SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation
nationale : II - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation..
Nous arrivons enfin au budget de
l'enseignement supérieur. Mes chers collègues, je vais laisser régner le
suspense jusqu'à la fin de mon intervention pour que vous deviniez quelle est
la conclusion de la commission des finances sur le budget de l'enseignement
supérieur.
(Sourires.)
Sur ces crédits, que je présente pour la sixième fois, je formulerai trois
observations et poserai quatre questions.
Ce budget s'élève à 56 milliards de francs. Cela, c'est un chiffre sûr. En
revanche, il est un chiffre dont je suis beaucoup moins assuré : il y aurait,
paraît-il, dans l'enseignement supérieur 134 220 emplois budgétaires, mais cela
avec tout le flou et l'incertitude qui caractérisent la dénomination et
l'énumération des emplois budgétaires de l'enseignement supérieur.
Quant aux étudiants, ils seraient 1 518 000 sans compter les STS, sections de
techniciens supérieurs, les écoles d'ingénieurs ou l'enseignement privé.
Messieurs les ministres, l'année 2001 marquera l'entrée dans le troisième
millénaire. De même que les constructions et le plan Université du troisième
millénaire, le budget de cette année aurait donc dû constituer, une étape
importante.
Or, nous considérons que les enjeux de ce budget ont été sous-estimés. Il
devait être l'occasion de rattraper notre retard par rapport à l'Europe, par
rapport aux pays d'Amérique du Nord. Cela devait être facilité par une baisse
relative des effectifs, de 20 000. Alors que la compétition ne cesse de
s'accentuer et que nous plongeons dans un monde de plus en plus dur, où les
évolutions scientifiques, économiques et techniques s'accélèrent, nous aurions
souhaité un budget plus ambitieux.
Sait-on qu'aujourd'hui la collectivité dépense moins pour un étudiant que pour
un lycéen ?
L'objectif est pourtant de constituer des pôles d'excellence, y compris dans
le domaine de la recherche - et je vois que mon collègue, Pierre Laffitte
approuve cet aspect de la politique universitaire.
M. Jean-Louis Carrère.
Il n'approuve pas !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
L'objectif, c'est aussi de mettre en oeuvre de
manière efficace le plan U 3 M avec la coopération des régions, car de bons
locaux, des locaux sûrs, des locaux rénovés constituent un instrument essentiel
de la politique universitaire.
Dans ce domaine également, ce que nous voulions c'est qu'en 2001 une étape
nouvelle soit franchie.
Nous aurions ainsi souhaité que s'amorce une étape supplémentaire dans le sens
de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur. Nous espérions
qu'un nouvel effort soit consenti en faveur de la décentralisation avec en
contre partie une évaluation supplémentaire de l'action des universités.
Enfin, nous nous attendions à ce que le projet de budget pour 2001 marque une
nouvelle avancée dans la démocratisation de l'accès à l'enseignement
supérieur.
Cela me conduit à ma deuxième observation : nous déplorons qu'il n'y ait pas
d'allocation des moyens différente entre l'enseignement secondaire et
l'enseignement supérieur.
Monsieur le ministre, vous avez un ministère unique. C'est une bonne chose.
Mais pourquoi ne pas bousculer les nomenclatures budgétaires, bousculer le
ministère des finances, essayer de faire taire éventuellement les objections
syndicales et présenter des programmes pluriannuels qui feraient porter
l'effort sur l'enseignement supérieur ?
Pensez que 0,1 % du budget de l'enseignement secondaire, cela représente 330
millions de francs. Or, en déplaçant 330 millions de francs vers le budget de
l'enseignement supérieur, vous pourriez multiplier par trois la progression des
subventions à toutes les universités de France.
L'accroissement de ces subventions en 2001 est de 121 millions de francs. Avec
330 millions de francs, vous pourriez donc faire trois fois plus !
Appliquons le même raisonnement aux bibliothèques universitaires, à qui, pour
ma part, je donne le titre de service de documentation et qui ont une
importance scientifique fondamentale pour l'enseignement et pour la recherche.
Sur une masse budgétaire globale de 1 milliard de francs, le présent projet de
budget affiche une progression de 20 millions de francs. Eh bien, ces 20
millions de francs pourraient devenir 30 millions, 40 millions ou 50 millions
de francs si l'on transférait un dix-millième du budget de l'enseignement
secondaire. Je le répète, une réflexion sur les programmes pluriannuels et sur
l'allocation des moyens est absolument indispensable.
Cette année 2001 nous semble marquer une pause dans l'amélioration de
l'encadrement.
En effet, l'effort est stabilisé : sont prévus dans ce budget 1 600
recrutements, toutes catégories de personnels confondues - enseignants,
ingénieurs, personnels administratifs - y compris les attachés temporaires. Il
est vrai que, dans le programme pluriannuel, vous avez annoncé une accélération
de ce recrutement, qui sera porté globalement à 2 000, l'an prochain. Mais nous
regrettons la stabilisation de cette année !
Après ces quelques observations, j'en viens à l'énoncé de quatre questions
qui, pour nous, sont fondamentales.
Premièrement, ne pourriez-vous pas rationaliser l'effort d'investissement et
la mise en oeuvre du plan université du troisième millénaire ?
Les autorisations de programme augmentent plus rapidement que les crédits de
paiement, mais nous commençons à ressentir un certain défaut de clarté dans le
fléchage des opérations qui sont réalisées région par région.
Il va être très difficile pour nous, élus locaux, de savoir ce qui va être
fait en constructions et en rénovations, en plans de sécurité et de maintenance
dans les différentes régions, comment le plan U 3 M va être mis en oeuvre.
Nous croyons déceler un certain retard - peut-être le démentirez-vous - dans
le lancement des opérations. En tout cas, nous sommes inquiets au sujet de cet
effort d'investissement.
Mais notre inquiétude concerne surtout la maintenance et l'entretien des
locaux. En commission, vous m'avez dit que j'exagérais. Peut-être mais,
siégeant au conseil d'administration d'une université nouvelle, née d'une
coopération entre les collectivités locales et votre ministère, je sais
d'expérience que l'effort de maintenance et d'entretien des locaux est tout à
fait insuffisant. Les crédits qui y sont consacrés, soit 1,518 milliard de
francs, sont stables, voire en légère baisse. Or, si l'on appliquait des ratios
normaux d'entretien et de maintenance, avec des délais d'amortissement normaux,
les crédits nécessaires seraient deux ou trois fois plus élevés.
Ma deuxième question est relative aux mesures de décentralisation. Je l'avais
déjà posée l'an dernier, mais je n'avais pas obtenu de réponse. Je la pose donc
à nouveau et, à défaut d'une réponse, croyez bien que je persisterai autant de
fois qu'il le faudra.
Pourquoi ne veut-on pas réformer le système d'attribution et de paramétrage
des subventions aux établissements d'enseignement ? Le système est d'une
incroyable complexité, avec différentes clés, des fléchages, des mécanismes
baptisés de noms des plus baroques. Pourquoi ne voulez-vous pas mettre cela à
l'étude et apporter les changements nécessaires ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas renforcer l'autonomie des universités en
augmentant ces crédits et en les globalisant davantage ? Avec le statut
décentralisé des universités, vous allez de toute façon y être contraint en
2001.
Imaginez en effet que, dans le cadre du statut de la Corse, vous transfériez
la responsabilité d'une université à l'Assemblée de Corse et que vous soyez
conduits à prendre une importante mesure de décentralisation dans le domaine de
l'enseignement supérieur...
MM. Jack Lang et Jean-Luc Mélenchon
ministre de l'éducation nationale et ministre délégué à l'enseignement
professionnel.
C'est la Corse !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Oui, c'est la Corse, mais c'est aussi la France !
Je vous le dis, si on ne prévoit pas dès aujourd'hui des étapes pour une
réforme authentique en vue d'approfondir la décentralisation et l'autonomie des
universités, on manquera l'entrée dans le troisième millénaire et le défi de la
qualité et de l'excellence.
Ma troisième question a trait aux incertitudes qui continuent d'entourer la
mise en place de la filière technologique.
Les élèves issus des lycées professionnels ou techniques ont, à l'évidence,
des difficultés réelles. Bien sûr, elles tiennent à un certain nombre de causes
culturelles ou sociales, au fait que la vie d'étudiant - la vie tout court -
n'est pas exempte de problèmes. Cependant, les taux d'échecs des bacheliers
professionnels et techniques sont tels qu'il faut impérativement instituer une
filière technologique de qualité, et comprenant différents niveaux.
Nous aimerions donc vous entrendre confirmer que les projets de filière
technologique seront menés à bonne fin.
Enfin, nous souhaitons une accélération de la mise en place du plan social.
Vous allez me dire que c'est le verre à moitié plein ou à moitié vide ! Nous
reconnaissons que la croissance des crédits budgétaires est tout à fait
exceptionnelle. Nous reconnaissons aussi que l'objectif qui avait été affiché,
de faire passer en trois ans le nombre des étudiants boursiers à environ 30 %,
va être atteint. Toutefois, lorsqu'on examine plus précisément la répartition
des bourses et leur niveau, on ne peut pas être complètement satisfait.
Là aussi, une meilleure répartition des moyens au sein du budget global de
l'éducation nationale paraît nécessaire.
L'accès plus large des jeunes à l'université, grâce à l'effort de la
collectivité, doit vous conduire à prévoir soit une étape supplémentaire, soit
une accélération de la mise au point du plan social.
Je rappelle que le plan social implique la mobilisation de plus de 10
milliards de francs pour 2001, avec une progression des aides directes de plus
de 8 %, chiffre important dans le contexte budgétaire actuel.
En conclusion, il ne me reste qu'à lever le suspense
(Sourires)
: même
si cela ne fais pas plaisir à notre collègue Jean-Louis Carrère, je suis
conduit à vous confirmer que la commission des finances préconise le rejet de
ce projet de budget.
Nous appelons de nos voeux une grande ambition pour la politique
universitaire. Nous voulons qu'un projet encore plus dynamique soit mis en
oeuvre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos ne va
pas être très différent de celui du rapporteur de la commission des finances,
et je lèverai par conséquent le suspense dès maintenant : ainsi, M. Carrère
pourra vaquer, s'il le souhaite, à d'autres occupations.
(Sourires.)
La commission des affaires culturelles avait qualifié, l'an dernier,
l'enseignement supérieur de « parent pauvre » du budget de l'éducation
nationale. Cette année, après examen attentif des crédits et des quelques
mesures proposées, elle a estimé que l'enseignement supérieur, ne faisait
l'objet que d'un « programme minimum ».
Nous notons aussi que votre champ de compétences est aujourd'hui amputé de la
recherche : je n'en tirerai pas de conséquences, car j'ai pu mesurer dans le
passé, aux responsabilités qui étaient les miennes, la difficulté d'organiser
un développement coordonné de l'appareil éducatif et des actions de recherche
conduites ou soutenues par l'Etat. C'est l'éternel problème de savoir s'il y a
une seule éducation nationale, s'il y a une éducation nationale amputée de la
recherche, comme actuellement, ou bien s'il y a une éducation nationale amputée
de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Certes, vous avez rappelé votre volonté personnelle, votre passion, et vous
nous en avez encore fait part tout à l'heure.
Certes, les crédits progressent de manière non négligeable - de 2,73 % - et
s'élèveront à 56 milliards de francs en 2001. Je remarque cependant que cette
progression est inférieure à celle des crédits de l'enseignement scolaire, qui
bénéficie des créations d'emplois massives que l'on sait.
Si l'on peut se réjouir de la création de 1 000 emplois non-enseignants, force
est de constater que les enseignants chercheurs sont quelque peu sacrifiés.
La commission des affaires culturelles a estimé que l'insuffisance de cet
effort, en matière d'emplois, ne pouvait être justifiée par la stagnation des
effectifs étudiants ; en effet, la nouvelle population étudiante en premier
cycle, doit impérativement bénéficier d'un encadrement pédagogique renforcé et
de qualité pour qu'y soit réduit l'échec universitaire.
Vous avez sans doute conscience de cette situation, monsieur le ministre
puisque les seules mesures concrètes que vous avez annoncées ont pour objet de
remédier à l'échec dans les premiers cycles. A l'examen, ces mesures modestes
ne font que prolonger les timides réformes engagées par vos prédécesseurs, et
par vous-même au début des années quatre-vingt-dix, qui sont restées largement
lettre morte.
S'agissant des moyens, et notamment des emplois, qui seront mis à la
disposition de l'enseignement supérieur en 2001, je voudrais souligner l'effort
entrepris en faveur des personnels non enseignants - création de 813 emplois de
personnels IATOS et de 150 emplois pour les bibliothèques - en rappelant
toutefois que 1 300 emplois IATOS avaient été créés au cours des deux années
précédentes et que nos bibliothèques universitaires restent trop souvent
sinistrées.
Je serai plus sévère s'agissant des personnels enseignants, qui bénéficieront
seulement de la création de 300 emplois de maître de conférence,et de 300 ATER,
attachés temporaires d'enseignement et de recherche, mais d'aucune création
d'emploi de professeur des universités, alors que 2 700 emplois d'enseignants
chercheurs ont été créés en 1999 et en 2000.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous fournir des explications sur cette «
pause » ? Résulte-t-elle de difficultés de gestion de ces corps, ou
estimez-vous que l'encadrement des premiers cycles ne relève désormais que des
seuls certifiés et agrégés de l'enseignement secondaire ?
Cette situation est d'autant plus singulière que votre plan triennal de
programmation annonce la création de 1 700 enseignants chercheurs et de 900
ATER que la programmation des recrutements prévoit que près de 3 600 postes
seront mis au concours pour chacune des années du plan, et surtout que 2001 a
été baptisé « l'an I » de la programmation.
Quelle est votre volonté politique spécifique ? Quel type de formation pour
les nouveaux maîtres de l'enseignement supérieur ? Nous espérons que vous nous
donnerez quelques éclaircissements sur la signification réelle de ce plan
triennal.
J'évoquerai maintenant l'évolution de la population étudiante : après un
quasi-doublement en vingt ans, ses effectifs tendent à stagner, notamment dans
les filières non sélectives, et une réduction de quelque 40 000 étudiants est
attendue dans les dix ans à venir, en particulier dans les premiers cycles.
Je souligne également que l'arrivée massive d'une nouvelle population
étudiante, constituée de bacheliers technologiques, mais aussi professionnels,
entretient un fort taux d'échec dans les premiers cycles, cette situation
appelant nécessairement un encadrement pédagogique mieux adapté et un système
d'aides sociales plus efficace.
Il faut rappeler à cet égard que le taux d'accès en deuxième cycle n'est que
de 60 %, tandis que le taux de réussite en DEUG, compte tenu de tous les
redoublements autorisés, est de 70 %, celui-ci évoluant entre 85 % pour les
bacheliers scientifiques et 18,5 % pour les bacheliers professionnels. Il faut
surtout souligner que seulement 37 % des étudiants obtiennent leur DEUG en deux
ans.
Je rappellerai rapidement les mesures que vous avez annoncées, monsieur le
ministre, pour réduire l'échec dans les premiers cycles : directeurs des
études, enseignements pluridisciplinaires permettant des réorientations,
tutorat, contrôle continu, travail en petits groupes, accueil amélioré des
étudiants ; bref, autant de mesures connues, déjà expérimentées dans nombre
d'universités, et qui n'ont donné que des résultats limités.
La commission des affaires culturelles tient à faire observer que l'actuelle
organisation des premiers cycles est de moins en moins adaptée à la population
nouvelle des bacheliers non généraux. Elle estime que l'université ne peut se
contenter aujourd'hui d'accepter l'inscription de tous les bacheliers, sans
offrir des conditions d'insertion satisfaisantes pour ces nouveaux
étudiants.
Je rappellerai à cet égard qu'une mission d'information de la commission des
affaires culturelles, constituée voilà trois ans, a formulé des propositions
réalistes pour améliorer l'information et l'orientation des lycéens et des
étudiants. Il n'en a pas été tenu compte.
J'ajouterai que les premiers cycles universitaires ne sont plus aujourd'hui
épargnés par la violence, comme en témoignent les « incivilités » et les faits
graves constatés dans plusieurs campus, qui ont conduit certains présidents,
comme celui de Nanterre, à remettre en cause le vieux décret impérial de 1811
sur la franchise universitaire.
Par ailleurs, cette nouvelle population étudiante appelle un système d'aides
sociales plus adaptées. Je ne voudrais pas arbitrer entre les conclusions
divergentes des rapports Dauriac et Grignon, qui ont tenté d'évaluer le
phénomène de la pauvreté et de la précarité dans le monde étudiant ; je noterai
seulement que 470 000 étudiants sont dans l'obligation de travailler pour
financer leurs études et que 5 000 d'entre eux ont bénéficié d'une allocation
d'études spécifique en 1999, en raison de leur situation financière
difficile.
Pour m'en tenir aux seuls bénéficiaires du plan social étudiant, dont la
dernière tranche est financée par le projet de budget, 30 % des étudiants
devraient percevoir une aide, dont 440 000 boursiers sur critères sociaux.
Si la commission des affaires culturelles ne peut que souligner l'effort
accompli en ce domaine, puisque le cinquième des crédits de l'enseignement
supérieur est désormais consacré à l'action sociale, elle regrette aussi que le
système d'aide soit encore insuffisamment redistributif, qu'il continue à
privilégier les aides attribuées sans conditions de ressources et qu'aucune
suite n'ait été donnée au projet de statut étudiant.
J'évoquerai rapidement la mise en oeuvre du plan U3M en rappelant que son coût
est évalué à quelque 50 milliards de francs pour la période 2000-2006, et en
soulignant que le cinquième de ses crédits, et près du quart des crédits
d'Etat, seront consacrés aux universités franciliennes.
J'ajouterai que les crédits prévus à ce titre en 2001, dans le cadre des
contrats de plan, s'élèveront à un peu plus de 2 milliards de francs en
autorisations de programme et à un peu plus de 500 millions de francs en
crédits de paiement, et que la mise en sécurité du campus de Jussieu, hors
contrat plan, mobilisera à elle seule 870 millions de francs.
Selon la commission des affaires culturelles, il est nécessaire d'assurer un
pilotage particulièrement fin de ce plan U3M, compte tenu des incertitudes
persistant sur son coût, des perspectives de réduction de la population
étudiante, de besoins en locaux mal appréhendés et de la concurrence qui se
développe entre universités ; dans le cas contraire, nous risquons d'assister à
un gaspillage des deniers publics, notamment de ceux des régions, qui sont une
nouvelle fois sollicitées, au mépris des règles de répartition des
compétences.
Je terminerai en formulant quelques remarques, et d'abord sur le contenu de
nos formations supérieures.
A mon sens, la rénovation des DEUG scientifiques doit être poursuivie afin
d'enrayer la désaffection préoccupante dont ils sont l'objet et la place des
mathmatiques dans l'enseignement de l'économie doit sans doute être
réexaminée.
Par ailleurs, la commission s'est félicitée du développement de la licence
professionnelle, qu'elle estime particulièrement adaptée à l'accueil des
nouvelles populations étudiantes.
Je n'en dirai pas autant des initiatives prises pour ouvrir nos universités
sur l'extérieur du fait, sans doute, de la faiblesse de ses moyens,l'agence
EduFrance n'a joué qu'un rôle résiduel dans l'accueil des quelque 165 000
étudiants étrangers séjournant en France, ainsi que dans la promotion des
universités d'été.
Quant à la mobilité de nos étudiants, seuls 3 % à 4 % d'entre eux
effectueraient des séjours à l'étranger, notamment dans le cadre des programmes
Erasmus et Leonardo, ce qui est très insuffisant.
Pour ma part, je ne suis pas persuadé que le projetd'enseignement supérieur
européen en ligne que vous avez annoncé, monsieur le ministre, pour instituer
une sorte de mobilité virtuelle, constitue le remède immédiat le plus efficace,
compte tenu des rigidités du monde universitaire.
Je soulignerai enfin la nécessité de moderniser la gestion de nos universités.
Cette gestion a fait l'objet de sévères critiques de la part de la Cour des
comptes et d'une récente mission d'information de la commission des finances de
l'Assemblée nationale.
Dans cette perspective, je mentionnerai également les propositions du rapport
de M. Pierre Mauroy,
Pour l'avenir de la décentralisation
, qui suggère
de mettre les pesonnels IATOS à la disposition des collectivités territoriales,
de transférer la construction et l'entretien des établissements aux régions et
d'assurer à ces dernières une représentation spécifique au sein des conseils
d'administration des universités.
Vous savez que ces propositions décentralisatrices ont suscité d'expresses
réserves de la part des intéressés, responsables universitaires ou régionaux.
Je vous serais reconnaissant de nous donner votre sentiment sur ces
propositions, monsieur le ministre.
Au total, la commission des affaires culturelles estime que notre système
universitaire n'offre pas suffisamment de formations adaptées aux nouveaux
métiers, que la transparence dans la gestion y est insuffisante, qu'il ne
supporte pas toujours la comparaison avec les universités étrangères et ne
permet pas une ouverture suffisante sur l'extérieur, s'agissant aussi bien de
l'accueil des étudiants étrangers que de la mobilité internationale de nos
étudiants.
Nous prenons acte de l'augmentation des crédits, mais nous regrettons
l'absence de définition d'une politique nouvelle et mieux adaptée pour
l'enseignement supérieur français.
En conséquence, à l'image de la commission des finances et sous le bénéfice
des observations qui précèdent, la commission des affaires culturelles a donné
un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur
pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste,
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour vingt-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est
très volontiers que j'interviens le premier, après les deux excellents
rapporteurs, mais je dois vous informer d'emblée que mon propos portera sur un
aspect particulier de ce budget.
L'action éducative internationale de la France est-elle une préoccupation
majeure du Gouvernement ? C'est la question que je souhaiterais approfondir au
cours de ce débat, même si nous savons qu'un tel sujet ne relève pas
exclusivement de l'enseignement supérieur mais embrasse l'ensemble du système
éducatif.
En guise, en quelque sorte, d'exposé des motifs, je compte, tout d'abord, nous
rappeler pourquoi il est si important de privilégier cette action ; je me
permettrai ensuite de vous poser trois questions, messieurs les ministres.
Cela a été dit et répété, il y a, de par le monde, et c'est pour nous une
grande chance, une très importante demande de formation française. J'en
témoigne, je l'ai entendue s'exprimer en maintes circonstances et sur plusieurs
continents. J'emploie l'expresssion « formation française » ou « à la française
», plutôt qu'« enseignement », car cela permet de recouvrir l'ensemble de cette
demande.
De quoi s'agit-il ? Pour simplifier, je distinguerai trois catégories de
formation.
Il y a, tout d'abord, l'enseignement scolaire. Il s'agit bien sûr, des
établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, mais
aussi de toutes les autres écoles, tous les collèges et lycées créés à travers
le monde grâce à des initiatives diverses prises par des groupes de parents,
des entreprises, des organisations, confessionnelles ou non, notamment. Ces
établissements sont au nombre de 450, sur lesquels 416 sont, à ce jour,
homologués par le ministère.
Nous avons toutes les raisons d'être légitimement fiers de ce réseau, qui a
beaucoup contribué à asseoir la réputation d'excellence de notre
enseignement.
L'enseignement supérieur est le deuxième pilier de notre action éducative à
l'étranger.
Il comporte, d'une part, toutes les formes que revêtent nos actions à
l'étranger, qu'il s'agisse des coopérations, des partenariats, des jumelages,
en cours et en projet, entre les universités et nos grandes écoles et leurs
correspondants étrangers.
Il faut également se féliciter chaque fois que nos institutions essaiment à
travers le monde en créant d'autres établissements à leur image.
Et puis il y a, bien sûr, ce volet extrêmement important, stratégique même, de
l'accueil d'étudiants étrangers en France, l'action d'EduFrance commençant,
dit-on, à porter des fruits.
Il est également un troisième pilier dont l'importance croît en même temps que
nos entreprises s'internationalisent. Il s'agit de leur grand besoin de
formation professionnelle et technique, à tous les niveaux et dans toutes les
disciplines, pour leur personnel étranger.
Je pense, monsieur le ministre, que chacun des trois aspects que je viens
d'évoquer, enseignement scolaire, enseignement supérieur et formation
professionnelle et technique, mérite une analyse et un traitement particuliers,
mais tous - c'est le point que je veux ici souligner - représentent pour notre
pays un atout, une chance exceptionnelle que nous serions coupables de
continuer à ne pas savoir exploiter.
Car tel est bien le cas, et je vais vous le démontrer.
Beaucoup d'enfants français à l'étranger n'ont pas accès à nos écoles, car
elles sont trop chères pour leurs parents ou parce qu'elles n'existent pas là
où ils résident.
Beaucoup d'enfants étrangers, y compris ceux, nombreux, dont les parents
seraient prêts à payer à son coût économique leur scolarité, ne sont pas admis
dans nos établissements, faute de place. Vous le savez, ils représentent
pourtant nos amis, nos alliés, souvent les décideurs de demain.
Trop d'élèves quittent nos lycées à l'étranger pour poursuivre des études dans
des universités qui ne sont pas les nôtres, ni liées aux nôtres.
M. Jacques Legendre.
Eh oui !
M. André Ferrand.
Nos entreprises forment trop individuellement, à l'étranger ou en France, le
personnel de leurs filiales étrangères. Une meilleure synergie entre elles et
les pouvoirs publics permettrait des résultats bien supérieurs en termes
d'action collective et d'efficacité pédagogique.
J'en viens maintenant à mes questions.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment,
vos réactions, quant au constat que je viens d'effectuer. Partagez-vous cette
analyse ?
J'aimerais, ensuite, savoir comment vous comptez réagir à la proposition que
vient de vous faire votre collègue ministre des affaires étrangères, M. Hubert
Védrine, qui souhaite mettre en place un groupe de travail commun sur le
partage des responsabilités et sur les synergies à rechercher entre vos deux
ministères dans la gestion de l'AEFE.
Il a été question, pour l'Agence, de double tutelle, ici même, hier, au cours
de l'examen du projet de budget des affaires étrangères. Les parents d'élèves,
les représentants des Français établis hors de France, tous ceux qui
souhaitent, comme il paraît normal, un plus grand engagement à leurs côtés du
ministère de l'éducation nationale se réjouissent de cette nouvelle.
Un grand espoir est né, monsieur le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
L'espoir de me dévaliser !
(Sourires.)
M. André Ferrand.
Je suis certain que vous voudrez faire en sorte qu'il ne soit pas déçu.
Ma dernière question porte sur la manière dont nous pouvons créer, à
l'étranger, une synergie entre votre ministère et nos entreprises.
Les médias se sont fait l'écho de votre souhait de progresser, en France, dans
ce sens. Lors du récent salon de l'éducation, à l'Assemblée nationale, vous
avez exprimé votre volonté d'aller de l'avant. Vous avez évoqué des pistes ;
vous avez signé des conventions de partenariat avec certains secteurs
industriels.
Parce que je crois bien connaître les milieux de l'entreprise, dont je suis
moi-même issu, je puis vous l'affirmer, la même volonté de travailler ensemble
existe de leur côté, surtout quand il s'agit de l'international.
Les responsables économiques sont très conscients de l'exceptionnelle
importance de cet enjeu.
Ils le sont par intérêt, parce que les entreprises ont besoin d'écoles pour
les enfants de leurs expatriés, parce qu'elles savent que notre filière
éducative est une véritable pépinière pour leurs cadres internationaux et parce
qu'il leur faut former techniquement leur personnel à l'étranger.
Ils le sont aussi par conviction car, cela doit être répété, plus nos
entreprises s'internationalisent, plus leurs dirigeants savent qu'ils nous faut
lutter ensemble et promouvoir notre culture et notre manière d'aborder le monde
et ses problèmes.
La volonté des deux partenaires étant avérée, monsieur le ministre, il reste à
élaborer les bases et les formes d'un partenariat efficace et fructueux. Ce
n'est certainement pas la partie la plus facile de l'exercice, car il ne suffit
pas, vous le savez, de rédiger un document et de le cosigner ; il faudra donner
vie à cette coopération.
Personnellement, je crois beaucoup à une approche concrète et pragmatique de
projets précis et bien identifiés qu'il est possible de reproduire lorsqu'ils
ont été transformés en succès.
Avec beaucoup d'autres qui partagent cette conviction, je me tiens à la
disposition de vos services si vous souhaitez, comme moi, que nous allions plus
loin dans cette voie. En serez-vous d'accord, monsieur le ministre ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me ferai
l'écho ici de trois préoccupations : l'élan nécessaire pour que la France
aborde au mieux de ses moyens la révolution que l'on appelle parfois la «
révolution de l'intelligence » ou « révolution numérique », bref, cette
révolution que nous sommes en train de vivre ; la rigidité d'un système un peu
trop grand, un peu trop massif ; la certification, notamment dans les
industries, par rapport à la formation diplômante.
Comme l'ont déjà souligné les rapporteurs, il est certain que l'on ne sent
pas, en France, une volonté forte de développer massivement les centres
d'excellence ; ils nous sont pourtant indispensables. Nous en avons déjà, mais
ils ne sont pas au niveau des meilleurs centres d'excellence mondiaux quant aux
moyens matériels et humains dont ils disposent. Il nous faut donc les
développer encore, notamment dans un certain nombre de domaines porteurs, voire
très porteurs de ce qui nous manque le plus, c'est-à-dire d'une dynamique de
croissance.
On estime, par exemple, dans un excellent rapport publié récemment par le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que les nouvelles
technologies de l'information et de la communication représenteraient jusqu'à
1,6 point de croissance, soit quasiment la moitié de la croissance française,
alors qu'elles ne correspondent actuellement qu'à quelques centièmes du produit
intérieur brut.
Par conséquent, on doit mettre en oeuvre tout ce qui permet de « booster »,
d'encourager le développement rapide de ces domaines, en particulier dans
l'enseignement supérieur.
J'avais rêvé - on peut toujours rêver - un prélèvement de 10 % sur le produit
de la vente des licences UMTS pour abonder un fonds
ad hoc.
Malheureusement, le ministre des finances et notre commission des finances,
réunis, ont considéré que c'était inadéquat.
Je continuerai à me battre, d'autant que nous avons le temps, les financements
provenant des licences UMTS n'existant pas encore. Il faudra revenir sur ce
chantier. Je pense, monsieur le ministre, que vous et vos collègues chargés
respectivement de la recherche et de l'industrie devriez tout de même vous
interroger : pourquoi le produit d'un prélèvement opéré sur un secteur
particulier ne reviendrait-il pas à ce secteur particulier pour le dynamiser
?
J'en viens à ma deuxième remarque, sur la rigidité du système. La nouvelle
économie va vite, les « jeunes pousses » se développent rapidement, les
entreprises neuves de ce secteur comme les entreprises anciennes ont besoin
d'urgence des compétences nouvelles que l'enseignement supérieur ne peut pas
leur fournir au rythme qui est le leur.
Les enseignants ne sont pas en cause, c'est la lourdeur du système qui empêche
toute réaction suffisamment rapide, à l'échelle de quelques mois. S'il s'agit,
par exemple, de créer une licence à destination professionnelle liée aux
télécommunications ou à d'autres aspects, notamment Internet, il faut d'abord
passer en conseil d'université, puis devant le CPU, le centre polytechnique
universitaire, et enfin devant différentes autres instances. En général, cela
dure deux ans. Et au bout de ces deux ans, il faut recommencer parce que,
entre-temps, la situation a évolué et les programmes doivent être modifiés.
Pour éviter ces délais, on devrait pouvoir trouver des moyens, en liaison avec
l'industrie et sans passer par un système national complexe, de procéder à des
expérimentations rapides. Les groupements d'établissements, les GRETA, le
peuvent parfois. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire avec les structures
diplômantes, à titre exceptionnel ? Cette suggestion, qui me paraît logique,
s'inscrirait dans le droit-fil d'autres expériences de rénovation. Lorsqu'il
s'agit de formation de
webmaster
ou d'infographie, on peut s'adapter en
quelques semaines, quitte à trouver des responsables à l'extérieur. En même
temps, on s'aperçoit que des certifications se développent, tantôt à
l'intérieur de l'entreprise, tantôt, c'est mieux, à l'intérieur d'une filière
professionnelle. Lorsque ces certifications se superposent, elles aboutissent
quasiment à un système d'unités de valeur qui peuvent éventuellement
correspondre à des formations de type complémentaire.
Cela se met en place. Il faut éviter que l'université et le milieu éducatif en
général ne soient exclus
de facto
de ce type d'action. Une incitation
serait probablement nécessaire, monsieur le ministre, bien sûr, dans le respect
de l'autonomie universitaire, pour que les ressources humaines puissent être
mobilisées dans ce domaine.
La formation continue, de toute façon, s'impose aux entreprises et aux
responsables économiques. Elle s'appuie sur des modules qui peuvent s'adosser
les uns aux autres. Cette donnée est tellement fondementale que les moyens
financiers qui seront nécessaires pour la nation sont plus importants que ceux
de la formation initiale. Nous savons que la formation initiale est de l'ordre
de 400 à 500 milliards de francs. Si l'on ajoute 400 à 500 milliards de francs
supplémentaires sans une interconnexion forte entre les deux, nous allons dans
le mur, ou alors l'université et le système éducatif seront petit à petit
marginalisés, ce qui ne paraît pas souhaitable.
Telles sont, messieurs les ministres, les trois réflexions sur lesquelles je
tenais à attirer votre attention. J'ajoute, pour être complet, que notre pays
compte des organismes professionnels qui sont spécialisés dans ce type
d'activité. Je citerai plus particulièrement le SITELESC, le Syndicat des
industries de tubes électroniques et semi-conducteurs. Il s'agit d'un secteur
hautement stratégique.
Ces organismes, qui pilotent plusieurs structures de formation certifiantes
dans la région parisienne et dans diverses régions, ont vu diminuer le
financement émanant du ministère de l'éducation nationale et du ministère de
l'industrie. Cette évolution est aberrante au regard de l'immensité des
besoins. Je le sais d'autant mieux que le SITELESC avait un projet de création
à Sophia Antipolis, en liaison avec l'association Telecom Valley, l'université
de Nice et diverses écoles comme Eurecom et l'Ecole nationale supérieure des
mines de Paris. Apparemment, il ne pourra pas le réaliser.
Un petit coup de pouce de quelques millions de francs dans ce cas particulier
et stratégique me paraît nécessaire. J'espère, monsieur le ministre, que vous
pourrez le donner.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Lors de la commission élargie du 7 novembre dernier à l'Assemblée nationale,
vous annonciez, monsieur le ministre, vouloir « placer les étudiants au coeur
du dispositif d'enseignement supérieur national ». C'est là un dessein qui
retient toute l'attention de notre groupe.
En effet, après avoir dû absorber l'essentiel des efforts de la massification
des études supérieures, l'université doit maintenant parvenir à conjuguer la
démocratisation et la qualité, voire l'excellence, de l'enseignement et des
formations.
Nous prenons donc acte d'une augmentation générale du budget de l'enseignement
supérieure de 2,7 % par rapport à 2000, et d'une amélioration relative, dans un
contexte de stagnation des effectifs étudiants, du taux d'encadrement des
étudiants qui sera de 18,87 étudiants par enseignant en 2001, contre 21,63 en
1997.
Pour autant, les grands axes que sont la lutte contre l'échec à l'université,
l'égal accès de tous aux enseignements de troisième cycle, notamment l'aide
sociale étudiante, l'accueil et la qualité de l'accueil sont des objectifs qui
restent à conquérir.
Le budget pour 2001 prévoit la création de 616 emplois d'enseignant, mais il
ne comporte aucun poste de professeur. Compte tenu de la pyramide des âges des
enseignants, pourquoi n'avoir pas, dès cette année, monsieur le ministre,
anticipé les départs massifs en retraite prévus dès les prochaines années ?
Nous enregistrons très positivement la création de 1 000 postes d'IATOSS, dont
une grande part devrait servir à renforcer les personnels des bibliothèques, à
propos desquelles j'interrogeais très régulièrement votre prédécesseur. Pour en
revenir à l'échec étudiant dans les premiers cycles, nous restons persuadés,
pour notre part, qu'un meilleur encadrement doit être au centre de la
problématique.
Lors des travaux de la mission sénatoriale sur le dossier, il apparaissait de
manière assez évidente que les taux de réussite étaient meilleurs dans les
universités ayant fait des efforts particuliers en termes d'encadrement.
Ainsi, la présence d'enseignants, de nouvelles formes de tutorat et, enfin, de
personnels IATOSS participe, à l'évidence, d'équipes éducatives diversifiées,
permettant de réduire l'échec étudiant.
Comment, en outre, ne pas imputer une part importante de l'échec étudiant aux
conditions sociales étudiantes ?
De ce point de vue, il faut rappeler l'effort fait ces dernières années à
travers, notamment, le plan social étudiant, d'un coût de 2,7 milliards sur
quatre ans. Mais, serais-je tenté de dire, cet effort devrait être reconduit
dans les prochaines années. La création de trente-trois emplois d'infirmière et
de quinze emplois d'assistante sociale est, à cet égard, un pas trop timide
pour parvenir à améliorer réellement la vie dans les campus et, en premier
lieu, tout ce qui touche à la santé des étudiants.
L'ouverture, au sens réel du terme, de l'université ne passe-t-elle pas
également par le renforcement des activités culturelles à l'université - on
peut construire, pour ce faire, de nouveaux partenariats avec les structures
culturelles de nos régions, la région elle-même, les départements, les grandes
villes - le renforcement, encore, des activités sportives et de loisirs, dont
sont exclus, de fait, de très nombreux étudiants aux origines sociales
modestes.
Placer l'étudiant au coeur du dispositif universitaire de notre pays est
ambitieux, mais appelle un effort encore plus soutenu de la nation.
Le plan U3M prévoit une inscription de 42 milliards de francs pour la période
2000-2006, dont 18,3 milliards financés par l'Etat. Il conviendra de veiller à
ce que ce plan ne laisse pas au bord du chemin certaines des régions les plus
pauvres, pour parvenir à un maillage universitaire équilibré de notre
territoire. Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage, monsieur le
ministre, sur les mesures inégalitaires toujours indispensables pour mettre
tout le monde au niveau nécessaire.
Au cours de la dernière période, vous avez également beaucoup évoqué votre
volonté de renforcer les dispositifs d'échanges universitaires européens.
Là encore, les mesures que vous annoncerez retiendront toute notre attention,
notamment celles qui pourront s'appliquer aux étudiants les plus modestes. Le
volet international est limité le plus souvent pour eux par de cruelles
réalités financières qui les privent de toute possibilité d'échange.
Cela étant, nous savons bien que, ces quinze dernières années, le système
universitaire a dû faire face à une demande d'éducation sans précédent, ce qui
a conduit les universités à élaborer en urgence des solutions d'accueil de la
demande étudiante.
Au quotidien, les universités doivent souvent faire face à un véritable
étranglement financier. J'en veux pour exemple la situation de l'Université des
sciences et technologies de Lille - mais je pourrais citer une autre université
de ma région ou d'ailleurs - dont je suis membre du conseil
d'administration.
La situation de cette université est en effet symptomatique des difficultés
que rencontrent actuellement les universités françaises.
Les dotations du ministère diminuent, comme l'an passé, alors que les charges
à supporter augmentent tant du fait de l'augmentation des surfaces qu'en raison
du développement des activités de recherche, ou encore en raison du coût des
nouvelles pratiques pédagogiques visant à améliorer la formation et la réussite
des étudiants.
La situation est telle que le conseil d'administration de l'université a pu
parler, dans une motion adoptée à l'unanimité, de véritable étranglement
financier.
Comment, en effet, faire face aux obligations et aux enjeux de la rénovation
des formations, de l'amélioration de la qualité pédagogique quand une part de
plus en plus importante des budgets est consacrée aux dépenses obligatoires de
fonctionnement ?
Sachez que la valorisation du fonctionnement logistique est maintenue à 100
francs par mètre carré alors qu'elle est en réalité supérieure à 200 francs par
mètre carré. S'y ajoute la mauvaise prise en compte des surfaces nouvelles, en
particulier celles qui sont liées à la recherche.
Par ailleurs, si les droits d'inscription des étudiants de Lille-I ont
augmenté de 2,5 millions de francs, ceux-ci ne profitent pas à l'établissement
car ils sont retirés de sa dotation. Cela permet à l'Etat de limiter la
croissance de sa contribution au fonctionnement des universités. Globalement
même, on peut dire que l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement
des universités, au moins au cours des deux dernières années, est inférieure à
l'augmentation des droits versés par les étudiants. Cela signifie qu'ils
financent soit d'autres secteurs de l'enseignement supérieur, soit les coûts
d'infrastructure ou de personnels de l'enseignement supérieur.
Il ne s'agit pas, pour moi, de prêcher pour je ne sais quelle paroisse
personnelle. Je souhaite simplement, à travers cet exemple, qui reflète de trop
nombreuses situations, attirer votre attention sur la réalité de la vie
universitaire qui, en l'état, contredit toute réussite du pari de la
démocratisation et du pari de la qualité de l'enseignement supérieur.
Au cours de la prochaine période, nous devrons travailler, monsieur le
ministre, mes chers collègues, à l'attractivité de l'université.
La massification de notre système universitaire a été le défi et la chance de
ces dernières années, à condition, toutefois, que notre enseignement supérieur
ne sacrifie rien de sa double vocation d'enseignement et de recherche.
L'université, quelles que soient les filières, doit rester le lieu qui réunit
en son sein des enseignants-chercheurs et des étudiants, le lieu où la
transmission des savoirs redonne à penser le monde et à l'inventer. C'est là,
selon nous, que réside l'essentiel de l'attractivité de notre système
d'enseignement supérieur. Les aller et retour entre la formation initiale
universitaire et la formation continue doivent être nourris, mais pas seulement
comme source de financement supplémentaire.
Nous devons ensemble, au-delà du plan U3M, concevoir l'université du troisième
millénaire et peut-être en redéfinir les contours en tenant compte
a priori
de la démocratisation de notre enseignement supérieur. Cela appellera
certainement un effort financier sans précédent dans les toutes prochaines
années. En attendant, nous approuverons le projet de budget pour 2001.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
l'enseignement supérieur pour 2001 progresse de 2,73 % par rapport à 2000, soit
une hausse supérieure à celle qu'il a connue l'année dernière, et atteint plus
de 56 milliards de francs, alors même que les effectifs étudiants restent
stables. Ces conditions favorables permettent d'amplifier les priorités
affichées lors des exercices précédents : une amélioration importante des
moyens des établissements d'enseignement supérieur, la poursuite du plan U3M et
la consolidation du plan social étudiant.
Cette année, contrairement au budget pour 2000, les créations de postes visent
prioritairement les emplois non enseignants : 1 000 postes IATOSS, soit le
double par rapport au budget 2000, dont 150 pour les bibliothèques. L'accent
est mis aussi sur la qualité de la vie étudiante avec 30 emplois d'infirmière
et 15 d'assistante sociale. Cependant, les personnels enseignants font aussi
l'objet de nouvelles créations d'emplois : 300 postes de maître de conférence,
256 d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche, 60 associés à temps
partiel et 19 élèves des écoles normales supérieures. Toutes ces créations
d'emplois sont à apprécier au regard du plan pluriannuel pour l'éducation que
vous avez annoncé le 15 novembre dernier. Celui-ci prévoit 5 600 emplois pour
l'enseignement supérieur, dont 2 600 enseignants et 3 000 IATOSS, et vient donc
contrebalancer l'appréciation de M. le raporteur pour avis. En effet, les
emplois enseignants ne sont pas sacrifiés, loin de là !
A cela s'ajoutent des mesures d'amélioration des carrières, notamment en
faveur des personnels de recherche et formation. En revanche, il faudra
inclure, dans le budget pour 2002, les allocataires de recherche dans les
mesures catégorielles. Ce sont eux qui constituent les acteurs de la recherche
universitaire de demain : ils méritent une revalorisation de leur allocation.
Fixée en 1991 à 1,34 SMIC, l'allocation de recherche n'a jamais été revalorisée
depuis. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'elle pourrait être indexée
sur l'évolution du SMIC ? Ce serait un signe en direction des doctorants.
Pour la mise en oeuvre du plan Université du troisième millénaire, 3,6
milliards de francs d'autorisations de programme et 2,7 milliards de francs de
crédits de paiement sont inscrits au budget de l'enseignement supérieur pour
2001.
Ils serviront essentiellement à la poursuite du volet sécurité des
établissements, en particulier du campus de Jussieu, à la maintenance des
établissements ou à la création du musée du quai Branly. Ce n'est pas parce que
le plan U3M est sur les rails qu'il faut désormais oublier son importance. Il
représente un effort d'investissement considérable et bien supérieur au plan
Université 2000 : dans les contrats de plan Etat-région, la part de l'Etat, au
titre du plan U3M, est supérieure de 40 % à la période 1994-1999.
Ce plan intègre non seulement un véritable programme de rattrapage pour la
région d'Ile-de-France, mais aussi la vie étudiante, deux éléments oubliés du
plan Université 2000. Ne serait-ce qu'au regard des crédits destinés à ce plan,
il est injuste et surtout injustifié de dire, à l'instar du rapporteur pour
avis, que « l'enseignement supérieur ne semble faire l'objet, cette année, que
d'un programme minimal de la part de son ministre ».
Outre que sa progression est supérieure à celle de l'année passée, ce budget
assure la poursuite des orientations prises en 1998, à savoir une politique
ambitieuse visant à moderniser notre système d'enseignement supérieur, tout en
veillant à ce que le plus grand nombre d'étudiants puissent y accéder, sans se
heurter à des difficultés financières ou matérielles.
C'est le sens du plan social étudiant mis en place en loi de finances initiale
pour 1999, l'objectif étant, sur quatre ans, d'accroître de 30 % le nombre
d'étudiants aidés et de 15 % le niveau moyen des aides.
Ce sera chose faite à la rentrée 2001, avec 500 000 étudiants aidés grâce à
l'extension de la bourse de cycle au deuxième cycle, à l'augmentation du nombre
des allocations d'études et des bourses sur critères universitaires pour les
étudiants de troisième cycle.
Au final, de 1998 à 2001, les crédits destinés à financer les bourses auront
augmenté de près de 2 milliards de francs. Je ne pense pas non plus qu'on
puisse taxer ce plan et sa finalisation pour 2001 de « programme minimal ».
Cependant et malgré ces importantes mesures, plus on avance dans les cycles
universitaires, moins les critères sociaux sont pris en compte dans
l'attribution des aides. Ne pourrait-on pas envisager, monsieur le ministre, de
développer les bourses sur critères sociaux dans le troisième cycle ?
Mais je suis conscient, contrairement à M. le rapporteur pour avis, qu'on ne
peut pas tout faire en même temps et qu'on ne peut pas avoir tout et tout de
suite, surtout dans un contexte de forte mutation de la population étudiante.
Bien sûr, l'université doit s'adapter : après le temps de la massification
vient le temps de la démocratisation, et le Gouvernement y travaille depuis
1997.
Des mesures ont été prises en ce sens, et encore dernièrement, monsieur Lang,
vous avez annoncé vos orientations afin de réduire l'échec dans les premiers
cycles universitaires. Celles-ci sont axées sur la création de la fonction de
directeur des études, sur le développement de la pluridisciplinarité et de la
réorientation, sur l'appel à des projets pédagogiques et sur un meilleur
accueil des nouveaux étudiants.
En ce qui concerne l'ouverture à l'international et la mobilité étudiante, je
suis contraint de tenir le même discours que l'année dernière, devant votre
prédécesseur : démocratiser la mobilité de nos étudiants, c'est bien ;
développer l'enseignement des langues dans l'enseignement supérieur, notamment
dans cet objectif, c'est mieux !
Vous mettez en oeuvre un plan ambitieux pour faire débuter l'apprentissage des
langues vivantes dès le plus jeune âge, mais l'effort doit être continu tout au
long du parcours scolaire. L'apprentissage et l'approfondissement des langues
étrangères ne doivent pas s'arrêter aux portes de l'université, comme c'est
trop souvent le cas dans certaines formations.
Difficile, actuellement, de s'expatrier pour ses études quand on a arrêté
l'apprentissage d'une langue plusieurs années auparavant ! L'enseignement des
langues à la faculté doit être pleinement intégré à toutes les formations et à
tous les diplômes.
Ensuite, il faudrait revoir le système des bourses. Si seuls 3 % à 4 % des
étudiants français effectuent une mobilité au cours de leurs études, c'est, en
partie aussi, à cause de la faiblesse des bourses ERASMUS,
European
Community Action Scheme for Mobility of University Students
: 786 francs
mensuels pendant sept mois, c'est plus que léger !
Sur ce dernier point, le rôle de la présidence française de l'Union européenne
a été essentiel : elle a fait de la mobilité étudiante une priorité de son
action dans le domaine de l'éducation. Au Conseil « éducation - jeunesse » du 9
novembre dernier, une proposition de recommandation relative à la mobilité des
étudiants, des personnes en formation, des jeunes volontaires, des enseignants
et des formateurs dans la Communauté ainsi qu'un plan de faveur de la mobilité
ont d'ailleurs été présentés.
L'ouverture internationale constitue un des grands enjeux de l'enseignement
supérieur du troisième millénaire. Elle est en marche. Elle s'accélère même,
avec l'harmonisation européenne des
cursus,
effective dès cette année :
4 000 à 5 000 étudiants suivent une licence professionnelle, et l'année
universitaire 2000-2001 connaîtra ses premiers diplômés au grade de mastère.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste soutiendra évidemment votre budget,
car, à travers sa hausse continue, il permet la poursuite des ambitieuses
réformes déjà engagées, qui visent à la démocratisation et à la modernisation
de notre système d'enseignement supérieur.
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention portera sur deux points de nature très différente.
Je voudrais d'abord vous interroger, monsieur le ministre, sur l'action de
votre ministère en faveur de l'accueil en France d'étudiants étrangers dans nos
grandes écoles et universités.
C'est un élément essentiel pour le rayonnement de notre langue et de notre
culture, mais aussi un investissement stratégique porteur de dynamisme
économique pour l'avenir.
M. André Ferrand.
Très bien !
M. Jacques Legendre.
Or, la situation s'est dégradée ces dernières années. Le nombre des étudiants
ainsi accueillis en France a diminué. Les causes en sont multiples : nécessité
d'instaurer des visas, diminution du nombre des bourses, renforcement de la
concurrence, les pays anglo-saxons - Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne,
Australie - développant une offre de places dans leurs universités très
importante et très attractive. Car ils ne garantissent pas seulement la qualité
des études ; ils règlent aussi les problèmes administratifs, d'installation,
s'assurent de la qualité de l'hébergement et veillent à l'insertion sportive,
sociale des étudiants étrangers !
Le résultat est là, même dans les pays dits francophones. Les étudiants qui
choisissent de faire leurs études aux Etats-Unis ou au Canada, par exemple, ne
cessent d'augmenter. Pour prendre un exemple, il y a sans doute plus
d'étudiants ivoiriens à Atlanta, New York, Washington ou Montréal que dans les
universités françaises.
Ainsi, même s'ils parlent encore le français, nombreux seront les futurs
dirigeants dont les souvenirs d'étudiants seront orientés outre-Atlantique,
alors que la génération actuelle pense encore au temps de ses études à la
Sorbonne et au quartier Latin.
M. Allègre - il n'avait pas tort sur tout - avait pris la mesure du problème :
avec le ministre des affaires étrangères, il avait créé EduFrance pour faire
connaître l'offre française d'enseignement supérieur. Sans doute les objectifs
chiffrés avancés à l'occasion du lancement d'EduFrance étaient-ils irréalistes,
mais du moins y avait-il là l'expression d'une volonté politique forte.
Sans doute aussi, faut-il saisir l'opportunité d'accueillir des étudiants
étrangers dans nos établissements, alors que la stagnation démographique permet
de disposer des places nécessaires.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire un rapide bilan d'EduFrance ?
Allez-vous faire en sorte que les élèves étrangers des lycées français de
l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, puissent, s'ils le
souhaitent, poursuivre leurs études supérieures chez nous, alors qu'ils sont -
ô paradoxe - souvent détournés après le baccalauréat vers des établissements
nord-américains - et surtout quand ils sont bons ?
Qu'envisagez-vous pour que, de manière volontaire et coordonnée, nos grandes
écoles et universités attirent, accueillent, forment ces futures élites
étrangères qui pourront être, demain, autant d'amis de notre culture, de notre
méthode et, pour tout dire, de notre pays ?
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur un tout autre sujet : le
financement des grandes écoles d'ingénieurs de l'enseignement privé.
Sans doute connaissez-vous la fédération des écoles d'ingénieurs et de cadres.
Elle fédère vingt-cinq écoles, regroupées en sept pôles régionaux, qui
accueillent actuellement plus de 17 000 étudiants, à qui elles délivrent
quelque 3 200 diplômes par an, habilités par la commission des titres
d'ingénieurs ou visés par votre ministère. Ces écoles emploient d'ailleurs 4
000 salariés. Elles entretiennent des laboratoires de recherche et disposent de
fortes relations avec l'étranger. Actuellement, 110 000 anciens élèves sont en
activité en France.
Or, cette véritable force de formation au service de notre pays ne reçoit de
votre ministère qu'une aide très limitée, environ 6 400 Francs par an et par
étudiant en formation initiale. Cette aide, monsieur le ministre, n'est pas à
la hauteur des besoins. Sa grande faiblesse conduit à demander un effort
exagéré aux familles - en moyenne, 30 000 francs par étudiant et par an - ce
qui entraîne aussi, évidemment, une forte discrimination par l'argent.
Bien sûr, vous répondrez que ces écoles savent se procurer de la taxe
d'apprentissage mais cette dernière, d'environ 10 000 francs par étudiant et
par an, diminue du fait de son redéploiement.
Sans doute, me répondrez-vous aussi : « Contractualisation » ! Et de fait, les
établissements se sont engagés dans ce processus. Mais, à ce jour, deux
contrats seulement auraient abouti et, de toute façon, ils portent sur des
activités périphériques aux activités de base des écoles. En outre, les sommes
attendues sont de l'ordre de 1 000 francs par étudiant. A l'évidence, ce n'est
pas la solution !
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous puissiez engager avec ce très
utile et très important réseau d'écoles d'ingénieurs une véritable démarche
progressive de prise en charge partielle - toujours partielle - du coût de la
formation des étudiants, qui pourrait, par exemple, leur permettre de recevoir
20 000 francs en 2001, et de poursuivre l'effort les années suivantes, jusqu'à
atteindre, par exemple, 40 000 francs.
Dans le domaine de la formation supérieure, il ne faut pas opposer le public
au privé. Il y a complémentarité dans un effort de formation de qualité.
Je vous demande, monsieur le ministre, sur ce problème aussi de faire en sorte
que les actes soient en rapport avec les intentions et, d'avance, je vous en
remercie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
conférence des présidents d'université a lancé, à la mi-octobre, un appel
particulièrement alarmant : « Face au risque d'éclatement du système
universitaire, nous sommes inquiets de constater, dans nos relations avec
l'administration de l'éducation nationale, des difficultés à mener un pilotage
cohérent et une régulation globale. La stagnation des effectifs étudiants et le
renouvellement considérable des générations d'enseignants aggraveront les
inégalités si l'Etat ne s'engage pas dans une politique nationale forte ».
A la lecture de votre budget, monsieur le ministre, j'aimerais déceler cette
politique forte et le projet mobilisateur qu'appellent de leurs voeux les
professeurs d'université.
L'augmentation des crédits inscrits au projet de loi de finances pour les
dépenses en capital traduit la montée du plan U3M et des autres opérations
d'investissement.
Le plan U3M affiche de hautes ambitions : permettre à l'enseignement supérieur
et à la recherche de contribuer au développement économique, améliorer les
conditions de la vie étudiante et favoriser l'ouverture sur l'international.
Un quart des crédits sont consacrés à l'amélioration de la vie étudiante.
Néanmoins, l'effort paraît encore insuffisant au regard de l'état souvent
critique des structures telles que les bibliothèques universitaires, dont
l'ouverture moyenne est de cinquante-cinq heures par semaine. C'est dérisoire
si l'on se réfère aux bibliothèques des universités américaines, qui sont
ouvertes en permanence.
Le plan social étudiant, engagé à la rentrée de 1998, vise à créer les
conditions d'une meilleure reconnaissance de la place des étudiants dans la
société. L'objectif final est d'augmenter les aides directes, pour accorder un
soutien à 30 % des étudiants, et d'augmenter de 15 % le niveau moyen des
aides.
Ainsi, le budget prévoit, sur le chapitre des bourses, 647 millions de francs
supplémentaires, dont 251 millions de francs au titre des mesures applicables à
la rentrée 2001.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que les bourses de mérite, jusqu'à
présent réservées aux juristes et aux scientifiques, seront aussi accordées aux
étudiants des grandes écoles de lettres et sciences humaines. C'est une
initiative à laquelle je souscris.
On peut cependant regretter l'abandon du projet, autrefois évoqué, d'un
véritable statut spécifique aux étudiants, avec ses implications fiscales
permettant d'assurer une autonomie aux intéressés.
Par ailleurs, de nombreuses études sont venues souligner les incohérences en
matière d'attribution des aides. En créant, l'an dernier, dans le cadre du plan
social étudiant, une allocation d'études afin de répondre aux situations de
précarité vécues par un grand nombre d'étudiants et au désir d'autonomie
manifesté par d'autres, le Gouvernement a apporté une solution discutable à un
bon diagnostic.
Un rapport établi par le directeur du centre régional des oeuvres
universitaires de Créteil estime à 100 000 le nombre potentiel d'étudiants qui
vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs, plus de 70 000 étudiants
sont obligés de travailler pour financer leurs études. Ceux qui travaillent
sont pratiquement exclus de fait des filières les plus sélectives et les plus
contraignantes pour ce qui est de la charge de travail.
L'auteur du rapport se montre très critique à l'égard de l'allocation
d'études. Il estime qu'elle est mal ficelée et que son application, mal
maîtrisée, n'a fait qu'accentuer la confusion existant autour des aides à
l'étudiant.
Enfin, j'évoquerai un phénomène particulièrement inquiétant et qui tend à
prendre de l'ampleur : la désaffection croissante des étudiants pour les études
scientifiques.
Cette diminution, qui affecte d'autres pays, s'accélère, au moment où les
innovations technologiques commandent le développement d'un nombre croissant
d'activités et alors que les ingénieurs et chercheurs sont très demandés sur le
marché des nouvelles technologies.
En cinq ans, le nombre d'inscrits en première année de DEUG de sciences a
diminué de 15 %. Une des origines de cette baisse est la diminution des
bacheliers scientifiques. Cette diminution, qui arrive au moment où les besoins
sont forts, témoigne de la déficience en matière d'information sur les
débouchés des filières. A l'inverse des sciences, la psychologie attire de
nombreux bacheliers.
Face à ce phénomène, il est urgent de mettre en oeuvre un véritable plan
d'action pour mieux informer les élèves, afin de mieux les diriger. Que
comptez-vous faire à ce sujet, monsieur le ministre ?
Pour terminer et afin de permettre au dernier orateur inscrit de mon groupe
d'intervenir plus longuement, je me bornerai à ajouter que le groupe de l'Union
centriste, au vu de ces constats rapides, ne pourra pas voter ce projet de
budget.
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je serai
donc aujourd'hui le dernier orateur inscrit sur le dernier budget. La journée a
été très très longue, et je suis ravi d'en voir la fin !
(Sourires.)
Avec 56 milliards de francs de crédits demandés pour 2001, le budget de
l'enseignement supérieur, en progression de 2,73 %, représente 14,4 % du budget
de l'éducation nationale.
Toutefois ce budget recouvre moins de la moitié des dépenses publiques en
faveur de l'enseignement supérieur. En effet, les collectivités locales, et
plus particulièrement les régions, contribuent, de manière croissante, au
financement des dépenses d'investissement de l'enseignement supérieur,
notamment dans le cadre des contrats de plan Etat-région. C'est un point que je
tenais à rappeler.
Monsieur le ministre, je veux tout d'abord vous féliciter d'avoir su calmer
les passions qui dominaient beaucoup trop le monde de l'enseignement ces
dernières années, et de nous permettre ainsi de dialoguer avec une certaine
sérénité.
La lutte contre l'échec à l'Université et l'ouverture de l'Université sur
l'international retiendront particulièrement mon attention.
Lors de la présentation à la presse des grandes orientations du budget de
l'enseignement supérieur, vous avez, monsieur le ministre, annoncé un certain
nombre de mesures pour lutter contre l'échec des étudiants des premiers cycles.
En effet, actuellement, seuls 37 % de ces étudiants obtiennent leur DEUG en
deux ans, ce qui est un pourcentage beaucoup trop faible.
Par ailleurs, vous ne traitez pas de la question des 30 % à 40 % de jeunes
inscrits en premier cycle qui quittent l'université sans diplôme, et vous
n'indiquez pas ce que vous comptez faire pour prévenir cette perte de talents
potentiels, insupportable au moment où notre pays a besoin de toutes ses forces
vives.
Parmi les mesures que vous prévoyez pour aider nos étudiants à surmonter les
difficultés du début de leur carrière universitaire, je note l'officialisation
d'une fonction de directeur des études de première année, un appel à projets
pédagogiques, la possibilité offerte aux étudiants de repousser leur choix
d'orientation à la fin de leur première année d'études, la possibilité de
suivre un enseignement bidisciplinaire et l'amélioration de l'accueil. Je
souscris totalement à ces initiatives, dont je connais très bien la teneur pour
avoir longtemps enseigné dans des universités anglo-saxonnes, mais en vérité
elles avaient déjà été préconisées par les deux ministres de l'éducation
nationale qui vous ont précédé. Il faut s'assurer que ces mesures seront bien
appliquées, avec rapidité et efficacité, afin d'enrayer l'augmentation du taux
des échecs universitaires.
Il faut ajouter que l'on ne constate pas de réelle avancée sur la question
essentielle, celle des contenus des enseignements, dont beaucoup devraient être
complètement revus en les adaptant aux besoins du monde moderne. Ce point a
déjà été souligné par plusieurs de mes collègues.
Votre prédécesseur immédiat, M. Claude Allègre, avait commencé à évoquer la
question. Fidèle à votre méthode, vous vous contentez de renvoyer l'étude de
ces problèmes à des groupes de travail. Ils traiteront des sciences, marquées
par une désaffection persistante des étudiants, de l'économie, du deuxième
cycle de médecine et de la diversification des parcours en lettres et sciences
humaines. Quand connaîtrons-nous, monsieur le ministre, le résultat de leurs
travaux ?
Vous ne vous attaquez pas davantage au problème de la redéfinition du métier
des enseignants du supérieur. Comment distinguer, dans le service assuré par un
enseignant, jusque-là défini par un certain nombre d'heures de cours, les
diverses tâches qu'il effectue, qu'il s'agisse des travaux dirigés, des
recherches, des tâches administratives ?... J'aurais aimé que vous nous donniez
des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.
A cet égard, on ne peut que regretter que le volet consacré à la validation
des acquis professionnels ait été rejeté, en même temps que le projet de loi de
modernisation sociale. La validation des acquis constitue pourtant une voie
privilégiée pour encourager le retour des adultes à l'université. J'ai vu cette
formule fonctionner à l'étranger, et je sais l'importance qu'elle peut revêtir.
Elle permet de prendre en compte l'expérience professionnelle comme élément de
formation. De même, la formation continue diplômante reste très
insuffisante.
Par ailleurs, la réforme des études médicales, pourtant annoncée à grand
bruit, est à nouveau repoussée
sine die.
Cette réforme doit concerner,
d'une part, le concours d'entrée, d'autre part, le concours d'internat. L'objet
en est multiple : diminuer le phénomène de bachotage, favoriser l'établissement
de passerelles avec d'autres disciplines et revaloriser la fonction de
généraliste, qui en a bien besoin.
J'aborderai maintenant un point qui me tient beaucoup à coeur, celui de
l'orientation préalable des étudiants de premier cycle. Pour éviter les échecs
et les années de frustration que subit un si grand nombre d'entre eux, il
faudrait qu'il soit procédé à une orientation systématique, dans tous les
lycées, à partir de la seconde, afin de sensibiliser les futurs étudiants et de
les aider à choisir la direction universitaire dans laquelle ils
s'engageront.
Cette orientation devrait se faire avec le concours de spécialistes de divers
métiers qui s'adresseraient directement aux élèves pour leur décrire les
différentes carrières possibles. En collaboration avec des spécialistes de
l'enseignement, ils pourraient évaluer les motivations et le potentiel des
élèves, ce que nous ne savons pas faire en France, et, ainsi, les conseiller en
connaissance de cause. Cela se pratique sans trop de difficulté dans d'autres
pays ; pourquoi ne le ferions-nous pas en France, pour éviter de trop nombreux
échecs ? Les bureaux d'admission des universités anglo-saxonnes réalisent
couramment ce travail, avec beaucoup de succès et de transparence. Je suis sûr
qu'en consentant un effort important dans ce domaine nous faciliterions la
tâche de nos futurs étudiants et pourrions ainsi éviter une grande déperdition
de talents.
Je formulerai maintenant une suggestion qui n'engage que moi-même : je propose
que les études universitaires soient rendues payantes en France, comme elles le
sont dans de nombreuses universités étrangères. En effet, autant je défendrais
bec et ongles la gratuité de l'enseignement primaire, élémentaire et
secondaire, autant je suis persuadé que les études universitaires devraient
avoir un coût, fixé selon les revenus des parents. Les étudiants les moins
fortunés recevraient des bourses importantes leur assurant la gratuité de leurs
études et leur permettant de les poursuivre de manière satisfaisante. Il y
aurait ainsi une sorte de redistribution des fonds reçus, et quand on observe
attentivement les résultats de telles politiques dans les universités
anglo-saxonnes, on s'aperçoit que ce système est beaucoup plus démocratique que
le nôtre.
De plus, si l'on n'en arrivait pas peu à peu à prendre de telles mesures, il
deviendrait extrêmement difficile, pour notre pays, de faire face aux exigences
de l'enseignement supérieur du xxie siècle. Je vous renvoie sur ce point aux
propos de notre excellent collègue Ivan Renar, qui a parlé de l'« étranglement
» financier de l'université de Lille.
J'aborderai maintenant un autre sujet qui me paraît particulièrement
important, à savoir l'ouverture de l'université à l'international, qui demeure
encore et toujours insuffisante, surtout quand on observe ce qui se passe à cet
égard dans d'autres pays.
L'enseignement supérieur français, à la différence de ses homologues américain
et britannique, apparaît encore largement centré sur lui-même, très «
franco-français ». Or l'ouverture sur l'étranger du monde universitaire et des
étudiants est aujourd'hui indispensable dans un environnement de plus en plus
mondialisé. Notre collègue Jacques Legendre a mentionné ce fait avec beaucoup
de perspicacité, mais il faudrait y revenir, car c'est un sujet capital qui
nous intéresse tous, sans que nous sachions comment parvenir à des résultats
positifs.
Le nombre des étudiants étrangers en France baisse de façon continue depuis la
fin des années soixante-dix. Le taux d'étudiants étrangers est passé dans notre
pays sous la barre des 10 %, alors qu'il s'élevait à 14 % à cette même époque.
Pourtant, il existe une compétition énorme dans le monde pour attirer des
étudiants venus d'ailleurs. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, où je me suis rendu cet
été, près de la moitié des étudiants d'Auckland, soit 12 000 sur un total de 26
000, sont originaires d'Asie. A leur arrivée, on leur remet des brochures
rédigées en coréen, en chinois, en malais, etc.
Nous devons donc faire un effort pour accueillir les jeunes étrangers. Leur
présence contribue évidemment au rayonnement de l'université française, en même
temps qu'elle est, plus prosaïquement, source de revenus. Ces étudiants sont
d'ailleurs surpris de constater que leurs camarades français ne paient pas pour
étudier. A cet égard, j'ai souvent remarqué que si vous affirmez à un étranger
que les études en France sont gratuites, il en déduit immédiatement qu'elles ne
valent rien ! Tel est l'état d'esprit dominant dans le monde des étudiants
étrangers !
Au-delà de vos déclarations d'intention, messieurs les ministres, force est de
constater que les réalisations sont encore très timides et que les orientations
sont marquées par beaucoup d'incertitudes.
Je sais que, dans l'optique de la mise en oeuvre du plan U3M, vous avez
annoncé que 15 % des logements pour étudiants seraient réservés aux étrangers.
On a également confié à M. Elie Cohen une mission, dont l'objet est d'améliorer
l'accueil des étudiants étrangers et d'amplifier la portée des actions
internationales des universités.
Cela étant, on en reste encore aux déclarations d'intention, alors que les
enjeux sont pourtant de taille. Notre pays perd du terrain, depuis plusieurs
années, sur le marché de l'accueil des étudiants étrangers, les Etats-Unis
recevant à eux seuls 34 % de ces étudiants, pour un bénéfice évalué à 7,5
milliards de dollars, tandis que le marché mondial est estimé à 130 milliards
de francs.
M. Jacques Attali a remis, en mai 1999, un rapport portant sur un modèle
européen en matière d'enseignement supérieur. La conférence de Bologne, qui
s'est tenue en juin 1999, a permis de définir les grandes lignes de cette
politique. Certes, en mai 1999, un nouveau grade a été créé, le mastère, dans
l'optique du rapprochement et de l'harmonisation des formations en Europe, mais
il ne s'agit que d'une mesure assez limitée.
Au-delà de l'harmonisation des cursus, de nombreux progrès restent à faire en
matière de mobilité des étudiants et des enseignants. Le projet de budget pour
2001 ne prévoit pas de moyens pour mettre en oeuvre ces réformes. La mobilité
des étudiants français est très faible, cela a déjà été signalé. En 1999, de 3
% à 4 % d'entre eux seulement s'étaient rendus à l'étranger, soit 16 000
étudiants au titre du programme d'échanges Erasmus et 1 500 au titre du
programme Leonardo. Là encore, messieurs les ministres, j'aurais voulu que vous
indiquiez où nous en étions, s'agissant aussi bien des étudiants que des
enseignants. Des statistiques précises seraient bien utiles : que comptez-vous
faire à ce sujet ?
Par ailleurs, j'espère que le Gouvernement soutiendra le projet d'enseignement
supérieur européen en ligne, évoqué par notre excellent rapporteur pour avis,
M. Jacques Valade, qui prévoit d'instituer une sorte de mobilité virtuelle et
qui doit être confirmé lors du prochain sommet européen.
La très faible efficacité des initiatives engagées pour ouvrir nos universités
sur l'extérieur s'explique en grande partie par la modestie des moyens
attribués à l'agence EduFrance. Je rencontre très souvent, lors de mes
déplacements à l'étranger, les responsables de celle-ci. J'ai de l'estime pour
eux, ils font un excellent travail, mais ils ne disposent pas des moyens
nécessaires pour accomplir l'oeuvre qu'ils voudraient réaliser. L'agence
Edufrance a évidemment joué un rôle important dans l'accueil des étudiants
étrangers ayant séjourné en France l'année dernière, ainsi que dans la
promotion des universités d'été. J'aurais aimé, messieurs les ministres, que
vous nous indiquiez les résultats obtenus par EduFrance, comme l'a demandé
notre collègue Jacques Legendre, en nous précisant les budgets et les moyens en
personnels dont elle a disposé depuis sa création.
Pour conclure, votre projet de budget, messieurs les ministres, manque de
souffle et de perspectives. Notre système universitaire n'offre pas
suffisamment de formations de qualité et la transparence de sa gestion est
insuffisante. Il ne supporte malheureusement pas toujours la comparaison avec
les universités étrangères et ne permet pas une ouverture suffisante sur
l'extérieur, qu'il s'agisse de l'accueil des étudiants étrangers ou de la
mobilité internationale de nos étudiants.
En outre, ce projet de budget ne permet pas d'assurer la réussite de la
démocratisation de notre université. Malgré des progrès, qu'il faut
reconnaître, je n'y trouve pas la marque des réformes indispensables, et je ne
pourrai donc pas le voter.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, nous sommes convenus avec M. Mélenchon de conclure ce
débat par une brève intervention de ma part. L'heure nous invite d'ailleurs à
la sagesse, d'autant que les différents orateurs se sont exprimés sur un ton
qui parfois a tranché avec celui de la discussion précédente et que nous avons
pu constater qu'ils faisaient preuve de compétence, de connaissance des
problèmes et de clarté. Sur toute une série de remarques, nous pouvons
d'ailleurs nous retrouver, même si certains d'entre eux en tirent des
conclusions différentes des nôtres.
Les rapporteurs, MM. Lachenaud et Valade, ont exprimé une volonté, une
ambition. Elles rejoignent les nôtres, même si je ne suis pas d'accord avec un
certain nombre de leurs observations sur quelques points techniques.
Je pense ici en particulier à ce que disait M. Lachenaud, par exemple, à
propos des crédits de maintenance. Certes, leur augmentation reste encore
insuffisante, mais nous nous trouvons désormais dans une situation - je vous le
dis, monsieur Lachenaud, sans esprit de polémique - très différente de celle
qui prévalait dans les années 1987, 1988 et suivantes. Depuis 1998, ces crédits
de maintenance n'ont cessé de s'accroître d'au moins 100 millions de francs par
an, et je m'efforcerai d'obtenir que cette progression soit maintenue pour les
prochains budgets.
M. Ferrand, pour sa part, a développé un point de vue que je fais mien quant à
la dimension internationale de notre action. Je reprends volontiers les
conceptions qu'il a énoncées, visant notamment à une meilleure synergie entre
notre action publique nationale et internationale et les entreprises françaises
qui travaillent hors de nos frontières. Certaines des idées avancées par M.
Ferrand méritent en effet, à mon sens, d'être approfondies, et je lui propose
de rencontrer ceux de mes collaborateurs qui suivent de près ces questions.
M. André Ferrand.
Merci !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
M. Laffitte a évoqué des sujets à
propos desquels je suis en plein accord avec lui. J'apporterai simplement une
petite nuance : comme je le lui ai dit, les certifications et les habilitations
sont aujourd'hui accordées avec beaucoup plus de célérité que naguère. Ainsi,
la rapidité qui a présidé notamment à la création des licences
professionnelles, question dont s'occupe activement M. Mélenchon, témoigne
d'une accélération très heureuse des choses.
M. Renar a évoqué, à titre d'illustration, l'université de Lille. Je lui
répondrai dans le détail par écrit, s'il le veut bien. Mais je le rassure : la
répartition des crédits se fait dans un esprit d'équité. Il va de soi que,
comme toutes les grandes villes universitaires, Lille doit être traitée avec un
égard particulier.
Que dire à M. Lagauche, sinon le remercier de me permettre d'être bref
puisqu'il a présenté avec beaucoup d'éloquence et de talent les originalités de
ce budget de l'enseignement supérieur ?
Monsieur Legendre a, tout comme M. Ferrand, insisté sur la dimension
internationale. Je veux lui répondre, ainsi qu'à M. Maman, que nous prenons
cette question à bras-le-corps.
Avec M. Védrine, j'ai ainsi confié une mission à M. Elie Cohen, ancien
président de l'université Paris-Dauphine pour tenter de mieux comprendre - il
ne suffit pas en effet de dire : « il faut » - les difficultés et les
obstacles, tant administratifs et techniques que philosophiques et culturels,
qui expliquent que nos universités soient parfois moins attractives, malgré
leur compétence, que les universités d'autres pays.
Il n'est cependant pas question en confiant une telle mission à M. Elie Cohen
de renoncer à prendre des décisions et à agir. D'ailleurs, de manière générale,
je dirai à M. Maman que, sur tous les sujets qu'il a évoqués, nous avançons.
Libre à lui de penser que réfléchir n'est pas avancer mais, pour ma part, je
n'ai pas l'habitude de décider entre deux portes ! Je ne suis au Gouvernement
que depuis sept ou huit mois. La réflexion sur le métier d'enseignant ne peut
pas se conclure en un seul mois, ou même en quelques mois. Tellement de
changements vont intervenir au cours des prochaines années que ce sujet mérite
d'être traité sérieusement !
Quant à la clarification de la mise en oeuvre du plan U 3 M, évoqué par M.
Valade et, pour le logement, par M. Maman, c'est aussi un dossier qui avance.
S'il est besoin d'infléchir sa mise en oeuvre - j'ai déjà entrepris cette
démarche pour le logement étudiant - nous le ferons.
S'agissant du renforcement de l'autonomie des universités, c'est un des thèmes
sur lesquels les présidents d'universités sont invités à réfléchir au cours de
l'année qui va s'ouvrir.
Je suis prêt à tous les changements, je vous le dis très franchement, à
condition que ce soit une autonomie pleinement assumée avec tout ce que cela
comporte de responsabilité de la part des uns et de la part des autres. On ne
peut pas concevoir un système où l'Etat ne serait là que pour distribuer les
postes et les crédits - car, quand cela va mal, on sait frapper à la porte du
ministère - si, dans le même temps, les présidents d'université ne font pas
preuve d'un véritable esprit de responsabilité. Cela étant, je suis prêt à
étudier toutes solutions nouvelles dans lesquelles chacun assumerait pleinement
sa tâche.
S'agissant du plan social étudiant, chacun a reconnu qu'il avançait, qu'il
progressait ; des améliorations sont à apporter. Certaines des remarques
formulées par MM. Lagauche et Renar méritent d'être retenues.
En ce qui concerne la rénovation des DEUG scientifiques, vous savez que nous
travaillons sur ce sujet. J'ai confié au président de l'Académie des sciences,
M. Haurisson, une mission de réflexion, plus générale d'ailleurs, sur la crise
de l'enseignement des sciences non seulement en France mais dans le monde
entier. Il faut en étudier les causes pour trouver, je l'espère, les
remèdes.
La mobilité des étudiants est un sujet qui a été évoqué par MM. Valade, Renar,
Maman et Lagauche. Comme vous le savez, dans quelques heures, j'espère, à Nice,
notre plan d'action pour la mobilité sera adopté par la conférence des chefs
d'Etat et de gouvernement. Mais cette adoption créera des obligations
politiques avec lesquelles nous devrons nous mettre en conformité par des
actions concrètes que chacun des pays de l'Union devra entreprendre pour son
compte.
Je ne reviens pas sur l'action éducative internationale de la France : la
synergie avec le ministère des affaires étrangères va de soi. J'imagine qu'il
ne s'agit pas d'une synergie qui consisterait simplement à demander au
ministère de l'enseignement supérieur de participer au financement d'actions
extérieures, mais d'une synergie positive, constructive et dynamique.
Dans ce cas, j'en prends note, et j'espère que vous plaiderez dans ce sens
auprès des uns et des autres.
S'agissant du premier cycle, il faut ramener les choses à leurs justes
mesures. Lorsqu'on constate que plus de 70 % des étudiants réussissent leur
DEUG, on peut considérer que c'est un résultat qui n'est pas négligeable. Mais
je souhaite ne pas en rester là et nous réfléchissons à toute une série de
mesures concrètes pour mieux accueillir les étudiants de première année et pour
permettre une réorientation à la fin de la première.
Je me garderai de toute polémique sur la semestrialisation telle qu'elle a été
engagée voilà quelques années et sur le quasi-échec - car c'est bien d'un
quasi-échec qu'il s'agit - de l'orientation après le premier semestre. J'espère
que la réforme que nous allons mettre en place à la rentrée prochaine sera plus
fructueuse que celle qui a été engagée voilà quelques années, et j'entends bien
m'y attacher avec beaucoup d'attention et de volonté.
Par ailleurs, nous souhaitons mieux suivre les étudiants qui quittent
l'université après le DEUG pour se diriger vers d'autres orientations ou vers
d'autres formes d'insertions.
Je ne m'étendrai pas longuement, ce soir, sur les études médicales : nous
avons repris depuis quelques semaines le dossier de la réforme du premier cycle
; nous nous donnons jusqu'au mois de juin prochain - cela réclame des
consultations, des concertations nombreuses - pour aboutir à une conclusion.
Mais c'est un dossier qui, je crois, est reparti sur de bonnes bases.
J'en arrive aux bibliothèques universitaires, question qui a été soulevée par
MM. Vallade et Lorrain. Nous venons de très loin. Pendant très longtemps, ce
fut un secteur abandonné, négligé, sacrifié. Il faut le dire, ce dossier a été
pris en mains par M. Lionel Jospin, ministre de l'éducation nationale, en 1988,
puis poursuivi, ralenti, et repris par M. Allègre. J'ai souhaité moi-même y
apporter un infléchissement particulier, à la fois sous la forme
d'investissements et sous la forme de créations de postes mais aussi dans le
cadre d'une politique d'ouverture des bibliothèques universitaires au-delà de
dix-huit heures et, dans certains lieux, le samedi toute la journée. C'est un
progrès notable qu'il faut poursuivre.
Vous avez évoqué tout à l'heure la répartition des crédits entre
l'Ile-de-France et les autres villes universitaires. Pour les raisons que vous
connaissez, sur lesquelles je ne veux pas insister à cette heure de la nuit,
Paris est très en retard. On ne peut dire que les bibliothèques universitaires
de Paris soient les plus accueillantes, les plus hospitalières, les plus
facilement ouvertes. On comprendra bien que l'Etat sur ce point ait été obligé
de donner un petit coup de pouce - avec succès - pour que la ville de Paris se
réveille - elle s'est enfin réveillée - et apporte sa contribution aux
investissements universitaires, notamment aux bibliothèques.
En ce qui concerne les écoles privées d'ingénieurs, monsieur Legendre, nous
avons engagé tout un système de contractualisation. Deux écoles d'ingénieurs
ont participé et notre porte est ouverte. Un effort est engagé dans l'actuel
budget.
Voilà quelques-uns des points sur lesquels je souhaitais vous apporter des
informations complémentaires. Pour le reste, nous serons en mesure de vous
apporter, au fil des mois, les précisions dont vous pourriez avoir besoin.
Je remercie en tout cas les sénateurs qui ont bien voulu rester si tard et
surtout qui ont bien voulu apporter leur contribution, même critique, mais
toujours positive.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'éducation nationale : II. - Enseignement supérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 3 563 590 118 francs. »