SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° II-103, MM. Marquès, Herment, Lesbros et les membres du
groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 47, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 2002, les sommes perçues en réparation des
préjudices visés aux articles 9 et 11 de la loi n° 82-1021 du 3 décembre 1982
modifiée ne sont pas comprises dans le total des revenus servant de base à
l'impôt sur le revenu.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Un tel amendement a déjà été examiné en 1998 par le Sénat lors de l'examen
d'un projet de loi portant diverses propositions d'ordre économique et
financier. Il a été déposé sur l'initiative de mon collègue et ami M. Marquès,
sénateur des Pyrénées Orientales, ancien combattant de la Ire Armée
française.
Les fonctionnaires et agents de l'Etat rapatriés et anciens combattants de la
Seconde Guerre mondiale ont obtenu la réparation des préjudices de carrière
subis pendant la guerre.
Les sommes versées, et qui couvraient le préjudice subi à partir du fait
générateur - 1942 ou 1943 - ont été considérées par l'administration comme des
rappels de traitements et, comme tels, déclarés aux services fiscaux. Cette
déclaration a pénalisé les intéressés - je pense aux veuves ayant élevé trois
enfants actuellement majeurs et qui seront imposées pour une part - alors qu'il
s'agissait d'une indemnité forfaitaire non revalorisée ne correspondant à aucun
travail effectué, puisque payée à des fonctionnaires retraités.
Le présent amendement vise donc à exonérer ces sommes de l'impôt sur le
revenu. ll s'agit d'une mesure d'équité concernant des compatriotes qui non
seulement ont servi l'Etat pendant leur carrière professionnelle, mais
également ont contribué à la libération du sol national.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comme l'indique notre collègue Jacques Machet,
certains fonctionnaires de l'Etat ont subi des préjudices de carrière pendant
la Seconde Guerre mondiale, nous le savons bien. Clandestins, internés,
déportés, ils n'ont pas eu, de ce fait, la carrière de leurs collègues restés
au sein d'une administration devenue celle du régime de Vichy. D'autres n'ont
pu intégrer la fonction publique en raison de leur mobilisation.
Une ordonnance de 1945 a réparé ce préjudice, sauf pour les fonctionnaires
affectés en Afrique du Nord. C'est un vide juridique tout à fait étrange. Pour
ces derniers, il a fallu attendre une loi de 1982, révisée en 1987, pour que
soient créées des commissions de reclassement, lesquelles ont examiné jusqu'ici
environ six cents dossiers, mais il en demeure deux cents ou troix cents qui,
nous dit-on, sont en souffrance.
Le présent amendement a pour objet de défiscaliser complètement les sommes
perçues par ces agents, et qui ont été calculées sur des bases de traitement
non revalorisées. Il est étrange que, s'agissant d'une mesure de reclassement
qui traduit la dette de l'Etat à l'égard de personnes qui l'ont bien servi, les
sommes puissent être considérées comme des rappels de règlement et, de ce fait,
soumise à l'impôt sur le revenu. Cette disposition semble incohérente, voire
assez monstrueuse.
Ce contentieux est ancien mais, sur le principe, il semble bien qu'il ne
puisse donner lieu à un désaccord. Nos collègues souhaitent vous alerter
particulèrement sur cette question, madame la secrétaire d'Etat, car la lenteur
avec laquelle ces quelques centaines de dossiers ont été traités est tout à
fait injustifiable. Une compensation, très partielle, de tels retards
consisterait, comme le propose Jacques Machet, à défiscaliser les indemnités
qui seraient allouées dans ce cadre. Ce ne serait qu'une mesure de justice très
tardive et, je le répète, très partielle. En effet, il faut songer à ceux qui
n'ont pas pu obtenir satisfaction compte tenu du rythme très lent de traitement
des dossiers par ces commissions et aussi, il faut en convenir, du législateur,
car ils ont disparu avant que le Parlement et l'administration ne se soient
occupés d'eux.
Madame le secrétaire d'Etat, la commission souhaite vous entendre sur ce point
; mais elle tient à dire dès à présent qu'elle est favorable à l'adoption d'un
amendement dont le coût semble aujourd'hui, hélas ! assez modique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Les rappels de traitement dont il s'agit, qui ont été
versés en application d'une loi de 1982, modifiée en 1987, ont pour objet de
réparer un préjudice exclusivement financier. Ces sommes sont donc par nature
imposables au titre de l'article 12 du code général des impôts, ce qu'a
confirmé d'ailleurs la jurisprudence.
Cela étant, il s'agit de revenus dont la perception a été différée non pas du
fait des intéressés, mais pour des raisons indépendantes de leur volonté. Aussi
les intéressés peuvent-ils bénéficier du régime du quotient prévu à l'article
163-0 A du code général des impôts, qui permet d'atténuer la progressivité de
l'impôt sur le revenu. Bien entendu, ils peuvent demander le bénéfice de ces
dispositions au moment du dépôt de la déclaration, mais également par voie de
réclamation dès lors que celle-ci est adressée dans le délai légal à leur
centre des impôts.
Il n'est pas possible d'envisager l'exonération de ces sommes, mais toutes les
dispositions nécessaires sont prises pour que les contribuables concernés
puissent acquitter leur dette fiscale dans les conditions les plus adaptées à
leur situation. S'ils éprouvent, en effet, en raison d'une situation financière
ou sociale particulière, des difficultés pour s'en acquitter, ils pourront
obtenir des délais de paiement auprès du comptable du Trésor chargé du
recouvrement. Dans les cas les plus douloureux, ils ont la possibilité de
déposer un recours gracieux auprès du centre des impôts de leur domicile.
En tout cas, sachez que leur situation sera examinée avec bienveillance et que
des instructions en ce sens ont été données aux services concernés.
Pour ces raisons, je souhaiterais que l'amendement soit retiré.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il serait utile que Mme le secrétaire d'Etat nous
précisât à combien elle évalue les impositions dont il s'agit. Ces exonérations
poseront-elles vraiment un problème dramatique pour les finances publiques ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je n'ai pas d'idée précise du coût de cette mesure. Je
fais droit à l'affirmation de M. le rapporteur général selon laquelle elle ne
devrait pas avoir un impact budgétaire important.
Mais il s'agit moins d'une question d'ordre budgétaire que d'une question de
principe. En effet, il existe nécessairement des cas tout aussi dignes
d'intérêt qui pourraient, dès lors, justifier le même traitement. Or nous ne
souhaitons pas entrer dans une mécanique consistant à accorder des exonérations
d'impôt sur le revenu pour des motifs qui seraient tout aussi honorables que
celui qui est invoqué par l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-103, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 47.
Article 48