SEANCE DU 4 AVRIL 2001
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article L. 5 du code forestier, je suis d'abord
saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 13, M. François, au nom de la commission des affaires
économiques, propose, dans le second alinéa du texte présenté par l'article 1er
pour l'article L. 5 à insérer dans le code forestier, de remplacer les mots : «
, l'entretien et les prélèvements », par les mots : « et l'entretien ».
Par amendement n° 178 rectifié, MM. Pintat, César, Althapé, Cazalet, Darcos,
Doublet, de Richemont et Valade proposent, après les mots : « l'entretien », de
rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte présenté par l'article 1er
pour l'article L. 5 du code forestier : « en vue d'en assurer la rentabilité
conformément aux règles d'une sage gestion économique ».
Par amendement n° 233, M. Poniatowski et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants proposent, dans le second alinéa du texte présenté
par l'article 1er pour l'artice L. 5 du code forestier, après les mots : «
l'entretien et les prélèvements », d'insérer les mots : « , en vue d'en assurer
la rentabilité, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Philippe François,
rapporteur.
L'article L. 5 à insérer du code forestier reprend très
largement le contenu, mais en prévoyant toutefois deux modifications
importantes, le contenu de l'actuel article L. 211-1 du code forestier, qui
rappelle que les prérogatives s'attachant au droit de propriété s'exercent dans
le cadre des lois qui les réglementent, notamment des dispositions du code
forestier.
Cet article, inséré dans le livre préliminaire, s'appliquera désormais à tous
les propriétaires, alors qu'il ne concernait, dans sa rédaction antérieure, que
les propriétaires privés. Il introduit une référence à l'obligation de gestion
durable, mais, à l'inverse, vise à supprimer la notion de rentabilité
économique en lui substituant une obligation de prélèvement. Or, on peut
craindre que la simple mention d'une obligation de prélèvement, sans que soient
prévus des garde-fous appropriés, puisse donner à entendre que les
propriétaires pourraient être obligés de réaliser des coupes et de les vendre
sans tenir compte, éventuellement, de conditions défavorables sur le marché du
bois.
Par ailleurs, cet article L. 5 s'appliquera à des propriétaires qui
souhaiteront privilégier une approche environnementale sans procéder
nécessairement à des prélèvements réguliers. Il convient de s'en tenir, nous
semble-t-il, à l'objectif général d'une sage gestion économique, sachant en
particulier que, dans l'optique d'un plan simple de gestion, la gestion
proposée ne saurait être déficitaire.
M. le président.
La parole est à M. Pintat, pour défendre l'amendement n° 178 rectifié.
M. Xavier Pintat.
Cet amendement vise les objectifs et les moyens de la gestion durable.
Il n'est fait aucune référence, dans le texte proposé, à la notion de
rentabilité, qui est pourtant un élément clé de la gestion des forêts privées,
lesquelles représentent, à elles seules, les deux tiers des massifs
français.
De plus, la loi de 1963 réaffirmait que la rentabilité est une contrepartie
des engagements de gestion qui s'imposent à tous les propriétaires, la loi de
1985 ayant confirmé cette position s'agissant des forêts privées.
Le défaut de reconnaissance dont témoigne le texte que nous examinons
aujourd'hui est donc mal perçu, car, sans gain d'exploitation, comment les
propriétaires privés pourront-ils reboiser, aménager et entretenir la forêt ?
Par conséquent, je propose, par l'amendement n° 178 rectifié, d'introduire, en
regard de l'exigence de gestion durable pour le propriétaire, une référence à
la rentabilité, laquelle est nécessaire pour qu'il puisse être satisfait aux
différentes obligations prévues par le projet de loi, conformément aux règles
d'une sage gestion économique.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, pour présenter l'amendement n° 233.
M. Ladislas Poniatowski.
Si mon amendement est proche de celui qui vient d'être exposé, mes motivations
sont tout à fait différentes.
Je rappelle que le texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 5 du code
forestier précise que tout propriétaire de forêt doit réaliser le boisement,
l'aménagement, l'entretien et les prélèvements conformément à une sage gestion
économique. Je propose, comme les auteurs de l'amendement n° 178 rectifié,
qu'il soit fait référence à la notion de rentabilité, afin de protéger les
propriétaires.
En effet, ceux-ci se verront contraints de procéder à toute une série
d'aménagements dans leurs parcelles, notamment en vue de répondre à la nouvelle
vocation sociale de la forêt, à laquelle nous sommes tous attachés, même si,
dans mon esprit, cela concernera davantage les forêts publiques que les forêts
privées. Cependant, dès lors qu'un propriétaire privé acceptera d'offrir un
certain nombre de prestations sociales, il ne faudra pas l'obliger à s'engager
dans des dépenses qui excéderont peut-être les gains qu'il peut escompter de
l'exploitation de sa forêt.
Faire référence à la notion de rentabilité vise donc bien aussi, à mes yeux, à
protéger les propriétaires.
Par ailleurs, j'ignore, monsieur Pintat, ce que sont ces règles d'une sage
gestion économique que vous évoquez à l'amendement n° 178 rectifié, et la
rédaction de mon amendement me semble donc préférable.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 178 rectifié et 233
?
M. Philippe François,
rapporteur.
La commission est favorable à l'amendement n° 178 rectifié et
considère qu'il satisfait l'amendement n° 233. L'expression « sage gestion
économique » me semble précisément couvrir aussi la notion de rentabilité.
M. Ladislas Poniatowski.
Ces mots sont dans mon amendement !
M. Philippe François,
rapporteur.
Je suggère donc que l'amendement n° 233 soit retiré.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13, 178 rectifié et
233 ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je suis favorable à
l'amendement n° 13 de la commission, dont la rédaction me paraît utile.
En revanche, je suis défavorable aux deux autres amendements.
A ce propos, je voudrais mettre leurs auteurs face au paradoxe suivant : ils
sont tellement soucieux des intérêts des propriétaires privés qu'ils veulent
décider à leur place de ce qui est bon pour eux...
M. Ladislas Poniatowski.
Non !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mais si, puisque vous
considérez qu'un propriétaire privé, par définition, doit avoir pour seul
objectif la rentabilité de son bien, au nom de la sagesse économique. Or
j'estime pour ma part qu'un propriétaire privé peut avoir d'autres vues. Ainsi,
je suis propriétaire d'un petit bois, mais je ne me préoccupe pas du tout de sa
rentabilité.
Par conséquent, pourquoi inscriviez-vous dans la loi que le seul souci du
propriétaire privé est la rentabilité ? Certes, je n'ignore pas du tout que
certains propriétaires privés sont extrêmement soucieux de rentabilité, et
c'est normal, c'est même très bien, mais vouloir définir en leur nom quels sont
leurs intérêts me paraît très directif et restrictif, y compris en termes de
libertés individuelles.
M. Philippe François,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François,
rapporteur.
Notre débat est très intéressant, riche et nourri. Je ferai
une proposition simple afin de mettre tout le monde d'accord, c'est que les
auteurs des amendements n°s 178 rectifié et 233 se rallient à l'amendement n°
13. Ainsi, tout sera résolu !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est ce que j'ai proposé !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 178 rectifié et 233 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 5 du code
forestier.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 6 DU CODE FORESTIER