SEANCE DU 5 AVRIL 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de cette première lecture au Sénat, je veux rappeler les objectifs qui ont inspiré les positions de la commission des affaires économiques.
L'une de nos principales préoccupations a été de garantir une protection satisfaisante des intérêts des propriétaires forestiers, notamment des plus petits d'entre eux. Cela s'est traduit, en particulier, par des dispositions relatives à la prévention contre les incendies de forêts.
De même, la commission des affaires économiques a eu le souci d'éviter toute démesure dans les contraintes et les sanctions instaurées. Tel est, par exemple, le sens des amendements que nous avons adoptés pour ramener à un niveau raisonnable le montant des amendes applicables en cas de non-respect des obligations de débroussaillement ou en cas de coupes abusives.
Favorables à la mise en place d'une interprofession forte et structurée de la filière bois-forêt, nous avons conforté le dispositif proposé en vue de permettre à l'ensemble des acteurs concernés, y compris l'ONF et les commune forestières, de participer à l'entreprise.
Enfin, nous avons cherché, dans la mesure du possible, à simplifier la rédaction du texte, en vue de garantir sa lisibilité. Cet effort a notamment porté sur l'article 1er du projet de loi.
Par ailleurs, la commission exprime sa satisfaction à l'égard de nombreux amendements présentés et adoptés, qui complètent heureusement le projet de loi.
C'est ainsi que les fondements d'une politique de développement du « bois énergie » ont été jetés.
Le dispositif d'investissement forestier pour les forêts privées, adopté sur une initiative bienvenue de la commission des finances, répond également à une demande légitime, essentielle.
Le principe d'un dispositif parallèle en faveur de l'investissement dans la forêt publique a pu être posé, à la grande satisfaction, je pense, des communes forestières.
Je relève également que des avancées ont été accomplies pour mieux intégrer le souci de l'aménagement forestier, en maîtrisant les boisements dans le fond des vallées ou le long des cours d'eau.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Philippe François, rapporteur. Plus généralement, je crois que nous pouvons nous féliciter de la qualité de nos débats et de la richesse de nos échanges.
Nous devons vous remercier tout particulièrement, monsieur le ministre, de la qualité des rapports que vous avez entretenus avec nos collègues. (Applaudissements sur toutes les travées.)
Il me reste à former le voeu que ce texte soit inscrit le plus rapidement possible à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour revenir au Sénat à bref délai, afin d'être adopté définitivement dans les mois qui viennent. L'attente des professionnels est forte, vous le savez ; nous n'avons pas le droit de la décevoir.
Pour terminer, je souhaite également remercier, de la part de tous mes collègues, les services du Sénat. (Applaudissements sur toutes les travées.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi d'orientation pour la forêt que nous venons d'examiner en première lecture a donné, au sein de notre assemblée, l'exemple d'un travail constructif. Cette loi d'orientation porte en son sein tous les éléments pour être une loi efficace, au plan tant environnemental, que social ou économique.
Cependant, nous constatons, pour l'instant, un certain nombre d'insuffisances ou d'incertitudes.
Nous ne souhaitons pas faire un procès d'intention au Gouvernement, qui s'est engagé ici à faire aboutir, d'une part, un certain nombre de revendications sociales émanant des travailleurs de la forêt, et, d'autre part, des propositions concernant le plan épargne-forêt destiné à encourager l'investissement, donc l'emploi.
La forêt a été mise à mal par la tempête de décembre 1999. La loi d'orientation sur la forêt doit être l'occasion pour le Gouvernement de montrer l'exemple. Je pense tout particulièrement aux moyens humains à accorder à l'ONF.
S'agissant de l'accueil du public, le présent projet de loi nous donne satisfaction quant aux forêts qui relèvent du domaine public et privé de l'Etat.
En revanche, nous regrettons la frilosité de certains défenseurs de la forêt privée, qui, je le souhaite ardemment, saura s'ouvrir demain au public.
Eu égard à ces brèves observations, notre groupe s'abstiendra avec beaucoup de bienveillance. (Sourires.) Il espère très sincèrement qu'au regard des améliorations qui seront apportées en deuxième lecture il pourra voter cette loi le moment venu, afin que celle-ci constitue une réelle chance pour la France.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue des échanges fructueux et très conviviaux qui viennent d'avoir lieu, vous comprendrez que mes premiers mots soient pour féliciter vivement nos collègues Philippe François et Roland du Luart. La qualité de leurs travaux et de leurs propositions ont permis au Sénat de se prononcer en pleine connaissance de tous les paramètres de cet attendu et important débat sur l'avenir de la forêt française.
Notre collègue Philippe François nous a montré qu'il était un véritable spécialiste des questions forestières. Qu'il en soit remercié. (Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Le projet de loi, fruit des votes de l'Assemblée nationale, n'était à l'évidence à la hauteur ni des enjeux ni des attentes de l'ensemble des acteurs de la filière bois.
Très en deçà des ambitions affichées par le rapport de Jean-Louis Bianco, remis au Premier ministre en août 1998, ce texte faisait en effet passer au second plan la fonction socio-économique de la forêt, alors que ce secteur emploie plus de cinq cent mille personnes en France.
Ensuite, il ne compensait que très faiblement les pertes financières consécutives aux tempêtes de décembre 1999. Pis encore : après la suppression par le Gouvernement en 1998, de la provision pour fluctuation des cours, ce texte ne prévoyait pas de provision pour investissement, ce qui aurait pourtant permis à la France de préparer la forêt de demain, de préserver un formidable potentiel d'emplois et d'assurer la compétitivité de l'ensemble de la filière bois.
En outre, il créait des excès de réglementation, des contraintes successives, souvent environnementales, renforcées d'ailleurs par l'Assemblée nationale.
Inspiré par les nombreux travaux engagés par nos excellents rapporteurs, le Sénat a comblé ces lacunes et répondu aux attentes, très fortes, du secteur forestier, tant sont importants les besoins de fonds pour financer la restructuration foncière, l'investissement productif ou encore la modernisation de l'aval de la filière.
Nous nous sommes également prononcés en faveur de la simplification rédactionnelle, notamment en ce qui concerne le dispositif qui regroupe les principes fondamentaux de la politique forestière. Nous avons mis en place une meilleure protection des propriétaires forestiers, en particulier en limitant les engagements de non-démembrement ou les contraintes de gestion, en encouragent le regroupement foncier, en attribuant des aides publiques et en limitant les obligations de débroussaillement.
Par ailleurs, nous avons renforcé le cadre juridique adapté à la mise en place d'interprofessions sylvicoles, qui se veut une réponse au problème de l'éclatement de la filière forêt-bois et au morcellement de la représentation de ses intérêts.
Enfin, nous avons favorisé l'investissement.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera le texte tel qu'il résulte de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Picheral.
M. Jean-François Picheral. A l'issue de la première lecture de ce texte, je veux rappeler l'importance de celui-ci pour l'avenir de la forêt française du xxie siècle.
Affirmant la vocation économique, environnementale et sociale de la forêt, le Gouvernement nous a proposé un texte qui a été amélioré lors de sa première lecture à l'Assemblée nationale.
Il nous faut exprimer cependant quelques réserves sur le vote négatif dont ont fait l'objet ici certains de nos amendements.
Nous regrettons ainsi la non-prise en compte d'un amendement prévoyant le rapprochement des plans de chasse et des plans forestiers pour la régénération de la forêt.
Le refus à la fois de la création d'un comité de politique forestière et d'un gestionnaire commun pour les petits propriétaires forestiers de moins de dix hectares nous semble également dommageable.
Nous regrettons aussi le vote d'un amendement excluant les agriculteurs d'une formation spécifique pour exercer des métiers liés au bois et à la forêt.
Mais je vais arrêter là ces quelques critiques et dire que, sur le fond, nous faisons nôtres les avancées apportées par le Sénat, qui a réaffirmé, comme l'avaient fait les députés, la mise en place d'une filière bois et de produits de qualité.
La suppression de la taxe de défrichement a été votée. Il s'agit d'une excellente avancée.
Nous nous réjouissons de voir évoluer très favorablement l'idée d'un fonds d'épargne forestier, avec la création d'une commission parlementaire qui doit aborder cette question primordiale du projet de loi.
Je pourrais citer encore nombre de points très positifs.
Par conséquent, malgré ses quelques réserves, le groupe socialiste votera ce texte, tout en restant vigilant dans l'attente des prochaines lectures de celui-ci à l'Assemblée nationale et dans notre hémicycle. (Applaudissements sur toutes les travées.)
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le ministre, votre texte comportait de nombreux points forts, que nous avons totalement soutenus et approuvés.
Ce sont notamment la gestion durable et multifonctionnelle de la forêt, la compétitivité de la filière bois, une meilleure gestion des territoires, avec de nouveaux outils de gestion comme les chartes de territoire forestier, l'équilibre des écosystèmes, notamment grâce à la lutte contre les incendies et au défrichement, l'organisation des institutions et de la profession, les exigences de qualification professionnelle et de sécurité, l'assouplissement des conditions de vente de l'ONF, l'extension du système de dation au paiement des droits de succession sur la forêt.
Malheureusement, Il comportait aussi des points faibles ; nous les avons dénoncés et nous avons tenté d'y remédier.
Le Sénat a effectué un formidable travail d'amendement avec, à sa tête, deux généraux, nos rapporteurs Philippe François et Roland du Luart, qui ont beaucoup travaillé sur le texte. Mais nous n'avons pas été en reste.
Nous avons pu, notamment, avec nos amendements, préciser les objectifs de la politique forestière, apporter une meilleure protection aux propriétaires forestiers privés et clarifier les conditions d'accueil du public.
Nous avons permis une meilleure association des différents partenaires au programme forestier, au travers de l'information du public avec les chambres d'agriculture, l'organisation professionnelle et la participation des collectivités locales.
Nous avons également permis la création d'un instrument financier susceptible de favoriser les investissements forestiers.
Nous avons aussi introduit, en raison des tempêtes de décembre 1999, la déduction de l'ensemble des revenus des charges exceptionnelles d'exploitation pour les forêts et les bois sinistrés.
Nous avons enfin permis un certain nombre d'allégements des contraintes administratives.
A mon tour, je veux me féliciter, monsieur le ministre, de ce que vous avez abordé ce débat avec un réel esprit d'ouverture. Nous vous avons répondu, nous aussi, en faisant preuve du même esprit d'ouverture. Il y a certainement une seule gagnante, au terme de cette discussion, c'est la forêt française, et je m'en réjouis.
Vous avez donné un avis favorable sur de nombreux amendements présentés par le Sénat, monsieur le ministre, et nous y avons été sensibles.
Vous avez pris beaucoup d'engagements, et nous vous faisons confiance pour les tenir, car nous n'avons pas de raison de douter de votre parole.
Pour conclure, je souhaite que, s'agissant des amendements sur lesquels vous avez émis un avis défavorable, vous y regardiez de plus près avant que le texte soit examiné en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. En d'autres termes, monsieur le ministre, nous avons besoin aussi de vous pour un bon fonctionnement du Parlement. Car le seul intermédiaire, c'est vous, qui allez de l'une à l'autre des assemblées. J'espère que vous saurez aussi vous faire un peu l'avocat de nos amendements auprès de l'autre assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Le groupe de l'Union centriste votera le texte tel qu'il a été amendé par le Sénat.
Je tiens à saluer la qualité du travail des rapporteurs et à souligner, m'adressant à M. le ministre, que ceux qui vivent de la forêt française espèrent que, une fois que ce texte aura été voté définitivement, les décrets d'application seront rapidement pris, contrairement à ce qui se produit souvent dans notre pays. Nous comptons donc sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord me féliciter de la qualité de nos travaux.
Si je pense avoir fait preuve, pour ma part, de l'esprit d'ouverture que j'avais annoncé d'emblée, nos débats n'auraient pas pu être aussi constructifs et intéressants qu'ils l'ont été sans votre entière coopération. Ils nous ont permis d'enrichir ce texte de manière très utile, et je tiens à vous en remercier.
Certes, des désaccords subsistent, et je ne peux pas totalement prendre l'engagement souhaité par M. Poniatowski. En tout cas, je vous promets que nous poursuivrons notre travail lors de la deuxième lecture.
Je voudrais remercier spécialement les deux rapporteurs du Sénat, MM. François et du Luart, avec qui il m'a été très agréable de travailler, non pas seulement au fil de ces débats, mais depuis de longues semaines, puisque nous avions préparé ensemble de manière très fructueuse l'examen de ce projet de loi d'orientation.
Je remercie également la présidence d'avoir conduit si efficacement nos travaux.
Nous nous retrouverons donc pour la deuxième lecture, mesdames, messieurs les sénateurs, afin d'améliorer encore la rédaction du texte. Je suis, pour ma part, très satisfait de nos débats. (Applaudissements sur toutes les travées.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.)