mais bien de revoir l'ensemble de la formation pour
lui donner plus de cohérence et mieux l'articuler avec la formation continue.
Nous devons réfléchir à ce que l'on attend d'un enseignant en début de carrière
et prendre à bras le corps, sans hypocrisie ni faux-semblants, la question de
la première affectation.
(M. Carrère applaudit.)
Enfin, j'aimerais aborder un dispositif important pour l'évolution de notre
système scolaire et pour ses bénéficiaires : les emplois-jeunes. Ils sont très
nombreux dans l'éducation nationale - près de 62 000 - et remplissent des
missions très utiles mais aussi très diverses, ce qui rend plus difficile leur
professionnalisation.
Or la formation des aides-éducateurs, prévue dès le lancement du dispositif à
hauteur de 200 heures annuelles au maximum, pèche par son manque de mise en
oeuvre effective. L'accent doit être mis sur l'élaboration d'un véritable
projet professionnel indidivuel : n'oublions pas que l'échéance est pour 2003
!
Parallèlement, il faut intensifier les efforts en matière de validation des
acquis et de reconversion professionnelle, à l'instar de ce qui est prévu dans
les huit accords nationaux passés entre votre ministère et de grandes
entreprises. Tous ceux qui bénéficient d'un emploi-jeune au sein de l'éducation
nationale n'ont pas vocation à y rester. D'ailleurs, les débouchés n'y seraient
pas suffisants. Or, avec la croissance, ce sont les plus diplômés qui sortent
prioritairement du dispositif.
En vérité, j'ai du mal à comprendre l'avis défavorable de la commission des
affaires culturelles dans la mesure où ses critiques ne portent pas sur le fond
des réformes engagées : au contraire, elle préconise plutôt leur
approfondissement. Nous partageons, me semble-t-il, à gauche comme à droite,
les mêmes objectifs : favoriser la réussite scolaire de tous les élèves et
mieux répondre aux défis du futur.
Concernant l'école primaire, vous approuvez, monsieur le rapporteur pour avis,
la priorité donnée aux acquis fondamentaux, le développement des pratiques
d'évaluation, la rénovation de l'enseignement des sciences et de la
technologie, le développement de l'éducation artistique et culturelle comme de
l'apprentissage des langues vivantes, ainsi que l'intégration des nouvelles
technologies dans les apprentissages.
Nous souhaitons, comme vous, l'amélioration de la liaison entre école et
collège, à travers la polyvalence des professeurs, et des éclaircissements sur
l'avenir de l'aménagement des rythmes scolaires.
S'agissant du collège, après avoir titré : « Une réforme introuvable », vous
reconnaissez son recentrage sur cinq orientations, du fait même d'un manque de
hiérarchisation des objectifs, voire d'implication des inspecteurs d'académie :
aide personnalisée aux élèves, maîtrise des langages, pratiques
interdisciplinaires, enseignement de la technologie et exercice de la
citoyenneté au collège. Là aussi, vous souhaitez simplement la levée des
incertitudes sur l'avenir du collège unique, grâce au rapport demandé à
l'inspecteur général Philippe Joutard.
Vous reconnaissez le maintien d'un grand nombre de mesures concernant le lycée
- aide individualisée, travaux personnels encadrés, éducation civique,
juridique et sociale - et vous vous félicitez de « la fin du lycée allégé ».
Enfin, vous approuvez le protocole d'accord pour les chefs d'établissement du
secondaire et attendez des mesures similaires pour le primaire, tout en
précisant qu'une réflexion est en cours. Vous relevez les effets contrastés des
plans de lutte contre la violence, tout en affirmant que l'association de tous
les personnels, y compris les aides-éducateurs, des parents d'élèves et des
délégués d'élèves permet de meilleurs résultats.
Si les réformes ne sont pas formulées dans le cadre de la loi scolaire
souhaitée par certains dans cet hémicycle, elles en ont l'ampleur.
A considérer ce catalogue de vos appréciations, monsieur le rapporteur pour
avis, on est obligé de reconnaître qu'il ne s'agit pas, de votre part, sur ce
budget, d'une opposition catégorique, justifiée par l'existence de deux points
de vue antinomiques - j'en prends pour preuve le compte rendu qu'a fait la
presse des récentes rencontres nationales pour l'éducation de vos amis du RPR
-, mais que ce n'est qu'un simple positionnement politique, intenable sur le
fond, et qui n'est assorti d'aucune proposition alternative.
Alors, monsieur Bernardeaux, vous qui, comme de nombreux membres de la
commission des affaires culturelles, êtes enseignant et connaissez bien le
milieu scolaire, comment pouvez-vous soutenir un avis défavorable sur ce budget
? Au contraire, vous devriez inviter tous les membres de la majorité
sénatoriale à applaudir ce budget et, par là même, l'excellente proposition de
notre ministre de l'éducation nationale, M. Jack Lang, soutenue par tout le
Gouvernement, à l'invitation du Premier ministre, M. Lionel Jospin.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat
est attaché depuis longtemps au pluralisme linguistique. Il l'a montré en
1993-1994 en créant une mission d'information sur l'enseignement des langues,
qui a, hélas ! constaté - mais sans surprise - le décalage chaque année plus
grand entre les intentions affichées par le ministère - un large choix de
langues proposé aux élèves - et la triste réalité : l'hégémonie de l'anglais en
langue vivante 1, la prépondérance de l'espagnol en langue vivante 2 et le
recul régulier de l'allemand.
Ainsi, la France et l'Allemagne qui, ensemble, construisent l'Europe, se
parleront bientôt en anglais...
Notre mission d'information a également constaté l'abandon de l'italien, le
naufrage du russe, du portugais, du néerlandais, du polonais ; et je ne parle
pas de langues non européennes, aussi importantes que l'arabe, le chinois ou le
japonais !
Est-ce ainsi que nous préparons ce pays à s'ouvrir au monde, à ses cultures,
dans leur richesse et leur diversité ?
Comment pouvons-nous militer officiellement pour le plurilinguisme en Europe
et défendre chez les autres l'enseignement du français si nous montrons le
mauvais exemple en assurant, chez nous, à l'anglais cette situation de monopole
?
M. Xavier Darcos.
Très bien !
M. Jacques Legendre.
Le Conseil de l'Europe, où je représente le Sénat, a décrété que 2001 serait
l'année européenne des langues. Allons-nous, une fois de plus, célébrer la
diversité tout en encourageant la réduction à la langue étrangère unique, ou
presque, l'anglais ?
Votre prédécesseur, monsieur le ministre, semblait s'enchanter du bilinguisme
français-anglais. Nous attendons de vous une réelle rupture avec de tels
errements.
A l'unanimité, en 1994, la mission du Sénat avait adopté des propositions
tendant à favoriser la diversité dans l'apprentissage des langues en France. M.
Bayrou, puis M. Allègre n'en ont guère tenu compte. Accepterez-vous de vous en
inspirer ?
Ces propositions sont maintenant reprises par l'assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe, qui les a adoptées, elle aussi, à l'unanimité.
En France, il nous reste bien du chemin à parcourir. A juste titre, le
ministère de l'éducation nationale veut développer l'apprentissage précoce des
langues étrangères. M. Hagège, qui en est l'ardent propagandiste, s'inquiétait
toutefois de la propension à commencer toujours par l'anglais. Il préconisait,
lui, de ne jamais commencer par l'anglais et de faire de cette langue,
effectivement quasi indispensable, la deuxième langue étrangère enseignée.
Bien entendu, cette proposition n'est pas réaliste, car il faut tenir compte
du choix des parents d'élèves. Cependant vous devez vous attacher, monsieur le
ministre, à mettre en place, dans le primaire, une véritable sensibilisation
des parents au choix linguistique, en leur rappelant en particulier que, lors
des recrutements professionnels, ce qui fera la différence, c'est moins la
bonne connaissance de l'anglais - elle se banalise - que la connaissance d'une
autre langue.
Ainsi pourra être un peu corrigée la situation que me décrivait, voilà
quelques semaines, M. le recteur de l'académie de Lille. L'académie de Lille
est confrontée à une modification, lente mais continue, de la demande des
familles en ce qui concerne le choix de la première langue vivante ; une baisse
régulière du choix de l'allemand est ainsi constatée, au profit de
l'anglais.
Actuellement, 90 % des parents d'élèves de sixième souhaitent que leur enfant
étudie l'anglais en première langue, les autres langues enseignées dans
l'académie n'intervenant que de façon négligeable dans le choix des familles.
La diversité linguistique semble donc se réduire inéluctablement pour ce qui
est de la première langue. Si le choix de la seconde langue est plus ouvert, il
tend lui aussi à un déséquilibre, avec une baisse progressive de l'allemand au
bénéfice de l'espagnol et, plus modestement, de l'italien. On notera que, même
dans le Nord, il n'est question ni du polonais, ni du portugais, ni de l'arabe,
malgré les origines d'une partie de la population.
Je vous donne acte bien volontiers, monsieur le ministre, de la sensibilité
nouvelle et bienvenue dont vous témoignez à l'égard de ces problèmes. Je suis
néanmoins tout proche du constat dressé le 25 octobre 2000 par certains
syndicats et par les associations de spécialistes de langues. Il me faut ici
livrer leurs conclusions :
« Jamais il n'y a eu décalage plus grand entre le discours officiel et la
réalité dans les établissements. Jamais la dégradation n'a été aussi grande.
« L'absence jusqu'ici de politique claire des langues vivantes dans le premier
degré n'a pas favorisé, au collège, une diversification des langues vivantes,
déjà réduite depuis plusieurs années.
« Au collège, la gestion locale des horaires - "les fourchettes" - se traduit,
pour les langues, dans la majorité des cas, par une amputation horaire qui
rogne les quelques moyens qui permettaient encore de mieux prendre en charge la
diversité des rythmes des élèves.
« Au niveau du lycée, la quotité horaire attribuée aux langues vivantes est en
deçà du seuil minimum d'efficacité.
« Le décalage entre langue vivante 1 et langue vivante 2 est accru : la langue
vivante 2 n'est démarrée qu'en quatrième, la langue vivante 1 est commencée en
primaire. Par ailleurs, l'amputation des horaires de langue vivante 2 en lycée
est sensiblement plus forte qu'en langue vivante 1 : l'horaire de l'élève se
trouve réduit à deux heures hebdomadaires.
« A tous les niveaux, les effectifs restent très supérieurs au seuil de quinze
élèves.
« Enfin, l'ensemble des mesures prises depuis trois ans par le ministère
continue de peser fortement et de façon négative sur le choix des langues par
les familles, condamnant de fait l'enseignement d'un certain nombre de langues
vivantes, en réduisant d'autres à une présence toute symbolique, posant de
graves problèmes d'emploi pour les personnels concernés, alors que, dans le
même temps, les classes d'anglais et d'espagnol continuent de s'alourdir. Il
devient d'ailleurs difficile de trouver les personnels pour assurer les
remplacements dans ces deux dernières langues tout particulièrement. »
Certes, monsieur le ministre, les spécialistes de langues reconnaissent que
votre discours a évolué et eux aussi en prennent acte. Mais il faut, bien sûr,
aller au-delà. Ce que nous attendons maintenant de vous, c'est la
concrétisation d'une volonté politique, telle que soit enfin offert à tous les
jeunes Français un véritable plurilinguisme, c'est-à-dire une authentique
ouverture sur le monde
(Très bien ! et aplaudissements sur les travées du
RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget
de l'enseignement scolaire est le premier budget de l'Etat : il représente,
cette année, 331,04 milliards de francs, soit une augmentation de 7,63 %, ce
qui est considérable. Mais nous savons combien est grande l'inertie de ces
masses budgétaires, composées à plus de 90 % par les dépenses de salaires et
pensions des personnels.
La question centrale est donc : quelles sont les marges ? En quoi ce budget
peut-il contribuer à faire reculer l'échec scolaire et à moderniser l'éducation
nationale, sans affaiblir ce qui est son rôle historique : donner à l'école des
moyens tels qu'elle soit l'école de tous, au service de la nation ?
Rappelons qu'en 1998, selon des statistiques peut-être contestables, 20,7 %
des élèves arrivaient en classe de sixième sans maîtriser la lecture et 38 %
n'avaient pas atteint le niveau minimal nécessaire en mathématique.
Comment améliorer les performances du système éducatif sans baisser le niveau
d'exigence ? Tel est le pari.
Or votre arrivée à la tête du ministère s'est faite dans un climat de crise :
des enseignants du second degré en rébellion ouverte ; des professeurs d'école
et des instituteurs désarçonnés par les à-coups de la gestion précédente et
placés devant des situations très inégalitaires en matière d'encadrement des
enfants et de recrutement. D'où l'ampleur du mouvement de grève qui, durant le
premier semestre 2000, a entraîné, dans le Gard et dans l'Hérault, des
occupations d'école et d'importantes manifestations.
Messieurs les ministres, dans ma commune, j'ai vécu au rythme de l'école
occupée pendant près de deux mois. Deux mois, c'est long ! J'en ai tiré
quelques leçons. Aujourd'hui, l'atmosphère s'est détendue et vous avez su
restaurer le dialogue. C'est un succès qu'il faut porter à votre crédit. Ce
n'était pas évident !
Mais les problèmes de fond demeurent. Je voudrais en énumérer quelques-uns.
Dans le premier degré, il y a eu un déficit d'explications et de gestion du
personnel, se greffant sur un manque ponctuel de postes lié à la croissance
démographique des académies du pourtour méditerranéen. Qu'en est-il du plan
pluriannuel de création de postes, notamment dans les départements du
Languedoc-Roussillon ?
Plus particulièrement, comment répondre aux demandes accrues en personnel
spécialisé dans le soutien aux élèves en difficulté ? Aura-t-on recours à un
nouveau contingent d'aides éducateurs, à partir des emplois-jeunes, alors que
certains groupes scolaires à dix classes n'ont pas reçu la moindre affectation
depuis 1997 ? Tel est le cas de ma commune.
Quels sont vos objectifs en matière d'accueil des enfants de deux ans à
l'école maternelle ? L'ambition de socialiser les jeunes enfants dès que
possible représente un effort important en termes de postes et de locaux. Quel
objectif cherchez-vous à atteindre ?
Il faut aussi mentionner la grève des directeurs d'école, qui se poursuit,
affaiblissant l'ensemble de l'institution. Où en est la négociation que vous
avez ouverte ? Peut-on espérer une détente avant que des solutions de fond
soient apportées, bien sûr, à moyen terme ?
S'agissant du second degré, c'est le collège qui nous préoccupe d'abord. Il
est l'objet des tensions les plus fortes. Les enseignants, de même que les
personnels administratifs et techniques, y assument une mission d'une
exceptionnelle importance pour l'intégration de nos jeunes à la société
républicaine. Il faut leur rendre hommage, comme vous l'avez fait, et donner un
soutien sans équivoque à tous ceux qui innovent dans leur approche pédagogique,
malgré le scepticisme général.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que vous attendez du conseil
de l'innovation pédagogique que vous avez mis sur pied ? Allez-vous favoriser
le transfert des initiatives et, surtout, donner des moyens accrus à ceux qui,
courageusement, sortent des sentiers battus ? Ce serait une révolution !
Vous avez voulu remettre à l'honneur l'enseignement professionnel. Cette
orientation est d'autant plus juste qu'il s'agit d'une voie empruntée par les
enfants des classes populaires qui recherchent un métier stable et qualifié.
L'enseignement professionnel est aujourd'hui la source la plus importante
d'augmentation du nombre de bacheliers à l'échelon national. C'est la voie du
succès, mais l'opinion publique ne le sait pas encore. On constate ainsi une
baisse du nombre d'élèves s'orientant dans cette voie.
Désireux de réagir vous avez décidé, entre autres, l'allégement des horaires
hebdomadaires moyens des élèves, ainsi que la création de projets
pluridisciplinaires à caractère professionnel dans toutes les formations
conduisant aux brevets d'études et aux baccalauréats professionnels.
En outre, vous avez institué le principe de la rétribution des élèves en
période de formation dans les entreprises. C'est une idée que j'avais
préconisée dès 1982 et, aujourd'hui, en période de croissance, on peut espérer
que cette mesure sera mise en oeuvre. Ce sera une grande avancée. Encore
faudra-t-il que l'enseignement professionnel et technique soit implanté de
façon à peu près uniforme, égalitaire allais-je dire, sur le territoire
national.
Tel n'est pas le cas. A la richesse des enseignements professionnels dans les
régions anciennement industrialisées correspond une pénurie en ce domaine là où
le tissu économique est émietté, fait essentiellement de très petites
entreprises plus tournées vers les services que vers la production.
M. Paul Blanc.
C'est vrai !
M. Gérard Delfau.
Peut-on espérer, là encore, un plan pluriannuel ? Ne pourrait-on, à cette
occasion, lancer des structures expérimentales associant formation initiale et
formation continue et s'articulant avec d'autres structures d'animation
économique sans que, bien entendu, l'éducation nationale y perde son
indépendance, ou, surtout, se soumette à des intérêts privés ? Bref, peut-on,
en ce domaine aussi, innover ?
Il faut citer, enfin, parmi les nombreuses mesures positives, l'augmentation
significative du nombre des personnels ATOS. C'est une heureuse inversion de
tendance par rapport à des années de disette. Il est temps de rendre aux
personnels techniques la place qui leur revient dans la communauté éducative.
Le sourire du concierge ou de la concierge à l'entrée de l'établissement le
matin est un élément du bon fonctionnement de l'éducation nationale ; on
l'avait oublié.
M. René-Pierre Signé.
Ce sont des petites choses comme celles-là qui font plaisir !
M. Gérard Delfau.
Voilà quelques considérations, trop rapides, eu égard à l'ampleur du budget -
le premier de la nation - et à son objectif, puisqu'il s'agit d'éduquer nos
enfants pour en faire des citoyens.
Les sénateurs radicaux approuvent l'effort du Gouvernement et vous félicitent
de l'excellence de votre gestion. Ils voteront avec plaisir votre budget.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. René-Pierre Signé.
Et vous ne serez pas les seuls !
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues,
j'aimerais ouvrir mon intervention par une remarque et une observation.
Il ne serait peut-être pas inutile de rappeler en effet que le budget n'est
pas seulement une histoire de sous, mais qu'il renvoie à des orientations
politiques concrètes, à des priorités gouvernementales qui, derrière les
chiffres, indiquent de véritables choix de société.
Cette remarque étant faite, force est d'observer que le projet de budget pour
l'éducation et l'enseignement approche le quart des dépenses de l'Etat. Avec
plus de 332 milliards de francs en crédits de paiement, sa progression avoisine
les 2,8 %. Il s'agit d'un choix résolu en faveur de l'avenir des jeunes, d'un
choix qui a pris acte de la nécessité de réussir notre passage dans la société
du savoir et qui a pris bonne note de la bataille de l'intelligence.
Penchons-nous sur quelques mesures qui traduisent les priorités.
On ne peut manquer de saluer, d'emblée, le fait que, malgré la quasi-stabilité
des effectifs, le dogme du plafonnement des emplois publics se craquelle à la
faveur d'un « dégel ». Ainsi, 90 % des dépenses sont consacrés au personnel. De
même, l'enseignement scolaire bénéficie de la création de 4 375 emplois
budgétaires, qui correspondent à une progression nette des effectifs employés
dans les services académiques et les établissements : 800 professeurs d'école,
1 900 enseignants du second degré et 1 675 non-enseignants.
Le budget prévoit, en outre, la transformation de 18 000 heures
supplémentaires en 1 000 emplois. Notons également que, dans le cadre de la
résorption de la précarité, quelque 3 000 emplois sont disponibles pour les
enseignants non titulaires déjà en poste.
Derrière ces créations de postes, c'est, en fait, toute une politique
éducative qui apparaît. En effet, le budget, par le biais des crédits de
fonctionnement, accompagnera solidement les réformes pédagogiques prévues.
Ainsi, 90 millions de francs sont alloués aux nouvelles technologies et un «
brevet informatique et Internet » va voir le jour d'ici à 2003.
Le recours aux technologies nouvelles est plus qu'une nécessité, c'est un
impératif égalitaire, un impératif qui relève des collectivités locales. Elles
attendent votre soutien, dans leurs initiatives, monsieur le ministre ; elles
sont prêtes à s'y impliquer ; c'est d'ailleurs de l'intérêt des zones rurales
comme la Nièvre.
L'apprentissage des langues vivantes n'est pas en reste, tout comme
l'enseignement des sciences, qui bénéficie de 60 millions de francs.
L'ouverture d'esprit et l'enseignement le plus large seront favorisés, puisque
les crédits consacrés à la formation artistique et culturelle augmentent
sensiblement, avec 263 millions de francs. Les contrats éducatifs locaux sont
une initiative heureuse, avec l'obligation, ligne infranchissable, de limiter
les compétences des bénévoles ou autres associations à un encadrement
périscolaire sans rapport, bien entendu, avec tout enseignement.
Je parlerai maintenant de l'enseignement professionnel. Cet enseignement doit
être renforcé et « rationalisé » dans le sens d'une meilleure continuité entre
BEP et bac professionnel. Les débouchés existent, mais doivent être plus
articulés avec la formation. C'est toute l'idée qui anime le projet de « lycée
de métier », chère à M. Mélenchon.
Saluons, dans un autre registre, la création du plan « Handiscol », doté de 57
millions de francs, qui prévoit de porter en trois ans à 50 000 le nombre
d'enfants et d'adolescents handicapés accueillis en milieu scolaire non
spécialisé.
Un grand pays comme la France ne peut-être en retard par rapport aux pays
scandinaves sur le chemin de l'insertion des jeunes handicapés.
Pourtant, quelques problèmes restent en suspens : la mise en oeuvre des 35
heures - M. Jean-Louis Carrère l'a évoquée - et la délicate question des
directeurs d'école.
Les 4 500 directions vacantes depuis la rentrée 2000 nous renseignent sur
l'ampleur des difficultés rencontrées. Les requêtes ne concernent pas seulement
des problèmes statutaires mais, au-delà, la question des décharges de service
fait référence aux modalités du travail des directeurs d'école.
Autre point sensible, je veux parler du futur professionnel des
emplois-jeunes, les aides éducateurs. Il s'agit là d'un problème important. Ces
jeunes méritent d'être rassurés sur leurs perspectives d'emploi, ne serait-ce
que pour marquer la reconnaissance du travail accompli au sein de l'éducation
nationale.
Au total, messieurs les ministres, des éléments très largement positifs me
conduisent à voter, avec l'ensemble du groupe socialiste, cet excellent budget
qui donne une priorité claire et volontariste à l'éducation.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Blanc.
Trop, c'est trop !
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
« Ne manque pas de moyens, devrait faire mieux. »
Cette formule, qui apparaît bien souvent sur le livret scolaire de nos élèves,
situe bien, aussi, me semble-t-il, le contexte dans lequel se place le débat
budgétaire de ce jour.
(M. le ministre délégué sourit.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au fil
des ans, et par-delà les alternances politiques, l'éducation nationale a vu
croître ses dotations financières.
Cette année encore, et nous le reconnaissons volontiers, l'effort est
significatif. Il l'est d'autant plus que le nombre d'élèves accueillis est en
baisse sensible et continuera de régresser au cours des années à venir.
La question qu'il convient, dès lors, de se poser est celle de savoir si un
accroissement des moyens a nécessairement pour corollaire une amélioration des
résultats.
L'expérience des dix dernières années montre que, si la mise en oeuvre de
moyens appropriés est, certes, une condition nécessaire, elle ne saurait en
aucune manière constituer une condition suffisante.
Le constat est, à cet égard, accablant. Il a suffisamment été évoqué au cours
de ce débat pour que je ne le rappelle pas une fois de plus. Plus préoccupant
encore, la situation a tendance à s'aggraver plutôt qu'à s'améliorer.
Depuis des décennies, les réformes ont succédé aux réformes, déstabilisant
enseignants, parents et élèves. Il y a lieu de revenir à des objectifs simples,
clairs, mais ambitieux et rigoureux, comme il est dans leur contenu nécessaire
pour la mise en oeuvre des actions.
La même réflexion devra présider à l'organisation des collèges, où se
conjuguent actuellement le niveau insuffisant d'un grand nombre d'élèves et
tous les désordres d'une société en déshérence dont, précisément, les
adolescents de 12 à 16 ans portent les signes les plus visibles.
Le collège devra impérativement échapper aux conceptions inadéquates qui
président à son organisation actuelle, conceptions largement inspirées par des
considérations plus dogmatiques et démagogiques que véritablement
pédagogiques.
Il conviendra également de mieux sensibiliser les élèves de nos collèges à
l'utilité de leur travail, afin de leur rendre la motivation qu'ils ont
perdue.
A cet égard, il me paraît tout à fait essentiel que l'orientation soit conçue
d'une manière continue tout au long de la scolarité au collège et largement
ouverte sur le monde économique, avec ses exigences, mais aussi avec ses
potentialités d'insertion et de promotion sociales.
Je salue la volonté exprimée par M. le ministre délégué à l'enseignement
professionnel de revaloriser comme il le mérite cet enseignement envers lequel
la société nourrit de si fortes attentes.
Je suis persuadé que la multiplication des visites d'entreprises, petites et
grandes, et de courts séjours de découverte des métiers ouvrirait à nos jeunes,
plus sans doute que les énormes forums, des horizons nouveaux, ranimant ainsi
une motivation perdue du fait de l'échec scolaire et de l'absence de
perspective.
On a beaucoup parlé des revendications lancinantes des directeurs d'école en
faisant état de la modicité de leurs indemnités de fonction et du relatif
arbitraire qui préside à l'attribution des décharges de service.
Il me semble que ce sont là les aspects les plus visibles d'un malaise
beaucoup plus profond, qui concerne l'ensemble des maîtres de l'enseignement
préscolaire et élémentaire.
Ce malaise tient à l'avalanche de circulaires qu'ils ont à lire, à
interpréter, à transmettre et à mettre en oeuvre. Il tient à l'insécurité
juridique qui entrave leurs initiatives. Il tient au rôle de médiateur et
d'intervenant social qu'ils ont de plus en plus souvent à jouer. Il tient à la
tension extrême dans laquelle trop souvent ils exercent leur métier.
Nous connaissons tous des enseignants « brisés » par leurs conditions de
travail et pour lesquels chaque jour de classe est vécu comme un véritable
cauchemar.
Ils ont impérativement besoin que leur soit restituée la sérénité sans
laquelle il n'y a pas de communication possible entre eux et leurs élèves.
Je me réjouis de la volonté d'intégrer, autant qu'il est possible, les enfants
handicapés dans un milieu scolaire dit normal. Il convient cependant de
souligner ici que les 57 millions de francs consacrés au plan Handiscol
représentent une somme dérisoire par rapport aux besoins correspondant à cette
ambition. Aujourd'hui, ce sont, pour l'essentiel, des associations qui
assurent, avec le concours financier des communes, l'accompagnement des élèves
accueillis en milieu ouvert. Il ne faudrait pas que dans ce domaine, comme dans
beaucoup d'autres, la charge la plus importante du plan Handiscol finisse par
peser surtout sur les collectivités locales.
M. Jean-Louis Lorrain.
Très bien !
M. Daniel Eckenspieller.
Dans le même ordre d'idées et pour terminer, je voudrais évoquer les
déclarations que vous avez faites, monsieur le ministre, à la suite de votre
prédécesseur, concernant l'initiation de nos élèves aux nouvelles technologies
de communication, notamment l'accès aux possibilités offertes par Internet.
Quelle est la réalité ?
Face à la carence de l'Etat, ce sont les collectivités territoriales qui
équipent les écoles, qui les connectent, qui paient les abonnements et les
communications.
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Daniel Eckenspieller.
Ma ville a dépensé, en 1999 et 2000, environ un million de francs pour ouvrir
l'accès aux nouvelles techniques de communication aux élèves de ses sept écoles
élémentaires et de ses neuf écoles maternelles.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
C'est bien !
M. Jean-Louis Carrère.
Très bien ! Il faut continuer !
M. Daniel Eckenspieller.
Outre le fait que cela ne semble pas conforme à la répartition des compétences
respectives de l'Etat et des collectivités locales, cette situation conduira
inévitablement à d'importantes inégalités territoriales, alors qu'il appartient
précisément à l'école de donner les mêmes chances à tous.
Le chantier que vous avez devant vous, monsieur le ministre, est considérable,
et ses enjeux sont vitaux pour la nation. Les moyens ne vous ont pas été
comptés. Il ne serait pas admissible que le dogmatisme, la démagogie et la
prééminence du verbe sur l'action empêchent de mener avec courage et réalisme
la véritable révolution dont notre système éducatif a tant besoin.
(Très
bien et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme
l'année dernière et les années précédentes, le budget scolaire est en
augmentation. Cette augmentation pour satisfaisante qu'elle soit, attirant les
félicitations des uns et des autres, est-elle la seule voie pour améliorer le
fonctionnement de l'éducation nationale ? J'aurai tendance à répondre non !
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Pierre Martin.
A l'occasion du centenaire du corps de contrôle des assurances, M. le ministre
de l'économie et des finances ne disait-il pas que la France avait besoin de
faire des progrès par rapport à « la culture du toujours plus de dépenses ». Ce
dernier, dans son souci de réformer l'Etat, précisait que notre pays avait
besoin d'accomplir des progrès indispensables vers le toujours plus, mais le
toujours plus d'efficacité !
Pour ces dépenses, la solidarité est indispensable mais, pour être durable, la
charge ne doit pas être reportée sur les générations futures, ce serait une
solution de facilité.
Je ne serai pas de ceux, comme vous l'avez mentionné, monsieur le ministre, à
l'Assemblée nationale, qui trouvent que l'éducation nationale regorge de moyens
et de crédits jusqu'à frôler l'apoplexie. Je ne serai pas non plus de ceux qui
affirment qu'elle en manque toujours.
L'homme de terrain que j'ai été dans l'enseignement scolaire et mes attaches
au monde rural m'ont donné, du moins je l'espère, un certain sens de la mesure.
J'ai appris par expérience qu'il fallait toujours essayer de faire mieux à
partir de ce que l'on avait, avec, parfois, un peu d'imagination.
M. Jean-Louis Carrère.
Il n'est pas normal qu'il soit chiraquien !
(Sourires.)
M. Pierre Martin.
Disposant de plus, si l'opportunité se présentait, on ne pouvait, compte tenu
des bonnes habitudes acquises, que faire encore mieux.
Est-il réaliste d'affirmer, comme ceux qui se contentent de raisonner d'une
façon simpliste concernant l'éducation nationale, que « baisse d'effectifs
égale baisse de moyens » ou « augmentation des problèmes dans l'enseignement
scolaire, donc augmentation des crédits » ? L'objectivité doit toujours nous
conduire à réfléchir pour dégager une solution ménageant un équilibre entre le
quantitatif et le qualitatif et des solutions adaptées.
Il est patent que des problèmes existent dans nos écoles. Ils se multiplient
même. Qu'attendez-vous, monsieur le ministre, pour lancer une véritable, une
vraie réforme de l'éducation national que beaucoup attendent, une réforme
qualitative.
Cette institution, cette vieille dame pleine de noblesse, notre école
républicaine, lorsqu'elle offre à nos enfants la possibilité d'apprendre à
apprendre, d'apprendre à lire, à compter, à écrire, d'apprendre à connaître,
d'apprendre à savoir jouer un rôle dans notre société, elle remplit sa
mission.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
C'est ce qu'elle fait !
M. Pierre Martin.
A travers les propositions et les solutions que vous avez retenues,
pensez-vous que vous accordez à l'éducation nationale les moyens d'assurer sa
vocation ?
M. Jean-Louis Carrère.
Oui !
(Sourires.)
M. Pierre Martin.
Vous vous félicitez de quelque 12 838 emplois supplémentaires pour créer,
notamment, des emplois de stagiaires, pour résorber la précarité de l'emploi
dans le second degré. Les manques ont-ils vraiment bien été ciblés, quand on
sait qu'un enseignant sur trois n'enseigne pas ?
Que penser des titulaires remplaçant en sureffectif dans les lycées...
M. Jean-Louis Carrère.
C'était sous Bayrou !
M. Pierre Martin.
... - dix-sept professeurs dans un lycée de mille deux cents élèves,...
M. Paul Blanc.
C'est vrai !
M. Pierre Martin.
... cinquante dans un lycée de deux mille à trois mille élèves - qui n'ont
aucune obligation pédagogique, qui attendent, disent-ils, tranquillement chez
eux qu'on les appelle et qui, avec le temps, créent une certaine démotivation
chez les titulaires, en trouvant bien sûr à s'occuper par ailleurs ? Plutôt que
l'Etat gérant, ne vaudrait-il pas mieux, monsieur le ministre, parler de l'Etat
garant du service public ?
Ces 332 milliards de francs de crédits que vous nous demandez de voter
aujourd'hui nous font immanquablement penser aux remarques formulées dans le
rapport de la commission d'enquête présidée par M. Adrien Gouteyron et dont le
titre était
Mieux gérer, mieux éduquer, mieux réussir. Redonner sens à
l'autorisation budgétaire.
M. Jean-Louis Carrère.
Il aurait pu les faire à l'inspection générale !
M. Pierre Martin.
Cette politique inflationniste ne précise aucunement les contreparties qui
pourraient être demandées aux enseignants et ne fixe aucun cap précis pour
réformer l'éducation nationale. S'évertuer à décrocher des moyens nouveaux
devrait entraîner une réflexion sur une nouvelle politique éducative. Je ne la
décèle pas trop. Aussi faut-il espérer que l'objectif poursuivi n'est pas à
usage uniquement électoraliste.
Le nombre des enseignants a augmenté de 40 % ces vingt dernières années, alors
que les effectifs d'élèves, eux, n'ont progressé que de 17 %, laissant supposer
une évolution vers une politique plus qualitative.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est vrai !
M. Pierre Martin.
Les résultats montrent que ce n'est pas le cas. La démonstration est donc
faite que des moyens supplémentaires n'ont pas toujours les effets attendus sur
l'échec scolaire. Créer des postes, augmenter les crédits, c'est bien ! Savoir
à quoi cela servira, c'est mieux !
N'oublions pas également que ces crédits importants sont abondés par des
participations considérables des collectivités locales sans qu'il y ait un
véritable partenariat entre ces dernières et l'Etat, sur la façon d'aborder les
problèmes de l'éducation nationale. De nouvelles relations pourraient exister
grâce à une poursuite de la décentralisation.
La réussite scolaire est peut-être à ce prix, mais elle est avant tout
l'affaire de tous - parents, professeurs, élus et bénévoles - qui doivent être
en droit d'émettre leur avis sur tous les sujets sans exclusive.
Incontestablement, elle est fonction des ressources humaines de l'éducation
nationale.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué.
Il faudrait savoir !
M. Pierre Martin.
Monsieur le ministre, qu'en est-il de ces emplois-jeunes, aides-éducateurs
dont on n'a toujours pas défini les horaires exacts ni mis sur pied et réalisé
la formation réglementaire promise ? Plus inquiétant, les années passent, les
questions surgissent et l'on s'interroge sur leur avenir en créant des
observatoires académiques.
Devant le manque d'enseignants volontaires pour assumer les postes de
direction, là aussi, monsieur le ministre, des questions se posent. Dans
l'équipe pédagogique, l'esprit de groupe indispensable existe-t-il encore ?
Supporte-t-on la présence d'un capitaine, le directeur ? Les enseignants
ont-ils la volonté d'être des exemples, des interprètes, des acteurs qui
méritent d'être imités ? La formation en IUFM prépare-t-elle à cela ? J'en
doute !
M. René-Pierre Signé.
Ils apprécieront !
M. Pierre Martin.
Offrir aux enseignants le plaisir d'enseigner, le plaisir d'exercer certes une
profession difficile mais un beau métier, c'est peut-être aussi, au-delà d'une
reconnaissance certaine, leur donner le plaisir de voir leurs élèves réussir
aux examens, pour autant qu'ils existent encore. Mais c'est certainement
contribuer à la réussite scolaire des enfants, car un maître épanoui est une
assurance et bien souvent une garantie pour l'épanouissement de ses élèves, nos
enfants. Soyons toujours à la recherche de cette assurance qui, elle, sera une
garantie pour éviter d'« apprendre à ignorer ».
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
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