SEANCE DU 14 DECEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres,
mes chers collègues, nous avons assisté, la semaine dernière, à un événement, à
un fait tout à fait inhabituel : une perquisition à Matignon ! Cette dernière
portait, semble-t-il, sur les conditions dans lesquelles s'est opérée la
privatisation de la Compagnie générale maritime, la CGM.
Je tiens à rappeler un certain nombre d'éléments.
La procédure de privatisation a été effectuée sur la base d'un appel d'offres
ouvert. Elle a été opérée de manière interministérielle et de façon totalement
transparente.
M. Raymond Courrière.
Que craignez-vous alors ?
M. René-Pierre Signé.
Mairie de Paris !
M. Josselin de Rohan.
Les intérêts patrimoniaux de l'Etat ont été respectés, puisque le choix final
du Gouvernement ne pouvait s'opérer que sur avis conforme de la commission de
privatisation. Cette dernière a donné un avis positif à la proposition du
Gouvernement de reprise de la CGM par la Compagnie maritime d'affrètement, la
CMA,...
M. Raymond Courrière.
Et alors ?
M. Josselin de Rohan.
... avis qui a été très clairement et dûment motivé.
La Commission européenne a vérifié et approuvé la recapitalisation de la CGM.
Un recours a été introduit devant le Conseil d'Etat contre la vente de la CGM à
la CMA, et les requérants ont été déboutés de leur action.
Ma question est simple : le Gouvernement dispose-t-il d'éléments d'information
qui donneraient à penser que des irrégularités, voire des malversations, ont
été commises dans la procédure ?
M. René-Pierre Signé.
Ils connaissent !
M. Josselin de Rohan.
Si tel est le cas, peut-il nous les détailler et indiquer à la représentation
nationale les raisons précises qui ont motivé cette perquisition
?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Monsieur le sénateur, j'ai été heureux que vous
terminiez par une question, car j'avais l'impression, en vous entendant, que
c'était vous qui apportiez une réponse à une question qui n'était pas posée.
M. Josselin de Rohan.
Une précision !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Mais comme j'ai compris que votre intention réelle
était de nous interroger sur le pourquoi d'une perquisition à Matignon, c'est
sur ce point et sur les conditions dans lesquelles elle s'est passée que je
vous répondrai, pour que les choses soient claires.
Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte sur les conditions de la
privatisation de la Compagnie générale maritime en octobre 1996, le juge
d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre, M. Augonnet, a
délivré une commission rogatoire à la brigade financière de la préfecture de
police. Le magistrat instructeur souhaitait que les enquêteurs accèdent aux
archives de l'hôtel Matignon relatives à cette privatisation et saisissent
éventuellement des documents pouvant intéresser son enquête.
Le secrétariat général du Gouvernement, qui a été saisi de cette demande le 23
novembre, a fait procéder, comme il en avait l'obligation - il y avait une
commission rogatoire d'un juge - au rassemblement des pièces d'archives
relatives à cette privatisation qui ont été tenues à la disposition de
l'autorité judiciaire. Il m'a informé sans délai de la demande dont il avait
fait l'objet. Il en a également informé l'ancien Premier ministre, dans la
mesure où certaines des archives concernées provenaient de son cabinet.
Ainsi que l'entourage de M. Juppé l'a fait savoir, celui-ci n'a fait aucune
objection à la demande de consultation des archives de son cabinet ; cette
consultation a eu lieu le 7 décembre dans des conditions de publicité que je
regrette,...
M. Alain Gournac.
Les caméras !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
... mais dont ni mon cabinet ni mes services, et
notamment ceux du secrétariat général - référez-vous aux dépêches - ne sont
responsables.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ils ne sont responsables de rien !
M. Raymond Courrière.
Il n'y a pas eu besoin d'hélicoptère !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
La copie des pièces saisies et de l'intégralité du
dossier de la privatisation de la CGM a été, dans les heures qui ont suivi le
passage de la police judiciaire à Matignon, mise à disposition du mandataire de
l'ancien Premier ministre, qui, conformément à la loi, a un droit permanent
d'accès à ses propres archives.
Je tiens à souligner devant le Sénat que ni moi-même ni mon cabinet n'avons
accès à ces archives et que nous n'avons pas,
a fortiori,
connaissance
des pièces qui ont été saisies. Les archives versées par les Premiers ministres
successifs sont, en effet, sous la garde et le contrôle exclusifs de la mission
des archives nationales de l'hôtel Matignon. Je veille scrupuleusement au
respect de cette règle.
Je tiens, en outre, à rappeler que je me suis fixé pour principe de
n'intervenir en aucune manière dans le déroulement d'enquêtes judiciaires, ce
qui vaut assurément pour les actes de mes prédécesseurs. Les réponses à
d'éventuelles demandes de l'autorité judiciaire relèvent, à Matignon, de la
seule compétence du secrétariat général du Gouvernement, qui incarne, au plan
administratif, la continuité et la neutralité de l'Etat, ainsi que le respect
de la loi.
(Vifs applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
Vous voilà rassurés !
ÉTAT DES NÉGOCIATIONS
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