SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° II-84 rectifié
bis,
MM. Lassourd, Besse, Braun,
Cazalet, Chaumont, Joyandet, Trégouët, Murat, Ginésy, Lanier, Mme Olin et les
membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer,
après l'article 48
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 2333-76 du code général des
collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les années précédant la mise en place de la redevance par ce syndicat
mixte, celle-ci peut être instituée et perçue par les établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre. »
« II. - L'article 1609
nonies
A
ter
du code général des impôts
est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les années précédant la mise en place de la taxe par ce syndicat mixte,
celle-ci peut-être instituée et perçue par les établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre. »
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet.
L'article 33 du collectif budgétaire du printemps 2000 a autorisé les
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à
percevoir la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères lorsqu'ils
exercent la totalité de la compétence d'enlèvement des ordures ménagères, et ce
même s'ils adhèrent à un syndicat mixte pour l'ensemble de cette compétence.
Toutefois, dans ce dernier cas, la perception de la redevance par un EPCI à
fiscalité propre est subordonnée aux délibérations du syndicat mixte.
Par conséquent, tant que le syndicat n'a pas délibéré, l'EPCI ne peut
percevoir la taxe ou la redevance, quand bien même les communes membres lui
auraient transféré la compétence d'enlèvement des ordures ménagères et se
seraient retirées à son profit du syndicat.
Cela constitue un frein au développement de l'intercommunalité à fiscalité
propre puisque le partage des compétences et des ressources entre un EPCI et
ses communes membres est rendu tributaire des décisions des autres communes ou
EPCI membres du syndicat mixte.
Cet amendement a pour objet de permettre aux EPCI de percevoir la taxe ou la
redevance d'enlèvement des ordures perçue précédemment par leurs communes
membres pendant la période précédant les délibérations du syndicat mixte.
Les principes posés par la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et
à la simplification de la coopération intercommunale, complétés par les
dispositions de la loi du 28 décembre 1999 modifiant le code général des
collectivités territoriales et relative à la prise en compte des résultats du
recensement de 1999 et par le collectif budgétaire du printemps de 2000, ne
sont pas remis en cause : il s'agit simplement, pendant la période transitoire,
qui s'achève le 31 décembre 2002, de changer le niveau de perception de la taxe
ou de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet important sujet est assez compliqué
techniquement, et je suis donc contraint, mes chers collègues, de solliciter
votre patience pour donner quelques explications.
Sont actuellement à l'oeuvre deux réformes significatives.
La première concerne le mode de financement de l'élimination des ordures
ménagères. La loi du 12 juillet 1999 a fixé, en ce domaine, une exigence de
lisibilité démocratique : celui qui perçoit la taxe ou la redevance doit être
celui qui exerce la compétence. A défaut, les contribuables ne peuvent plus
mettre en adéquation le service et le prélèvement.
Seconde réforme qui est également à l'oeuvre : le développement des
intercommunalités à fiscalité propre. Nous savons que le mode de calcul de la
dotation globale de fonctionnement des structures intercommunales pousse les
établissements publics de coopération intercommunale à se livrer à une
véritable course à l'intégration. Pour que la DGF ne baisse pas, il ne faut pas
s'intégrer moins vite que les autres.
Le problème, c'est que ces deux réformes simultanément à l'oeuvre ont des
aspects contradictoires.
D'un côté, il faut respecter le principe selon lequel celui qui perçoit la
taxe ou la redevance doit être celui qui exerce la compétence, ou au moins une
partie de celle-ci. Ce principe devrait souvent conduire à faire percevoir la
taxe ou la redevance par les syndicats spécialisés d'élimination des déchets
ménagers, car le périmètre le plus pertinent en cette matière est souvent plus
large que celui des EPCI à fiscalité propre. C'est donc au niveau de grands
syndicats mixtes fédérant des EPCI que l'on devrait se situer.
Mais, d'un autre côté, la course à l'intégration fiscale conduit les élus à
vouloir intégrer la taxe ou la redevance dans le coefficient d'intégration
fiscale, le fameux CIF. En effet, selon que la taxe ou la redevance est prise
en compte ou non dans le CIF, les montants de DGF varient significativement.
Il y a conflit entre ces deux logiques, et cela a déjà conduit à modifier deux
fois la loi de juillet 1999. La dernière fois, c'était il n'y a pas longtemps,
dans le collectif de printemps 2000. A cette occasion, je rappelle que deux
nouveautés ont été introduites.
Premièrement, la date limite d'entrée en vigueur des nouveaux principes
régissant la perception de la taxe d'enlèvement et de la redevance d'enlèvement
a été portée au 1er janvier 2003 au lieu du 1er janvier 2002.
Deuxièmement, les EPCI auxquels les communes ont transféré la compétence
d'élimination des déchets ménagers, ont été autorisés à percevoir la taxe ou la
redevance, dès lors que c'est le syndicat auquel ils appartiennent qui choisit
entre le système de la taxe et celui de la redevance et que c'est ce syndicat
qui fixe le produit à recouvrer sur le territoire de chacun de ses membres.
Ces deux nouveautés assouplissent la règle fixée en 1999. Elles ont été
introduites par l'Assemblée nationale. Pour la seconde, c'était en nouvelle
lecture à l'Assemblée nationale et, de ce fait, le Sénat ne s'est pas
explicitement prononcé à son sujet.
Cela étant rappelé, et dans ce contexte, comment se situe l'amendement de nos
collègues MM. Lassourd et Cazalet ?
Cet amendement ne remet en cause aucun des principes de la réforme. Il permet
simplement de concilier la logique d'encouragement à l'intercommunalité et la
logique de rationalisation de la perception de la taxe ou de la redevance de
collecte des ordures ménagères.
Nos collègues proposent en effet qu'en attendant que le syndicat auquel
appartient l'EPCI à fiscalité propre ait délibéré, l'EPCI soit autorisé à
instituer et à percevoir la taxe ou la redevance perçue antérieurement par ses
communes membres. De cette manière, selon eux, les structures intercommunales à
fiscalité propre ne pourront plus être pénalisées en matière de DGF par les
retards pris par les syndicats dans leurs délibérations en matière de taxe ou
de redevance d'enlèvement des ordures ménagères. Concrètement, certains EPCI ne
seraient plus obligés d'attendre l'année 2003 avant de percevoir ladite taxe ou
la redevance.
Nos collègues proposent donc un aménagement de la période transitoire. Cet
aménagement nous semble opportun et ne pas être en contradiction avec les
principes posés par la loi du 12 juillet 1999.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable.
Ces explications étaient certes un peu longues, mais il est difficile de faire
plus bref sur un sujet aussi technique mais en même temps aussi concret pour
nombre de nos collectivités.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je ne partage pas l'analyse du rapporteur général et
je vous prie de m'excuser par avance d'en expliquer les raisons, peut-être, moi
aussi, de manière un peu longue.
Je ne reviendrai pas sur les principes, qui ont été fort bien rappelés, de la
loi du 12 juillet 1999, qui prévoient qu'en matière d'enlèvement des ordures
ménagères une taxe ou une redevance peuvent être instituées par un EPCI, à
condition que celui-ci bénéficie parallèlement du transfert de la compétence et
exerce au moins la compétence de collecte.
Deux dispositions sont intervenues depuis l'adoption de cette loi.
D'abord, dans la loi du 28 décembre 1999, des dispositions transitoires ont
été prises pour repousser la date de mise en conformité avec la loi du 12
juillet 1999 et ont permis de percevoir la taxe ou la redevance en 2000 et en
2001, et même de prolonger jusqu'au 31 décembre 2002, après l'adoption d'un
amendement qui a été adopté lors de la discussion du projet de loi de finances
rectificative, la durée de la période transitoire.
Ensuite, l'article 33 de la loi de finances rectificative pour 2000, adoptée
au printemps dernier, a aménagé le dispositif qui permet aux EPCI à fiscalité
propre qui ont transféré la totalité de la compétence de l'élimination des
déchets des ménages à un syndicat mixte de percevoir en lieu et place de ce
syndicat cette redevance ou cette taxe par dérogation au principe posé
précédemment.
Cet amendement va au-delà. Il vise à étendre cette dérogation en permettant
aux EPCI qui bénéficient de la totalité de la compétence - mais qui n'assurent
plus la compétence de la collecte, puisqu'ils l'ont transféré à un syndicat
mixte - d'instituer la taxe ou la redevance, et de la percevoir.
Dans ces conditions, pendant la période transitoire, au cours de laquelle la
situation antérieure reste figée, les EPCI pourraient adopter des délibérations
qui sont en contradiction avec le dispositif de la loi du 12 juillet 1999
relative à l'intercommunalité.
Cet amendement me paraît donc reporter de manière excessive le processus de
rationalisation de l'élimination des déchets, qui est fondé sur le principe que
vous avez rappelé, c'est-à-dire l'adéquation entre les compétences exercées et
la perception de la recette qui la finance.
Il ne nous paraît pas justifié de multiplier les dipositifs dérogatoires, qui
ne feront qu'accentuer la complexité de la gestion locale de la taxe ou de la
redevance.
Comme je l'indiquais tout à l'heure, je rappelle qu'en tout état de cause les
syndicats qui, au moment de l'adoption de la loi du 12 juillet 1999, avaient
déjà institué la taxe ou la redevance peuvent continuer à la percevoir, et ce
jusqu'au 31 décembre 2002, à la suite de l'adoption d'un amendement qui, je
crois, avait été proposé par le Sénat lors de l'examen du collectif de
printemps.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je veux rappeler, au-delà de toutes les explications,
nécessairement un peu complexes, qui ont été données, que l'amendement se
limite à aménager une période transitoire dont il ne déplace pas les bornes. La
période transitoire prendra fin le 31 décembre 2002 - je parle sous le contrôle
des auteurs de l'amendement.
L'amendement consiste simplement à autoriser les EPCI regroupant différentes
communes membres à instituer la taxe ou la redevance et à la percevoir à la
place des communes membres. Ce qui relevait jusque-là de la compétence des
communes est dorénavant du ressort de l'EPCI, qui pourra percevoir ce que
percevaient les communes. Il n'y a pas d'autre innovation.
L'amendement vise donc à permettre aux communes membres d'un EPCI de
rationaliser leur organisation, de bénéficier au niveau de leurs structures
intercommunales d'un meilleur budget grâce à un coefficient d'intégration
fiscale plus élevé, sans déroger aux principes de la loi du 12 juillet 1999
puisque nous nous situons toujours dans la période transitoire.
Il me semble donc, madame la secrétaire d'Etat, que l'amendement de MM.
Lassourd et Cazalet, qui se limite à aménager ces dispositions transitoires
aurait mérité d'être accueilli avec une plus grande bienveillance par le
Gouvernement. En effet, les problèmes réglés par cet amendement sont
certainement des problèmes que rencontrent un grand nombre de communes et
d'intercommunalités, dont les élus appartiennent sans aucun doute à toutes les
nuances du prisme politique.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-84 rectifié
bis
.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je crois que cet amendement est utile, et le rapporteur général a très bien
montré les tenants et les aboutissants du problème qu'il vise à régler. Je vais
simplement essayer de les illustrer à travers un cas concret.
Un syndicat mixte est créé qui comprend des EPCI et des communes ayant la
compétence en matière de collecte et qui ont transféré à ce syndicat cette
compétence. Le syndicat mixte a la possibilité, jusqu'en 2003, de conserver le
système existant, c'est-à-dire d'exiger des participations des communes - il
n'y a pas nécessairement de taxe prévue ou de participation des EPCI.
Que va-t-il arriver ? L'EPCI va recevoir une facture du syndicat sans pouvoir,
tant que cet amendement n'aura pas été adopté, lever la taxe d'enlèvement des
ordures ménagères. Que va-t-il devoir faire ? Il va devoir, pendant la période
transitoire, trouver des ressources, puisqu'il a la compétence. Lesquelles ? Il
va augmenter la fiscalité additionnelle, s'il est sous le régime de la
fiscalité additionnelle, ou la taxe professionnelle unique, s'il est sous le
régime de la taxe professionnelle unique. Il n'a pas la possibilité de faire
autrement, puisqu'il doit lever l'argent qui permettra de payer le syndicat.
Vous voyez la stupidité de la solution : lorsque le syndicat mixte aura, en
2003, choisi la taxe, il abandonnera cette fiscalité mixte et il pourra alors,
en toute régularité, prendre comme régime soit la taxe, soit la redevance.
J'estime que c'est une nécessité que de permettre à ces EPCI de lever des
ressources provenant de la taxe d'enlèvement des ordures ou de la redevance
d'enlèvement des ordures et de ne pas devoir recourir à la fiscalité
additionnelle.
Pour cette raison, cet amendement est, selon moi, tout à fait bienvenu.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-84 rectifié
bis,
accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 48
ter.
Article 48 quater