SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation nationale : II - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.. Nous arrivons enfin au budget de l'enseignement supérieur. Mes chers collègues, je vais laisser régner le suspense jusqu'à la fin de mon intervention pour que vous deviniez quelle est la conclusion de la commission des finances sur le budget de l'enseignement supérieur. (Sourires.)
Sur ces crédits, que je présente pour la sixième fois, je formulerai trois observations et poserai quatre questions.
Ce budget s'élève à 56 milliards de francs. Cela, c'est un chiffre sûr. En revanche, il est un chiffre dont je suis beaucoup moins assuré : il y aurait, paraît-il, dans l'enseignement supérieur 134 220 emplois budgétaires, mais cela avec tout le flou et l'incertitude qui caractérisent la dénomination et l'énumération des emplois budgétaires de l'enseignement supérieur.
Quant aux étudiants, ils seraient 1 518 000 sans compter les STS, sections de techniciens supérieurs, les écoles d'ingénieurs ou l'enseignement privé.
Messieurs les ministres, l'année 2001 marquera l'entrée dans le troisième millénaire. De même que les constructions et le plan Université du troisième millénaire, le budget de cette année aurait donc dû constituer, une étape importante.
Or, nous considérons que les enjeux de ce budget ont été sous-estimés. Il devait être l'occasion de rattraper notre retard par rapport à l'Europe, par rapport aux pays d'Amérique du Nord. Cela devait être facilité par une baisse relative des effectifs, de 20 000. Alors que la compétition ne cesse de s'accentuer et que nous plongeons dans un monde de plus en plus dur, où les évolutions scientifiques, économiques et techniques s'accélèrent, nous aurions souhaité un budget plus ambitieux.
Sait-on qu'aujourd'hui la collectivité dépense moins pour un étudiant que pour un lycéen ?
L'objectif est pourtant de constituer des pôles d'excellence, y compris dans le domaine de la recherche - et je vois que mon collègue, Pierre Laffitte approuve cet aspect de la politique universitaire.
M. Jean-Louis Carrère. Il n'approuve pas !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. L'objectif, c'est aussi de mettre en oeuvre de manière efficace le plan U 3 M avec la coopération des régions, car de bons locaux, des locaux sûrs, des locaux rénovés constituent un instrument essentiel de la politique universitaire.
Dans ce domaine également, ce que nous voulions c'est qu'en 2001 une étape nouvelle soit franchie.
Nous aurions ainsi souhaité que s'amorce une étape supplémentaire dans le sens de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur. Nous espérions qu'un nouvel effort soit consenti en faveur de la décentralisation avec en contre partie une évaluation supplémentaire de l'action des universités.
Enfin, nous nous attendions à ce que le projet de budget pour 2001 marque une nouvelle avancée dans la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur.
Cela me conduit à ma deuxième observation : nous déplorons qu'il n'y ait pas d'allocation des moyens différente entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur.
Monsieur le ministre, vous avez un ministère unique. C'est une bonne chose. Mais pourquoi ne pas bousculer les nomenclatures budgétaires, bousculer le ministère des finances, essayer de faire taire éventuellement les objections syndicales et présenter des programmes pluriannuels qui feraient porter l'effort sur l'enseignement supérieur ?
Pensez que 0,1 % du budget de l'enseignement secondaire, cela représente 330 millions de francs. Or, en déplaçant 330 millions de francs vers le budget de l'enseignement supérieur, vous pourriez multiplier par trois la progression des subventions à toutes les universités de France.
L'accroissement de ces subventions en 2001 est de 121 millions de francs. Avec 330 millions de francs, vous pourriez donc faire trois fois plus !
Appliquons le même raisonnement aux bibliothèques universitaires, à qui, pour ma part, je donne le titre de service de documentation et qui ont une importance scientifique fondamentale pour l'enseignement et pour la recherche. Sur une masse budgétaire globale de 1 milliard de francs, le présent projet de budget affiche une progression de 20 millions de francs. Eh bien, ces 20 millions de francs pourraient devenir 30 millions, 40 millions ou 50 millions de francs si l'on transférait un dix-millième du budget de l'enseignement secondaire. Je le répète, une réflexion sur les programmes pluriannuels et sur l'allocation des moyens est absolument indispensable.
Cette année 2001 nous semble marquer une pause dans l'amélioration de l'encadrement.
En effet, l'effort est stabilisé : sont prévus dans ce budget 1 600 recrutements, toutes catégories de personnels confondues - enseignants, ingénieurs, personnels administratifs - y compris les attachés temporaires. Il est vrai que, dans le programme pluriannuel, vous avez annoncé une accélération de ce recrutement, qui sera porté globalement à 2 000, l'an prochain. Mais nous regrettons la stabilisation de cette année !
Après ces quelques observations, j'en viens à l'énoncé de quatre questions qui, pour nous, sont fondamentales.
Premièrement, ne pourriez-vous pas rationaliser l'effort d'investissement et la mise en oeuvre du plan université du troisième millénaire ?
Les autorisations de programme augmentent plus rapidement que les crédits de paiement, mais nous commençons à ressentir un certain défaut de clarté dans le fléchage des opérations qui sont réalisées région par région.
Il va être très difficile pour nous, élus locaux, de savoir ce qui va être fait en constructions et en rénovations, en plans de sécurité et de maintenance dans les différentes régions, comment le plan U 3 M va être mis en oeuvre.
Nous croyons déceler un certain retard - peut-être le démentirez-vous - dans le lancement des opérations. En tout cas, nous sommes inquiets au sujet de cet effort d'investissement.
Mais notre inquiétude concerne surtout la maintenance et l'entretien des locaux. En commission, vous m'avez dit que j'exagérais. Peut-être mais, siégeant au conseil d'administration d'une université nouvelle, née d'une coopération entre les collectivités locales et votre ministère, je sais d'expérience que l'effort de maintenance et d'entretien des locaux est tout à fait insuffisant. Les crédits qui y sont consacrés, soit 1,518 milliard de francs, sont stables, voire en légère baisse. Or, si l'on appliquait des ratios normaux d'entretien et de maintenance, avec des délais d'amortissement normaux, les crédits nécessaires seraient deux ou trois fois plus élevés.
Ma deuxième question est relative aux mesures de décentralisation. Je l'avais déjà posée l'an dernier, mais je n'avais pas obtenu de réponse. Je la pose donc à nouveau et, à défaut d'une réponse, croyez bien que je persisterai autant de fois qu'il le faudra.
Pourquoi ne veut-on pas réformer le système d'attribution et de paramétrage des subventions aux établissements d'enseignement ? Le système est d'une incroyable complexité, avec différentes clés, des fléchages, des mécanismes baptisés de noms des plus baroques. Pourquoi ne voulez-vous pas mettre cela à l'étude et apporter les changements nécessaires ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas renforcer l'autonomie des universités en augmentant ces crédits et en les globalisant davantage ? Avec le statut décentralisé des universités, vous allez de toute façon y être contraint en 2001.
Imaginez en effet que, dans le cadre du statut de la Corse, vous transfériez la responsabilité d'une université à l'Assemblée de Corse et que vous soyez conduits à prendre une importante mesure de décentralisation dans le domaine de l'enseignement supérieur...
MM. Jack Lang et Jean-Luc Mélenchon ministre de l'éducation nationale et ministre délégué à l'enseignement professionnel. C'est la Corse !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Oui, c'est la Corse, mais c'est aussi la France !
Je vous le dis, si on ne prévoit pas dès aujourd'hui des étapes pour une réforme authentique en vue d'approfondir la décentralisation et l'autonomie des universités, on manquera l'entrée dans le troisième millénaire et le défi de la qualité et de l'excellence.
Ma troisième question a trait aux incertitudes qui continuent d'entourer la mise en place de la filière technologique.
Les élèves issus des lycées professionnels ou techniques ont, à l'évidence, des difficultés réelles. Bien sûr, elles tiennent à un certain nombre de causes culturelles ou sociales, au fait que la vie d'étudiant - la vie tout court - n'est pas exempte de problèmes. Cependant, les taux d'échecs des bacheliers professionnels et techniques sont tels qu'il faut impérativement instituer une filière technologique de qualité, et comprenant différents niveaux.
Nous aimerions donc vous entrendre confirmer que les projets de filière technologique seront menés à bonne fin.
Enfin, nous souhaitons une accélération de la mise en place du plan social.
Vous allez me dire que c'est le verre à moitié plein ou à moitié vide ! Nous reconnaissons que la croissance des crédits budgétaires est tout à fait exceptionnelle. Nous reconnaissons aussi que l'objectif qui avait été affiché, de faire passer en trois ans le nombre des étudiants boursiers à environ 30 %, va être atteint. Toutefois, lorsqu'on examine plus précisément la répartition des bourses et leur niveau, on ne peut pas être complètement satisfait.
Là aussi, une meilleure répartition des moyens au sein du budget global de l'éducation nationale paraît nécessaire.
L'accès plus large des jeunes à l'université, grâce à l'effort de la collectivité, doit vous conduire à prévoir soit une étape supplémentaire, soit une accélération de la mise au point du plan social.
Je rappelle que le plan social implique la mobilisation de plus de 10 milliards de francs pour 2001, avec une progression des aides directes de plus de 8 %, chiffre important dans le contexte budgétaire actuel.
En conclusion, il ne me reste qu'à lever le suspense (Sourires) : même si cela ne fais pas plaisir à notre collègue Jean-Louis Carrère, je suis conduit à vous confirmer que la commission des finances préconise le rejet de ce projet de budget.
Nous appelons de nos voeux une grande ambition pour la politique universitaire. Nous voulons qu'un projet encore plus dynamique soit mis en oeuvre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos ne va pas être très différent de celui du rapporteur de la commission des finances, et je lèverai par conséquent le suspense dès maintenant : ainsi, M. Carrère pourra vaquer, s'il le souhaite, à d'autres occupations. (Sourires.)
La commission des affaires culturelles avait qualifié, l'an dernier, l'enseignement supérieur de « parent pauvre » du budget de l'éducation nationale. Cette année, après examen attentif des crédits et des quelques mesures proposées, elle a estimé que l'enseignement supérieur, ne faisait l'objet que d'un « programme minimum ».
Nous notons aussi que votre champ de compétences est aujourd'hui amputé de la recherche : je n'en tirerai pas de conséquences, car j'ai pu mesurer dans le passé, aux responsabilités qui étaient les miennes, la difficulté d'organiser un développement coordonné de l'appareil éducatif et des actions de recherche conduites ou soutenues par l'Etat. C'est l'éternel problème de savoir s'il y a une seule éducation nationale, s'il y a une éducation nationale amputée de la recherche, comme actuellement, ou bien s'il y a une éducation nationale amputée de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Certes, vous avez rappelé votre volonté personnelle, votre passion, et vous nous en avez encore fait part tout à l'heure.
Certes, les crédits progressent de manière non négligeable - de 2,73 % - et s'élèveront à 56 milliards de francs en 2001. Je remarque cependant que cette progression est inférieure à celle des crédits de l'enseignement scolaire, qui bénéficie des créations d'emplois massives que l'on sait.
Si l'on peut se réjouir de la création de 1 000 emplois non-enseignants, force est de constater que les enseignants chercheurs sont quelque peu sacrifiés.
La commission des affaires culturelles a estimé que l'insuffisance de cet effort, en matière d'emplois, ne pouvait être justifiée par la stagnation des effectifs étudiants ; en effet, la nouvelle population étudiante en premier cycle, doit impérativement bénéficier d'un encadrement pédagogique renforcé et de qualité pour qu'y soit réduit l'échec universitaire.
Vous avez sans doute conscience de cette situation, monsieur le ministre puisque les seules mesures concrètes que vous avez annoncées ont pour objet de remédier à l'échec dans les premiers cycles. A l'examen, ces mesures modestes ne font que prolonger les timides réformes engagées par vos prédécesseurs, et par vous-même au début des années quatre-vingt-dix, qui sont restées largement lettre morte.
S'agissant des moyens, et notamment des emplois, qui seront mis à la disposition de l'enseignement supérieur en 2001, je voudrais souligner l'effort entrepris en faveur des personnels non enseignants - création de 813 emplois de personnels IATOS et de 150 emplois pour les bibliothèques - en rappelant toutefois que 1 300 emplois IATOS avaient été créés au cours des deux années précédentes et que nos bibliothèques universitaires restent trop souvent sinistrées.
Je serai plus sévère s'agissant des personnels enseignants, qui bénéficieront seulement de la création de 300 emplois de maître de conférence,et de 300 ATER, attachés temporaires d'enseignement et de recherche, mais d'aucune création d'emploi de professeur des universités, alors que 2 700 emplois d'enseignants chercheurs ont été créés en 1999 et en 2000.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous fournir des explications sur cette « pause » ? Résulte-t-elle de difficultés de gestion de ces corps, ou estimez-vous que l'encadrement des premiers cycles ne relève désormais que des seuls certifiés et agrégés de l'enseignement secondaire ?
Cette situation est d'autant plus singulière que votre plan triennal de programmation annonce la création de 1 700 enseignants chercheurs et de 900 ATER que la programmation des recrutements prévoit que près de 3 600 postes seront mis au concours pour chacune des années du plan, et surtout que 2001 a été baptisé « l'an I » de la programmation.
Quelle est votre volonté politique spécifique ? Quel type de formation pour les nouveaux maîtres de l'enseignement supérieur ? Nous espérons que vous nous donnerez quelques éclaircissements sur la signification réelle de ce plan triennal.
J'évoquerai maintenant l'évolution de la population étudiante : après un quasi-doublement en vingt ans, ses effectifs tendent à stagner, notamment dans les filières non sélectives, et une réduction de quelque 40 000 étudiants est attendue dans les dix ans à venir, en particulier dans les premiers cycles.
Je souligne également que l'arrivée massive d'une nouvelle population étudiante, constituée de bacheliers technologiques, mais aussi professionnels, entretient un fort taux d'échec dans les premiers cycles, cette situation appelant nécessairement un encadrement pédagogique mieux adapté et un système d'aides sociales plus efficace.
Il faut rappeler à cet égard que le taux d'accès en deuxième cycle n'est que de 60 %, tandis que le taux de réussite en DEUG, compte tenu de tous les redoublements autorisés, est de 70 %, celui-ci évoluant entre 85 % pour les bacheliers scientifiques et 18,5 % pour les bacheliers professionnels. Il faut surtout souligner que seulement 37 % des étudiants obtiennent leur DEUG en deux ans.
Je rappellerai rapidement les mesures que vous avez annoncées, monsieur le ministre, pour réduire l'échec dans les premiers cycles : directeurs des études, enseignements pluridisciplinaires permettant des réorientations, tutorat, contrôle continu, travail en petits groupes, accueil amélioré des étudiants ; bref, autant de mesures connues, déjà expérimentées dans nombre d'universités, et qui n'ont donné que des résultats limités.
La commission des affaires culturelles tient à faire observer que l'actuelle organisation des premiers cycles est de moins en moins adaptée à la population nouvelle des bacheliers non généraux. Elle estime que l'université ne peut se contenter aujourd'hui d'accepter l'inscription de tous les bacheliers, sans offrir des conditions d'insertion satisfaisantes pour ces nouveaux étudiants.
Je rappellerai à cet égard qu'une mission d'information de la commission des affaires culturelles, constituée voilà trois ans, a formulé des propositions réalistes pour améliorer l'information et l'orientation des lycéens et des étudiants. Il n'en a pas été tenu compte.
J'ajouterai que les premiers cycles universitaires ne sont plus aujourd'hui épargnés par la violence, comme en témoignent les « incivilités » et les faits graves constatés dans plusieurs campus, qui ont conduit certains présidents, comme celui de Nanterre, à remettre en cause le vieux décret impérial de 1811 sur la franchise universitaire.
Par ailleurs, cette nouvelle population étudiante appelle un système d'aides sociales plus adaptées. Je ne voudrais pas arbitrer entre les conclusions divergentes des rapports Dauriac et Grignon, qui ont tenté d'évaluer le phénomène de la pauvreté et de la précarité dans le monde étudiant ; je noterai seulement que 470 000 étudiants sont dans l'obligation de travailler pour financer leurs études et que 5 000 d'entre eux ont bénéficié d'une allocation d'études spécifique en 1999, en raison de leur situation financière difficile.
Pour m'en tenir aux seuls bénéficiaires du plan social étudiant, dont la dernière tranche est financée par le projet de budget, 30 % des étudiants devraient percevoir une aide, dont 440 000 boursiers sur critères sociaux.
Si la commission des affaires culturelles ne peut que souligner l'effort accompli en ce domaine, puisque le cinquième des crédits de l'enseignement supérieur est désormais consacré à l'action sociale, elle regrette aussi que le système d'aide soit encore insuffisamment redistributif, qu'il continue à privilégier les aides attribuées sans conditions de ressources et qu'aucune suite n'ait été donnée au projet de statut étudiant.
J'évoquerai rapidement la mise en oeuvre du plan U3M en rappelant que son coût est évalué à quelque 50 milliards de francs pour la période 2000-2006, et en soulignant que le cinquième de ses crédits, et près du quart des crédits d'Etat, seront consacrés aux universités franciliennes.
J'ajouterai que les crédits prévus à ce titre en 2001, dans le cadre des contrats de plan, s'élèveront à un peu plus de 2 milliards de francs en autorisations de programme et à un peu plus de 500 millions de francs en crédits de paiement, et que la mise en sécurité du campus de Jussieu, hors contrat plan, mobilisera à elle seule 870 millions de francs.
Selon la commission des affaires culturelles, il est nécessaire d'assurer un pilotage particulièrement fin de ce plan U3M, compte tenu des incertitudes persistant sur son coût, des perspectives de réduction de la population étudiante, de besoins en locaux mal appréhendés et de la concurrence qui se développe entre universités ; dans le cas contraire, nous risquons d'assister à un gaspillage des deniers publics, notamment de ceux des régions, qui sont une nouvelle fois sollicitées, au mépris des règles de répartition des compétences.
Je terminerai en formulant quelques remarques, et d'abord sur le contenu de nos formations supérieures.
A mon sens, la rénovation des DEUG scientifiques doit être poursuivie afin d'enrayer la désaffection préoccupante dont ils sont l'objet et la place des mathmatiques dans l'enseignement de l'économie doit sans doute être réexaminée.
Par ailleurs, la commission s'est félicitée du développement de la licence professionnelle, qu'elle estime particulièrement adaptée à l'accueil des nouvelles populations étudiantes.
Je n'en dirai pas autant des initiatives prises pour ouvrir nos universités sur l'extérieur du fait, sans doute, de la faiblesse de ses moyens,l'agence EduFrance n'a joué qu'un rôle résiduel dans l'accueil des quelque 165 000 étudiants étrangers séjournant en France, ainsi que dans la promotion des universités d'été.
Quant à la mobilité de nos étudiants, seuls 3 % à 4 % d'entre eux effectueraient des séjours à l'étranger, notamment dans le cadre des programmes Erasmus et Leonardo, ce qui est très insuffisant.
Pour ma part, je ne suis pas persuadé que le projetd'enseignement supérieur européen en ligne que vous avez annoncé, monsieur le ministre, pour instituer une sorte de mobilité virtuelle, constitue le remède immédiat le plus efficace, compte tenu des rigidités du monde universitaire.
Je soulignerai enfin la nécessité de moderniser la gestion de nos universités. Cette gestion a fait l'objet de sévères critiques de la part de la Cour des comptes et d'une récente mission d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Dans cette perspective, je mentionnerai également les propositions du rapport de M. Pierre Mauroy, Pour l'avenir de la décentralisation , qui suggère de mettre les pesonnels IATOS à la disposition des collectivités territoriales, de transférer la construction et l'entretien des établissements aux régions et d'assurer à ces dernières une représentation spécifique au sein des conseils d'administration des universités.
Vous savez que ces propositions décentralisatrices ont suscité d'expresses réserves de la part des intéressés, responsables universitaires ou régionaux. Je vous serais reconnaissant de nous donner votre sentiment sur ces propositions, monsieur le ministre.
Au total, la commission des affaires culturelles estime que notre système universitaire n'offre pas suffisamment de formations adaptées aux nouveaux métiers, que la transparence dans la gestion y est insuffisante, qu'il ne supporte pas toujours la comparaison avec les universités étrangères et ne permet pas une ouverture suffisante sur l'extérieur, s'agissant aussi bien de l'accueil des étudiants étrangers que de la mobilité internationale de nos étudiants.
Nous prenons acte de l'augmentation des crédits, mais nous regrettons l'absence de définition d'une politique nouvelle et mieux adaptée pour l'enseignement supérieur français.
En conséquence, à l'image de la commission des finances et sous le bénéfice des observations qui précèdent, la commission des affaires culturelles a donné un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour vingt-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est très volontiers que j'interviens le premier, après les deux excellents rapporteurs, mais je dois vous informer d'emblée que mon propos portera sur un aspect particulier de ce budget.
L'action éducative internationale de la France est-elle une préoccupation majeure du Gouvernement ? C'est la question que je souhaiterais approfondir au cours de ce débat, même si nous savons qu'un tel sujet ne relève pas exclusivement de l'enseignement supérieur mais embrasse l'ensemble du système éducatif.
En guise, en quelque sorte, d'exposé des motifs, je compte, tout d'abord, nous rappeler pourquoi il est si important de privilégier cette action ; je me permettrai ensuite de vous poser trois questions, messieurs les ministres.
Cela a été dit et répété, il y a, de par le monde, et c'est pour nous une grande chance, une très importante demande de formation française. J'en témoigne, je l'ai entendue s'exprimer en maintes circonstances et sur plusieurs continents. J'emploie l'expresssion « formation française » ou « à la française », plutôt qu'« enseignement », car cela permet de recouvrir l'ensemble de cette demande.
De quoi s'agit-il ? Pour simplifier, je distinguerai trois catégories de formation.
Il y a, tout d'abord, l'enseignement scolaire. Il s'agit bien sûr, des établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, mais aussi de toutes les autres écoles, tous les collèges et lycées créés à travers le monde grâce à des initiatives diverses prises par des groupes de parents, des entreprises, des organisations, confessionnelles ou non, notamment. Ces établissements sont au nombre de 450, sur lesquels 416 sont, à ce jour, homologués par le ministère.
Nous avons toutes les raisons d'être légitimement fiers de ce réseau, qui a beaucoup contribué à asseoir la réputation d'excellence de notre enseignement.
L'enseignement supérieur est le deuxième pilier de notre action éducative à l'étranger.
Il comporte, d'une part, toutes les formes que revêtent nos actions à l'étranger, qu'il s'agisse des coopérations, des partenariats, des jumelages, en cours et en projet, entre les universités et nos grandes écoles et leurs correspondants étrangers.
Il faut également se féliciter chaque fois que nos institutions essaiment à travers le monde en créant d'autres établissements à leur image.
Et puis il y a, bien sûr, ce volet extrêmement important, stratégique même, de l'accueil d'étudiants étrangers en France, l'action d'EduFrance commençant, dit-on, à porter des fruits.
Il est également un troisième pilier dont l'importance croît en même temps que nos entreprises s'internationalisent. Il s'agit de leur grand besoin de formation professionnelle et technique, à tous les niveaux et dans toutes les disciplines, pour leur personnel étranger.
Je pense, monsieur le ministre, que chacun des trois aspects que je viens d'évoquer, enseignement scolaire, enseignement supérieur et formation professionnelle et technique, mérite une analyse et un traitement particuliers, mais tous - c'est le point que je veux ici souligner - représentent pour notre pays un atout, une chance exceptionnelle que nous serions coupables de continuer à ne pas savoir exploiter.
Car tel est bien le cas, et je vais vous le démontrer.
Beaucoup d'enfants français à l'étranger n'ont pas accès à nos écoles, car elles sont trop chères pour leurs parents ou parce qu'elles n'existent pas là où ils résident.
Beaucoup d'enfants étrangers, y compris ceux, nombreux, dont les parents seraient prêts à payer à son coût économique leur scolarité, ne sont pas admis dans nos établissements, faute de place. Vous le savez, ils représentent pourtant nos amis, nos alliés, souvent les décideurs de demain.
Trop d'élèves quittent nos lycées à l'étranger pour poursuivre des études dans des universités qui ne sont pas les nôtres, ni liées aux nôtres.
M. Jacques Legendre. Eh oui !
M. André Ferrand. Nos entreprises forment trop individuellement, à l'étranger ou en France, le personnel de leurs filiales étrangères. Une meilleure synergie entre elles et les pouvoirs publics permettrait des résultats bien supérieurs en termes d'action collective et d'efficacité pédagogique.
J'en viens maintenant à mes questions.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment, vos réactions, quant au constat que je viens d'effectuer. Partagez-vous cette analyse ?
J'aimerais, ensuite, savoir comment vous comptez réagir à la proposition que vient de vous faire votre collègue ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, qui souhaite mettre en place un groupe de travail commun sur le partage des responsabilités et sur les synergies à rechercher entre vos deux ministères dans la gestion de l'AEFE.
Il a été question, pour l'Agence, de double tutelle, ici même, hier, au cours de l'examen du projet de budget des affaires étrangères. Les parents d'élèves, les représentants des Français établis hors de France, tous ceux qui souhaitent, comme il paraît normal, un plus grand engagement à leurs côtés du ministère de l'éducation nationale se réjouissent de cette nouvelle.
Un grand espoir est né, monsieur le ministre.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. L'espoir de me dévaliser ! (Sourires.)
M. André Ferrand. Je suis certain que vous voudrez faire en sorte qu'il ne soit pas déçu.
Ma dernière question porte sur la manière dont nous pouvons créer, à l'étranger, une synergie entre votre ministère et nos entreprises.
Les médias se sont fait l'écho de votre souhait de progresser, en France, dans ce sens. Lors du récent salon de l'éducation, à l'Assemblée nationale, vous avez exprimé votre volonté d'aller de l'avant. Vous avez évoqué des pistes ; vous avez signé des conventions de partenariat avec certains secteurs industriels.
Parce que je crois bien connaître les milieux de l'entreprise, dont je suis moi-même issu, je puis vous l'affirmer, la même volonté de travailler ensemble existe de leur côté, surtout quand il s'agit de l'international.
Les responsables économiques sont très conscients de l'exceptionnelle importance de cet enjeu.
Ils le sont par intérêt, parce que les entreprises ont besoin d'écoles pour les enfants de leurs expatriés, parce qu'elles savent que notre filière éducative est une véritable pépinière pour leurs cadres internationaux et parce qu'il leur faut former techniquement leur personnel à l'étranger.
Ils le sont aussi par conviction car, cela doit être répété, plus nos entreprises s'internationalisent, plus leurs dirigeants savent qu'ils nous faut lutter ensemble et promouvoir notre culture et notre manière d'aborder le monde et ses problèmes.
La volonté des deux partenaires étant avérée, monsieur le ministre, il reste à élaborer les bases et les formes d'un partenariat efficace et fructueux. Ce n'est certainement pas la partie la plus facile de l'exercice, car il ne suffit pas, vous le savez, de rédiger un document et de le cosigner ; il faudra donner vie à cette coopération.
Personnellement, je crois beaucoup à une approche concrète et pragmatique de projets précis et bien identifiés qu'il est possible de reproduire lorsqu'ils ont été transformés en succès.
Avec beaucoup d'autres qui partagent cette conviction, je me tiens à la disposition de vos services si vous souhaitez, comme moi, que nous allions plus loin dans cette voie. En serez-vous d'accord, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me ferai l'écho ici de trois préoccupations : l'élan nécessaire pour que la France aborde au mieux de ses moyens la révolution que l'on appelle parfois la « révolution de l'intelligence » ou « révolution numérique », bref, cette révolution que nous sommes en train de vivre ; la rigidité d'un système un peu trop grand, un peu trop massif ; la certification, notamment dans les industries, par rapport à la formation diplômante.
Comme l'ont déjà souligné les rapporteurs, il est certain que l'on ne sent pas, en France, une volonté forte de développer massivement les centres d'excellence ; ils nous sont pourtant indispensables. Nous en avons déjà, mais ils ne sont pas au niveau des meilleurs centres d'excellence mondiaux quant aux moyens matériels et humains dont ils disposent. Il nous faut donc les développer encore, notamment dans un certain nombre de domaines porteurs, voire très porteurs de ce qui nous manque le plus, c'est-à-dire d'une dynamique de croissance.
On estime, par exemple, dans un excellent rapport publié récemment par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que les nouvelles technologies de l'information et de la communication représenteraient jusqu'à 1,6 point de croissance, soit quasiment la moitié de la croissance française, alors qu'elles ne correspondent actuellement qu'à quelques centièmes du produit intérieur brut.
Par conséquent, on doit mettre en oeuvre tout ce qui permet de « booster », d'encourager le développement rapide de ces domaines, en particulier dans l'enseignement supérieur.
J'avais rêvé - on peut toujours rêver - un prélèvement de 10 % sur le produit de la vente des licences UMTS pour abonder un fonds ad hoc. Malheureusement, le ministre des finances et notre commission des finances, réunis, ont considéré que c'était inadéquat.
Je continuerai à me battre, d'autant que nous avons le temps, les financements provenant des licences UMTS n'existant pas encore. Il faudra revenir sur ce chantier. Je pense, monsieur le ministre, que vous et vos collègues chargés respectivement de la recherche et de l'industrie devriez tout de même vous interroger : pourquoi le produit d'un prélèvement opéré sur un secteur particulier ne reviendrait-il pas à ce secteur particulier pour le dynamiser ?
J'en viens à ma deuxième remarque, sur la rigidité du système. La nouvelle économie va vite, les « jeunes pousses » se développent rapidement, les entreprises neuves de ce secteur comme les entreprises anciennes ont besoin d'urgence des compétences nouvelles que l'enseignement supérieur ne peut pas leur fournir au rythme qui est le leur.
Les enseignants ne sont pas en cause, c'est la lourdeur du système qui empêche toute réaction suffisamment rapide, à l'échelle de quelques mois. S'il s'agit, par exemple, de créer une licence à destination professionnelle liée aux télécommunications ou à d'autres aspects, notamment Internet, il faut d'abord passer en conseil d'université, puis devant le CPU, le centre polytechnique universitaire, et enfin devant différentes autres instances. En général, cela dure deux ans. Et au bout de ces deux ans, il faut recommencer parce que, entre-temps, la situation a évolué et les programmes doivent être modifiés.
Pour éviter ces délais, on devrait pouvoir trouver des moyens, en liaison avec l'industrie et sans passer par un système national complexe, de procéder à des expérimentations rapides. Les groupements d'établissements, les GRETA, le peuvent parfois. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire avec les structures diplômantes, à titre exceptionnel ? Cette suggestion, qui me paraît logique, s'inscrirait dans le droit-fil d'autres expériences de rénovation. Lorsqu'il s'agit de formation de webmaster ou d'infographie, on peut s'adapter en quelques semaines, quitte à trouver des responsables à l'extérieur. En même temps, on s'aperçoit que des certifications se développent, tantôt à l'intérieur de l'entreprise, tantôt, c'est mieux, à l'intérieur d'une filière professionnelle. Lorsque ces certifications se superposent, elles aboutissent quasiment à un système d'unités de valeur qui peuvent éventuellement correspondre à des formations de type complémentaire.
Cela se met en place. Il faut éviter que l'université et le milieu éducatif en général ne soient exclus de facto de ce type d'action. Une incitation serait probablement nécessaire, monsieur le ministre, bien sûr, dans le respect de l'autonomie universitaire, pour que les ressources humaines puissent être mobilisées dans ce domaine.
La formation continue, de toute façon, s'impose aux entreprises et aux responsables économiques. Elle s'appuie sur des modules qui peuvent s'adosser les uns aux autres. Cette donnée est tellement fondementale que les moyens financiers qui seront nécessaires pour la nation sont plus importants que ceux de la formation initiale. Nous savons que la formation initiale est de l'ordre de 400 à 500 milliards de francs. Si l'on ajoute 400 à 500 milliards de francs supplémentaires sans une interconnexion forte entre les deux, nous allons dans le mur, ou alors l'université et le système éducatif seront petit à petit marginalisés, ce qui ne paraît pas souhaitable.
Telles sont, messieurs les ministres, les trois réflexions sur lesquelles je tenais à attirer votre attention. J'ajoute, pour être complet, que notre pays compte des organismes professionnels qui sont spécialisés dans ce type d'activité. Je citerai plus particulièrement le SITELESC, le Syndicat des industries de tubes électroniques et semi-conducteurs. Il s'agit d'un secteur hautement stratégique.
Ces organismes, qui pilotent plusieurs structures de formation certifiantes dans la région parisienne et dans diverses régions, ont vu diminuer le financement émanant du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'industrie. Cette évolution est aberrante au regard de l'immensité des besoins. Je le sais d'autant mieux que le SITELESC avait un projet de création à Sophia Antipolis, en liaison avec l'association Telecom Valley, l'université de Nice et diverses écoles comme Eurecom et l'Ecole nationale supérieure des mines de Paris. Apparemment, il ne pourra pas le réaliser.
Un petit coup de pouce de quelques millions de francs dans ce cas particulier et stratégique me paraît nécessaire. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez le donner. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Lors de la commission élargie du 7 novembre dernier à l'Assemblée nationale, vous annonciez, monsieur le ministre, vouloir « placer les étudiants au coeur du dispositif d'enseignement supérieur national ». C'est là un dessein qui retient toute l'attention de notre groupe.
En effet, après avoir dû absorber l'essentiel des efforts de la massification des études supérieures, l'université doit maintenant parvenir à conjuguer la démocratisation et la qualité, voire l'excellence, de l'enseignement et des formations.
Nous prenons donc acte d'une augmentation générale du budget de l'enseignement supérieure de 2,7 % par rapport à 2000, et d'une amélioration relative, dans un contexte de stagnation des effectifs étudiants, du taux d'encadrement des étudiants qui sera de 18,87 étudiants par enseignant en 2001, contre 21,63 en 1997.
Pour autant, les grands axes que sont la lutte contre l'échec à l'université, l'égal accès de tous aux enseignements de troisième cycle, notamment l'aide sociale étudiante, l'accueil et la qualité de l'accueil sont des objectifs qui restent à conquérir.
Le budget pour 2001 prévoit la création de 616 emplois d'enseignant, mais il ne comporte aucun poste de professeur. Compte tenu de la pyramide des âges des enseignants, pourquoi n'avoir pas, dès cette année, monsieur le ministre, anticipé les départs massifs en retraite prévus dès les prochaines années ?
Nous enregistrons très positivement la création de 1 000 postes d'IATOSS, dont une grande part devrait servir à renforcer les personnels des bibliothèques, à propos desquelles j'interrogeais très régulièrement votre prédécesseur. Pour en revenir à l'échec étudiant dans les premiers cycles, nous restons persuadés, pour notre part, qu'un meilleur encadrement doit être au centre de la problématique.
Lors des travaux de la mission sénatoriale sur le dossier, il apparaissait de manière assez évidente que les taux de réussite étaient meilleurs dans les universités ayant fait des efforts particuliers en termes d'encadrement.
Ainsi, la présence d'enseignants, de nouvelles formes de tutorat et, enfin, de personnels IATOSS participe, à l'évidence, d'équipes éducatives diversifiées, permettant de réduire l'échec étudiant.
Comment, en outre, ne pas imputer une part importante de l'échec étudiant aux conditions sociales étudiantes ?
De ce point de vue, il faut rappeler l'effort fait ces dernières années à travers, notamment, le plan social étudiant, d'un coût de 2,7 milliards sur quatre ans. Mais, serais-je tenté de dire, cet effort devrait être reconduit dans les prochaines années. La création de trente-trois emplois d'infirmière et de quinze emplois d'assistante sociale est, à cet égard, un pas trop timide pour parvenir à améliorer réellement la vie dans les campus et, en premier lieu, tout ce qui touche à la santé des étudiants.
L'ouverture, au sens réel du terme, de l'université ne passe-t-elle pas également par le renforcement des activités culturelles à l'université - on peut construire, pour ce faire, de nouveaux partenariats avec les structures culturelles de nos régions, la région elle-même, les départements, les grandes villes - le renforcement, encore, des activités sportives et de loisirs, dont sont exclus, de fait, de très nombreux étudiants aux origines sociales modestes.
Placer l'étudiant au coeur du dispositif universitaire de notre pays est ambitieux, mais appelle un effort encore plus soutenu de la nation.
Le plan U3M prévoit une inscription de 42 milliards de francs pour la période 2000-2006, dont 18,3 milliards financés par l'Etat. Il conviendra de veiller à ce que ce plan ne laisse pas au bord du chemin certaines des régions les plus pauvres, pour parvenir à un maillage universitaire équilibré de notre territoire. Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage, monsieur le ministre, sur les mesures inégalitaires toujours indispensables pour mettre tout le monde au niveau nécessaire.
Au cours de la dernière période, vous avez également beaucoup évoqué votre volonté de renforcer les dispositifs d'échanges universitaires européens.
Là encore, les mesures que vous annoncerez retiendront toute notre attention, notamment celles qui pourront s'appliquer aux étudiants les plus modestes. Le volet international est limité le plus souvent pour eux par de cruelles réalités financières qui les privent de toute possibilité d'échange.
Cela étant, nous savons bien que, ces quinze dernières années, le système universitaire a dû faire face à une demande d'éducation sans précédent, ce qui a conduit les universités à élaborer en urgence des solutions d'accueil de la demande étudiante.
Au quotidien, les universités doivent souvent faire face à un véritable étranglement financier. J'en veux pour exemple la situation de l'Université des sciences et technologies de Lille - mais je pourrais citer une autre université de ma région ou d'ailleurs - dont je suis membre du conseil d'administration.
La situation de cette université est en effet symptomatique des difficultés que rencontrent actuellement les universités françaises.
Les dotations du ministère diminuent, comme l'an passé, alors que les charges à supporter augmentent tant du fait de l'augmentation des surfaces qu'en raison du développement des activités de recherche, ou encore en raison du coût des nouvelles pratiques pédagogiques visant à améliorer la formation et la réussite des étudiants.
La situation est telle que le conseil d'administration de l'université a pu parler, dans une motion adoptée à l'unanimité, de véritable étranglement financier.
Comment, en effet, faire face aux obligations et aux enjeux de la rénovation des formations, de l'amélioration de la qualité pédagogique quand une part de plus en plus importante des budgets est consacrée aux dépenses obligatoires de fonctionnement ?
Sachez que la valorisation du fonctionnement logistique est maintenue à 100 francs par mètre carré alors qu'elle est en réalité supérieure à 200 francs par mètre carré. S'y ajoute la mauvaise prise en compte des surfaces nouvelles, en particulier celles qui sont liées à la recherche.
Par ailleurs, si les droits d'inscription des étudiants de Lille-I ont augmenté de 2,5 millions de francs, ceux-ci ne profitent pas à l'établissement car ils sont retirés de sa dotation. Cela permet à l'Etat de limiter la croissance de sa contribution au fonctionnement des universités. Globalement même, on peut dire que l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement des universités, au moins au cours des deux dernières années, est inférieure à l'augmentation des droits versés par les étudiants. Cela signifie qu'ils financent soit d'autres secteurs de l'enseignement supérieur, soit les coûts d'infrastructure ou de personnels de l'enseignement supérieur.
Il ne s'agit pas, pour moi, de prêcher pour je ne sais quelle paroisse personnelle. Je souhaite simplement, à travers cet exemple, qui reflète de trop nombreuses situations, attirer votre attention sur la réalité de la vie universitaire qui, en l'état, contredit toute réussite du pari de la démocratisation et du pari de la qualité de l'enseignement supérieur.
Au cours de la prochaine période, nous devrons travailler, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'attractivité de l'université.
La massification de notre système universitaire a été le défi et la chance de ces dernières années, à condition, toutefois, que notre enseignement supérieur ne sacrifie rien de sa double vocation d'enseignement et de recherche.
L'université, quelles que soient les filières, doit rester le lieu qui réunit en son sein des enseignants-chercheurs et des étudiants, le lieu où la transmission des savoirs redonne à penser le monde et à l'inventer. C'est là, selon nous, que réside l'essentiel de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur. Les aller et retour entre la formation initiale universitaire et la formation continue doivent être nourris, mais pas seulement comme source de financement supplémentaire.
Nous devons ensemble, au-delà du plan U3M, concevoir l'université du troisième millénaire et peut-être en redéfinir les contours en tenant compte a priori de la démocratisation de notre enseignement supérieur. Cela appellera certainement un effort financier sans précédent dans les toutes prochaines années. En attendant, nous approuverons le projet de budget pour 2001.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'enseignement supérieur pour 2001 progresse de 2,73 % par rapport à 2000, soit une hausse supérieure à celle qu'il a connue l'année dernière, et atteint plus de 56 milliards de francs, alors même que les effectifs étudiants restent stables. Ces conditions favorables permettent d'amplifier les priorités affichées lors des exercices précédents : une amélioration importante des moyens des établissements d'enseignement supérieur, la poursuite du plan U3M et la consolidation du plan social étudiant.
Cette année, contrairement au budget pour 2000, les créations de postes visent prioritairement les emplois non enseignants : 1 000 postes IATOSS, soit le double par rapport au budget 2000, dont 150 pour les bibliothèques. L'accent est mis aussi sur la qualité de la vie étudiante avec 30 emplois d'infirmière et 15 d'assistante sociale. Cependant, les personnels enseignants font aussi l'objet de nouvelles créations d'emplois : 300 postes de maître de conférence, 256 d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche, 60 associés à temps partiel et 19 élèves des écoles normales supérieures. Toutes ces créations d'emplois sont à apprécier au regard du plan pluriannuel pour l'éducation que vous avez annoncé le 15 novembre dernier. Celui-ci prévoit 5 600 emplois pour l'enseignement supérieur, dont 2 600 enseignants et 3 000 IATOSS, et vient donc contrebalancer l'appréciation de M. le raporteur pour avis. En effet, les emplois enseignants ne sont pas sacrifiés, loin de là !
A cela s'ajoutent des mesures d'amélioration des carrières, notamment en faveur des personnels de recherche et formation. En revanche, il faudra inclure, dans le budget pour 2002, les allocataires de recherche dans les mesures catégorielles. Ce sont eux qui constituent les acteurs de la recherche universitaire de demain : ils méritent une revalorisation de leur allocation. Fixée en 1991 à 1,34 SMIC, l'allocation de recherche n'a jamais été revalorisée depuis. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'elle pourrait être indexée sur l'évolution du SMIC ? Ce serait un signe en direction des doctorants.
Pour la mise en oeuvre du plan Université du troisième millénaire, 3,6 milliards de francs d'autorisations de programme et 2,7 milliards de francs de crédits de paiement sont inscrits au budget de l'enseignement supérieur pour 2001.
Ils serviront essentiellement à la poursuite du volet sécurité des établissements, en particulier du campus de Jussieu, à la maintenance des établissements ou à la création du musée du quai Branly. Ce n'est pas parce que le plan U3M est sur les rails qu'il faut désormais oublier son importance. Il représente un effort d'investissement considérable et bien supérieur au plan Université 2000 : dans les contrats de plan Etat-région, la part de l'Etat, au titre du plan U3M, est supérieure de 40 % à la période 1994-1999.
Ce plan intègre non seulement un véritable programme de rattrapage pour la région d'Ile-de-France, mais aussi la vie étudiante, deux éléments oubliés du plan Université 2000. Ne serait-ce qu'au regard des crédits destinés à ce plan, il est injuste et surtout injustifié de dire, à l'instar du rapporteur pour avis, que « l'enseignement supérieur ne semble faire l'objet, cette année, que d'un programme minimal de la part de son ministre ».
Outre que sa progression est supérieure à celle de l'année passée, ce budget assure la poursuite des orientations prises en 1998, à savoir une politique ambitieuse visant à moderniser notre système d'enseignement supérieur, tout en veillant à ce que le plus grand nombre d'étudiants puissent y accéder, sans se heurter à des difficultés financières ou matérielles.
C'est le sens du plan social étudiant mis en place en loi de finances initiale pour 1999, l'objectif étant, sur quatre ans, d'accroître de 30 % le nombre d'étudiants aidés et de 15 % le niveau moyen des aides.
Ce sera chose faite à la rentrée 2001, avec 500 000 étudiants aidés grâce à l'extension de la bourse de cycle au deuxième cycle, à l'augmentation du nombre des allocations d'études et des bourses sur critères universitaires pour les étudiants de troisième cycle.
Au final, de 1998 à 2001, les crédits destinés à financer les bourses auront augmenté de près de 2 milliards de francs. Je ne pense pas non plus qu'on puisse taxer ce plan et sa finalisation pour 2001 de « programme minimal ». Cependant et malgré ces importantes mesures, plus on avance dans les cycles universitaires, moins les critères sociaux sont pris en compte dans l'attribution des aides. Ne pourrait-on pas envisager, monsieur le ministre, de développer les bourses sur critères sociaux dans le troisième cycle ?
Mais je suis conscient, contrairement à M. le rapporteur pour avis, qu'on ne peut pas tout faire en même temps et qu'on ne peut pas avoir tout et tout de suite, surtout dans un contexte de forte mutation de la population étudiante. Bien sûr, l'université doit s'adapter : après le temps de la massification vient le temps de la démocratisation, et le Gouvernement y travaille depuis 1997.
Des mesures ont été prises en ce sens, et encore dernièrement, monsieur Lang, vous avez annoncé vos orientations afin de réduire l'échec dans les premiers cycles universitaires. Celles-ci sont axées sur la création de la fonction de directeur des études, sur le développement de la pluridisciplinarité et de la réorientation, sur l'appel à des projets pédagogiques et sur un meilleur accueil des nouveaux étudiants.
En ce qui concerne l'ouverture à l'international et la mobilité étudiante, je suis contraint de tenir le même discours que l'année dernière, devant votre prédécesseur : démocratiser la mobilité de nos étudiants, c'est bien ; développer l'enseignement des langues dans l'enseignement supérieur, notamment dans cet objectif, c'est mieux !
Vous mettez en oeuvre un plan ambitieux pour faire débuter l'apprentissage des langues vivantes dès le plus jeune âge, mais l'effort doit être continu tout au long du parcours scolaire. L'apprentissage et l'approfondissement des langues étrangères ne doivent pas s'arrêter aux portes de l'université, comme c'est trop souvent le cas dans certaines formations.
Difficile, actuellement, de s'expatrier pour ses études quand on a arrêté l'apprentissage d'une langue plusieurs années auparavant ! L'enseignement des langues à la faculté doit être pleinement intégré à toutes les formations et à tous les diplômes.
Ensuite, il faudrait revoir le système des bourses. Si seuls 3 % à 4 % des étudiants français effectuent une mobilité au cours de leurs études, c'est, en partie aussi, à cause de la faiblesse des bourses ERASMUS, European Community Action Scheme for Mobility of University Students : 786 francs mensuels pendant sept mois, c'est plus que léger !
Sur ce dernier point, le rôle de la présidence française de l'Union européenne a été essentiel : elle a fait de la mobilité étudiante une priorité de son action dans le domaine de l'éducation. Au Conseil « éducation - jeunesse » du 9 novembre dernier, une proposition de recommandation relative à la mobilité des étudiants, des personnes en formation, des jeunes volontaires, des enseignants et des formateurs dans la Communauté ainsi qu'un plan de faveur de la mobilité ont d'ailleurs été présentés.
L'ouverture internationale constitue un des grands enjeux de l'enseignement supérieur du troisième millénaire. Elle est en marche. Elle s'accélère même, avec l'harmonisation européenne des cursus, effective dès cette année : 4 000 à 5 000 étudiants suivent une licence professionnelle, et l'année universitaire 2000-2001 connaîtra ses premiers diplômés au grade de mastère.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste soutiendra évidemment votre budget, car, à travers sa hausse continue, il permet la poursuite des ambitieuses réformes déjà engagées, qui visent à la démocratisation et à la modernisation de notre système d'enseignement supérieur.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux points de nature très différente.
Je voudrais d'abord vous interroger, monsieur le ministre, sur l'action de votre ministère en faveur de l'accueil en France d'étudiants étrangers dans nos grandes écoles et universités.
C'est un élément essentiel pour le rayonnement de notre langue et de notre culture, mais aussi un investissement stratégique porteur de dynamisme économique pour l'avenir.
M. André Ferrand. Très bien !
M. Jacques Legendre. Or, la situation s'est dégradée ces dernières années. Le nombre des étudiants ainsi accueillis en France a diminué. Les causes en sont multiples : nécessité d'instaurer des visas, diminution du nombre des bourses, renforcement de la concurrence, les pays anglo-saxons - Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Australie - développant une offre de places dans leurs universités très importante et très attractive. Car ils ne garantissent pas seulement la qualité des études ; ils règlent aussi les problèmes administratifs, d'installation, s'assurent de la qualité de l'hébergement et veillent à l'insertion sportive, sociale des étudiants étrangers !
Le résultat est là, même dans les pays dits francophones. Les étudiants qui choisissent de faire leurs études aux Etats-Unis ou au Canada, par exemple, ne cessent d'augmenter. Pour prendre un exemple, il y a sans doute plus d'étudiants ivoiriens à Atlanta, New York, Washington ou Montréal que dans les universités françaises.
Ainsi, même s'ils parlent encore le français, nombreux seront les futurs dirigeants dont les souvenirs d'étudiants seront orientés outre-Atlantique, alors que la génération actuelle pense encore au temps de ses études à la Sorbonne et au quartier Latin.
M. Allègre - il n'avait pas tort sur tout - avait pris la mesure du problème : avec le ministre des affaires étrangères, il avait créé EduFrance pour faire connaître l'offre française d'enseignement supérieur. Sans doute les objectifs chiffrés avancés à l'occasion du lancement d'EduFrance étaient-ils irréalistes, mais du moins y avait-il là l'expression d'une volonté politique forte.
Sans doute aussi, faut-il saisir l'opportunité d'accueillir des étudiants étrangers dans nos établissements, alors que la stagnation démographique permet de disposer des places nécessaires.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire un rapide bilan d'EduFrance ?
Allez-vous faire en sorte que les élèves étrangers des lycées français de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, puissent, s'ils le souhaitent, poursuivre leurs études supérieures chez nous, alors qu'ils sont - ô paradoxe - souvent détournés après le baccalauréat vers des établissements nord-américains - et surtout quand ils sont bons ?
Qu'envisagez-vous pour que, de manière volontaire et coordonnée, nos grandes écoles et universités attirent, accueillent, forment ces futures élites étrangères qui pourront être, demain, autant d'amis de notre culture, de notre méthode et, pour tout dire, de notre pays ?
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur un tout autre sujet : le financement des grandes écoles d'ingénieurs de l'enseignement privé.
Sans doute connaissez-vous la fédération des écoles d'ingénieurs et de cadres. Elle fédère vingt-cinq écoles, regroupées en sept pôles régionaux, qui accueillent actuellement plus de 17 000 étudiants, à qui elles délivrent quelque 3 200 diplômes par an, habilités par la commission des titres d'ingénieurs ou visés par votre ministère. Ces écoles emploient d'ailleurs 4 000 salariés. Elles entretiennent des laboratoires de recherche et disposent de fortes relations avec l'étranger. Actuellement, 110 000 anciens élèves sont en activité en France.
Or, cette véritable force de formation au service de notre pays ne reçoit de votre ministère qu'une aide très limitée, environ 6 400 Francs par an et par étudiant en formation initiale. Cette aide, monsieur le ministre, n'est pas à la hauteur des besoins. Sa grande faiblesse conduit à demander un effort exagéré aux familles - en moyenne, 30 000 francs par étudiant et par an - ce qui entraîne aussi, évidemment, une forte discrimination par l'argent.
Bien sûr, vous répondrez que ces écoles savent se procurer de la taxe d'apprentissage mais cette dernière, d'environ 10 000 francs par étudiant et par an, diminue du fait de son redéploiement.
Sans doute, me répondrez-vous aussi : « Contractualisation » ! Et de fait, les établissements se sont engagés dans ce processus. Mais, à ce jour, deux contrats seulement auraient abouti et, de toute façon, ils portent sur des activités périphériques aux activités de base des écoles. En outre, les sommes attendues sont de l'ordre de 1 000 francs par étudiant. A l'évidence, ce n'est pas la solution !
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous puissiez engager avec ce très utile et très important réseau d'écoles d'ingénieurs une véritable démarche progressive de prise en charge partielle - toujours partielle - du coût de la formation des étudiants, qui pourrait, par exemple, leur permettre de recevoir 20 000 francs en 2001, et de poursuivre l'effort les années suivantes, jusqu'à atteindre, par exemple, 40 000 francs.
Dans le domaine de la formation supérieure, il ne faut pas opposer le public au privé. Il y a complémentarité dans un effort de formation de qualité.
Je vous demande, monsieur le ministre, sur ce problème aussi de faire en sorte que les actes soient en rapport avec les intentions et, d'avance, je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conférence des présidents d'université a lancé, à la mi-octobre, un appel particulièrement alarmant : « Face au risque d'éclatement du système universitaire, nous sommes inquiets de constater, dans nos relations avec l'administration de l'éducation nationale, des difficultés à mener un pilotage cohérent et une régulation globale. La stagnation des effectifs étudiants et le renouvellement considérable des générations d'enseignants aggraveront les inégalités si l'Etat ne s'engage pas dans une politique nationale forte ».
A la lecture de votre budget, monsieur le ministre, j'aimerais déceler cette politique forte et le projet mobilisateur qu'appellent de leurs voeux les professeurs d'université.
L'augmentation des crédits inscrits au projet de loi de finances pour les dépenses en capital traduit la montée du plan U3M et des autres opérations d'investissement.
Le plan U3M affiche de hautes ambitions : permettre à l'enseignement supérieur et à la recherche de contribuer au développement économique, améliorer les conditions de la vie étudiante et favoriser l'ouverture sur l'international.
Un quart des crédits sont consacrés à l'amélioration de la vie étudiante. Néanmoins, l'effort paraît encore insuffisant au regard de l'état souvent critique des structures telles que les bibliothèques universitaires, dont l'ouverture moyenne est de cinquante-cinq heures par semaine. C'est dérisoire si l'on se réfère aux bibliothèques des universités américaines, qui sont ouvertes en permanence.
Le plan social étudiant, engagé à la rentrée de 1998, vise à créer les conditions d'une meilleure reconnaissance de la place des étudiants dans la société. L'objectif final est d'augmenter les aides directes, pour accorder un soutien à 30 % des étudiants, et d'augmenter de 15 % le niveau moyen des aides.
Ainsi, le budget prévoit, sur le chapitre des bourses, 647 millions de francs supplémentaires, dont 251 millions de francs au titre des mesures applicables à la rentrée 2001.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que les bourses de mérite, jusqu'à présent réservées aux juristes et aux scientifiques, seront aussi accordées aux étudiants des grandes écoles de lettres et sciences humaines. C'est une initiative à laquelle je souscris.
On peut cependant regretter l'abandon du projet, autrefois évoqué, d'un véritable statut spécifique aux étudiants, avec ses implications fiscales permettant d'assurer une autonomie aux intéressés.
Par ailleurs, de nombreuses études sont venues souligner les incohérences en matière d'attribution des aides. En créant, l'an dernier, dans le cadre du plan social étudiant, une allocation d'études afin de répondre aux situations de précarité vécues par un grand nombre d'étudiants et au désir d'autonomie manifesté par d'autres, le Gouvernement a apporté une solution discutable à un bon diagnostic.
Un rapport établi par le directeur du centre régional des oeuvres universitaires de Créteil estime à 100 000 le nombre potentiel d'étudiants qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs, plus de 70 000 étudiants sont obligés de travailler pour financer leurs études. Ceux qui travaillent sont pratiquement exclus de fait des filières les plus sélectives et les plus contraignantes pour ce qui est de la charge de travail.
L'auteur du rapport se montre très critique à l'égard de l'allocation d'études. Il estime qu'elle est mal ficelée et que son application, mal maîtrisée, n'a fait qu'accentuer la confusion existant autour des aides à l'étudiant.
Enfin, j'évoquerai un phénomène particulièrement inquiétant et qui tend à prendre de l'ampleur : la désaffection croissante des étudiants pour les études scientifiques.
Cette diminution, qui affecte d'autres pays, s'accélère, au moment où les innovations technologiques commandent le développement d'un nombre croissant d'activités et alors que les ingénieurs et chercheurs sont très demandés sur le marché des nouvelles technologies.
En cinq ans, le nombre d'inscrits en première année de DEUG de sciences a diminué de 15 %. Une des origines de cette baisse est la diminution des bacheliers scientifiques. Cette diminution, qui arrive au moment où les besoins sont forts, témoigne de la déficience en matière d'information sur les débouchés des filières. A l'inverse des sciences, la psychologie attire de nombreux bacheliers.
Face à ce phénomène, il est urgent de mettre en oeuvre un véritable plan d'action pour mieux informer les élèves, afin de mieux les diriger. Que comptez-vous faire à ce sujet, monsieur le ministre ?
Pour terminer et afin de permettre au dernier orateur inscrit de mon groupe d'intervenir plus longuement, je me bornerai à ajouter que le groupe de l'Union centriste, au vu de ces constats rapides, ne pourra pas voter ce projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je serai donc aujourd'hui le dernier orateur inscrit sur le dernier budget. La journée a été très très longue, et je suis ravi d'en voir la fin ! (Sourires.)
Avec 56 milliards de francs de crédits demandés pour 2001, le budget de l'enseignement supérieur, en progression de 2,73 %, représente 14,4 % du budget de l'éducation nationale.
Toutefois ce budget recouvre moins de la moitié des dépenses publiques en faveur de l'enseignement supérieur. En effet, les collectivités locales, et plus particulièrement les régions, contribuent, de manière croissante, au financement des dépenses d'investissement de l'enseignement supérieur, notamment dans le cadre des contrats de plan Etat-région. C'est un point que je tenais à rappeler.
Monsieur le ministre, je veux tout d'abord vous féliciter d'avoir su calmer les passions qui dominaient beaucoup trop le monde de l'enseignement ces dernières années, et de nous permettre ainsi de dialoguer avec une certaine sérénité.
La lutte contre l'échec à l'Université et l'ouverture de l'Université sur l'international retiendront particulièrement mon attention.
Lors de la présentation à la presse des grandes orientations du budget de l'enseignement supérieur, vous avez, monsieur le ministre, annoncé un certain nombre de mesures pour lutter contre l'échec des étudiants des premiers cycles. En effet, actuellement, seuls 37 % de ces étudiants obtiennent leur DEUG en deux ans, ce qui est un pourcentage beaucoup trop faible.
Par ailleurs, vous ne traitez pas de la question des 30 % à 40 % de jeunes inscrits en premier cycle qui quittent l'université sans diplôme, et vous n'indiquez pas ce que vous comptez faire pour prévenir cette perte de talents potentiels, insupportable au moment où notre pays a besoin de toutes ses forces vives.
Parmi les mesures que vous prévoyez pour aider nos étudiants à surmonter les difficultés du début de leur carrière universitaire, je note l'officialisation d'une fonction de directeur des études de première année, un appel à projets pédagogiques, la possibilité offerte aux étudiants de repousser leur choix d'orientation à la fin de leur première année d'études, la possibilité de suivre un enseignement bidisciplinaire et l'amélioration de l'accueil. Je souscris totalement à ces initiatives, dont je connais très bien la teneur pour avoir longtemps enseigné dans des universités anglo-saxonnes, mais en vérité elles avaient déjà été préconisées par les deux ministres de l'éducation nationale qui vous ont précédé. Il faut s'assurer que ces mesures seront bien appliquées, avec rapidité et efficacité, afin d'enrayer l'augmentation du taux des échecs universitaires.
Il faut ajouter que l'on ne constate pas de réelle avancée sur la question essentielle, celle des contenus des enseignements, dont beaucoup devraient être complètement revus en les adaptant aux besoins du monde moderne. Ce point a déjà été souligné par plusieurs de mes collègues.
Votre prédécesseur immédiat, M. Claude Allègre, avait commencé à évoquer la question. Fidèle à votre méthode, vous vous contentez de renvoyer l'étude de ces problèmes à des groupes de travail. Ils traiteront des sciences, marquées par une désaffection persistante des étudiants, de l'économie, du deuxième cycle de médecine et de la diversification des parcours en lettres et sciences humaines. Quand connaîtrons-nous, monsieur le ministre, le résultat de leurs travaux ?
Vous ne vous attaquez pas davantage au problème de la redéfinition du métier des enseignants du supérieur. Comment distinguer, dans le service assuré par un enseignant, jusque-là défini par un certain nombre d'heures de cours, les diverses tâches qu'il effectue, qu'il s'agisse des travaux dirigés, des recherches, des tâches administratives ?... J'aurais aimé que vous nous donniez des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.
A cet égard, on ne peut que regretter que le volet consacré à la validation des acquis professionnels ait été rejeté, en même temps que le projet de loi de modernisation sociale. La validation des acquis constitue pourtant une voie privilégiée pour encourager le retour des adultes à l'université. J'ai vu cette formule fonctionner à l'étranger, et je sais l'importance qu'elle peut revêtir. Elle permet de prendre en compte l'expérience professionnelle comme élément de formation. De même, la formation continue diplômante reste très insuffisante.
Par ailleurs, la réforme des études médicales, pourtant annoncée à grand bruit, est à nouveau repoussée sine die. Cette réforme doit concerner, d'une part, le concours d'entrée, d'autre part, le concours d'internat. L'objet en est multiple : diminuer le phénomène de bachotage, favoriser l'établissement de passerelles avec d'autres disciplines et revaloriser la fonction de généraliste, qui en a bien besoin.
J'aborderai maintenant un point qui me tient beaucoup à coeur, celui de l'orientation préalable des étudiants de premier cycle. Pour éviter les échecs et les années de frustration que subit un si grand nombre d'entre eux, il faudrait qu'il soit procédé à une orientation systématique, dans tous les lycées, à partir de la seconde, afin de sensibiliser les futurs étudiants et de les aider à choisir la direction universitaire dans laquelle ils s'engageront.
Cette orientation devrait se faire avec le concours de spécialistes de divers métiers qui s'adresseraient directement aux élèves pour leur décrire les différentes carrières possibles. En collaboration avec des spécialistes de l'enseignement, ils pourraient évaluer les motivations et le potentiel des élèves, ce que nous ne savons pas faire en France, et, ainsi, les conseiller en connaissance de cause. Cela se pratique sans trop de difficulté dans d'autres pays ; pourquoi ne le ferions-nous pas en France, pour éviter de trop nombreux échecs ? Les bureaux d'admission des universités anglo-saxonnes réalisent couramment ce travail, avec beaucoup de succès et de transparence. Je suis sûr qu'en consentant un effort important dans ce domaine nous faciliterions la tâche de nos futurs étudiants et pourrions ainsi éviter une grande déperdition de talents.
Je formulerai maintenant une suggestion qui n'engage que moi-même : je propose que les études universitaires soient rendues payantes en France, comme elles le sont dans de nombreuses universités étrangères. En effet, autant je défendrais bec et ongles la gratuité de l'enseignement primaire, élémentaire et secondaire, autant je suis persuadé que les études universitaires devraient avoir un coût, fixé selon les revenus des parents. Les étudiants les moins fortunés recevraient des bourses importantes leur assurant la gratuité de leurs études et leur permettant de les poursuivre de manière satisfaisante. Il y aurait ainsi une sorte de redistribution des fonds reçus, et quand on observe attentivement les résultats de telles politiques dans les universités anglo-saxonnes, on s'aperçoit que ce système est beaucoup plus démocratique que le nôtre.
De plus, si l'on n'en arrivait pas peu à peu à prendre de telles mesures, il deviendrait extrêmement difficile, pour notre pays, de faire face aux exigences de l'enseignement supérieur du xxie siècle. Je vous renvoie sur ce point aux propos de notre excellent collègue Ivan Renar, qui a parlé de l'« étranglement » financier de l'université de Lille.
J'aborderai maintenant un autre sujet qui me paraît particulièrement important, à savoir l'ouverture de l'université à l'international, qui demeure encore et toujours insuffisante, surtout quand on observe ce qui se passe à cet égard dans d'autres pays.
L'enseignement supérieur français, à la différence de ses homologues américain et britannique, apparaît encore largement centré sur lui-même, très « franco-français ». Or l'ouverture sur l'étranger du monde universitaire et des étudiants est aujourd'hui indispensable dans un environnement de plus en plus mondialisé. Notre collègue Jacques Legendre a mentionné ce fait avec beaucoup de perspicacité, mais il faudrait y revenir, car c'est un sujet capital qui nous intéresse tous, sans que nous sachions comment parvenir à des résultats positifs.
Le nombre des étudiants étrangers en France baisse de façon continue depuis la fin des années soixante-dix. Le taux d'étudiants étrangers est passé dans notre pays sous la barre des 10 %, alors qu'il s'élevait à 14 % à cette même époque. Pourtant, il existe une compétition énorme dans le monde pour attirer des étudiants venus d'ailleurs. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, où je me suis rendu cet été, près de la moitié des étudiants d'Auckland, soit 12 000 sur un total de 26 000, sont originaires d'Asie. A leur arrivée, on leur remet des brochures rédigées en coréen, en chinois, en malais, etc.
Nous devons donc faire un effort pour accueillir les jeunes étrangers. Leur présence contribue évidemment au rayonnement de l'université française, en même temps qu'elle est, plus prosaïquement, source de revenus. Ces étudiants sont d'ailleurs surpris de constater que leurs camarades français ne paient pas pour étudier. A cet égard, j'ai souvent remarqué que si vous affirmez à un étranger que les études en France sont gratuites, il en déduit immédiatement qu'elles ne valent rien ! Tel est l'état d'esprit dominant dans le monde des étudiants étrangers !
Au-delà de vos déclarations d'intention, messieurs les ministres, force est de constater que les réalisations sont encore très timides et que les orientations sont marquées par beaucoup d'incertitudes.
Je sais que, dans l'optique de la mise en oeuvre du plan U3M, vous avez annoncé que 15 % des logements pour étudiants seraient réservés aux étrangers. On a également confié à M. Elie Cohen une mission, dont l'objet est d'améliorer l'accueil des étudiants étrangers et d'amplifier la portée des actions internationales des universités.
Cela étant, on en reste encore aux déclarations d'intention, alors que les enjeux sont pourtant de taille. Notre pays perd du terrain, depuis plusieurs années, sur le marché de l'accueil des étudiants étrangers, les Etats-Unis recevant à eux seuls 34 % de ces étudiants, pour un bénéfice évalué à 7,5 milliards de dollars, tandis que le marché mondial est estimé à 130 milliards de francs.
M. Jacques Attali a remis, en mai 1999, un rapport portant sur un modèle européen en matière d'enseignement supérieur. La conférence de Bologne, qui s'est tenue en juin 1999, a permis de définir les grandes lignes de cette politique. Certes, en mai 1999, un nouveau grade a été créé, le mastère, dans l'optique du rapprochement et de l'harmonisation des formations en Europe, mais il ne s'agit que d'une mesure assez limitée.
Au-delà de l'harmonisation des cursus, de nombreux progrès restent à faire en matière de mobilité des étudiants et des enseignants. Le projet de budget pour 2001 ne prévoit pas de moyens pour mettre en oeuvre ces réformes. La mobilité des étudiants français est très faible, cela a déjà été signalé. En 1999, de 3 % à 4 % d'entre eux seulement s'étaient rendus à l'étranger, soit 16 000 étudiants au titre du programme d'échanges Erasmus et 1 500 au titre du programme Leonardo. Là encore, messieurs les ministres, j'aurais voulu que vous indiquiez où nous en étions, s'agissant aussi bien des étudiants que des enseignants. Des statistiques précises seraient bien utiles : que comptez-vous faire à ce sujet ?
Par ailleurs, j'espère que le Gouvernement soutiendra le projet d'enseignement supérieur européen en ligne, évoqué par notre excellent rapporteur pour avis, M. Jacques Valade, qui prévoit d'instituer une sorte de mobilité virtuelle et qui doit être confirmé lors du prochain sommet européen.
La très faible efficacité des initiatives engagées pour ouvrir nos universités sur l'extérieur s'explique en grande partie par la modestie des moyens attribués à l'agence EduFrance. Je rencontre très souvent, lors de mes déplacements à l'étranger, les responsables de celle-ci. J'ai de l'estime pour eux, ils font un excellent travail, mais ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour accomplir l'oeuvre qu'ils voudraient réaliser. L'agence Edufrance a évidemment joué un rôle important dans l'accueil des étudiants étrangers ayant séjourné en France l'année dernière, ainsi que dans la promotion des universités d'été. J'aurais aimé, messieurs les ministres, que vous nous indiquiez les résultats obtenus par EduFrance, comme l'a demandé notre collègue Jacques Legendre, en nous précisant les budgets et les moyens en personnels dont elle a disposé depuis sa création.
Pour conclure, votre projet de budget, messieurs les ministres, manque de souffle et de perspectives. Notre système universitaire n'offre pas suffisamment de formations de qualité et la transparence de sa gestion est insuffisante. Il ne supporte malheureusement pas toujours la comparaison avec les universités étrangères et ne permet pas une ouverture suffisante sur l'extérieur, qu'il s'agisse de l'accueil des étudiants étrangers ou de la mobilité internationale de nos étudiants.
En outre, ce projet de budget ne permet pas d'assurer la réussite de la démocratisation de notre université. Malgré des progrès, qu'il faut reconnaître, je n'y trouve pas la marque des réformes indispensables, et je ne pourrai donc pas le voter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes convenus avec M. Mélenchon de conclure ce débat par une brève intervention de ma part. L'heure nous invite d'ailleurs à la sagesse, d'autant que les différents orateurs se sont exprimés sur un ton qui parfois a tranché avec celui de la discussion précédente et que nous avons pu constater qu'ils faisaient preuve de compétence, de connaissance des problèmes et de clarté. Sur toute une série de remarques, nous pouvons d'ailleurs nous retrouver, même si certains d'entre eux en tirent des conclusions différentes des nôtres.
Les rapporteurs, MM. Lachenaud et Valade, ont exprimé une volonté, une ambition. Elles rejoignent les nôtres, même si je ne suis pas d'accord avec un certain nombre de leurs observations sur quelques points techniques.
Je pense ici en particulier à ce que disait M. Lachenaud, par exemple, à propos des crédits de maintenance. Certes, leur augmentation reste encore insuffisante, mais nous nous trouvons désormais dans une situation - je vous le dis, monsieur Lachenaud, sans esprit de polémique - très différente de celle qui prévalait dans les années 1987, 1988 et suivantes. Depuis 1998, ces crédits de maintenance n'ont cessé de s'accroître d'au moins 100 millions de francs par an, et je m'efforcerai d'obtenir que cette progression soit maintenue pour les prochains budgets.
M. Ferrand, pour sa part, a développé un point de vue que je fais mien quant à la dimension internationale de notre action. Je reprends volontiers les conceptions qu'il a énoncées, visant notamment à une meilleure synergie entre notre action publique nationale et internationale et les entreprises françaises qui travaillent hors de nos frontières. Certaines des idées avancées par M. Ferrand méritent en effet, à mon sens, d'être approfondies, et je lui propose de rencontrer ceux de mes collaborateurs qui suivent de près ces questions.
M. André Ferrand. Merci !
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. M. Laffitte a évoqué des sujets à propos desquels je suis en plein accord avec lui. J'apporterai simplement une petite nuance : comme je le lui ai dit, les certifications et les habilitations sont aujourd'hui accordées avec beaucoup plus de célérité que naguère. Ainsi, la rapidité qui a présidé notamment à la création des licences professionnelles, question dont s'occupe activement M. Mélenchon, témoigne d'une accélération très heureuse des choses.
M. Renar a évoqué, à titre d'illustration, l'université de Lille. Je lui répondrai dans le détail par écrit, s'il le veut bien. Mais je le rassure : la répartition des crédits se fait dans un esprit d'équité. Il va de soi que, comme toutes les grandes villes universitaires, Lille doit être traitée avec un égard particulier.
Que dire à M. Lagauche, sinon le remercier de me permettre d'être bref puisqu'il a présenté avec beaucoup d'éloquence et de talent les originalités de ce budget de l'enseignement supérieur ?
Monsieur Legendre a, tout comme M. Ferrand, insisté sur la dimension internationale. Je veux lui répondre, ainsi qu'à M. Maman, que nous prenons cette question à bras-le-corps.
Avec M. Védrine, j'ai ainsi confié une mission à M. Elie Cohen, ancien président de l'université Paris-Dauphine pour tenter de mieux comprendre - il ne suffit pas en effet de dire : « il faut » - les difficultés et les obstacles, tant administratifs et techniques que philosophiques et culturels, qui expliquent que nos universités soient parfois moins attractives, malgré leur compétence, que les universités d'autres pays.
Il n'est cependant pas question en confiant une telle mission à M. Elie Cohen de renoncer à prendre des décisions et à agir. D'ailleurs, de manière générale, je dirai à M. Maman que, sur tous les sujets qu'il a évoqués, nous avançons. Libre à lui de penser que réfléchir n'est pas avancer mais, pour ma part, je n'ai pas l'habitude de décider entre deux portes ! Je ne suis au Gouvernement que depuis sept ou huit mois. La réflexion sur le métier d'enseignant ne peut pas se conclure en un seul mois, ou même en quelques mois. Tellement de changements vont intervenir au cours des prochaines années que ce sujet mérite d'être traité sérieusement !
Quant à la clarification de la mise en oeuvre du plan U 3 M, évoqué par M. Valade et, pour le logement, par M. Maman, c'est aussi un dossier qui avance. S'il est besoin d'infléchir sa mise en oeuvre - j'ai déjà entrepris cette démarche pour le logement étudiant - nous le ferons.
S'agissant du renforcement de l'autonomie des universités, c'est un des thèmes sur lesquels les présidents d'universités sont invités à réfléchir au cours de l'année qui va s'ouvrir.
Je suis prêt à tous les changements, je vous le dis très franchement, à condition que ce soit une autonomie pleinement assumée avec tout ce que cela comporte de responsabilité de la part des uns et de la part des autres. On ne peut pas concevoir un système où l'Etat ne serait là que pour distribuer les postes et les crédits - car, quand cela va mal, on sait frapper à la porte du ministère - si, dans le même temps, les présidents d'université ne font pas preuve d'un véritable esprit de responsabilité. Cela étant, je suis prêt à étudier toutes solutions nouvelles dans lesquelles chacun assumerait pleinement sa tâche.
S'agissant du plan social étudiant, chacun a reconnu qu'il avançait, qu'il progressait ; des améliorations sont à apporter. Certaines des remarques formulées par MM. Lagauche et Renar méritent d'être retenues.
En ce qui concerne la rénovation des DEUG scientifiques, vous savez que nous travaillons sur ce sujet. J'ai confié au président de l'Académie des sciences, M. Haurisson, une mission de réflexion, plus générale d'ailleurs, sur la crise de l'enseignement des sciences non seulement en France mais dans le monde entier. Il faut en étudier les causes pour trouver, je l'espère, les remèdes.
La mobilité des étudiants est un sujet qui a été évoqué par MM. Valade, Renar, Maman et Lagauche. Comme vous le savez, dans quelques heures, j'espère, à Nice, notre plan d'action pour la mobilité sera adopté par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement. Mais cette adoption créera des obligations politiques avec lesquelles nous devrons nous mettre en conformité par des actions concrètes que chacun des pays de l'Union devra entreprendre pour son compte.
Je ne reviens pas sur l'action éducative internationale de la France : la synergie avec le ministère des affaires étrangères va de soi. J'imagine qu'il ne s'agit pas d'une synergie qui consisterait simplement à demander au ministère de l'enseignement supérieur de participer au financement d'actions extérieures, mais d'une synergie positive, constructive et dynamique.
Dans ce cas, j'en prends note, et j'espère que vous plaiderez dans ce sens auprès des uns et des autres.
S'agissant du premier cycle, il faut ramener les choses à leurs justes mesures. Lorsqu'on constate que plus de 70 % des étudiants réussissent leur DEUG, on peut considérer que c'est un résultat qui n'est pas négligeable. Mais je souhaite ne pas en rester là et nous réfléchissons à toute une série de mesures concrètes pour mieux accueillir les étudiants de première année et pour permettre une réorientation à la fin de la première.
Je me garderai de toute polémique sur la semestrialisation telle qu'elle a été engagée voilà quelques années et sur le quasi-échec - car c'est bien d'un quasi-échec qu'il s'agit - de l'orientation après le premier semestre. J'espère que la réforme que nous allons mettre en place à la rentrée prochaine sera plus fructueuse que celle qui a été engagée voilà quelques années, et j'entends bien m'y attacher avec beaucoup d'attention et de volonté.
Par ailleurs, nous souhaitons mieux suivre les étudiants qui quittent l'université après le DEUG pour se diriger vers d'autres orientations ou vers d'autres formes d'insertions.
Je ne m'étendrai pas longuement, ce soir, sur les études médicales : nous avons repris depuis quelques semaines le dossier de la réforme du premier cycle ; nous nous donnons jusqu'au mois de juin prochain - cela réclame des consultations, des concertations nombreuses - pour aboutir à une conclusion. Mais c'est un dossier qui, je crois, est reparti sur de bonnes bases.
J'en arrive aux bibliothèques universitaires, question qui a été soulevée par MM. Vallade et Lorrain. Nous venons de très loin. Pendant très longtemps, ce fut un secteur abandonné, négligé, sacrifié. Il faut le dire, ce dossier a été pris en mains par M. Lionel Jospin, ministre de l'éducation nationale, en 1988, puis poursuivi, ralenti, et repris par M. Allègre. J'ai souhaité moi-même y apporter un infléchissement particulier, à la fois sous la forme d'investissements et sous la forme de créations de postes mais aussi dans le cadre d'une politique d'ouverture des bibliothèques universitaires au-delà de dix-huit heures et, dans certains lieux, le samedi toute la journée. C'est un progrès notable qu'il faut poursuivre.
Vous avez évoqué tout à l'heure la répartition des crédits entre l'Ile-de-France et les autres villes universitaires. Pour les raisons que vous connaissez, sur lesquelles je ne veux pas insister à cette heure de la nuit, Paris est très en retard. On ne peut dire que les bibliothèques universitaires de Paris soient les plus accueillantes, les plus hospitalières, les plus facilement ouvertes. On comprendra bien que l'Etat sur ce point ait été obligé de donner un petit coup de pouce - avec succès - pour que la ville de Paris se réveille - elle s'est enfin réveillée - et apporte sa contribution aux investissements universitaires, notamment aux bibliothèques.
En ce qui concerne les écoles privées d'ingénieurs, monsieur Legendre, nous avons engagé tout un système de contractualisation. Deux écoles d'ingénieurs ont participé et notre porte est ouverte. Un effort est engagé dans l'actuel budget.
Voilà quelques-uns des points sur lesquels je souhaitais vous apporter des informations complémentaires. Pour le reste, nous serons en mesure de vous apporter, au fil des mois, les précisions dont vous pourriez avoir besoin.
Je remercie en tout cas les sénateurs qui ont bien voulu rester si tard et surtout qui ont bien voulu apporter leur contribution, même critique, mais toujours positive. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale : II. - Enseignement supérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 3 563 590 118 francs. »