SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 48
terdecies.
- I. - Le I de l'article 1647-00
bis
du
code général des impôts est complété par les mots : "et, à compter de 2002, aux
jeunes agriculteurs installés à compter du 1er janvier 2001 et qui ont souscrit
un contrat territorial d'exploitation dans les conditions définies aux articles
L. 311-3, L. 341-1, R. 311-2, R. 341-7 à R. 341-13 et R. 341-14 à R. 341-15 du
même code". »
« II. - Dans la première phrase du premier alinéa du II du même article, après
les mots : "du code rural,", sont insérés les mots : "et pour les jeunes
agriculteurs installés à compter du 1er janvier 2001 et qui ont souscrit un
contrat territorial d'exploitation dans les conditions définies aux articles L.
311-3, L. 341-1, R. 311-2, R. 341-7 à R. 341-13 et R. 341-14 à R. 341-15 du
même code,". »
Par amendement n° II-66, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propre de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'article 48
terdecies
vise à faire bénéficier
les jeunes agriculteurs signataires d'un contrat territorial d'exploitation du
dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférente aux
parcelles qu'ils exploitent.
La commission des finances n'est pas convaincue par ce dispositif parce
qu'elle estime que l'article 48
terdecies
ne concernerait pour l'heure
qu'un nombre très restreint de bénéficiaires, compte tenu du faible succès des
contrats territoriaux d'exploitation. En effet, alors que l'objectif du
ministère était d'en conclure 50 000 d'ici à la fin 2000, seuls 2 200 ont été
signés. La désillusion est donc grande. Cet échec s'explique certainement par
toute une série de raisons et pas seulement par la faible importance des
crédits destinés à financer les différentes actions liées à la signature de ces
contrats ; en effet, de nombreux agriculteurs, au moment de conclure ces
contrats, constatent qu'il va en résulter tout un contrôle administratif sans
doute tatillon, assez antinomique par rapport à la manière dont ils conçoivent
leur métier d'exploitant agricole.
Cet article 48
terdecies
, inséré par l'Assemblée nationale, nous semble
être une mesure d'affichage afin de montrer que la politique des contrats
territoriaux d'exploitation demeure une priorité.
Il ne nous semble pas que l'outil fiscal soit le meilleur pour promouvoir un
dispositif qui paraît aujourd'hui complexe, peu lisible, bref une procédure
administrative souvent jugée rebutante par les agriculteurs.
La commission n'est convaincue ni sur le fond, ni de l'opportunité d'utiliser
l'outil fiscal à de telles fins, et c'est pourquoi elle préconise la
suppression de l'article 48
terdecies,
qui n'est pas réellement
utile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement
car il vise à supprimer un dispositif d'allégement de la charge fiscale qui
pèse sur les jeunes agriculteurs qui ont signé un contrat territorial
d'exploitation.
Je trouve d'ailleurs cette démarche du rapporteur général quelque peu
paradoxale sachant son attachement à l'allégement des charges fiscales qui
pèsent sur les contribuables.
Or, comme vous le savez, le Gouvernement attend beaucoup des contrats
territoriaux d'exploitation.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il attend beaucoup, en effet !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il y consacre des efforts financiers substantiels,
desquels participent, naturellement, les dispositions fiscales dont celle qui
figure à l'article 48
terdecies
.
Le Gouvernement ne peut donc pas accepter un amendement qui va à l'encontre
des objectifs qu'il s'est fixé en faveur d'une agriculture durable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-66.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Il m'arrive souvent d'être d'accord avec la commission des finances mais, en
l'occurrence, je ne comprends pas très bien la démarche qui est suivie.
En effet, cette disposition, qui a été insérée par l'Assemblée nationale, vise
à compléter un dispositif qui existe déjà et qui est laissé à la libre
appréciation des collectivités locales puisque l'exonération ne joue que si les
assemblées locales la votent, principalement le conseil municipal des
allégements de taxe foncière sur les priorités non bâties au titre du conseil
général et du conseil régional existent déjà depuis longtemps. Cette
exonération ne donne pas lieu à compensation ; ce sont les conseils municipaux
qui en prennent la responsabilité.
Puisque nous parlions tout à l'heure, monsieur le rapporteur général, de
l'égalité en ce qui concerne le chocolat - je vous remercie des éléments
complémentaires que vous m'avez communiqués après le débat - je voudrais dire
que, là, le texte actuel parle déjà des jeunes agriculteurs. Il dispose que
peuvent bénéficier d'une exonération sur délibération des communes les jeunes
agriculteurs « qui s'installent à compter du 1er janvier 1994 et qui
bénéficient des prêts à moyen terme spéciaux prévus. »
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela n'ajoute rien !
M. Michel Charasse.
Mais si ! puisqu'on vise maintenant le contrat territorial d'exploitation.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une illusion, il n'y en a pas !
M. Michel Charasse.
Mais si ! c'est une nouvelle catégorie !
Si l'on veut établir l'égalité ou, du moins, une certaine égalité, on voit mal
pourquoi les uns pourraient bénéficier de l'exonération et les autres pas ?
J'ai du mal à comprendre !
Les collectivités locales feront comme elles font déjà : elles feront ce
qu'elles voudront ! Si elles ne veulent pas exonérer, elles n'exonéreront pas ;
si elles veulent exonérer, elles exonéreront, et, dans ce cas, elles perdront
la recette. C'est le dispositif qui existe déjà, notamment pour les jeunes
agriculteurs.
Votre amendement de suppression implique qu'un jeune agriculteur qui aura
souscrit un prêt spécial d'installation pourra bénéficier de l'exonération,
mais qu'un jeune agriculteur qui aura souscrit un contrat territorial
d'exploitation ne pourra pas ! C'est absolument anormal, et c'est la raison
pour laquelle mon groupe ne le votera pas.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, je crois que Michel Charasse
apporte de l'eau au moulin de la commission des finances, parce que les jeunes
agriculteurs qui souhaitent bénéficier de prêts aidés pour leur installation
peuvent solliciter cette exonération de taxe foncière et que, dans ce régime
préexistant, si je ne me trompe, ce sont bien les conseils municipaux qui
décidaient, comme l'a dit M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Actuellement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En revanche, dans l'article qui nous vient de
l'Assemblée nationale, il en va différemment puisqu'il vise à instituer une
exonération de droit.
M. Michel Charasse.
Mais non !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, il faut lire le texte ! C'est
une exonération de droit !
Je ne parle pas du régime préexistant, je parle de l'article qui nous est
proposé ici et qui concerne les jeunes exploitants qui ont souscrit un contrat
territorial d'exploitation.
Par ailleurs, j'insiste sur le fait que les contrats territoriaux
d'exploitation sont un échec. Il y en a très peu, et l'on essaie de redorer
leur blason en utilisant l'instrument fiscal.
Est-ce vraiment le moyen adéquat ? Je me permets de poser la question.
L'instrument fiscal ne saurait se substituer à la politique globale du
ministère de l'agriculture. Pourquoi vouloir compliquer à l'excès une fiscalité
locale, qui est déjà difficilement compréhensible, pour servir en quelque sorte
de cache-misère à une politique d'aide à certaines catégories d'exploitation
qui ne réussit pas ?
C'est une mesure qui ne convient pas et qui, du point de vue de la commission,
n'a pas de raison d'être.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je comprends que M. le rapporteur général utilise la
tribune qui lui est ainsi offerte pour dire tout le mal qu'il pense des
contrats territoriaux d'exploitation, puisque c'est son avis.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est son devoir, s'il le pense
!
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
S'il partage cet avis avec d'autres, c'est encore
mieux !
M. Michel Charasse quant à lui a tout à fait raison de rappeler que, dans le
dispositif qui est envisagé, il s'agit de l'article 1647-00
bis
du code
général des impôts et d'un dispositif en faveur des jeunes agriculteurs qui est
déclenché sur délibération des collectivités locales. Je le confirme donc.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-66.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
M. Marini sait l'estime que j'ai pour lui, et je suis donc ennuyé de devoir
reprendre la parole. Mais je voudrais lire, pour lui et pour nos collègues, ce
que donnera le texte si cet amendement n'est pas rejeté.
« Les délibérations prises par les collectivités locales « - c'est-à-dire les
dégrèvements - » et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre pour
l'application des dispositions ci-dessus s'appliquent également, à compter de
1995, et dans les mêmes conditions, aux jeunes agriculteurs qui s'installent à
compter du 1er janvier 1994 et qui bénéficient des prêts à moyen terme spéciaux
prévus par les articles R. 343-13 à R. 345-16 du code rural et, à compter de
2002, aux jeunes agriculteurs installés à compter du 1er janvier 2001 et qui
ont souscrit un contrat territorial d'exploitation dans les conditions définies
aux articles... du même code. »
Monsieur le rapporteur, je suis navré de vous contredire, mais le système
n'est pas automatique. C'est le même régime que celui qui existe aujourd'hui
pour les jeunes agriculteurs, que nous appliquons, pour beaucoup d'entre nous,
dans nos communes, en prenant des délibérations pour les exonérer de la taxe
foncière sur les propriétés non bâties lorsque nous souhaitons le faire.
Si ce texte n'est pas complété, les jeunes agriculteurs ayant souscrit des
prêts spéciaux sont et seront exonérés sur délibération du conseil municipal -
c'est le texte actuel - alors que les jeunes ayant signé un contrat territorial
d'exploitation ne le seront pas.
Cela paraît tout à fait incohérent !
Tout à l'heure, on a parlé d'égalité à propos du chocolat. Là, pour une
égalité, c'est une égalité !
Ce serait une erreur de supprimer ce texte qui nous a été transmis par
l'Assemblée nationale. Je n'ai pas toujours une révérence absolue pour les
textes qui nous viennent de l'Assemblée nationale, mais, dans ce cas
particulier, je crois que c'est une mesure de justice et que c'est une
précision utile.
M. Michel Moreigne.
M. Charasse a raison !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si je comprends bien, il y a deux éléments : il y a
une mesure de portée générale et une mesure qui peut faire l'objet de
délibérations des collectivités.
Je crois donc que vous n'avez pas totalement tort. Mais je n'ai pas totalement
tort non plus.
M. Michel Moreigne.
Vous n'avez pas totalement raison non plus !
M. Michel Charasse.
Mais cet amendement s'applique bien au dispositif sur délibération des
conseils municipaux ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour partie ! Il y a une disposition de portée
générale, qui porte sur 50 % d'abattement. Mais il y a aussi une dispositioin
sur délibération des conseils municipaux.
M. Michel Charasse.
C'est sans le I de l'article !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voilà. Vous avez donc, mon cher collègue, à 50 %
tort, et j'ai au moins à 50 % raison !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
A 100 %, et on vote !
M. Michel Charasse.
Si vous proposiez de supprimer le II, je comprendrais, mais pas le I !
M. Michel Moreigne.
Il ne faut pas supprimer l'ensemble de l'article !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-66, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 48
terdecies
est supprimé.
Article additionnel après l'article 48 terdecies