SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° II-74, MM. Adnot, Seillier, Donnay, Darniche,
Durand-Chastel, Foy et Turk proposent d'insérer après l'article 47, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 302
bis
MA du code général des impôts, il est inséré
un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art.
... - A compter du 1er janvier 2002, toute personne qui
distribue pour son propre compte ou fait distribuer dans les boîtes aux lettres
ou sur la voie publique des documents publicitaires est tenue de contribuer
financièrement à l'élimination des déchets ainsi produits, conformément aux
dispositions de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée relative à
l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux.
« Sont exonérés de cette contribution :
« - l'Etat et les collectivités territoriales ;
« - les associations sans but lucratif ;
« - les syndicats représentant les partenaires sociaux et les partis
politiques.
« La contribution sera collectée, gérée et redistribuée par les sociétés
agréées pour la valorisation des emballages ménagers.
« Un décret conjoint du ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement et du ministre de l'industrie déterminera le montant,
l'évolution et les modalités de la contribution.
« Ce décret fixera les modalités de participation financières des producteurs,
introducteurs sur le marché national et distributeurs de prospectus et de
papiers publicitaires, ainsi que les conditions dans lesquelles ces
contributions seront reversées aux collectivités locales ayant la
responsabilité de la mise en oeuvre de l'élimination de ces déchets. »
Par amendement n° II-99, MM. Braye, Vasselle, Mme Brisepierre, MM. Deriot,
Donnay, Doublet, Dupont, Eckenspieller, Flandre, Gérard, Gerbaud, Giraud,
Girod, Gouteyron, Gruillot, Legendre, Lepeltier, Ostermann, Oudin, Pelchat,
Richert, de Rocca Serra, Seillier, Valade, Vial proposent d'insérer, après
l'article 48, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 302
bis
MA du code général des impôts, il est inséré
un article ainsi rédigé :
«
Art.
... - A compter du 1er janvier 2001, toute personne, physique ou
morale, qui distribue pour son propre compte ou fait distribuer dans les boîtes
à lettres ou sur la voie publique des documents publicitaires, est tenue de
contribuer financièrement à l'élimination des déchets ainsi produits,
conformément aux dispositions de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée
relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux. Cette
contribution est fixée à 75 centimes par kilo.
« Sont exonérés de cette contribution :
« - l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics ;
« - les associations à but non lucratif ;
« - les oeuvres ou organismes d'intérêt général ayant un caractère
philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif,
familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique,
à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la
langue et des connaissances scientifiques françaises ;
« - les syndicats et les partis politiques ;
« - les candidats aux élections européennes, nationales, locales, prud'homales
et professionnelles pendant la durée de la campagne électorale.
« La contribution sera collectée, gérée et redistribuée aux collectivités
locales ayant la responsabilité de l'élimination de ces déchets par des
sociétés agréées pour la valorisation des déchets ménagers. Le statut et les
compétences de ces organismes agréés seront fixés par décret. »
La parole est à M. Durand-Chastel, pour présenter l'amendement n° II-74.
M. Hubert Durand-Chastel.
De nombreux documents publicitaires sont distribués dans les boîtes aux
lettres et sur la voie publique. Ces documents deviennent de véritables déchets
ménagers, dont la collecte, la valorisation et l'élimination sont à la charge
des collectivités locales, donc financées par les contribuables locaux soumis à
la taxe ou à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.
Le coût de la collecte et du tri de ces déchets est, en moyenne, de 700 francs
par tonne et devrait être assumé par les pollueurs, c'est-à-dire non par la
collectivité publique, mais par les commanditaires de la distribution des
prospectus.
M. le président.
La parole est à M. Braye, pour défendre l'amendement n° II-99.
M. Dominique Braye.
Cet amendement vise, comme le précédent, à apporter une solution juste et
équitable à un problème auquel sont confrontés tous nos concitoyens, mais aussi
tous les élus locaux : je veux parler du courrier non adressé.
Lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de
finances pour 2001, notre collègue Alain Vasselle avait, à l'occasion d'un
amendement, abordé ce sujet qu'il connaît bien puisqu'il est l'auteur d'une
proposition de loi
ad hoc.
M. le rapporteur général lui avait alors demandé de redéposer son amendement
lors de l'examen des articles non rattachés de la seconde partie du projet de
loi de finances, ce que, pour ma part, j'avais prévu de faire dès l'origine.
Nos préoccupations, comme celles de la grande majorité des membres du groupe
d'études du Sénat sur la gestion des déchets que j'ai l'honneur de présider, se
rejoignent.
En effet, cette question de l'élimination des documents publicitaires et du
coût qu'elle induit pour nos collectivités locales est une cause de souci
récurrent et croissant pour tous les élus locaux. Il devient urgent d'y
remédier sans renvoyer, encore une fois, à plus tard la solution de ce
problème.
Mes chers collègues, vous le savez, de nombreux documents publicitaires,
représentant une masse en augmentation constante, sont quotidiennement
distribués dans les boîtes aux lettres et sur la voie publique. Leur invasion,
de plus en plus manifeste, suscite une exaspération croissante chez nos
concitoyens, notamment en milieu urbain, où leur poids est de l'ordre de
cinquante kilogrammes par ménage et par an.
Ces documents, le plus souvent jetés sans même avoir été consultés, deviennent
immédiatement des déchets ménagers. Leur collecte et leur élimination sont à la
charge des collectivités locales, donc des contribuables locaux. Et cette
charge est chaque année plus importante.
Il nous semblerait plus juste que, comme c'est le cas pour les emballages
ménagers depuis 1992, ce coût soit supporté non par les collectivités locales,
mais par ceux qui produisent et distribuent, ou font distribuer, ces documents
publicitaires, en application du principe « pollueur-payeur ».
Cependant, à la différence des auteurs de certains amendements présentés à
l'Assemblée nationale, nous ne voulons pas instituer une taxe dont le produit
rentrerait dans le budget de l'Etat : nous souhaitons la mise en place d'une
contribution dont le produit serait directement affecté aux collectivités
locales, soit par le biais des organismes agréés de valorisation des déchets
déjà existants, tels Adelphe ou Eco-Emballages, soit par celui de sociétés
spécifiquement créées pour ce type de déchets.
Seraient exclus de l'assiette de cette contribution, un certain nombre
d'organismes, associations, et fondations dont l'activité n'est pas de nature
purement commerciale.
Pour toutes les entreprises et les associations dont l'activité les rapproche
d'entreprises commerciales, sachant que l'estimation du coût de la collecte, du
tri et du recyclage de ces documents publicitaires varie de 700 à 1 000 francs
la tonne, nous proposons que le taux de cette contribution soit fixé, de façon
raisonnable, à 75 centimes par kilo et qu'elle soit payée par les producteurs
de ces imprimés.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai été très attentif aux nombreux débats qui
ont eu lieu à l'Assemblée nationale sur ce sujet, et notamment aux déclarations
que vous y avez faites lors de l'examen du projet de loi de finances
rectificative pour 2000.
Faisant écho aux conclusions du groupe de travail constitué sous l'égide du
ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, vous avez
confirmé, le 7 décembre dernier, la mise en place prochaine - apparemment au
premier semestre de 2001 - d'un dispositif instituant une filière
interprofessionnelle de retraitement et de valorisation de ce type de déchets,
filière sur laquelle nous ne disposons à ce jour d'aucune information précise
et dont les modalités d'intervention restent à définir, notamment en ce qui
concerne le taux exact de la contribution financière qui sera demandée aux
professionnels.
Je souhaiterais que, au-delà de cet engagement de principe, qui demeure flou,
nous puissions revenir sur deux points.
Tout d'abord, le groupe de travail préconise le marquage des boîtes aux
lettres de ceux qui ne souhaitent pas être destinataires de documents
publicitaires. Cette idée peut paraître bonne, mais elle relève à mon sens du
voeu pieux : nous savons bien que, dans la réalité, cela n'empêchera aucunement
la distribution massive et aveugle des documents publicitaires dans toutes les
boîtes aux lettres.
Par ailleurs, ce n'est pas parce que le coût des documents publicitaires
augmentera légèrement que leur quantité va diminuer ! Ne nous faisons pas
d'illusions !
La diffusion massive de documents publicitaires répond à un impératif
commercial majeur, notamment pour la grande distribution, et ce n'est pas parce
que cette diffusion sera quelque peu renchérie par la contribution que nous
proposons qu'elle diminuera. En revanche, si les producteurs de ces documents
contribuent financièrement à leur élimination, l'allégement de la charge que
cela représente pour les collectivités locales sera, lui, bien réel et
appréciable.
Le deuxième point que je souhaite rapidement aborder, madame le secrétaire
d'Etat, concerne votre affirmation selon laquelle « si les professionnels ne se
tenaient pas au calendrier annoncé, le Gouvernement et le Parlement seraient
contraints de remettre à l'examen la création d'une taxe ».
Si je vous ai bien comprise, en cas d'échec des négociations avec les
professionnels concernés, voire d'absence d'accord entre eux, vous prôneriez
l'abandon de l'idée même de contribution au profit du recours à la création
d'une nouvelle taxe.
Je vous répète donc que nous souhaitons non pas la création d'une nouvelle
taxe mais l'instauration d'une contribution à l'élimination et à la
valorisation des déchets, dont le produit serait redistribué aux collectivités
locales.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-74 et II-99 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission salue la constance de nos collègues
Philippe Adnot et Hubert Durand-Chastel, d'une part, Dominique Braye et Alain
Vasselle, d'autre part, qui souhaitent qu'une solution soit apportée par les
milieux professionnels à la question lancinante, notamment pour les élus
locaux, mais aussi pour un très grand nombre d'usagers, du courrier non adressé
et des prospectus publicitaires.
Cet objectif, la commission des finances y souscrit, et nous avons déjà eu,
madame le secrétaire d'Etat, un échange à ce propos lors de la discussion de la
première partie de la loi de finances.
Ces amendements tendent à instituer un dispositif de financement proche de
celui qui existe depuis 1992 dans le domaine des emballages industriels. Il
convient de rappeler que c'est à la suite d'un accord de la filière que les
producteurs d'emballage, membres de cette filière, s'acquittent depuis 1992
d'une contribution volontaire auprès de deux sociétés agréées, Eco-Emballages
et Adelphe, lesquelles reversent ensuite aux collectivités territoriales le
produit ainsi collecté.
L'ensemble du Sénat serait sans doute largement favorable à l'inscription d'un
tel dispositif de financement de l'élimination des prospectus publicitaires et
des courriers non adressés.
A la suite des amendements qui ont été présentés ici même il y a quelques
jours, en première partie, les professionnels, d'après les informations qui
m'ont été fournies, ont accepté la mise en place d'un tel accord.
Parallèlement, madame le secrétaire d'Etat, vous vous êtes engagée devant
l'Assemblée nationale à faire en sorte que le décret précisant ce dispositif
soit publié au cours du premier semestre 2001. Pourriez-vous nous en dire un
peu plus et, en tout cas, confirmer devant le Sénat l'engagement dont vous avez
fait état au Palais-Bourbon et à la concrétisation duquel nous serons, bien
sûr, très attentifs ?
En tout cas, je crois que les auteurs de ces amendements ont vraiment fait
oeuvre utile : leur appel a été entendu et, apparemment, il va porter ses
fruits. Lorsque le Gouvernement nous aura apporté les explications que nous
sommes en droit d'attendre, je pense qu'ils pourront retirer ces amendements,
qui avaient essentiellement pour objet d'interroger le Gouvernement et de lui
montrer notre préférence pour un dispositif de contribution volontaire par
rapport à un dispositif d'impôt de toute nature, c'est-à-dire de taxation.
La contribution volontaire découle d'une négociation entre les professionnels,
qui en définissent notamment l'assiette et le taux, à charge pour le
Gouvernement d'entériner ensuite par décret les résultats de ladite
négociation. C'est exactement le processus qui s'est déroulé en 1992 pour les
emballages industriels.
Il apparaît donc qu'une disposition de nature législative ne serait pas
appropriée et que la négociation entre professionnels suivie d'un décret serait
la bonne méthode.
Quoi qu'il en soit, madame le secrétaire d'Etat, il est urgent de résoudre ce
problème, car nos boîtes aux lettres débordent !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Lors de l'examen de la première partie du projet de
loi de finances, le Gouvernement avait indiqué qu'il était plutôt opposé à la
création d'une nouvelle taxe même si, tels que sont formulés les amendements
n°s II-74 et II-99, il s'agit non pas d'une taxe mais d'une contribution.
Si le Gouvernement est plutôt opposé à la création d'une nouvelle taxe, il
n'en est pas moins fermement résolu à trouver une solution au problème de la
distribution des imprimés publicitaires, d'une part, et à celui du financement
des coûts de recyclage et d'élimination des déchets ainsi produits, d'autre
part.
Le Gouvernement a donc souhaité que le groupe de travail constitué sous
l'égide du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, et
qui associe l'ensemble des partenaires intéressés - annonceurs, distributeurs,
représentants des filières de récupération et consommateurs - accélèrent ses
travaux afin que nous puissions revenir sur ce sujet lors de la discussion du
collectif budgétaire. Cela a été fait voilà quelques jours à l'Assemblée
nationale, ce dont je me félicite à nouveau, monsieur le rapporteur général.
Comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale, les professionnels ont
solennellement fait part au Gouvernement de leur accord sur deux points tout à
fait essentiels.
Tout d'abord, les consommateurs qui ne désirent pas voir leur boîte aux
lettres « déborder », pour reprendre l'expression de M. le rapporteur général,
auront la possibilité d'inscrire leur nom sur une liste afin que les imprimés
en question n'y soient pas glissés.
Cette mesure peut paraître modeste, mais il ne s'agit pas pour autant d'un
voeu pieu, monsieur Braye : elle permettra de réduire effectivement le volume
des papiers ainsi distribués.
Ensuite, et surtout, les professionnels ont marqué leur accord pour mettre en
place une filière interprofessionnelle de retraitement et de valorisation des
volumes de papiers en question. Les coûts de recyclage et d'élimination seront
donc financés par une contribution des professionnels.
Ces engagements clairs vont dans le sens souhaité aussi bien par le
Gouvernement que par les parlementaires des deux assemblées et de divers
groupes. Ils sont en outre assortis d'un calendrier précis de mise en
oeuvre.
Ainsi, les principaux éléments du dispositf, c'est-à-dire la définition de
l'assiette, le barème de la contribution, le choix de la filière de
valorisation, de même que les modalités de reversement aux collectivités
locales, seront définis en concertation avec les professionnels au cours du
premier semestre de 2001, et le Gouvernement prendra, sur ces bases, un décret
qui insérera ce nouveau dispositif dans notre appareil réglementaire.
Dès lors, il me semble que la mesure qui a été proposée tant au Sénat qu'à
l'Assemblée nationale devient sans objet. C'est pourquoi je demande aux auteurs
de ces deux amendements de bien vouloir les retirer, tout en les remerciant de
l'initiative qu'ils ont prise.
M. le président.
Monsieur Durand-Chastel, maintenez-vous l'amendement n° II-74 ?
M. Hubert Durand-Chastel.
Compte tenu de la recommandation de M. le rapporteur général et des
engagements pris par Mme le secrétaire d'Etat, je le retire, monsieur le
président.
M. le président.
L'amendement n° II-74 est retiré.
Monsieur Braye, maintenez-vous l'amendement n° II-99 ?
M. Dominique Braye.
L'important étant le résultat, je suis heureux que l'on s'intéresse enfin à ce
problème et que l'on avance vers une solution. Je retire donc cet
amendement.
Cela étant, monsieur le président, je tiens à présenter mes excuses à mon
collègue Gérard Miquel, dont les compétences dans le domaine de la gestion des
déchets sont reconnues. En effet, c'est en tant que président du groupe
d'études sur les déchets que j'avais présenté cet amendement et il m'avait
donné son accord pour le cosigner. Or je viens de m'apercevoir que son nom ne
figurait pas sur la liste des cosignataires. Je me devais donc d'apporter cette
précision et je lui renouvelle mes excuses.
M. le président.
L'amendement n° II-99 est retiré, et il vous est donné acte, monsieur Braye,
de votre déclaration.
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