SEANCE DU 17 JANVIER 2001


DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Suite de la discussion d'une proposition
de loi organique déclarée d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons à examiner aujourd'hui la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence.
La nécessité de cette urgence pose question dans la mesure où je ne vois pas quelle priorité nationale peut s'imposer sur ce texte, alors que nous attendons et appelons de nos voeux bon nombre d'autres réformes autrement plus urgentes pour nos concitoyens. Je pense, par exemple, à la famille, à la crise agricole et alimentaire qui secoue notre pays, à une réforme de la justice, à celle de l'éducation - sur laquelle Claude Allègre est très prolixe - et à toutes les autres que votre gouvernement abandonne dans les tiroirs des différents cabinets ministériels...
Nous avons donc à examiner aujourd'hui la proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
La « date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale » est un délicat euphémisme, qui masque à peine la réalité de cette proposition de loi organique.
Il aurait sans doute fallu avoir le courage d'appeler un chat un chat ! Tout d'abord, il s'agit non pas d'une simple modification de la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, mais bel et bien d'une prolongation de la durée d'un mandat, pourtant fixé à cinq ans - et seulement cinq ! - par le peuple souverain. Je ne comprends pas quelle crise politique majeure justifie cete prolongation.
Faut-il rappeler à ce sujet que les seuls cas de prolongation du mandat de député ont toujours été liés à un conflit armé dans lequel la France et son territoire étaient engagés ?
Le doyen Patrice Gélard, sénateur de la Seine-Maritime, me permettra de le citer en ce sens. Les seuls précédents historiques de prolongation de la durée du mandat de député sont au nombre de quatre et ont toujours été liés à la guerre.
Initialement élue pour un an seulement, la Convention s'est prolongée pendant quatre ans en raison de la guerre qui engageait la France face aux monarchies voisines.
L'Assemblée nationale, élue en 1871, pour négocier la paix et élaborer une constitution pour la France, a duré quatre ans.
La Chambre des députés, élue en 1914, s'est, quant à elle, prolongée jusqu'à la fin de la guerre dans les circonstances d'union nationale que nous connaissons durant ce conflit, qui fut le plus meurtrier de notre histoire. Christian Bonnet, notre rapporteur, nous le rappelait hier.
Enfin, la Chambre des députés du Front populaire, élue en 1936, s'est prolongée de deux ans dans le contexte très particulier du début de la Seconde Guerre mondiale et de l'occupation d'une partie du territoire national par les forces ennemies.
Ainsi, les prolongations de la durée du mandat de député ont toujours été liées aux plus tristes circonstances de notre histoire.
Je le répète, je comprends assez mal quelle urgence nationale exigerait aussi promptement une telle réforme dans la mesure où notre pays, vit, fort heureusement, sauf information contraire, dans un climat général de paix.
Pour en revenir au titre de cette proposition de loi organique, en plus de la litote consistant à appeler « une prolongation de mandat » une modification de durée, je m'amuse également qu'il n'y soit pas fait explicitement référence à la portée réelle de ce texte, à savoir l'inversion du calendrier électoral.
Si le principe est d'inverser le calendrier afin que l'élection présidentielle précède les élections législatives, il faut le dire clairement et sans doute, d'une part, renommer la proposition de loi organique et, d'autre part, l'amender sans plus attendre car, mais j'y reviendrai, le texte en l'état ne garantit absolument pas l'antériorité de l'élection présidentielle. Il existe moult raisons pour lesquelles le calendrier pourrait être à nouveau inversé, ou tout du moins « modifié », pour reprendre votre euphémisme.
Il pourrait s'agir d'une dissolution, qui interviendrait en raison d'une crise majeure, par exemple le décès du Président de la République que, bien évidemment, personne ne souhaite, mais dans le domaine des aléas de la vie, il existe des précédents. Par conséquent, rien ne garantit totalement l'antériorité de l'élection présidentielle dans le texte qui nous est proposé aujourd'hui.
Autre hypothèse, ce texte n'a absolument pas d'autre ambition que d'étendre arbitrairement la durée du mandat de député, ce dont je doute, vu le contenu des débats de l'Assemblée nationale en décembre dernier. Et dans cette hypothèse, aucune urgence nationale, encore une fois, ne justifie cette prolongation.
En ayant terminé sur le titre de cette proposition de loi organique, j'aimerais maintenant traiter du contenu de ce texte. Je soulèverai en ce sens un certain nombre d'interrogations et préciserai un certain nombre de points qu'il me semble essentiel de traiter aujourd'hui.
Le premier d'entre eux concerne la méthode employée pour faire passer cette réforme. Elle me semble tout à fait injuste dans la mesure où la formule retenue consiste à passer par le biais d'un texte d'origine parlementaire. Pour un citoyen non averti, cela semble probablement sans incidence.
Pourtant, je dois rappeler que ce choix n'est absolument pas innocent.
En effet, en procédant de la sorte, le Premier ministre peut se dispenser d'un certain nombre de contrôles.
Ainsi, le Conseil d'Etat n'a pas eu à donner d'avis sur un projet de loi organique, comme il aurait été obligé de le faire. On sait pertinemment que le Gouvernement n'aime pas les éléments perturbateurs de ses stratégies, qu'il s'agisse du Sénat, du Conseil constitutionnel - l'actualité offre quelquefois des déclarations surprenantes ! - ou, maintenant, du Conseil d'Etat.
En ne procédant pas au dépôt d'un projet de loi organique, le Gouvernement peut se dispenser de l'avis du Conseil d'Etat, qui, sans doute, n'aurait pas été des plus favorables à la manoeuvre.
Par ailleurs - et c'est aussi grave - le Gouvernement a ainsi pu se dispenser de l'avis et du contreseing du Président de la République.
Nous le savons tous, cette réforme touche, sans le dire, à l'élection présidentielle, puisqu'il s'agit bel et bien d'inverser le calendrier électoral. La moindre des politesses aurait bien évidemment été de passer par la voie d'un projet de loi organique qui aurait permis son examen en conseil des ministres, lequel est, en vertu de l'article 9 de la Constitution, présidé par le Président de la République.
Ainsi, le Président de la République aurait pu formuler - ce qui semblait la moindre des choses - des observations, voire des réserves quant à l'inversion du calendrier électoral.
Cela n'aurait pas relevé simplement de la plus évidente des courtoisies, mais également de l'esprit même de nos institutions, que certains croient défendre aujourd'hui en soutenant cette inversion du calendrier. Si personne ne peut se prévaloir d'être garant de l'esprit de nos institutions - et surtout pas ceux qui, héritiers spirituels de l'auteur du « Coup d'Etat permanent », l'ont combattu jusqu'à une période très récente - il n'en demeure pas moins que la seule certitude est que les réformes institutionnelles relèvent de la compétence du Président de la République.
Effectivement, personne n'est habilité à dire si l'inversion ou le maintien du calendrier est le plus conforme à l'esprit de nos institutions. En ce sens, les remarquables auditions auxquelles le Sénat a procédé nous révèlent l'opposition d'éminents constitutionnalistes sur la question. Qui peut dire qui a raison ou qui a tort quand tous sont d'éminents et incontournables spécialistes de ces questions institutionnelles ?
En revanche, nul ne peut nier que la réforme, si elle devait avoir lieu, devrait être du ressort du Président de la République.
Permettez-moi de citer encore une fois notre Constitution qu'il est salutaire de ne pas oublier en la circonstance. L'article 5 est, encore une fois, on ne peut plus explicite. Son alinéa premier dit : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. »
Il me semble qu'il est difficile d'être plus clair. De quel droit le Président de la République a-t-il été écarté, d'une part, d'un débat institutionnel, d'autre part, de l'élaboration d'un texte de loi le concernant au premier chef ?
M. Josselin de Rohan. Très bien!
M. Serge Vinçon. Cette question mérite, me semble-t-il, une réponse claire, monsieur le ministre, et ce d'autant que le Premier ministre semblait pourtant, lui aussi, extrêmement clair sur la question, avant...
A ce titre, je ne peux faire l'économie de rappeler à mon tour les propos de Lionel Jospin, Premier ministre, interrogé, le 20 octobre dernier, c'est-à-dire deux mois jour pour jour avant l'adoption de cette proposition de loi organique par l'Assemblée nationale. Il affirmait à cette époque s'en remettre à Jacques Chirac, à qui il revenait, en tant que « gardien des institutions », de prendre ce type de décision.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, ce qui a conduit le chef du Gouvernement à un si subit revirement de position dans la mesure où il récusait, d'une part, toute volonté de procéder à une inversion en octobre pour la proposer en novembre, d'autre part, toute initiative prise par quelqu'un d'autre que le Président de la République en la matière pour finalement accepter une réforme, sans qu'à aucun moment le Président de la République soit amené à formuler le moindre avis sur la question, en conseil des ministres, notamment.
De l'initiative de la réforme à l'absence de consultation, il y a un fossé que j'aimerais, encore une fois, voir aujourd'hui éclairci, monsieur le ministre.
Après avoir abordé cette question de procédure, dont nous contestons encore une fois la méthode, j'aimerais maintenant aborder la question de l'absence de vue d'ensemble sur ce sujet.
Certes, à l'Assemblée nationale, un débat sur l'avenir des institutions a précédé l'examen de ce texte. Néanmoins, vous me permettrez d'être dubitatif quant à son apport réel.
J'ai le sentiment - et je suis loin d'être le seul - que nous prenons le problème à l'envers. Nous souffrons en France de deux maux chroniques qui relèvent d'une pathologie nationale qui, fort heureusement, ne traverse pas les frontières et dont nos voisins sont préservés.
En effet, d'une part, nous passons notre vie à modifier notre Constitution et nos règles électorales au gré des événements et, parfois, des convenances des uns et des autres. D'autre part, nous manquons cruellement, à chaque fois, de distance et de vue d'ensemble des réformes proposées. A force de modifier au coup par coup nos règles institutionnelles, nous finirons par sortir définitivement et du champ et de l'esprit de notre Constitution.
Une fois encore, quelle est l'ambition de cette réforme ? Nous avons écarté, du moins je l'espère, l'idée d'une modification de l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale qui serait une simple convenance des députés souhaitant conserver leur mandat deux mois de plus.
Si l'ambition de cette réforme est bel et bien ce qui est affiché, à savoir l'inversion du calendrier électoral du printemps 2002 afin de consacrer l'antériorité de l'élection présidentielle par rapport aux élections législatives, la méthode adoptée est, là encore, sans souffle ni envergure.
Sans me prononcer encore sur l'opportunité ou non de cette inversion, ce que je ferai dans un instant, permettez-moi de souligner que le manque de vue d'ensemble vous empêche d'arriver à vos fins.
Ne vous en déplaise, notre Constitution n'indique nulle part qu'une élection doit ou non précéder l'autre, bien au contraire. Mais, si vous jugez que, dorénavant, l'élection présidentielle devra systématiquement précéder les élections législatives - je dis bien : « systématiquement », et pas seulement pour une seule fois en fonction de ces convenances du moment, parce que quelques études vous ont effrayés et donné le sentiment que sans cette inversion vous n'aviez pas la moindre chance d'emporter les prochaines échéances - il aurait fallu proposer une réforme ayant un peu plus de souffle et d'envergure. Il aurait fallu indiquer, par exemple, que toute nouvelle élection présidentielle doit conduire à une expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Il aurait fallu inscrire dans notre Constitution que dorénavant l'Assemblée nationale doit systématiquement être renouvelée après chaque nouvelle élection d'un nouveau Président de la République ou après chacune de ses réélections.
Cette réforme constitutionnelle aurait donné lieu à un large débat sur la nature même de notre régime. De plus, nos concitoyens auraient été amenés à se prononcer par la voie du référendum sur cette question, comme à chaque fois que notre Constitution a été modifiée en profondeur.
Au lieu de cela, par le biais d'une douteuse prolongation des pouvoirs de l'Assemblée nationale, vous vous contentez d'intervertir pour cette fois, et cette fois seulement, les deux élections. Je ne comprends pas votre démarche. Soit l'on est respectueux de notre actuelle Constitution, et on s'en tient au calendrier tel qu'il existe. Soit l'on souhaite une présidentialisation du régime, mais on en tire alors les conséquences qui s'imposent en proposant une vraie réforme définitive et globale, au lieu d'une simple proposition de loi organique discutée à la va-vite fin décembre à l'Assemblée nationale, sur laquelle, de surcroît, a été déclarée l'urgence. Je rappelle que, hier, M. de Rohan s'interrogeait en ces termes : « Quelle est la vision institutionnelle du Premier ministre ? Nous n'en savons rien ! »
En effet, la proposition de loi organique, si elle était adoptée et validée par le Conseil constitutionnel, ne réglerait absolument pas le problème du calendrier et, puisqu'elle ne le résout pas, son adoption n'est pas justifiée.
Je ne prendrai que deux exemples. Tout d'abord, imaginons que le Président démissionne, ce que nous ne souhaitons évidemment pas : le calendrier, après ce renouvellement de 2002, sera à nouveau modifié. Le problème ne sera alors absolument pas résolu. Faut-il inscrire en ce cas dans la Constitution, comme l'a souligné, non sans humour, notre collègue Lucien Lanier, que le Président de la République n'a pas le droit de mourir durant l'exercice de son mandat, par référence à ce qui s'est passé un certain nombre de fois au cours du xxe siècle ?
Le second exemple a trait au droit de dissolution. En adoptant cette proposition de loi organique, nous ferions fi de la règle constitutionnelle du droit de dissolution fixée à l'article 12 de la Constitution.
Le premier alinéa de l'article 12 est à ce sujet très explicite : « Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale. » Le second alinéa de cet article dispose : « Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution. »
La hiérarchie des normes selon laquelle la règle constitutionnelle prime sur la loi organique serait, de fait, bafouée puisque, après cette inversion du calendrier, une éventuelle dissolution serait considérée comme un contournement, alors que le Président de la République a, c'est clair, le droit de la prononcer.
Je rappelle qu'aujourd'hui le Président de la République peut, de droit, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale puisque plus d'un an est passé depuis l'élection de la nouvelle assemblée en 1997.
Imaginons donc que pour une raison ou pour une autre - crise politique majeure, ou simple explosion du bloc de plus en plus composite de la majorité plurielle, qui est d'ailleurs absente de l'hémicycle en ce moment -...
M. Josselin de Rohan. Totalement !
M. Serge Vinçon. ... le Président soit amené à prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale. Le calendrier s'en trouverait, de ce fait, une nouvelle fois modifié, et l'antériorité des élections législatives par rapport à l'élection présidentielle redeviendrait la norme.
Rien n'est donc réglé et cette réforme n'est qu'un coup d'épée dans l'eau.
Je vais maintenant aborder ce qui me semble être l'esprit de nos institutions, puisque j'entends depuis des semaines bien des personnes discourir dans tous les sens sur ledit esprit.
Les uns sont favorables à un régime purement parlementaire, les autres à un régime purement présidentiel. C'est leur droit. Pour ma part, je suis favorable au régime de la Ve République, qui a fait ses preuves et qui est le garant d'une certaine continuité de l'Etat, quelles que soient les situations, les cohabitations et les alternances qui l'ont traversé.
Là encore, sur la question de la nature de notre régime, les uns et les autres s'affrontent. Tous s'entendent néanmoins à peu près sur le fait qu'il s'agit d'un régime mixte : semi-présidentiel, semi-parlementaire.
Certains affinent cette analyse en prétendant qu'il s'agit soit d'un régime présidentiel, soit d'un régime parlementaire suivant les périodes qu'il traverse. Notre collègue Michel Charasse en faisait la démonstration tout à l'heure.
Ainsi, lorsque nous serions dans le cadre de la coïncidence de la majorité présidentielle et de la majorité parlementaire, le régime tendrait naturellement vers le présidentiel. La nature même de l'élection du Président de la République au suffrage universel sur une circonscription unique nationale lui donnerait effectivement une légitimité politique et démocratique très forte et son pouvoir de nomination du Premier ministre lui permettrait en fin de compte de contrôler l'action gouvernementale.
A contrario, en temps de cohabitation, le régime deviendrait tout aussi naturellement parlementaire parce que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » et qu'il est responsable politiquement devant le Parlement, ainsi que l'indique clairement l'article 20 de notre loi fondamentale.
Tantôt présidentiel, tantôt parlementaire, notre régime serait donc mixte.
D'autres y ont ajouté une nouvelle dichotomie : le temps démocratique. Le problème de nos institutions serait non pas le changement de mode du régime au gré du présidentialisme majoritaire ou de la cohabitation, mais l'impossibilité de prévoir le temps d'action. Alors que, dans les autres régimes européens, le calendrier est immuable et permet de maîtriser le temps de l'action politique, dans notre système le temps de gouvernement serait trop variable.
Le problème est non pas la cohabitation ou l'absence de cohabitation, mais bel et bien la durée variable des légitimités politiques, chaque nouvelle élection législative ou présidentielle annulant et remplaçant la légitimité de la précédente, quelle que soit la durée de l'exercice des mandats.
En effet, partons du principe que cette réforme soit adoptée par le Parlement et qu'elle soit, nouvelle hypothèse, validée par le Conseil constitutionnel, et que, d'ici là, rien ne modifie ce calendrier. Le Président de la République serait élu sur un programme et obtiendrait une légitimité. Rien n'indique que la nouvelle assemblée nationale, élue quelques semaines après, soit de la même couleur politique. De ce fait, la nouvelle légitimité serait parlementaire et une nouvelle cohabitation deviendrait la règle.
Où serait alors le primat de l'élection présidentielle ? Le nouveau Président de la République serait plus affaibli que jamais et les élections législatives prendraient tout naturellement un ascendant sans précédent sur l'élection présidentielle.
De ce fait, l'élection reine serait non plus la présidentielle, mais bel et bien la législative. Et puisqu'elle deviendrait reine, rien ne justifierait qu'elle soit postérieure, et ce définitivement, à l'élection présidentielle. Vous voyez par cet exemple pour le moins explicite que, en ce sens encore, la réforme proposée ne se justifie pas.
Permettez-moi de revenir au débat sur la nature de notre régime, qui, me semble-t-il, relève plutôt d'une querelle byzantine. Ainsi, notre régime serait tantôt présidentiel, tantôt parlementaire, et ce au gré des élections, chaque nouvelle élection assurant une légitimité sur l'élection antérieure.
Là encore, permettez-moi de m'inscrire en faux contre une telle assertion. Notre régime n'est pas semi-présidentiel ou semi-parlementaire, notre régime est, contrairement aux lieux communs, purement parlementaire.
Nous sommes tellement habitués à entendre cette version du « semi-semi » que l'idée même que notre régime est purement parlementaire ne nous effleure pas. C'est pourtant le cas. Qui dispose en France de la responsabilité politique ? Le Gouvernement face à l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, c'est le Gouvernement, encore lui, qui conduit la politique de la nation, même s'il met en place un programme politique consacré par une élection présidentielle. Pour toutes ces raisons, le débat sur un renforcement de la présidentialisation du régime est un faux débat, car, cohabitation ou non, le régime est, par essence, approuvé par le Parlement.
A l'heure où l'on entend tout et son contraire, cette digression s'imposait.
Pour en finir sur la question de l'esprit de nos institutions, je ne peux pas ne pas aborder la notion d'aspiration à revenir aux sources gaulliennes de notre Constitution.
Je trouve tout bonnement faramineux que ceux qui n'ont eu de cesse de combattre le général de Gaulle et les institutions de la Ve République s'en réclament actuellement à tout bout de champ.
Si, depuis plus de quarante ans, nous avons, en France, un régime stable et viable, nous le devons sans doute plus à ceux qui ont voté la Constitution de 1958 qu'à ceux qui n'ont eu de cesse de la combattre.
Si nous avons aujourd'hui un régime stable et viable, nous le devons certainement moins à ceux qui se sont opposés à l'élection du Président de la République au suffrage universel qu'à ceux qui l'ont acceptée.
Je m'étonne donc que l'on porte maintenant aux nues un soi-disant esprit gaullien de la Constitution, par simple convenance momentanée, alors même que Charles de Gaulle ne s'est jamais prononcé sur la question et que Michel Debré a bien marqué, comme nous le rappelait hier Christian Bonnet, les deux lectures possibles de la Constitution.
Faut-il rappeler que Charles de Gaulle a été élu Président de la République à la fin de décembre 1958, et ce après l'Assemblée nationale ? En 1965, il a été réélu président de la République trois ans après les élections législatives.
Faut-il rappeler que Georges Pompidou a été élu Président de la République en 1969, un an seulement après les élections législatives ?
Faut-il rappeler que Valéry Giscard d'Estaing, lui-même, a été élu Président de la République seulement un an après les élections législatives de 1973 ?
Faut-il rappeler que François Mitterrand a été élu trois ans après les élections législatives de 1978 ?
Faut-il rappeler, enfin, que Jacques Chirac a été élu deux ans après les élections législatives de 1993 ?
Ainsi, et quoi que l'on veuille nous faire croire, l'antériorité de l'élection présidentielle par rapport aux élections législatives n'a jamais été la règle de la Constitution, l'usage démontre exactement le contraire. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Louis Mercier applaudit également.) Seules les dissolutions de 1981 et 1988 ont par deux fois changé cette donne. Il était indispensable de le rappeler.
On dit aussi que, dans l'esprit gaullien de nos institutions, c'est à un président fort que revient la direction de l'action politique.
Le général de Gaulle ne s'est jamais fait élire Président de la République avec un programme d'action gouvernementale. C'est un lieu commun qu'il convient aussi de dénoncer. La fonction présidentielle à laquelle il aspirait n'impliquait pas que le Président de la République doive se substituer au Premier ministre.
Jacques Chirac, alors candidat victorieux de l'élection présidentielle de 1995, rappelait à juste titre à cette époque qu'aucun Président de la République n'avait aussi peu fait d'ingérence dans l'action du Gouvernement que le général de Gaulle.
M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est vrai !
M. Serge Vinçon. La dérive présidentialiste est venue avec les années et les présidents successifs. Pour Jacques Chirac, il est essentiel d'en revenir à l'esprit des institutions, à savoir « un président qui préside, un premier ministre qui gouverne ». Cette règle qu'il s'est fixée a marqué un retour à l'esprit de notre Constitution. Il l'a aussi bien respectée avec Alain Juppé qu'avec Lionel Jospin, aujourd'hui, certes, dans des circonstances différentes.
Pour moi, c'est cela l'esprit de nos institutions. En effet, celles-ci sont par essence parlementaires et, encore une fois, jamais le général de Gaulle n'aurait trouvé illégitime que les élections législatives précèdent l'élection présidentielle. Bien au contraire, l'histoire des années soixante a démontré l'inverse.
Après avoir évoqué l'esprit de nos institutions et la conformité ou non de la réforme proposée à son égard, j'en viens plus précisément au texte lui-même et à son opportunité.
S'agissant de cette question, je traiterai de l'absence de consensus sur cette réforme, tant au niveau de la représentation nationale qu'à l'intérieur de la majorité gouvernementale.
Pour le bon équilibre de nos institutions, un consensus national sur les réformes de fond, constitutionnelles et électorales est nécessaire, consensus sans lequel les majorités successives pourraient faire et défaire les réformes les unes après les autres. Chez aucun de nos partenaires européens, il n'y a de réforme électorale sans consensus national. Je regrette qu'en France les réformes se fassent par un camp exclusivement, au détriment de l'autre.
Dans de nombreux pays, le code électoral est annexé à la Constitution. Il me semble qu'il faudra un jour s'interroger sur l'opportunité de recourir à ce procédé pour éviter les réformes de convenance. Si le code électoral était annexé à la Constitution, ce type de réforme ne pourrait voir le jour sans la majorité des deux tiers au Congrès ou sans l'accord explicite du peuple par la voie du référendum.
Je considère que, au vu des successives et importantes réformes du code électoral proposées par le gouvernement de Lionel Jospin, comme le cumul des mandats, la parité, l'élection des sénateurs et, maintenant, l'inversion du calendrier, ainsi que toutes les autres qui sont en attente d'examen, par exemple le vote des étrangers, il faudrait définitivement recourir à l'annexion du code électoral à la Constitution afin de limiter les réformes d'opportunité.
Cette réforme est encore moins consensuelle que les réformes précédentes car seulement trois des cinq partis de la majorité y étaient favorables et que sans eux, a priori, elle n'aurait jamais pu être adoptée à l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas, à mon sens, de la meilleure approche pour faire passer des changements institutionnels si conséquents.
Ainsi, dès l'annonce de la réforme, les communistes ont fait savoir qu'ils estimaient « le projet d'inverser le calendrier électoral dangereux pour la démocratie ». Cette accusation n'est pas mince. Surtout lorsqu'elle vient du partenaire privilégié des socialistes au Gouvernement. Sans doute auraient-ils dû les écouter avec plus d'attention.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, le 19 décembre dernier, l'orateur communiste, Robert Hue lui-même, c'est-à-dire le secrétaire général du parti communiste français, déclarait que « le parti communiste avait affirmé d'emblée son opposition à l'inversion du calendrier ». Belle preuve de recherche de consensus du Premier ministre, qui fait fi des observations de ses partenaires !
Et le secrétaire général du parti communiste de continuer : « Je récuse l'idée que l'inversion du calendrier électoral serait commandée par des raisons de cohérence, ou, plus exactement, je récuse cette prétendue cohérence elle-même. Car de quoi s'agit-il ? De faire de l'élection du Président de la République un scrutin hégémonique, tandis que, par le même mouvement, l'élection des députés deviendrait une formalité subalterne. » Voilà ce que déclarait M. Hue à l'Assemblée nationale.
Quant aux Verts, l'autre formation de la majorité plurielle, ils semblaient eux aussi en délicatesse avec la proposition de loi organique.
Effectivement, les Verts, fidèles à leur tactique du « donnant-donnant », se sont divisés. Ils ont estimé qu'une « inversion du calendrier ne pourrait se faire que dans le cadre d'un paquet ». La couleur est annoncée, et les écologistes accepteront la réforme contre l'instillation d'une dose de représentation proportionnelle pour les prochaines élections législatives. Le Premier ministre tardant à la promettre, les Verts se sont divisés entre les partisans du chèque en blanc et ceux qui souhaitaient obtenir la représentation proportionnelle avant de voter l'inversion.
Dominique Voynet n'a-t-elle pas rappelé elle-même ceci : « On m'explique aujourd'hui qu'on ne change pas la règle du jeu à un an des élections, pour expliquer le refus d'introduire une dose de proportionnelle. Pourquoi la changer pour ce qui est du calendrier électoral ? » Je rappelle que c'est un ministre du Gouvernement qui s'exprime.
Voilà pour le manque de consensus au sein de la majorité plurielle sur cette grave question, qui vient s'ajouter à celui de l'ensemble des courants politiques français.
Encore une fois, les réformes, au pire de convenance, au mieux passant de justesse, ne sont jamais les bienvenues, car elles ne durent jamais longtemps, sont défaites par les majorités suivantes et divisent le peuple au lieu de le réunir. Pourtant, notre Constitution et nos règles électorales sont des contrats dont l'objet est de réunir les citoyens sur un projet de vie commun et en aucun cas ne doivent être le lieu d'affrontements.
Je réitère donc à présent l'idée que j'ai précédemment formulée. Il me semble qu'il serait salutaire, pour notre équilibre démocratique, que les majorités successives cessent de faire passer en force des réformes électorales leur étant systématiquement favorables. De ce point de vue-là, vous ne pourrez m'empêcher de constater, sans provocation, qu'il s'agit tout de même, depuis vingt ans, d'une spécialité socialiste. Contre une réforme de droite, qui répondait à une autre de gauche, on ne compte plus, en effet, les successives modifications du code électoral par les différents gouvernements socialistes. Cela a été rappelé en début d'après-midi.
Les règles du jeu ne doivent pas trop changer et, si elles doivent changer, cela doit être fait dans le consensus de toutes les parties en présence. Dans l'ensemble des démocraties voisines, aucune règle électorale ne change sans qu'un réel consensus ne se soit dégagé autour de ladite réforme.
Dans bon nombre de ces pays, le code électoral est annexé à la Constitution, et c'est sans doute le plus sûr moyen d'en éviter des changements trop brutaux.
Si le code électoral était inscrit dans la Constitution, il faudrait, dans notre pays, réunir une majorité des deux tiers au Congrès pour qu'une modification soit adoptée. Ainsi, nous pourrions garantir qu'une modification des règles du jeu n'interviendrait qu'avec l'accord explicite des deux camps, c'est-à-dire de la droite et de la gauche.
Par là même, nous aurions la garantie que toute réforme électorale relèverait non pas d'une tactique politicienne mais bien d'une réelle ambition de moderniser la vie politique. Lorsque les deux camps sont d'accord, l'équilibre est maintenu. Il ne peut donc pas être reproché à une majorité de vouloir tricher en jonglant avec les règles à quelques mois des élections ou d'avoir quelque arrière-pensée.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, il me semble que le temps d'un débat sur la place du code électoral dans nos institutions est venu. Sans doute faudra-t-il lui réserver une place dans notre Constitution ou, du moins, empêcher qu'il puisse, au gré des majorités, être modifié comme une simple loi ordinaire.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Voeu pieux, hélas !
M. Serge Vinçon. Sincèrement, je pense aujourd'hui que nous ne pourrons faire l'économie d'un débat sur cette question fondamentale.
J'aimerais maintenant en venir à la motivation réelle de cette proposition de loi organique. Comme beaucoup de mes collègues, je m'étonne du revirement soudain du Premier ministre sur cette question. Comme beaucoup de mes collègues, je suis étonné que, tout à coup, un texte qui ne semblait pas être une priorité pour le Gouvernement devienne de première importance, au point même de déclarer l'urgence sur cette proposition de loi organique alors même que d'autres priorités, autrement plus urgentes, existent.
En effet, permettez-moi de rappeler les propos prononcés par le Premier ministre, il n'y a pas si longtemps, sur cette question.
Lionel Jospin, qui s'était d'ailleurs toujours déclaré défavorable à une telle modification, témoignait dans les termes suivants au journal de vingt heures, à la télévision française, le 19 octobre dernier : « Toute initiative de ma part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne. Moi, j'en resterai là, et il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises. »
Je trouve cette phrase extrêmement intéressante et riche de sens. En effet, Lionel Jospin peut sans outrance être suspecté de faire en ce jour une réforme de convenance. Et lui-même nous invite à le penser puisqu'il reconnaît que « toute initiative de sa part serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne ».
Il a bien raison : les Français ne sont pas dupes et y voient bien une manoeuvre électorale.
Le Premier ministre aurait dû rester fidèle à sa parole lorsqu'il promettait qu'il « en resterait là ». Personne ne peut comprendre un si subit changement de cap.
Ce qui m'attriste, c'est que cette réforme soit imposée en connaissance de cause, bien évidemment. Si le Premier ministre, par naïveté, n'avait pas perçu à quel point cette réforme était privée de consensus, nous aurions pu faire l'économie d'un procès d'intention.
Mais compte tenu des propos exprimés - « il faudrait vraiment qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises » - on comprend dès lors que c'est en connaissance de cause qu'il a fait le choix de faire passer la réforme en force, alors même que sa propre majorité opportuniste s'émoussait sur ce texte.
Le Premier ministre s'est justifié en déclarant, à l'Assemblée nationale, que nous étions trop loin des prochaines échéances pour savoir si cette inversion du calendrier jouerait en faveur de tel ou tel candidat ou en faveur de tel ou tel camp.
Permettez-moi d'être dès lors étonné d'entendre Henri Emmanuelli déclarer, en marge du congrès des socialistes à Grenoble, que ce débat sur le calendrier était « disproportionné », que « personne n'était dupe » et que « cela fait des mois que tout le monde sait que ce calendrier n'est pas favorable au candidat de gauche ».
Je comprend mal que Lionel Jospin fasse passer en force et en vitesse une proposition de loi organique censée n'être favorable à personne alors que ses partenaires se frottent simultanément les mains en rappelant que tout le monde sait depuis longtemps que le calendrier actuel ne leur est pas favorable.
Le procès d'intention que vous estimez injuste n'est pas totalement dénué de fondement, et c'est un euphémisme.
Cette réforme est effectivement une réforme de convenance et, encore une fois, il n'est pas sain dans une démocratie moderne de procéder à de tels changements à des fins purement électoralistes. Les électeurs en jugeront par eux-mêmes.
Il me reste encore un point à aborder avant d'en conclure : il s'agit de la constitutionnalité de la réforme proposée.
Fort heureusement, si le recours à la proposition de loi a dispensé le Conseil d'Etat d'une analyse et le Président de la République d'un avis, le fait que cette loi soit nécessairement organique ne vous dispensera en revanche pas d'un contrôle de constitutionnalité.
Nous savons qu'il convient maintenant de dénoncer tous ceux qui s'opposent à l'action politique du Gouvernement.
Nous savons que le Sénat est une « anomalie » lorsqu'il se fait un devoir de remplir son rôle constitutionnel.
Nous savons que le Conseil constitutionnel outrepasse ses droits lorsqu'il soulève l'inconstitutionnalité de certains textes.
Nous savons que l'opposition - cela nous a été dit jeudi dernier dans cet hémicycle - ne devrait jamais saisir le Conseil constitutionnel sur un texte de la majorité.
Nous savons que le Président de la République n'est pas dans son rôle lorsqu'il émet des réserves sur l'action gouvernementale. A ce sujet, certains pensent que l'inversion du calendrier serait destinée à punir Jacques Chirac, taxé d'être intervenu trop vivement sur la crise de l'ESB. J'ose espérer que ce n'est pas la motivation première de la réforme, tant cette manière de faire de la politique serait consternante.
En tout état de cause ce texte, parce qu'il s'agit d'une proposition de loi organique, devra être soumis au contrôle de constitutionnalité de droit et, sans anticiper la décision du Conseil constitutionnel, j'émets les plus grandes réserves quant à la constitutionnalité de la future loi organique.
M. Robert Badinter. Ha ! Ha !
M. Serge Vinçon. Louis Favoreu, constitutionnaliste émérite que la commission des lois a auditionné la semaine dernière, a émis un certain nombre de réserves que j'aimerais ici rappeler. Il a souligné que cette entreprise allait à l'encontre de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel.
M. Robert Badinter. Oh !
M. Serge Vinçon. Evoquant les quatre décisions du Conseil constitutionnel sur des reports de dates d'élections, intervenues en 1990, en 1994 pour deux d'entre elles, et en 1996, il a souligné qu'elles concernaient la prorogation du mandat des membres d'assemblées locales, à savoir les conseils municipaux et les conseils généraux pour les trois premières et une assemblée territoriale d'outre-mer pour la dernière, mais que les enseignements que l'on pouvait en tirer s'appliquaient a fortiori à la prorogation du mandat de l'Assemblée nationale.
Il a observé que le Conseil constitutionnel avait à chaque fois validé la démarche tout en la subordonnant au respect de conditions strictes, à savoir le caractère exceptionnel et transitoire de la prorogation et l'existence d'une réelle justification.
Il a noté que les motifs retenus par le Conseil constitutionnel avaient été, par exemple, de favoriser la participation des électeurs, d'assurer la continuité de l'administration départementale, d'éviter la concomitance des élections avec une réforme sur le statut des élus, enfin de permettre aux électeurs d'être mieux informés des conséquences de leur choix.
En observant que cette juridisprudence était évidemment transposable au cas d'une élection nationale, il a indiqué que le Conseil constitutionnel serait amené à exercer un véritable contrôle des motifs de la modification proposée...
M. Robert Badinter. Ce serait un comble !
M. Serge Vinçon. ... alors qu'en doctrine il avait été relevé que le début d'un tel contrôle avait été observé justement à propos des décisions précitées de 1990 et 1994.
Enfin, Louis Favoreu a récusé l'idée selon laquelle le Conseil constitutionnel aurait donné par avance une justification à l'inversion du calendrier dans ses recommandations du 23 juillet 2000. Il a estimé que la seule préoccupation exprimée par le Conseil constitutionnel, à savoir le respect de la date limite de présentation des candidats, pouvait être parfaitement satisfaite par une fixation de la date des élections législatives aux 3 et 10 mars et par une clôture des présentations pour l'élection présidentielle au 2 avril à minuit, pour une élection présidentielle fixée aux 21 avril et 5 mai. Il faut à ce sujet souligner que M. le ministre de l'intérieur lui-même l'avait explicitement reconnu à l'Assemblée nationale le 19 décembre dernier.
Pour toutes ces raisons, sans anticiper bien sûr la décision du Conseil constitutionnel, nous ne pouvons qu'émettre les plus grandes réserves sur la constitutionnalité de cette proposition de loi organique. Rien, par rapport aux anciennes décisions, ne justifie en effet cette réforme.
En conclusion, pour toutes ces raisons, qu'il s'agisse de la méthode consistant à passer par une proposition de loi organique, et non par un projet de loi, qu'il s'agisse de la volonté délibérée d'écarter le Président de la République du débat, ce qui est irrespectueux pour la fonction, qu'il s'agisse des conséquences insoupçonnées de cette réforme sur nos institutions, de l'absence de consensus sur cette réforme, des présomptions fortes de manoeuvres politiciennes ou de l'inconstitutionnalité du présent texte, je ne pourrai pas, à l'instar du groupe du Rassemblement pour la République, voter la proposition de loi organique qui est soumise à notre examen. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Louis Mercier applaudit également.)
M. Jean-Patrick Courtois. Remarquable !
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avais prévu d'être particulièrement rapide pour éviter les interruptions de nos collègues socialistes. (Rires.) Mais, puisqu'ils ne sont pas là, je vais pouvoir développer mes arguments, et donc essayer de mobiliser toute la pédagogie nécessaire dans ce débat très important.
Je reconnais, monsieur le ministre, qu'à ce stade de la discussion, pour être franc, beaucoup de choses ont été dites,...
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Ah !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... notamment par notre rapporteur, M. Christian Bonnet - je reviendrai tout à l'heure sur la qualité du rapport et du rapporteur.
Je souhaite, pour me débarrasser tout de suite de cette critique, insister d'abord, évidemment, sur la manoeuvre.
Je tiens à ce qu'il soit clair aux yeux de tous, dans ce pays, qu'alors que nous sommes dans un début de siècle, un début de millénaire, que notre société a beaucoup de difficultés à affronter, le Parlement est mobilisé pour discuter du calendrier électoral !
La manoeuvre est assez évidente. D'abord, monsieur le ministre, pourquoi l'urgence ? Quand, élu régional de Poitou-Charentes, je pensais qu'un jour je pourrais peut-être espérer retrouver la Haute Assemblée, siéger parmi les sages, je me disais : « Là-bas, on va au fond des choses ; là-bas, il y a de multiples compétences qui s'expriment, se confrontent, et, finalement, la synthèse est riche et fertile ».
Or, depuis que je suis là, je ne participe qu'à des courses de vitesse, (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR) qu'à des débats en urgence, notamment sur les dossiers qui concernent principalement les collectivités territoriales !
Au cours des derniers mois, rendez-vous compte, monsieur le ministre, la France, à laquelle nous sommes très attachés, a été secouée, a été bousculée : une loi sur l'intercommunalité pour M. Jean-Pierre Chevènement et le MDC votée en urgence ; une loi sur l'aménagement du territoire pour Mme Voynet votée en urgence. Verts et MDC servis, il fallait une loi pour le parti communiste et M. Gayssot : il y a eu la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, SRU, votée en urgence. Autant de textes importants qui concernent les territoires !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le sénateur ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Si c'est pour gagner du temps, bien volontiers, monsieur le ministre ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Raffarin, que la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains n'a pas été votée selon la procédure de l'urgence.
Quant à l'intercommunalité, je ne doute pas que le président de la région Poitou-Charentes que vous êtes se réjouit de son succès, puisque 90 communautés d'agglomération ont été créées.
Vous le voyez, le législateur fait donc un excellent travail et il le fait dans la réflexion, sans course de vitesse, à moins que vous ne nous engagiez aujourd'hui, ce dont je ne doute pas, dans une course de lenteur, ce qui est une autre forme de course ! (Sourires.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je m'engage, monsieur le ministre, dans une course de profondeur ! (Rires.) « Quand l'immédiat dévore, l'esprit dérive » dit Edgar Morin. Je crois beaucoup à cette formule.
Et puisque, parlant de l'intercommunalité, vous avez cité la grande et belle région Poitou-Charentes, voyez ce que l'on aurait pu éviter : Niort, l'agglomération, et le marais Poitevin, le pays, tous deux en compétition et le territoire stérilisé parce que les uns appliquent la loi Voynet et les autres croient à la loi Chevènement ! Si l'on avait pu aller plus au fond des choses, on aurait évité cette compétition entre l'intercommunalité et le pays.
Par ailleurs, il va falloir nous prononcer, au sein des délégations, sur les schémas de service, question ô combien importante ! Et quand va-t-on demander à toutes les collectivités territoriales de France de donner leur avis ? Dans le courant du mois de février ou du mois de mars, période pendant laquelle il ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, qu'il y avait la campagne des élections cantonales, des élections municipales et les élections elles-mêmes. On va donc engager une discussion sur des schémas de service qui devraient précéder les contrats de plan, mais, qui, là, sont postérieurs aux contrats, et tout cela dans une période électorale ! Si l'on avait pris le temps de la discussion, on ne serait pas allé si loin dans l'erreur !
Et lorsqu'il s'est agi de la régionalisation du ferroviaire, visée dans la loi sur la SRU, a-t-on profité de l'occasion pour ouvrir un débat de fond sur l'aménagement du territoire, comme nous le souhaitions ? Non ! Et à quoi assistons-nous aujourd'hui ? A la fracture rurale. On voit bien que, partout, le ferroviaire va se développer là où la population est dense, comme le disait encore récemment le président du Limousin. Là où il n'y a pas assez de population susceptible de prendre le train, il n'y aura pas de train ; il y aura toufefois des dépenses pour les collectivités territoriales les plus fragiles, car, naturellement, on demande à ceux qui ont le moins de financement de payer pour rattraper leur retard. Mais s'ils sont en retard, c'est précisément parce qu'ils ont moins de financement ! (Applaudissements sur les travées du RPR.) Voilà des questions fondamentales !
M. le président. Permettez-moi de vous interrompre un instant, monsieur Raffarin, pour préciser à M. le ministre que, sur le projet de loi, sur SRU, il y avait bien déclaration d'urgence.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Mais le Sénat a pris son temps !
M. le président. Le Sénat a pris le temps qui était nécessaire pour examiner un texte complexe, mais il y avait bien déclaration d'urgence.
Veuillez poursuivre, monsieur Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je vous remercie, monsieur le président. Voyez mon sens républicain : un ministre m'ayant contredit, je n'avais pas osé imposer ma conviction ; il m'avait fait hésiter ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. La parole d'un ministre n'est pas parole d'Evangile !
M. le président. Ne soyez pas timide, monsieur Raffarin !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je l'ai dit, il y a trop de débats en urgence.
La manoeuvre nous montre aussi combien ce Gouvernement aime toucher aux élections. Vous avez beaucoup de goût pour la chose électorale, monsieur le ministre, mais sous l'angle de l'organisation tacticienne.
Vous avez changé les règles concernant les élections régionales, là aussi, me semble-t-il, dans l'urgence. Il fallait aller très vite. Résultat : les listes régionales comporteront plus de cent quatre-vingts noms en Rhône-Alpes, plus de deux cents en Ile-de-France. Je rappelle pour mémoire que les listes nationales pour les élections européennes, avec quatre-vingt-six noms, sont déjà considérées par beaucoup comme bien trop longues !
Quelle lisibilité, quelle belle pratique démocratique ! Et tout cela parce qu'on a voulu modifier rapidement la loi électorale régionale.
Vous avez également touché à la loi concernant les élections sénatoriales, mais le Conseil constitutionnel vous a remis dans le bon chemin. Vous avez tout de même essayé.
Vous voulez modifier le système électoral des agglomérations et vous rêvez - on le voit dans toutes les déclarations - de changer la loi électorale départementale, de supprimer le canton, d'instaurer la proportionnelle.
Pourquoi tant de goût pour les questions électorales ? Pourquoi vouloir, en permanence, changer les règles ou les dates des élections ? Pourquoi cette obsession préoccupante qui sent autant la manoeuvre ? N'y a-t-il pas plus important à faire, aujourd'hui, dans notre pays ?
En l'espèce, y avait-il, pour ces deux élections, législatives et présidentielle, une volonté profonde des Français ? Y avait-il là une pression majeure ? Nos présidents de groupe et, tout à l'heure, M. Vinçon, ont répondu avec talent à ces questions.
Y avait-une exigence particulière Sur six élections présidentielles depuis 1962, deux seulement ont immédiatement précédé les élections législatives. Seulement deux sur six !
Pour en revenir à la pression de l'opinion, il suffit de regarder les résultats des sondages sur le sujet pour se convaincre qu'une majorité se dégage en faveur du maintien du calendrier. Je note d'ailleurs qu'elle est très forte chez les communistes : 44 % contre 29 %. Chez les Verts, elle est de 47 % contre 41 %. Chez les membres du parti socialiste, c'est « kif-kif » : 43 % contre 44 %. A l'UDF et au RPR, les majorités sont fortes en faveur du maintien du calendrier.
On ne peut donc pas dire que la pression soit très forte pour le changement, et la manoeuvre apparaît ainsi pour ce qu'elle est.
Et pourquoi ce changement de pied ? Pourquoi ce changement de position par rapport aux déclarations des membres du Gouvernement et du Premier ministre lui-même ?
Vous avez peut-être lu, mes chers collègues, cette dépêche qui est tombée à seize heures quarante : « Lionel Jospin a réaffirmé aux chefs de file de la majorité plurielle, à l'Assemblée nationale, qu'il n'entendait pas prendre d'initiative, à l'heure actuelle, pour modifier le calendrier des élections législatives et présidentielle de 2002. Le Premier ministre a tenu à dire que, sur ce plan-là, il constatait qu'il n'y avait pas de consensus et que cela faisait l'objet, au sein de la gauche, de divergences. Donc, il n'y a pas d'initiative en matière de calendrier qui puisse être prise dans l'immédiat. »
Cette dépêche, je l'ai dit, est tombée à seize heures quarante, mais c'était le 15 novembre 2000. Il n'y a pas si longtemps, tout de même !
Pourquoi ce changement si rapide et pourquoi, surtout, cette réforme sans consensus ? On voit, en effet, les divisions partout.
Pourquoi vouloir systématiquement gouverner ce pays en accentuant les divisions ? Au fond, le gouvernement moderne, n'est-ce pas précisément chercher à rapprocher, plutôt qu'en permanence aggraver les oppositions, favoriser les affrontements, créer des divisions ? N'est-ce- pas, aujord'hui, essayer de surmonter les clivages pour dégager des volontés communes, faire partager les réformes, plutôt qu'imposer à la minorité des prises de position qui heurtent et qui blessent ? N'est-ce pas rechercher de larges majorités, sachant qu'à l'Assemblée nationale la proposition n'a été adoptée qu'avec onze voix d'avance ? Onze voix d'avance pour quelques mois de plus ! On ne peut vraiment pas parler de succès !
Si le Congrès, Assemblée nationale plus Sénat, était réuni pour trancher la question, il n'y aurait même pas la majorité pour voter le texte.
La loi électorale, c'est notre règle commune de jeu, c'est le code de conduite de la démocratie. Pour qu'elle soit légitime, elle doit être largement acceptée. Si une loi prête à discussion, si elle oppose les uns aux autres, elle ne donne pas à la démocratie la sérénité dont elle a besoin.
Cette manoeuvre est profondément regrettable. Bien cernée, elle commence à être parfaitement perçue par les Français.
C'est une erreur du Gouvernement de vouloir s'éloigner des préoccupations principales de nos concitoyens et de faire de la chose électorale la chose essentielle.
Mais on voit bien pourquoi ! Cela a été dit par de très nombreux responsables socialistes : avec cette inversion du calendrier électoral, M. Jospin espère gagner l'élection présidentielle. C'est dit avec plus ou moins de clarté, avec une langue plus ou moins verte, en utilisant parfois la langue de bois, parfois l'expression de vérité.
Sur ce terrain, on peut rendre hommage à Daniel Cohn-Bendit, qui a dit, en toute clarté, qu'il était pour l'inversion du calendrier parce qu'il voulait que Jospin gagne l'élection présidentielle.
M. Louis Althapé. Au moins, c'est clair !
M. Jean-Pierre Raffarin. Daniel Cohn-Bendit n'a pas que des qualités, mais au moins son expression est-elle vivifiante. Et, en l'occurrence, il dit ce qu'il pense, ce qui est tout à son honneur.
Nous regrettons profondément que cette manoeuvre soit ainsi développée par l'ensemble des responsables du parti socialiste.
Et pourquoi, dans cette manoeuvre, le Gouvernement méprise-t-il ainsi le Sénat, monsieur le ministre ? Le rapport de M. Bonnet, qui est historique, documenté, juridique, qui reflète un réel travail en profondeur, me semble de nature - je le dis sans esprit partisan - à faire réfléchir nombre de parlementaires dans cette assemblée, mais aussi dans l'autre. Il est la preuve que cela vaut la peine de faire confiance au Sénat, à son travail, même si nous avons été bousculés par le calendrier.
En fait, la distance avec l'actualité, la distance avec l'esprit partisan, la distance avec les modes, c'est l'une des forces du Sénat. A vouloir imposer systématiquement un rythme comme celui que vous avez choisi, on fait que personne n'est gagnant dans la bousculade.
La qualité de la démonstration de M. Bonnet sera utile à tous ceux qui, sur ce sujet, cherchent encore à forger leurs convictions, et c'est un honneur pour notre Haute Assemblée que d'avoir produit un tel travail. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Pourquoi ce manque de considération à l'égard du Sénat et, d'une manière générale, pourquoi porter sur les institutions de la Constitution ces discrédits, ces attaques publiques ?
Le Sénat est concerné mais le Conseil constitutionnel l'est aussi. Ainsi, M. Vaillant, dans la discussion générale, cite le Conseil constitutionnel, pour lui rendre hommage quand il conforte sa thèse. Mais quand le Conseil constitutionnel conteste les propositions du Gouvernement, s'agissant notamment de dispositions relatives aux bas salaires, aussitôt fusent des rangs du parti socialiste des attaques inacceptables contre cette institution.
Dans une démocratie, à partir du moment où l'on accepte une institution, on doit également accepter ses décisions, sans faire un tri entre celles que l'on considère aller dans le sens qui nous convient et celles qui vont dans le sens inverse. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
C'est le respect de l'Etat de droit. Respectons le Sénat, respectons le Conseil constitutionnel, faisons vivre nos institutions et respectons leur personnalité ! C'est, je crois, très important pour l'avenir de notre démocratie.
J'en viens, au-delà de la manoeuvre, à l'esprit des institutions.
J'ai entendu nombre de réflexions pertinentes sur ce sujet et je n'ai pas qualité à faire une interprétation gaullienne. Mais comme l'a dit notre collègue Serge Vinçon tout à l'heure, je vois beaucoup de gens encore moins qualifiés que moi en histoire gaullienne s'autoriser aujourd'hui à faire des commentaires.
C'est pourquoi, pour ma part, je vous ferai simplement part de ma conviction sur ce sujet : je ne vois pas en quoi l'inversion du calendrier remettrait en cause les conceptions gaulliennes que nous pouvons avoir les uns ou les autres.
Tout d'abord, j'ai retenu un point important de l'esprit de la Constitution de la Ve République : le Président de la République est en charge de l'essentiel, et il doit donc pouvoir disposer de la plus grande des libertés ; il est responsable devant le peuple, et devant le peuple seulement. C'est lui, dans son contact avec le peuple, qui conduit la République.
Pourquoi donc vouloir l'enfermer dans des calendriers, dont on sait bien au fond qu'on ne peut pas les maîtriser ? Ce qui fut fortuit dans le passé peut l'être également dans l'avenir. Quelle prétention que de vouloir maîtriser les calendriers de la politique quand on sait que la politique, c'est la vie ! Quelle prétention que de vouloir tout réglementer, sans laisser à la démocratie cette « respiration » historique dont, par essence, elle a besoin !
Le Président de la République ne doit donc pas se trouver enfermé dans des calendriers qui limiteraient son influence, encore moins dans un jeu institutionnel. Cela a déjà été dit, mais, je le répète, il est profondément choquant de toucher aux modes d'élection sans que le Président de la République lui-même puisse participer au débat. C'est vraiment tourner le dos à l'esprit gaullien de la République. L'homme chargé de l'essentiel ne peut pas être considéré comme subalterne dans un processus électoral. Or, c'est ce qui est fait avec la procédure qui nous est aujourd'hui proposée. (Applaudissements sur certaines travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Evidemment, on nous dit que le calendrier est fortuit et qu'on pourrait organiser les choses de manière plus rationnelle. Moi, je voudrais quand même que l'on réfléchisse bien à ce que doit être la priorité. Sur ce sujet, les choses ne sont pas si simples qu'on le déclare en général.
La première échéance est-elle toujours la plus importante ? Le premier plat est-il toujours le plat consistant ?
M. Jean Chérioux. Rarement !
M. Jean-Pierre Raffarin. Aux termes de mon éducation républicaine, acquise sur le terrain, dans ma propre région, j'ai appris que M. le préfet était, en l'absence de M. le ministre, la personnalité la plus importante, et, à ce titre, devait intervenir en dernier dans les débats. Dans notre histoire, dans la création littéraire ou dans bien des domaines scientifiques, les exemples sont nombreux qui démontrent que la première échéance n'est pas forcément la plus importante. Il faut réfléchir à cette question, notamment pour voir comment nous pourrions organiser les différentes influences résultant des différentes élections.
Au fond, l'on voit bien que, dans notre démocratie, aujourd'hui, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ont besoin, dans l'exercice de leurs responsabilités, d'un partenaire qui n'est pas de même nature mais qui est vivant : le partenaire territorial.
Je souhaite d'ailleurs que, dans l'avenir, dans le droit-fil du discours de M. le Président de la République à Rennes, la décentralisation favorise une meilleure reconnaissance du pouvoir territorial. Je pense à un serment républicain qui permettrait à des élus, dans une région ou dans un département, d'être les représentants de l'Etat, par délégation, à l'instar du maire qui est officier de police judiciaire et officier d'état civil, par exemple.
Le pouvoir territorial est aujourd'hui un élément fondamental de notre organisation démocratique. Pourquoi donc privilégier systématiquement l'influence nationale par rapport à l'influence locale au détriment de l'expression populaire ?
Certes, l'élection législative est l'expression d'une influence nationale, mais également d'une influence locale. Quelle doit être la prédominance, nationale ou locale ? Comment arbitrer ce débat ?
Le débat est ouvert. Pour moi, il n'y a pas de hiérarchie d'évidence. Quand je vois la société hiérarchique du passé bousculée dans bien des domaines par la société ascendante, quand je vois les réseaux venir remplacer les structures verticales, je me demande pourquoi, de temps en temps, on ne placerait pas l'expression locale avant l'expression nationale en donnant la priorité au territoire, plus proche des citoyens, sans pour autant lui accorder une plus grande importance, mais en le laissant s'exprimer en premier.
Cela n'est pas inconcevable dans une saine pratique de la démocratie. Que l'élection la plus localisée ait lieu en premier n'a rien de choquant. En tout cas, je crois qu'il y a là matière à réflexion, et pourquoi ne réfléchirait-on pas à un système qui valorise cette République d'en bas à laquelle nous sommes tous attachés.
Les citoyens, aujourd'hui, ont le sentiment qu'on ne s'occupe pas de leurs problèmes ; ils ont le sentiment que la politique s'occupe des problèmes des politiciens.
M. Hilaire Flandre. Et c'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin. D'ailleurs, quand on change des lois électorales et qu'on ouvre des débats en début de siècle, en début de millénaire sur ces questions-là, on va bien dans cette direction. Nous devrions donc envoyer des messages à nos concitoyens pour témoigner que nous sommes attentifs à l'expression de la République d'en bas.
Nous appartenons à la même République mais nous voyons bien, aujourd'hui, que le clivage entre ceux qui représentent les hiérarchies de la société et ceux qui représentent le terrain est quelquefois plus important quand il divise les classes et les couches politiques. Il y a là, je crois, un message à faire passer : ce qui nous vient du terrain, ce qui nous vient du local, ce qui est l'expression populaire enracinée doit avoir une importance.
N'établissons pas d'évidence une hiérarchie en s'appuyant sur le fait que le national voudrait systématiquement dominer parce qu'il n'écouterait pas le local. Le national est beaucoup plus fort quand il est attentif, quand il écoute et quand il sait tenir compte de ce que dit le territoire. C'est pour cela que cette influence locale doit être prise en compte dans l'influence nationale qui s'exprime à l'occasion des élections.
Dans tout cela, au fond, un grand débat est révélé par cette question de l'inversion du calendrier, notamment sur la cohabitation. Sans développer ce sujet, déjà très largement abordé, je ferai quelques remarques sur la fonction même de Matignon.
Quel est cet espace ? Quel est son sens ? On voit bien sa légitimité, on voit bien son champ d'action. Mais pour le citoyen, au fond, Matignon est-il le lieu de la prise en compte quotidienne des problèmes des Français, de la recherche des solutions immédiates aux problèmes qui sont posés au Gouvernement de la France, dans le siècle, dans le temps, ici et maintenant ? Ou Matignon est-il le lieu de l'investissement où l'on retarde, où l'on prépare la prochaine échéance électorale, où l'on fait en sorte que, finalement, l'on investit sur l'histoire politique à venir au lieu de traiter les problèmes du présent. Cette question est grave, car aujourd'hui Matignon semble devenir une sorte d'espace stratégique, une sorte de salle d'attente où l'on préparerait les étapes à venir.
Une réflexion s'impose : un gouvernement a pour mission de gouverner et non pas de reporter les réformes pour préparer les élections. Il doit répondre aux problèmes des Français.
Or, aujourd'hui, on a le sentiment qu'un certain nombre de réformes importantes - c'est le cas de la réforme des retraites, sujet fondamental pour l'avenir de notre société - ne sont pas prises à bras-le-corps.
Il en est de même de réformes aussi importantes que celle de l'éducation nationale qui nous a été proposée par M. Allègre. Il a d'ailleurs été licencié pour cause de « réformite » aiguë ; il a été obligé de se retirer et avec lui ses dossiers de réforme. On l'a remplacé par un ministre qui paralyse, qui « glacifie » un peu le dispositif : pas de vagues jusqu'aux élections !
Les retraites : pas de vagues jusqu'aux élections ! La réforme de l'administration fiscale : pas de vagues jusqu'aux élections ! Tout ce qui peut être difficile : pas de vagues jusqu'aux élections ! Simplement, une petite ristourne fiscale au mois de septembre prochain pour que tout le monde soit content et que l'on oublie qu'il n'y a pas eu de réforme mais pour que l'on puisse quand même empocher un petit bonheur ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) D'ailleurs, pourquoi pas ? Je reconnais naturellement au Gouvernement le droit d'être habile. Mais cela ne l'autorise pas à manquer de courage : l'habileté n'est pas un défaut, sauf quand elle est la seule qualité.
On ne s'attaque pas vraiment aux réformes dont notre pays a besoin. On constate que la tendance à Matignon aujourd'hui est de se tapir au fond d'une tonne un peu comme dans les Landes ou en Charentes-Maritimes : on le fait pour guetter l'arrivée de la palombe, mais là on le fait pour faire tourner les circonstances à son avantage. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Ce n'est pas la Constitution telle qu'elle a prévu la répartition des pouvoirs qui recommande d'emprunter cette piste.
Je ne fais pas de politique depuis très longtemps, mais je m'intéresse quand même à la question. (Rires sur les mêmes travées.)
M. Robert Del Picchia. Et avec quelle efficacité !
M. Jean-Pierre Raffarin. Or, depuis que je suis entré en politique, je me suis aperçu qu'il fallait être prudent dans ce genre de calculs et se défier de la logique qui consiste à ne pas vouloir s'attaquer aux dossiers pour s'occuper des règles électorales : la cuisine électorale est bien réglée, cela passera et on aura toujours le temps d'étudier les dossiers ensuite ! Mais le problème c'est qu'en politique les choses ne se passent pas toujours comme on les a prévues.
M. Hilaire Flandre. Heureusement !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je peux vous le dire parce qu'en 1974, à mes débuts politiques, on m'avait annoncé la victoire de Chaban-Delmas et ce fut celle de Giscard-d'Estaing.
En 1978, les choses allaient mal, le peuple était dans la rue, c'était difficile, la CFDT tenait son congrès du recentrage et on disait que la droite allait être balayée, que la gauche allait gagner ; or et c'est le contraire qui s'est produit, grâce à l'action de Jacques Chirac. En 1981, Giscard : Deux Français sur trois, un Président de la République réformateur, visionnaire et c'est Mitterrand qui gagne (Rires) !
En 1988, Chirac : il va chercher les otages, il est présent sur tous les fronts, il a un gouvernement réformateur, donc, ça va passer ; et boum ! c'est Mitterrand qui gagne.
En 1995, c'est écrit, Balladur est là, et tout le monde est derrière lui, tout est prêt, le pronostic est sûr : c'est Balladur ; patatras, c'est Chirac ! (Nouveaux rires.)
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. En somme, vous vous trompez tout le temps ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. En 1997, on va dissoudre pour gagner et, boum ! c'est la gauche qui arrive au pouvoir ! (Rires.)
Alors, monsieur le ministre, un conseil : ne jouez pas à tous ces pronostics-là ; ne changez pas une règle parce que vous pensez tirer profit de la manoeuvre. Agissez en fonction de l'intérêt général : c'est la seule façon de gagner.
Je suis très inquiet quand je vois aujourd'hui tous les calculs qui sont faits. Qui peut dire à qui profitera cette manoeuvre ? On en connaît l'origine ; on ne sait pas à qui elle profitera. D'ailleurs, sur ce sujet-là, je ne désespère pas, mais je garde mes pronostics pour moi, et vous comprendrez pourquoi ! (Rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
J'insiste, monsieur le ministre : on ne peut aujourd'hui espérer que ce pays se mobilise, face aux défis qu'il a à relever, avec, pour tout projet politique, le changement des règles électorales !
Il y a là quelque chose de profondément décevant au regard des deux grandes critiques que l'on fait aujourd'hui à la politique et qui imposent une autre attitude et une autre réflexion que celles que propose le Gouvernement.
On le sait, on reproche à la politique son impuissance grandissante, son incapacité à répondre aux préoccupations profondes des Français ; bref, on lui impute la malgouvernance.
On voit bien, d'ailleurs, qu'il ne suffisait pas de distribuer de l'argent : aujourd'hui, des salariés et des travailleurs indépendants appartenant à diverses couches de la société française, et dont la situation s'est parfois améliorée, n'en ont pas moins le « blues » au fond du coeur, quand ils ne sont pas au bord de la révolte.
Regardez cette société : n'a-t-elle pas l'air heureux ? Mais ces images de croissance, de frénésie de soldes que nous montre la télévision ne suffisent pas à cacher le fait que les avocats sont mécontents, les médecins inquiets, les convoyeurs révoltés, comme les agriculteurs et les éleveurs...
M. Christian Bonnet, rapporteur. Et les caisses d'épargne, dont les personnels étaient hier dans la rue !
M. Jean-Pierre Raffarin. En effet, et je suis sûr que chaque sénateur ici pourrait attester le malaise que nous constatons tous.
Le mécontentement est dont patent.
Pourquoi ? Parce que la responsabilité publique n'apporte pas les solutions concrètes que les gens attendent, et nous, nous leur parlons de calendrier électoral !
Je voudrais vraiment que tous ensemble, droite et gauche, nous, les hommes politiques, nous nous attaquions à la fois à la capacité de résultat, mais aussi à la recherche de vérité en politique.
Aujourd'hui, un mensonge très important fragilise notre pays. Pour ma part, je considère, en effet, que l'on ment sur la place du national. Celui-ci est en train d'être fragilisé, et l'on fait croire qu'il règle tous les problèmes. On voit aujourd'hui le national attaqué par les pouvoirs d'en haut, par les marchés, par les directives européennes, par tout ce qui est au-delà du national ; et l'on voit aussi le national de plus en plus déstabilisé. Il le comprend de moins en moins ; il ne sait pas s'adapter à l'émergence des pouvoirs locaux.
Le national est fragile, et il continue de faire croire que tout va bien. Commençons par les élections nationales, tout ira bien ! Le national réglera tous les problèmes !
Non ! si l'on ne défend pas le national, si l'on ne s'attache pas à faire en sorte que notre cohérence républicaine soit affirmée, le pays sera fragilisé.
Il nous faut manifester cette vérité-là si l'on veut aujourd'hui défendre un projet politique qui ne soit pas une simple tactique électorale. Il faut affirmer la vérité !
Tout à l'heure, on a parlé de décentralisation. Nous voyons bien que l'on a besoin du national. Le national, c'est la cohérence républicaine ! Nous voyons bien que l'on a besoin des départements et des régions ; c'est la décentralisation, c'est la proximité ! Ainsi, certains sujets sont mieux traités par la proximité et d'autres mieux traités par la cohérence : pour l'énergie nucléaire, il vaut mieux prendre la cohérence nationale, mais, pour le développement local ou le tourisme patrimonial, on peut préférer la proximité.
Certes, dans la République, les différents pouvoirs peuvent s'organiser, mais il faut traiter ces questions-là au fond et ne pas passer sur des débats qui font les vraies inquiétudes des Français et qui montrent combien on peut aujourd'hui s'intéresser à la vérité en politique.
Ne faites pas semblant, monsieur le ministre, et ne niez pas le fait que nous avons des problèmes importants à traiter pour que la politique renoue des relations de confiance avec les Français !
Or, avec ce texte-là, nous tournons le dos à cette démarche de confiance, en choisissant des débats qui semblent ne concerner que nous-mêmes. Bref, c'est là, je crois, la façon la plus sûre de tourner le dos à l'opinion.
Travaillons aussi sur l'efficacité de la politique. Regardons ces « mammouths » administratifs que l'on voit se développer aujourd'hui. Il y a maintenant cinq ministres aux affaires sociales et, s'il faut faire une place à M. Kouchner, pourquoi pas six, finalement ? Il y en a bien cinq à Bercy et quatre à l'éducation nationale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
On peut, certes, développer les structures - plus ça va, plus on les développe - mais ce sont autant de « mammouths ». Et, quand il y a des tempêtes, on voit l'impuissance dans laquelle nous nous trouvons les uns et les autres pour faire face aux difficultés, aux blessures, à l'angoisse de nos concitoyens.
Je vous assure, monsieur le ministre, que je n'aurais pas le courage aujourd'hui, un an après la tempête, d'aller dire à mes électeurs, dans le sud de la Charente-Maritime ou le sud de la Charente...
M. François Trucy. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... que, cette semaine, j'ai discuté avec M. Queyranne de l'inversion du calendrier électoral. (Sourires.)
Si je dis cela à mes sylviculteurs, à mes éleveurs, compte tenu de la situation aujourd'hui dans cette région, je vous assure qu'ils n'auront pas une énorme considération pour la vie politique...
M. Hilaire Flandre. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... et cela, je ne le souhaite pas. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
Il faut donc rechercher une gouvernance différente qui traite des problèmes des Français, qui recherche la vérité et l'efficacité. Il nous faut faire en sorte, ensemble, de bien montrer que les problèmes que nous traitons ne sont pas ceux de la classe politique, mais qu'ils sont les problèmes de tous les Français. C'est sur cette première exigence que se jouera l'élection présidentielle, c'est sur cette exigence-là, sur ces réponses-là, et non pas sur le fait de savoir qui est le premier sur la ligne de départ !
Mais il nous faut aussi aller au-delà de cette vérité et de cette efficacité : il faut tracer une perspective. Au fond, nous devons réfléchir ensemble à ce que doit être cette perspective à proposer aux Français en ce début de millénaire.
On voit bien, aujourd'hui, l'inquiétude croissante que suscite la mondialisation ; on voit bien, d'un côté, cette formidable ouverture, et, de l'autre, cette terrible inquiétude ; on voit bien les Bové se replier sur eux-mêmes ; on voit bien, d'un autre côté, les Zidane qui n'hésitent pas à aller gagner à l'étranger.
M. Henri de Raincourt. Sur le plan fiscal !
M. Jean-Pierre Raffarin. On voit bien cette dialectique, mais ils sont tous Français, et il nous faut concilier les tendances des uns et des autres. Dans cette logique, que pouvons-nous leur proposer ?
Je crois qu'il faut aller au fond des débats, et ce siècle qui s'amorce peut être une renaissance, tout comme, à la fin du Moyen Age, on a remis en cause un certain nombre d'idées toutes faites pour faire place à des idées nouvelles. Cette mutation appelle aujourd'hui une renaissance de l'humanisme, c'est-à-dire une redéfinition de la place que l'on doit accorder à l'homme au coeur de nos processus. En réalité, on fait tout actuellement, dans l'action publique nationale, pour donner le sentiment que l'homme est à la périphérie des décisions, à la périphérie des administrations, à la périphérie des processus, alors que les citoyens nous demandent de replacer l'homme au coeur de toutes nos préoccupations. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Où est l'homme aujourd'hui dans un débat électoral, de tactique, de calendrier ? Où est la place que nous devons donner à cet humanisme libéral et créateur qui est au coeur de nos convictions ?
Comment faire en sorte d'humaniser toute la politique, d'humaniser l'Etat et les structures ? Comment faire en sorte que l'individu n'ait pas le sentiment d'être face à des machines, à des mouvements qu'il ne maîtrise pas, face à une puissance incontrôlée qui progressivement le broie ? Ce sont les réponses à ces questions-là que les citoyens attendent de nous ! Si nous sommes élus au Parlement, c'est pour que, dans tous les textes et toutes les décisions, quelqu'un s'interroge : « Mais l'homme, dans tout cela, y pensez-vous ? » Tel est le combat que nous devons mener.
Alors, franchement, on ne peut pas considérer avec beaucoup de joie et de satisfaction ce débat qui nous est aujourd'hui proposé et qui ne répond pas à l'attente des Français. Je suis vraiment convaincu que les projets qui sont importants pour notre pays - projet européen, projet démocratique, projet économique, projet social, projet environnemental - font partie des réflexions que les Français exigeront des candidats à la présidence de la République. Car telles sont aujourd'hui les grandes questions qui sont posées.
Que s'élèvent dans ce pays des voix pour que l'on dépasse l'univers de la tactique, l'univers de la manoeuvre. Que s'élèvent des voix pour proposer aux Français les messages d'avenir qu'ils attendent du pays mais aussi de chacune et de chacun d'entre nous ! Faisons en sorte que ces projets qui concernent vraiment l'ensemble du pays soient suffisamment mobilisateurs et dépassent des clivages si bloquants !
Au fond, que nous demande le peuple aujourd'hui, sinon de « métisser » nos coeurs et de nous rapprocher les uns des autres ? Il ne réclame pas la renaissance perpétuelle de nouveaux clivages, avec les bonnes familles et les mauvaises familles ; les bonnes PME et les mauvaises PME ; les bons agriculteurs et les mauvais agriculteurs ; ceux qui respectent l'environnement et ceux qui ne le respectent pas. Car tous ces clivages sont autant d'accusations et ces accusations génèrent une société brutale dont nos concitoyens ne veulent pas.
Or le texte qui nous est proposé aujourd'hui nous paraît non seulement subalterne par rapport aux préoccupations des Français, mais aussi brutal. Il divise votre majorité, et divise aussi notre opposition, ce qui n'est bon pour personne. Nous n'avons pas intérêt à favoriser ce type de clivage ; nous n'avons pas intérêt à ce que les questions d'organisation politicienne deviennent des enjeux. C'est à de telles attitudes que nous devons, parfois, le rejet que la politique inspire à l'opinion.
Monsieur le ministre, pour nous, les élections législatives sont évidemment très importantes. En effet, elles sont l'occasion de juger le bilan d'un gouvernement. Au reste, un gouvernement qui a fait voter des textes par le Parlement et qui aura géré cinq ans durant la République se doit, fièrement, de présenter son bilan et, sur ce bilan, de demander quitus à l'opinion publique. Il est assez étonnant, à cet égard, que le chef du Gouvernement, qui tire sa légitimité de l'élection législative, ne veuille pas commencer par présenter son bilan à l'occasion d'une élection législative. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Auguste Cazalet. Très bien !
M. Philippe Marini. Bravo !
M. Jean-Pierre Raffarin. Aurait-il peur de cette évaluation ? Craint-il l'inspection du peuple français ?
M. Philippe Marini. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. Craint-il, finalement, ce débat, cette fois un débat national, non pas résumé à quelques joutes télévisées, mais mené sur le terrain, en profondeur, circonscription par circonscription - circonscription rurale, circonscription équilibrée, circonscription urbaine - département par département - petits départements, grands départements ? En somme, un vrai débat !
M. Serge Vinçon. C'est exact !
M. Jean-Pierre Raffarin. Et, ce vrai débat, on cherche ici à l'escamoter.
MM. Philippe Marini et Serge Vinçon. Oui !
MM. Jean-Pierre Raffarin. A cet égard, la seule satisfaction qui est aujourd'hui la nôtre, c'est de constater que le pays le comprend et qu'il a bien ressenti qu'il y avait là comme un refus d'obstacle, comme une haie qu'on essaierait de franchir en la contournant.
M. Serge Vinçon. En biaisant !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est, je crois, fort dommage, et le Gouvernement lui-même n'en conçoit sans doute aucune fierté.
Quel que soit le calendrier électoral qui sera retenu, quel que soit l'ordre des élections, quelles que soient, au fond, les circonstances, quand on se bat pour des convictions profondes et non par opportunisme, pour de grands projets politiques ne reflétant pas l'étroitesse de certaines formes d'esprit que les circonstances inquiètent, quand on se bat ainsi, on peut faire passer un véritable message, celui de la France qui fait son entrée dans le nouveau millénaire,...
M. Philippe Marini. Oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... un message susceptible de mobiliser les Français et qui nous permettra, au sein de l'Europe, de faire entendre notre voix. Monsieur le ministre, soyez assuré que la majorité sénatoriale a confiance dans l'avenir ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Carle. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai beaucoup de scrupules à prendre la parole après la brillante intervention de notre collègue Jean-Pierre Raffarin...
M. Henri de Raincourt. Ce sera différent, mais tout aussi sympathique !
M. Jean-Claude Carle. ... sur un débat qui, de toute évidence, préoccupe les Français, mieux même, les passionne !
Ce week-end encore, dans mon département, mais je pense qu'il en est de même chez vous, les gens n'ont parlé que de cela, inquiets de savoir si la loi serait adoptée avant les prochaines élections municipales, impatients de connaître le nom de ceux qui voteront courageusement pour cette réforme courageuse ! (Sourires.)
Que l'Etat soit dans l'incapacité de mettre en oeuvre la présomption d'innocence, que des voitures brûlent dans les quartiers, que les convoyeurs soient contraints de faire leur métier la peur au ventre, que la femme et le fils d'un ex-président de la République insultent les magistrats et traitent la justice de preneuse d'otage, au fond tout cela vous importe peu, pourvu que l'on inverse le calendrier électoral ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Soit, monsieur le ministre, débattons, débattons, quitte à froisser le président de l'Assemblée nationale, M. Forni. Dans une interview à la veille du nouvel an - Christian Bonnet l'a dit -, il estimait que le Sénat « aurait quelque audace à retenir un texte qui ne le concerne pas directement puisqu'il s'agit des élections à l'Assemblée nationale ».
M. Josselin de Rohan. Il n'était pas le seul !
M. Jean-Claude Carle. Il voulait probablement faire allusion à la tradition républicaine qui veut qu'une assemblée n'interfère pas dans le débat lorsque celui-ci porte sur le mode d'élection de l'autre chambre.
M. Josselin de Rohan. Quelqu'un d'autre l'a dit !
M. Jean-Claude Carle. Il aurait pu se rappeler qu'en son temps lui-même et les députés de la gauche n'ont vu aucun inconvénient à modifier le mode d'élection des sénateurs sans s'embarrasser du moindre scrupule.
De nos jours, le ridicule ne tue plus. Heureusement pour tous ceux qui ne seraient plus de ce monde aujourd'hui ! (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Monsieur le ministre j'ai écouté votre collègue ministre de l'intérieur défendre avec ardeur la proposition de modification du calendrier électoral. A Coeur Vaillant, il est vrai, rien d'impossible ! (Rires sur les mêmes travées.)
Pourtant, je dois le dire, malgré ses efforts, il n'a pas été convaincant, sans doute parce qu'il n'était pas lui-même convaincu.
Il n'a pas répondu, en particulier, aux trois questions qui motivent notre discussion : pourquoi l'inversion de l'élection présidentielle et des élections législatives ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi comme ça ?
Si je pose d'emblée ces questions, c'est parce que, reconnaissons-le, rien ne laissait présager votre aversion du calendrier électoral.
Lorsqu'en avril 1997 l'Assemblée nationale est dissoute, il n'a échappé à personne que la nouvelle législature prendrait fin en 2002, du moins à ceux qui connaissent la Constitution.
Comme je le disais, personne ne s'en est alors ému, pas même M. Jospin. Reportez-vous à ses déclarations et à ses écrits. Jamais il n'a été question d'inverser le calendrier électoral, ni dans son programme de campagne ni, ensuite, dans sa déclaration de politique générale, cette fameuse déclaration que vous ne manquez jamais de brandir, tels les dix commandements.
Depuis trois ans, nous aurions eu l'occasion de débattre à deux reprises au moins du calendrier ; tout d'abord, lors de la discussion sur la réduction de la durée du mandat présidentiel, puis lors de l'examen du projet de loi concernant la modification de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. A chaque fois, le Gouvernement en a exclu l'éventualité.
Lors du débat sur le quinquennat au Sénat, le 29 juin dernier, j'entends encore M. Robert Badinter réclamer une modification du calendrier électoral et Mme Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, lui répondre dans un clair-obscur : « M. Badinter a évoqué la question du calendrier des élections législatives et présidentielle. Il a évidemment tout à fait raison de rappeler que la date de l'élection présidentielle, depuis 1974, résulte de la date du décès en avril du président Georges Pompidou. Pour autant, je voudrais souligner ici, au nom du Gouvernement, que, s'agissant de la chronologie des élections de l'année 2002, cette réforme constitutionnelle n'a vocation à s'appliquer qu'au mandat du prochain Président de la République et ne doit en rien affecter la durée du présent mandat. Ici et maintenant, nous n'avons à débattre que de la réforme constitutionnelle sur la durée du mandat du Président de la République. D'ailleurs, comme M. Badinter l'a rappelé, la question du calendrier des élections législatives relève de la loi organique. »
C'est une déclaration pleine d'ambiguïté, je vous l'accorde. Mais cette ambiguïté a été vite dissipée lorsque, le 24 septembre, Mme Guigou expliquait sur France Inter qu'« il ne serait pas opportun de changer le calendrier [...] juste avant l'élection car, chaque fois cela se produit, on peut être accusé de vouloir trafiquer ».
M. Josselin de Rohan. C'est le cas !
M. Jean-Claude Carle. Et de concéder qu'il faudrait « de toute façon, après 2002, revenir à un calendrier plus normal ». Comme vous, j'ai bien entendu : « après 2002. » Même débat et même tonalité de la part du ministre de l'intérieur, M. Daniel Vaillant, à l'Assemblée nationale, le 10 octobre dernier, dans le débat sur les modalités d'organisation de l'élection présidentielle.
Répondant à un amendement du député Georges Sarre qui proposait l'inversion du calendrier au profit de l'élection présidentielle, il avait clairement écarté l'hypothèse en répondant : « Le Gouvernement, vous le savez, respecte les échéances fixées par les lois de la République. Il n'a pas pris d'initiative pour modifier le calendrier électoral de 2002, ce qui nécessiterait en effet de proroger le mandat de cette assemblée. Dans l'hypothèse où l'évolution du débat politique ferait apparaître un très large accord pour inverser l'ordre des échéances électorales, le Gouvernement serait alors disponible pour en débattre, naturellement, mais c'est loin d'être le cas aujourd'hui. Il est donc défavorable à cet amendement et ne peut que souhaiter son retrait. »
M. Josselin de Rohan. Sa main droite ignore ce que fait sa main gauche !
M. Jean-Claude Carle. De guerre lasse, M. Sarre avait alors retiré son amendement, faute d'une majorité pour le voter. Nous étions le l0 octobre 2000.
Au nom du droit d'inventaire, je poursuis ce rappel chronologique, déjà fait par Christian Bonnet.
Vous allez voir, c'est très instructif !
Invité du journal télévisé sur TF1, le 19 octobre, le Premier ministre en personne expliquait que « toute initiative serait interprétée de façon étroitement politique, voire politicienne [...] Moi, - avait-il ajouté - j'en resterai là et il faudrait vraiment, comme l'a dit François Hollande, qu'un consensus s'esquisse pour que des initiatives puissent être prises. »
Le 19 novembre, le trésorier du parti socialiste, le député Alain Claeys, déclarait sur le site Internet du PS : « Nous maintenons notre position : il n'est pas question pour nous de demander une modification qui pourrait se justifier juridiquement, mais serait mal perçue politiquement. Nos concitoyens pourraient y voir une modification de circonstance ou de convenance. »
C'est sans doute pour cela que, une semaine plus tard, M. Jospin se prononçait, contre toute attente, en faveur de l'inversion du calendrier devant le congrès du PS, soucieux sans doute de ne pas importuner le Parlement avec des effets d'annonce.
M. Jospin se veut un homme d'Etat. Les Français attendent d'abord d'être gouvernés par des hommes d'éthique. (Sourires.)
« Je fais ce que je dis, je dis ce que je fais » : c'est la phrase qui revenait tel un leitmotiv dans le discours du Premier ministre. Seulement voilà, depuis les choses ont changé. Désormais, M. Jospin fait le contraire de ce qu'il dit et dit le contraire de ce qu'il fait. (Très bien ! Et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Résultat, même le parti socialiste s'est trouvé pris de cours. Plusieurs jours après son congrès, son site Internet a continué d'afficher la position officielle de ses dirigeants contre l'inversion du calendrier électoral.
Même le ministre de l'intérieur n'a pas échappé à l'ironie de l'histoire. En consultant le Journal officiel, je me suis pris à sourire en lisant sa réponse à une question écrite sur les dates des élections. Cette réponse était publiée au Journal officiel du 27 novembre, c'est-à-dire le lendemain du congrès de Grenoble, au cours duquel M. Jospin avait annoncé son intention de modifier le calendrier.
Que lisait-on ? « Les élections présidentielle et législatives doivent être organisées selon un calendrier très précis, en vertu respectivement des articles 7 de la Constitution et L.O. 121 du code électoral ».
Et d'ajouter : « Fixer un an avant les dates exactes de ces différents scrutins ne présente donc que peu d'intérêt et ne permettrait pas de prendre en compte certaines contraintes de calendrier difficilement prévisibles à plus d'un an de l'échéance électorale ». M. Vaillant ne croyait pas si bien dire ! (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Quant à vos alliés, je n'aurai pas la cruauté de m'étendre sur les réactions provoquées par le revirement du Gouvernement !
Le 17 décembre dernier, M. Jean-Claude Gayssot témoignait sa solidarité gouvernementale de manière toute personnelle, en indiquant publiquement qu'il était contre l'inversion du calendrier électoral, craignant que « ce soit vécu comme une manoeuvre et que cela contribue à dissocier le peuple des responsables politiques ».
Si même les communistes se mettent à penser comme nous, alors tout est possible ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. Guy Fischer. On est loin de penser comme vous ! En Rhône-Alpes, on vous connaît !

M. Ivan Renar. On a déjà donné en ce qui concerne tout ce qui est monocolore !
M. Jean-Claude Carle. D'autant que, deux jours plus tard, c'était au tour du secrétaire national du parti communiste, M. Robert Hue, de dire tout le bien qu'il pensait de votre réforme, soulignant qu'il n'était « pas bon de vouloir faire jouer à l'Assemblée nationale un médiocre rôle au service de ce qui apparaît avec raison comme une mesure de circonstance ».
M. Guy Fischer. S'il sert de référence !
M. Jean-Claude Carle. Quant à vos alliés écologistes, on ne s'étonnera pas de leur position : en Vert et contre tout, telle a toujours été leur devise !
De là sans doute la motion de procédure déposée contre votre texte par M. Mamère, s'étonnant à juste titre de « cette précipitation à vouloir régler cette question de calendrier » alors « qu'on repousse des réformes nécessaires pour cause d'encombrement d'ordre du jour ».
Voir vos alliés se désolidariser du Gouvernement dans un aussi bel ensemble devrait vous conduire à vous interroger sur le bien-fondé de cette réforme : de la gauche plurielle, ne serait-on pas en train de passer à la gauche plus rien ? (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Ivan Renar. Quel pessimisme !
M. Jean-Claude Carle. Lors du vote à l'Assemblée nationale, certains se sont extasiés sur les 300 voix pour. Ils oublient tout simplement - et Jean-Pierre Raffarin vient de le rappeler - que la majorité absolue est de 289 voix. Cela veut dire concrètement que l'inversion du calendrier n'est passée qu'avec 11 voix !
Si le Gouvernement a pu compter à cette occasion sur une majorité de circonstance, n'espérez pas que le Sénat apporte sa rançon - pardon ! - je voulais dire sa caution à une manoeuvre aussi grossière. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. (Rires et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Pour justifier cette proposition de loi, le Premier ministre et vous-même avez plaidé la cohérence. A jouer les fossoyeurs de la Ve République il n'est pas étonnant que votre discours soit fait de faux-fuyants et de vrais mensonges.
M. Jospin a commencé par expliquer que si ce calendrier était maintenu, pour la première fois, on verrait un président élu juste après les députés. Il a également suggéré qu'un tel calendrier ferait peu de cas de la logique de nos institutions et constituerait une anomalie. La même sans doute que le Sénat. C'est décidément une obsession chez lui.
M. Serge Vinçon. Il doit en rêver la nuit !
M. Jean-Claude Carle. On savait le Premier ministre fâché avec l'histoire mais pas au point de voir le droit d'inventaire se muer en droit d'inventeur.
En effet, revenez quelques années en arrière. Vous verrez que, à trois reprises au moins, les élections législatives ont précédé l'élection présidentielle : les 23 et 30 novembre 1958, avant la présidentielle du 21 décembre 1958 ; les 23 et 30 juin 1968, avant la présidentielle du 15 juin 1969 ; les 4 et 11 mars 1973, avant la présidentielle du 19 mai 1974.
Vous allez me rétorquer que l'élection de 1958 n'avait pas lieu au suffrage universel direct. Mais soyez cohérents ! Vous prétendez inverser le calendrier poursoustraire l'élection du Président de la République à l'influence des partis. Or, en 1958, avec l'élection par le collège des grands électeurs, l'influence des partis était bien plus importante qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Quant à l'élection législative de 1968, qui donc niera que s'y inscrivaient en filigrane la succession du général de Gaulle et l'affirmation de Georges Pompidou comme son successeur ?
On peut toujours réécrire l'histoire ; vous autres socialistes en savez quelque chose. En revanche, il est des réalités que l'on ne peut contester.
M. Jospin nous dit qu'il faut revenir à un calendrier normal, qu'il faut rétablir un ordre normal. Une fois encore, vérifiez : jamais, dans les travaux des constituants, il n'a été question d'un ordre réétabli ou d'une logique immuable.
M. Philippe Marini. C'est la normalisation !
M. Jean-Claude Carle. La logique, s'il en faut une, c'est celle du calendrier de la Ve République tel qu'il aurait dû se dérouler si aucun décès ou aucune démission n'était venu contrarier le mandat présidentiel.
Que constate-t-on ?
Si le second mandat du général de Gaulle était allé à son terme, l'élection présidentielle aurait eu lieu un an avant les élections législatives de 1973. En revanche, les élections législatives suivantes auraient eu lieu en 1978, soit un an avant l'élection présidentielle de 1979.
Mieux encore : en respectant les délais fixés par la Constitution, présidentielle et législatives auraient dû avoir lieu la même année, en 1993.
C'est la preuve que ce que vous avancez est faux. Je ne vous en fais cependant pas le reproche : vous ne pouvez que mal apprécier des institutions que vous avez toujours rejetées.
Je poursuis en répondant point par point aux autres arguments du Gouvernement, car c'est cela aussi le débat.
Toujours au nom de la cohérence, M. Jospin assène qu'il faut rétablir l'ordre du calendrier républicain puisque, selon lui, la dissolution de 1997 aurait « inversé l'ordre normal des rendez-vous démocratiques ».
Sur ce point précis, je crois qu'il faut nous attarder quelques instants.
D'abord, je veux souligner que François Mitterrand ne s'est pas privé de dissoudre - il l'a fait à deux reprises - l'Assemblée nationale bien avant le terme de la législature. S'il ne l'avait pas fait, le problème du calendrier ne se poserait pas dans les mêmes termes aujourd'hui.
Ensuite, je veux rappeler que la gauche n'a pas eu à se plaindre de la dissolution de 1997 et qu'elle est mal venue d'en critiquer le principe aujourd'hui.
Enfin, je veux m'inquiéter du propos du Premier ministre lorsqu'il conteste le droit de dissolution dévolu au Président de la République en vertu de l'article 12 de la Constitution, car c'est une des pierres angulaires de nos institutions.
L'article 12 prévoit en effet que : « Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution ». Contester la modification du calendrier découlant de la dissolution, c'est donc contester le droit de dissolution lui-même.
Imposer un ordre de priorité entre l'élection présidentielle et les élections législatives, c'est ignorer le moment fixé pour les élections législatives en cas de dissolution par la Constitution.
Vous ne pouvez changer quoi que ce soit à celle-ci par une loi organique : ce que la Constitution a fait, seule une loi constitutionnelle peut le défaire, mais vous n'avez pas la majorité pour cela, et vous le savez !
Enfin, je doute - et j'en aurai terminé avec l'argument de la cohérence - qu'il y ait une « élection directrice », ainsi que le Gouvernement voudrait nous le faire croire. Je conçois d'autant moins cet argument que nous avons connu - je devrais plutôt dire « subi » - la cohabitation pendant neuf ans sur les vingt dernières années ; Christian Bonnet l'a très justement rappelé.
En 1986, M. Mitterrand perd aux législatives, mais gagne deux ans plus tard à la présidentielle et n'obtient qu'une très courte majorité aux législatives qui suivent la dissolution de 1988. En 1995, M. Jospin perd l'élection présidentielle, mais gagne les législatives en 1997.
La réalité, c'est que notre régime est semi-présidentiel, semi-parlementaire. Selon leur résultat, les deux élections nous offrent une lecture différente de la Constitution : tantôt présidentielle, tantôt parlementaire lorsqu'il y a cohabitation.
Qu'on le veuille ou non, les élections présidentielle et législatives s'identifient étroitement : que peut, en effet, un président élu s'il ne peut s'appuyer sur une majorité au Parlement pour mettre en oeuvre sa politique ?
En définitive, M. Jospin peut bien se retrancher derrière la caution des constitutionnalistes pour justifier l'inversion du calendrier électoral, cela ne changera rien à notre point de vue. M. de Raincourt a démontré hier, avec talent, que la question est loin de faire l'unanimité entre eux. Quand bien même cette unanimité existerait, c'est une décision politique que nous devons prendre, je vous le rappelle. Quel que soit le respect que nous devons à ces éminents juristes, le droit n'est pas une fin, c'est un moyen pour répondre à cette question : qu'est-ce qui est le mieux pour les institutions, donc pour le pays et pour les Français ?
A cette question, disais-je, tous les juristes n'ont pas apporté la même réponse. Je me rappelle surtout que ceux d'entre eux qui se portent aujourd'hui garants de l'orthodoxie de la fonction présidentielle n'ont pas eu de mots assez durs en 1962 pour pourfendre la réforme du mode de scrutin présidentiel et l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel.
Vos arguments, vous l'avez compris, monsieur le ministre, ne nous convainquent pas. Nous ne vous croyons pas quand vous tentez de justifier le surprenant revirement du Gouvernement. Nous ne vous croyons pas non plus quand vous vous posez en défenseur de l'esprit de la Ve République ; une Ve République contre laquelle votre famille a voté en 1958 et en 1962 ; une Ve République contre laquelle la gauche n'a pas eu de mots assez durs.
En vérité, magouillage et tripatouillage sont les deux mamelles du mitterrandisme finissant, dont vous êtes les héritiers. François Mitterrand dénonçait le « coup d'Etat permanent ». En permanence, vous faites des tas de coups ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Avec l'inversion du calendrier électoral, le Gouvernement veut manipuler nos institutions à son profit. Il est vrai qu'à ce petit jeu la gauche s'est toujours montrée très adroite. (Sourires.)
En 1985, déjà, ce ne sont pas les scrupules qui ont étouffé le gouvernement socialiste et sa majorité lorsqu'il s'est agi de modifier le mode de scrutin législatif pour substituer le scrutin proportionnel au scrutin majoritaire. Ce fut l'objet de la loi du 10 juillet 1985, votée et promulguée moins d'un an avant les élections législatives du 16 mars 1986, loi qui a alors privé la droite d'une majorité plus nette.
En 1990, vous ne vous êtes pas davantage gênés pour rallonger d'un an le mandat des conseillers généraux et tenter de regrouper les élections cantonales dans l'espoir d'une majorité introuvable. Ce fut l'objet de la loi du 11 décembre 1990.
Depuis 1997, les initiatives du Gouvernement n'ont pas manqué pour faire main basse sur le pouvoir local et obtenir sur le tapis vert la légitimité que vous n'avez pu obtenir par les urnes. A la modification du scrutin régional, qui laissera les régions un peu plus exsangues, a succédé la réforme du mode d'élection des sénateurs, avec l'acharnement que l'on sait.
L'inversion du calendrier est la dernière illustration de ce que j'avance : les députés de la gauche plurielle, qui veulent raccourcir le mandat sénatorial, n'ont vu aucun inconvénient à se voter une rallonge ! (Rires sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini. Ils seraient même volontiers allés au-delà !
M. Jean-Claude Carle. A ce stade de notre discussion, nous ne savons toujours pas ce qui vous a poussés subitement à changer d'avis. Ne serait-ce pas tout simplement parce que vous y avez intérêt ? Quand M. Jospin évoque la nécessité de garantir l'égalité entre candidats, est-ce bien le Premier ministre qui parle, ou le candidat à la présidentielle ?
Ne vous offusquez pas que l'on puisse mettre en doute la sincérité et le désintéressement de vos motivations, ne vous offusquez pas quand on vous dit que vous faites de la politique, mais ne nous reprochez pas non plus d'en faire et excusez-nous d'exister.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Pour ma part, je constate seulement les faits : la gauche a peur des prochaines législatives. La meilleure preuve en est que le texte que vous nous soumettez ne concerne que l'élection de 2002.
Depuis 1981, jamais un gouvernement et une majorité de gauche ne l'ont emporté lorsque la législature est allée normalement à son terme. En 1986, la droite l'a emporté, et il n'a tenu qu'au mode de scrutin proportionnel imposé par le gouvernement Fabius moins d'un an avant les élections qu'elle n'obtienne une majorité plus forte. En 1993, la droite, alors dans l'opposition, l'avait également emporté avec une majorité écrasante.
En 1997, la gauche est sortie vainqueur des élections législatives. Rappelons tout de même que, sur 75 triangulaires, le Front national, votre meilleur allié, avait fait battre quarante candidats de droite lors du second tour.
Depuis, il n'est pas faux de dire que la bonne tenue de la gauche dans les sondages ne se convertit pas en dynamique électorale. En réalité, le seul vrai sondage, c'est celui des urnes. Que dit-il ? Il révèle une stabilité dans le rapport de force entre la droite et la gauche.
Que dire par exemple du résultat médiocre de la liste socialiste-radicale, principal soutien de M. Jospin, lors des élections européennes en 1999 ? Cette liste a réalisé un score inférieur de quatre points à celui des listes Rocard et Tapie en 1994. De fait, elle représentait moins de 10 % des électeurs inscrits ; il n'y avait vraiment pas de quoi pavoiser !
En 2000, droite et gauche ont eu l'occasion de s'affronter dans quarante scrutins partiels : sept législatives et trente-trois cantonales. Résultat : chaque camp a conservé ses positions, l'opposition gagnant même trois cantons.
Tout cela pour dire que l'opposition est bien là et qu'elle sera présente au rendez-vous du suffrage universel. Elle est d'autant mieux présente que vous ne pourrez plus compter autant que par le passé sur l'extrême droite, qui vous servait jusqu'à présent de fonds de commerce électoral.
Quant aux sondages, nous savons ce qu'il faut en penser. Pour ma part, je préfère écouter les Français plutôt que de parler à leur place.
Rappelez-vous la dernière rentrée de septembre quand les Français ont réagi à la manière calamiteuse dont le Gouvernement avait géré la flambée du prix du carburant et la crise des transports : le Premier ministre a perdu 17 points d'un seul coup. Ce qui s'est passé peut se reproduire, preuve qu'un sondage ne fait pas le printemps.
Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi vous avez fait machine arrière pour proposer d'inverser le calendrier.
Le paradoxe, avec cette inversion, c'est que le bilan de la gauche, ce bilan dont vous vous prétendez si fiers, serait totalement occulté par le débat présidentiel.
Sur ce point, vous ne vous êtes pas expliqué.
Peut-être parce que vous savez qu'on gagne une élection non pas sur un bilan, mais sur un programme et, mieux encore, sur un projet. Seul ce que l'on pourra faire pour eux demain intéresse nos concitoyens.
Peut-être aussi parce que vous savez que votre bilan n'est pas aussi bon que vous feignez de le croire. Dans un contexte où la croissance est un peu l'arbre qui cache la forêt, elles sont nombreuses les réformes essentielles que vous n'avez pas eu la volonté de mener.
Un autre paradoxe trahit votre embarras : vous saluez une proposition de loi que votre gouvernement n'a pas eu le courage d'endosser lui-même. Je note en effet que, comme pour le quinquennat, c'est une proposition de loi, relevant donc de l'initiative parlementaire, et non un projet de loi, qui sert de support à notre débat.
Pour donner le change, le Premier ministre a voulu voir là une marque du respect que le Gouvernement porterait, selon lui, au Parlement. Avouez, monsieur le ministre, que le Parlement a bon dos !
Un débat de cette importance justifiait davantage de temps. Vous nous l'avez refusé. Qu'importe, nous le prenons, sinon pour arrêter une grande réforme de nos institutions, du moins pour en esquisser les contours.
Il faut dire la vérité aux Français. Et ne comptez pas sur nous pour nous comporter comme des « parlementeurs » : nous serons des parlementaires responsables et déterminés.
Car, il faut le faire savoir, l'inversion du calendrier électoral ne servira à rien ; ou plutôt, elle ne servira que vos calculs électoraux. Je ne sais pas si c'est une réforme de convenance. Ce que je sais, en revanche, c'est qu'il s'agit d'une manoeuvre qui n'est pas convenable.
Comme je l'ai dit voilà quelques instants, il est tout de même étonnant que le texte voté par l'Assemblée nationale ne concerne que l'élection de 2002. Pourquoi pas les suivantes ?
D'un point de vue pratique, il est clair que l'inversion du calendrier n'empêcherait pas le chef de l'Etat de dissoudre l'Assemblée nationale, de démissionner ou, pis, de décéder. Si pareille hypothèse venait à se réaliser d'ici à 2002, le problème de l'ordre des élections se reposerait de la même manière.
En fait, si le Gouvernement avait réellement voulu agir, il aurait proposé de changer la date de l'élection présidentielle dans la Constitution et d'aligner le calendrier des élections législatives sur cette nouvelle date. Vous ne l'avez pas fait parce que, encore une fois, vous n'avez pas la majorité pour le faire.
Monsieur le ministre, on ne réforme pas les institutions tous les six mois. Ainsi, avec le quinquennat, nous allons élire le Président de la République et les députés pour la même durée. Manifestement, vous n'en avez pas tiré les conséquences.
Poussant le raisonnement du Gouvernement jusqu'au bout, je pose la question : pourquoi ne pas avoir proposé de faire voter les Français le même jour ? Il faudrait être stupide ou de mauvaise foi pour croire que nos concitoyens aiment se déplacer pour voter quatre fois en l'espace de cinq semaines.
L'hypothèse d'une même date pour les deux élections présente un autre intérêt. Dans un régime comme le nôtre, le Président de la République est d'autant plus susceptible d'asseoir son pouvoir qu'il dispose d'une majorité au Parlement. Voter le même jour, ce serait se prononcer pour un homme ainsi que pour un projet que le Parlement aurait pour mission de mettre en oeuvre.
La vérité, c'est que ce débat est un faux débat. En effet, tous les problèmes qui justifient une modernisation en profondeur de nos institutions restent posés.
Lorsqu'on voit à quel degré de confusion en sont arrivés les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, on peut se demander si la Constitution est encore respectée et bien adaptée.
Quelle est cette République où les « copains », comme on l'a vu ces derniers jours, peuvent en toute impunité insulter les magistrats et la justice sans que le Gouvernement, complaisant, réagisse ?
Quelle est cette République où les lois ne sont plus faites pour les hommes, mais où quelques hommes font la loi ?
La première des urgences devrait être de restaurer la séparation des pouvoirs et de multiplier les contre-pouvoirs, à commencer par le Parlement, dont le Gouvernement - Premier ministre en tête - se flatte d'avoir approuvé et accompagné les initiatives.
Nous avons appris à connaître sa méthode. Si vous pensiez à la proposition de loi sur l'inversion du calendrier pour répondre à cette exigence, alors, je suis navré de vous couper votre effet !
Plutôt que devoir enregistrer un effet d'annonce devant le congrès du PS, nous aurions apprécié que le chef du Gouvernement réservât cette information au Parlement.
Plutôt que de devoir examiner une réforme à la va-vite, affublée d'un consensus de façade, nous aurions cent fois préféré que le Parlement fût consulté par le Gouvernement avant l'engagement de la France au Kosovo, cent fois préféré que le Gouvernement s'expliquât à propos du budget et des comptes de l'Etat, cent fois préféré que le Gouvernement dît la vérité au sujet de l'autorité de l'Etat bafouée en Corse, cent fois préféré l'inscription à l'ordre du jour du Parlement d'un texte de loi portant réforme de l'ordonnance de 1959 sur le contrôle du budget de la nation.
Séparation des pouvoirs, donc, mais aussi distribution, diffusion et décentralisation des pouvoirs : c'est la seconde priorité pour le pays, et vous n'avez rien fait à cet égard. Vous êtes même allés en sens inverse, Jean-Pierre Raffarin l'a très bien rappelé.
Le débat qui a lieu en ce moment même à l'Assemblée nationale sur la décentralisation n'est qu'un cache-misère. C'est une illusion de croire que nous vivons dans un pays décentralisé !
En 1982, les Français ne connaissaient que trois personnes : le maire, le préfet et le Président de la République. Vingt ans plus tard, rien n'a changé, ou si peu ! Et ce n'est pas la politique de reprise en main des circuits de décision et de financement que votre gouvernement a entreprise depuis 1997 qui va y remédier.
En définitive, vous êtes les David Copperfield ou les « Merlin désenchanteurs » de la politique. Face aux réalités, vous sortez la boîte à illusions, ou plutôt à désillusions ! (Sourires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
L'éducation, priorité des priorités, exige une réforme en profondeur et la consultation de tous les Français. Vous faites disparaître, comme par « désenchantement », le seul ministre qui avait eu le mérite de poser les vraies questions, et vous sortez de votre chapeau des milliards qui ne feront qu'illusion.
Les nouvelles technologies de communication, la globalisation et l'instantanéité de l'information ont sonné le glas de l'architecture pyramidale de la société et réclament une démocratie décentralisée.
A ces enjeux d'avenir, vous répondez dans le court terme par le tripatouillage du calendrier, comme pour mieux éviter d'affronter les défis du futur.
Notre démocratie souffre d'un manque de représentativité. A l'urgente nécessité de permettre l'égal accès des femmes et des hommes à la vie publique, quelles que soient leurs origines sociales ou professionnelles, vous répondez par la parité, qui n'est qu'un écran de fumée.
Que des maires renoncent à poursuivre leur tâche devant les obstacles qui se multiplient est un signal. Que salariés et patronat prennent eux-mêmes en main la refondation sociale est un signal. Que la société bouge sans nous attendre est un signal. Le signal que l'Etat vieillissant, l'Etat sclérosé ne peut plus prétendre régir notre existence. Le signal qu'il faut lui redonner dynamisme, force et vigueur en le déchargeant de tout ce qu'il ne peut plus faire, de tout ce qu'il ne sait plus faire, de tout ce qu'il ne doit plus faire. Le signal qu'il faut laisser les entreprises, les associations, les familles et les communes agir par leurs propres moyens quand elles sont mieux placées que l'Etat pour le faire.
C'est de cette démocratie de confiance, de partenariat, de proximité que nous aurions voulu parler, bien loin des petits calculs auxquels vous et votre majorité nous demandez de nous prêter.
En période des soldes, il est normal que vous vendiez vos réformettes au rabais. (M. Vinçon s'esclaffe.) A ce petit jeu, malheureusement, ce sont les institutions que vous allez liquider !
M. Jospin a changé d'avis sur le calendrier, MM. Barre et Giscard d'Estaing ont fait le reste. En somme, c'est un coup de main pour un coup de tête. Ce n'est pas une loi de circonstance ; ce n'est même plus une loi de convenance ; c'est une loi de complaisance !
Dans ces conditions, vous comprendrez que nous ne votions pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La conférence des présidents en ayant ainsi décide, après vous avoir présenté diverses communications, mes chers collègues, je vais lever la séance.
En conséquence, la suite de la discussion de cette proposition de loi est renvoyée à la séance du mardi 23 janvier 2001.

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