SEANCE DU 14 DECEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs semaines maintenant, les avocats se mobilisent pour une
revalorisation de l'aide juridictionnelle.
Destinée aux personnes les plus démunies, cette aide permet de faire prendre
en charge par l'Etat tout ou partie des frais d'avocat. En cela, elle est une
condition essentielle de l'égal accès de tous à la justice.
L'avocat est rétribué sous la forme d'une indemnisation calculée sur la base
de l'attribution d'unités de valeur, dont le nombre est prédéterminé pour
chaque contentieux.
Ce système est, aujourd'hui, complètement désuet, parce qu'il ne prend pas en
compte une demande croissante de justice. A titre indicatif, le barreau du
Val-de-Marne, où sont inscrits 370 avocats, a eu à traiter, au titre de l'aide
juridictionnelle pour l'année 1999, 5 795 dossiers au pénal et 4 305 au civil,
soit un total de 10 100 dossiers !
La revendication des avocats est juste, c'est pourquoi nous la soutenons.
Le faible taux d'indemnisation des avocats conduit, aujourd'hui, à une
situation aberrante où les avocats sont conduits, en fin de compte, à se
substituer au service public de la justice en travaillant bénévolement, voire à
perte. Par exemple, un procès en correctionnelle est rétribué 538 francs alors
qu'il peut nécessiter, vous le savez, plusieurs semaines de travail.
Vous avez annoncé, madame la ministre, une refonte du système et vous venez
d'installer la commission chargée d'y réflechir. Nous avons été sensibles à la
nomination de M. Paul Bouchet à la tête de cette commission, lui qui, comme
président d'ATD Quart monde, a été confronté directement aux problèmes des plus
démunis.
Parallèlement, vous avez admis la nécessité de mesures immédiates eu égard, en
particulier, à l'accroissement du rôle de l'avocat avec la loi sur le
renforcement de la présomption d'innocence.
Le doublement du barème pour certains contentieux - audiences pénales, référés
prud'homaux ou reconduites à la frontière - était un effort minimum que
beaucoup d'avocats jugent encore insuffisant.
Alors que le mouvement se durcit depuis vendredi, avec l'entrée en grève des
derniers barreaux - y compris celui de Paris - entraînant par là même la
paralysie des tribunaux, nous souhaiterions être informés de l'état des
négociations.
Par ailleurs, le refus d'une justice à deux vitesses doit nous conduire à une
réforme de l'aide juridictionnelle dans les plus brefs délais.
La commission Bouchet doit vous rendre ses conclusions le 30 avril 2001, et il
nous semble, dès lors, possible et nécessaire d'envisager un projet de loi
d'ici à l'été.
Maintenez-vous néanmoins, madame la ministre, la date de 2003 pour l'entrée en
vigueur de la réforme ?
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la sénatrice, vous posez
effectivement une question importante. Nous constatons un mouvement de grande
ampleur dans notre pays depuis plusieurs jours - et même depuis plusieurs
semaines - mais ce serait une erreur de penser que celui-ci n'est lié qu'à
l'indemnisation de l'aide juridictionnelle.
Vous avez rappelé, à juste titre, que l'aide juridictionnelle ne concerne pas
que les avocats. J'ai ainsi rencontré les huissiers ce matin, et les mesures en
leur faveur s'élèveront à 300 millions de francs.
En 1991, sous l'autorité d'Henri Nallet et, déjà, de Paul Bouchet, nous sommes
passés d'un système d'aide gratuit, qui ne s'appuyait que sur la solidarité, à
un système d'indemnisation des avocats pour que chacun ait accès au droit, car
il s'agit bien de cela : chacun doit, dans notre pays, avoir accès au droit et
à la justice.
Toutefois, depuis dix ans, la profession d'avocat a énormément changé. La
grande majorité des barreaux - le barreau de Paris en est un exemple - ont
beaucoup évolué, et ont vu l'apparition de plusieurs catégories d'avocats : les
avocats d'affaires, les généralistes et les plus jeunes avocats, qui se
chargent souvent de l'aide juridictionnelle.
Face à cette situation, il faut tout reposer sur la table. C'est donc avec
beaucoup de satisfaction que j'ai installé hier la commission présidée par Paul
Bouchet, qui doit effectivement, vous avez raison, me remettre un rapport fin
avril.
Ce rapport sera soumis, bien sûr, à la concertation, puisqu'il faut un minimum
d'échanges entre les associations qui s'occupent des populations les plus
défavorisées et l'ensemble des professions du droit pour apprécier s'il est
possible de mettre au point un projet de texte pour le mois de juillet, lequel
texte sera soumis au Parlement aussitôt que le calendrier parlementaire le
permettra.
Toutefois, avant cette grande réécriture de l'accès au droit et à la justice
et de l'organisation des professions des auxiliaires de justice, il faut
prendre des mesures immédiates.
J'ai déjà accepté de doubler certains barèmes et, globalement, l'aide
juridictionnelle augmentera de près de 25 % si l'on additionne l'ensemble des
mesures qui ont été prises.
J'ai « rouvert » - si je puis dire, car elles n'ont jamais été closes - les
négociations, et j'ai mis sur la table un certain nombre de pistes de
négociation pour 2001 et 2002.
Pour ma part, je reste persuadée qu'avec ce qui a été proposé à l'ensemble de
la profession d'avocat, nous pourrons bientôt obtenir satisfaction. Quoi qu'il
en soit, c'est bien de l'accès à la justice qu'il s'agit.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
C'est bien long, 2003 !
M. Michel Charasse.
Il faut particulièrement remercier Mme Lebranchu, car sa commune est inondée,
mais elle est quand même venue répondre à cette séance de questions !
INSCRIPTION À L'ORDRE DU JOUR
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
D'UNE PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT