SEANCE DU 13 DECEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 3. - L'article L. 342-3 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 342-3. -
Par dérogation à l'article 4 de la loi n° 83-675 du
26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le conseil
d'administration de la société Air France compte vingt et un membres.
Indépendamment des représentants de l'Etat, des salariés, des salariés
actionnaires ainsi que des actionnaires autres que l'Etat et les salariés, le
conseil peut comprendre des personnalités choisies soit en raison de leur
compétence technique, scientifique ou économique, soit en raison de leur
connaissance du transport aérien. La représentation des salariés actionnaires
peut se faire par catégories. Elle peut être subordonnée à la détention par
l'ensemble des salariés actionnaires ou par chaque catégorie d'une part
minimale du capital social. »
Par amendement n° 1, M. Le Grand, au nom de la commission, propose :
« I. - A la fin de la première phrase du texte présenté par cet article pour
l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile, de remplacer les mots : «
vingt et un membres » par les mots : « vingt-trois membres ».
« II. - De compléter
in fine
le même texte par un alinéa ainsi rédigé
:
« La composition du conseil d'administration doit également respecter la
répartition du capital. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
S'agissant du nombre des membres du conseil d'administration,
je crois que tout a déjà été dit. Je veux simplement évoquer un point que j'ai
laissé de côté dans mon intervention d'il y a quelques instants : la question
de la plate-forme aéroportuaire.
Une compagnie, fût-elle Air France, pourrait faire tous les efforts qu'elle
voudrait, ils seraient vains si les capacités d'accueil des aéroports restaient
limitées.
Je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises, monsieur le ministre, et encore
voilà quelques jours à l'occasion de la discussion budgétaire, les
plates-formes de Roissy et d'Orly voient leur développement entravé par des
limites quelque peu artificielles. Il faut donc « décorseter » ces deux
plates-formes.
Vous avez annoncé la création d'un troisième aéroport. Mais, vous le savez, il
ne sera pas opérationnel avant quinze ans, dans le meilleur des cas. Or, dans
quinze ans, voire dans dix ans, compte tenu de l'essor exponentiel du trafic,
Roissy et Orly ne pourront plus accueillir tous les mouvements. Il est donc
indispensable d'agir.
Monsieur le ministre, sur votre proposition, je vous en donne acte, nous avons
créé l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA. La
nuisance majeure, c'est bien la nuisance sonore. C'est donc bien le fait
générateur d'une quelconque limitation d'une activité aéroportuaire.
Avec l'ACNUSA, vous avez la possibilité de dépasser la limitation artificielle
de 250 000 mouvements à Orly et de 55 millions de passagers à Roissy.
Il faut savoir qu'on en est déjà à 49 millions de passagers à Roissy ; dès
lors, dans un an ou deux, au plus, nous aurons atteint ce seuil de 55
millions.
Une évolution est possible à partir de l'évaluation de la nuisance sonore
réelle. Au Sénat, nous sommes prêts à vous accompagner, monsieur le ministre,
dans une démarche de cette nature. Je crois que tout le monde y gagnera. Ce
n'est pas à vous que j'apprendrai que mille passagers de plus, c'est un emploi
créé !
Il faut donc instituer une péréquation des taxes d'aéroport entre les
différentes plates-formes.
M. François Gerbaud.
Pour Châteauroux-Déols !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Tout à fait !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Châteauroux-Déols, par exemple, ne manquera pas d'être
intéressé par l'opération, mais beaucoup d'autres également ! « Décorsetons »
cette affaire, appuyons-nous sur l'ACNUSA, et vous serez le ministre qui aura
permis de développer davantage encore notre activité de transport aérien.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous soulevez
une nouvelle question, monsieur le rapporteur, et je vais vous répondre le plus
simplement possible.
Je ne changerai pas de position en ce qui concerne le niveau des nuisances sur
lesquelles je me suis engagé. Par conséquent, n'attendez pas qu'au nom du
développement du trafic aérien j'accepte une aggravation du niveau des
nuisances. J'ai pris des engagements ! Je les tiendrai !
Nous avons décidé la création d'une plate-forme aéroportuaire dans le grand
bassin parisien. Les discussions sont en cours. Il faudra veiller à créer une
synergie entre les trois aéroports du grand bassin parisien. Par ailleurs, nous
avons décidé de favoriser le développement des aéroports de province. Nous
avons même cité des noms : Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, et Lyon -
Saint-Exupéry. Notre objectif est de faire en sorte que le développement du
trafic aérien profite à l'ensemble de la France, tout en veillant à ce que le
problème de l'environnement et des nuisances soit maîtrisé.
En ce qui concerne la composition du conseil d'administration d'Air France,
qui est au coeur de l'amendement que vous proposez, monsieur le rapporteur, je
ne vais pas vous rappeler ce que j'ai été obligé de faire, et que mes amis
communistes m'ont un peu reproché, en ce qui concerne la défense des petits
actionnaires du tunnel sous la Manche.
Les choix que vous avez opérés à un moment donné se sont traduits,
indépendamment de la présence ou non de représentants au conseil
d'administration, par une déconfiture des petits actionnaires pendant toute une
période.
Ce qu'il vous faut comprendre, c'est que l'ouverture du conseil
d'administration aux salariés actionnaires est quelque chose d'unique.
D'ailleurs, on ne le dit pas assez !
M. Jean-Pierre Plancade.
Bien sûr !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il y aura six
représentants de l'Etat et six représentants des salariés au conseil
d'administration d'Air France. Nous allons donc vers une évolution. On parle
d'autonomie de gestion, mais aussi, peut-être, d'une nouvelle forme de
direction des entreprises, y compris les entreprises qui sont et qui resteront
publiques.
Les salariés actionnaires ont intérêt, naturellement, à ce que leurs actions
se valorisent. Si leurs actions se valorisent, celles des autres actionnaires
se valorisent également. Mais peut-être leur démarche consiste-t-elle non pas à
réaliser un gain immédiat, mais, en tant que salariés, à faire en sorte que
cette valorisation soit pérenne.
J'ai connu des compagnies aériennes qui ont été privatisées. Le cours de leurs
actions a été multiplié par deux dans un premier temps et, depuis, il ne cesse
de baisser. Pour les petits actionnaires, la stabilité est préférable. Il vaut
mieux qu'ils aient la certitude d'un développement de la compagnie, y compris
en ce qui concerne les droits sociaux et le nombre des emplois. C'est le
rayonnement de la compagnie qui est en jeu !
Air France serait la seule compagnie cotée en bourse qui aurait le nombre
d'administrateurs que vous proposez ! Vous la comparez à Béziers. Mais, le
nombre d'habitants de Béziers est plus important que celui des salariés de la
compagnie Air France.
M. Jean-Pierre Plancade.
Il n'y a pas de Biterrois ici !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est M. le
rapporteur qui a parlé de Béziers !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'était pour vous faire plaisir, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Après, on va me
reprocher de parler de Béziers !
(Sourires.)
En tout cas, je ne comparerai jamais une entreprise à une
collectivité locale, même si je crois que les collectivités locales doivent
être le plus efficace possible et oeuvrer dans l'intérêt général.
Cela étant, je suis, bien entendu, défavorable à l'amendement.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Monsieur le ministre, à part Béziers, nous sommes
complètement d'accord avec votre discours ! C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle nous proposons que le conseil d'administration compte vingt-trois
membres. Nous ne touchons en rien à la loi sur la démocratisation du secteur
public. Nous ne touchons en rien à la représentation majoritaire des membres
délégués par le Gouvernement. Par conséquent, les équilibres que vous avez
rappelés sont totalement respectés. La seule différence, c'est que 14 % des
administrateurs - au lieu de 10 % - représenteront 32 % du capital. C'est un
plus, c'est une modernisation !
Ce n'est pas moi, monsieur le ministre, qui ai comparé Air France à Béziers !
Simplement, vous ne pouviez pas me dire que vous n'auriez pas de mal à gérer
quarante-neuf administrateurs pour la ville de Béziers et que vous éprouveriez
des difficultés à en gérer vingt-trois pour Air France. Il y a plus d'habitants
à Béziers - plus de 70 000 - que de salariés à Air France. La proportion est
encore respectée !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. François Gerbaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud.
Je voterai cet amendement, qui devrait d'ailleurs nous conduire à engager une
réflexion sur ce point. Il sera vraisemblablement adopté par le Sénat, mais il
devrait être repoussé par l'Assemblée nationale. Par conséquent, cela
n'entravera pas beaucoup la marche des choses.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cela retardera
tout !
M. François Gerbaud.
Il nous permet néanmoins de dire exactement ce que nous pensons, à savoir
qu'il serait souhaitable qu'une partie des petits porteurs soit représentée au
conseil d'administration.
Je profite de l'occasion pour dire qu'on a voulu voir Paris, et on a vu
Béziers.
(Sourires.)
Le FIATA, au sein duquel j'ai l'honneur de siéger et qui s'est réuni hier, a
très exactement répondu aux questions que vous vous posez, monsieur le
rapporteur, puisqu'un certain nombre de liaisons ont obtenu des subventions :
de 70 % à 78 %. Tel le cas de Béziers, notamment. Je m'en réjouis et pour M. le
ministre et pour cette ville.
Je profite un peu lâchement, si j'ose dire, de cette occasion pour rappeler
que nous attendons beaucoup, monsieur le ministre, de la définition du schéma
aéroportuaire tel qu'il résultera des travaux des délégations de l'aménagement
du territoire au travers du dépôt par Mme Voynet, voilà quelques jours, des
schémas de transports collectifs.
Je comprends parfaitement l'argumentation de M. le ministre s'agissant de la
réduction des nuisances sonores sur les grandes plates-formes aéroportuaires
parisiennes. Je ne suis pas d'avis de succomber aux tentations de
Heathrow
, en particulier. Des équilibres sont à trouver. Je vais
peut-être un peu plaider mon cas, mais il est clair que les deux grandes
plates-formes, si elles veulent rester de grands
hubs
passagers, ce qui
est leur vocation essentielle, devront nécessairement se décharger d'un certain
nombre d'activités, notamment le fret.
Je me permets, monsieur le ministre, d'appeler toute votre attention sur ce
point. Tel est l'objet du courrier que je vous ai adressé hier concernant les
droits de trafic sur l'Afrique. Il importe de « décontingenter » les grandes
plates-formes de ce qui n'est plus leur vocation primordiale, c'est-à-dire de
laisser les passagers arriver à Roissy et à Orly, et de permettre à d'autres
aéroports - le mien et d'autres - de pouvoir bénéficier de ce dégagement.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Vote sur l'ensemble