SEANCE DU 5 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, votre prédécesseur, François
Fillon, a publié, en début de semaine, dans un grand quotidien économique, une
analyse extrêmement pertinente de la situation dans laquelle se trouve France
Télécom. J'y souscris totalement.
Comme lui, je considère que le Gouvernement auquel vous appartenez a commis
une faute majeure en refusant d'ouvrir plus encore le capital de l'opérateur,
obligeant ainsi ce dernier à s'endetter lourdement, et, de plus, en le taxant
d'une manière totalement excessive et par anticipation sur le développement de
l'UMTS.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Pierre Hérisson.
Il est injuste d'accuser France Télécom de tous les maux, comme certains le
font, de le rendre responsable du retard pris par notre pays dans le
développement de la société de l'information, et notamment de l'internet à haut
débit, par méconnaissance de la réalité du problème.
S'il doit y avoir un responsable dans cette affaire, c'est bien en direction
du Gouvernement, soutenu par une gauche plurielle frileuse devant les exigences
du marché concurrentiel des télécommunications, qu'il faut porter nos
regards.
(Protestations sur les travées socialistes.)
En clair, de quoi s'agit-il ?
D'une part, vous refusez d'ouvrir davantage le capital de l'opérateur
historique, devenu société anonyme, sans doute pour éviter de faire des vagues
dans votre majorité.
M. René-Pierre Signé.
Arrêtez !
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le secrétaire d'Etat, n'est-il pas du rôle des actionnaires, dans une
société anonyme, d'apporter les moyens financiers nécessaires au développement
de celle-ci, à ses investissements et, plus particulièrement aujourd'hui, à sa
croissance externe ? Votre politique empêche donc France Télécom de
fonctionner normalement.
Mais il y a plus grave. A défaut de pouvoir laisser la liberté d'action à
France Télécom, vous vous faites le complice du seul palliatif qui lui reste
pour financer sa croissance : une politique larvée et inavouée de
protectionnisme des tarifs qui freine l'accès du plus grand nombre aux
nouvelles technologies. Et ce n'est pas le projet de loi que nous avons
découvert hier sur la société de l'information qui est de nature à nous
rassurer !
Monsieur le secrétaire d'Etat, quand vous déciderez-vous à faire appliquer une
véritable ouverture du réseau et des tarifs concurrentiels, afin de mettre un
terme à cette hypocrisie et à cette absence totale de transparence et surtout
de courage politique ? La loi que nous avons votée en 1996 vous en a pourtant
montré le chemin ! Il y va de l'avenir de France Télécom, grande entreprise
française devenue aujourd'hui un opérateur mondial, mais qui ne supportera plus
très longtemps une dette supérieure à 400 milliards de francs !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Alain Gournac.
Et maire !
(Sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, vous souhaitez,
semble-t-il comme M. Fillon aujourd'hui - il n'avait pas la même position hier
- que le Gouvernement ouvre davantage le capital de France Télécom.
Aujourd'hui, l'Etat détient 54 % du capital de cette entreprise, conformément
à la loi que M. Fillon avait préparée et que vous aviez d'ailleurs votée,
monsieur le sénateur. Ouvrir davantage le capital de France Télécom
signifierait, en fait, mais vous n'osez pas prononcer le mot, « privatiser »
l'opérateur public ! « Si ! »
sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye.
On ose le dire, ça fera plaisir à Mme Luc !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Si c'est ce que l'opposition souhaite, qu'elle le dise
! Le Gouvernement, quant à lui, n'a aucune raison de modifier la loi.
Aujourd'hui, France Télécom réussit, contrairement à ce que vous affirmez.
France Télécom est le septième opérateur mondial, alors qu'il était le neuvième
il y a deux ans. Il est devenu le numéro un mondial dans les services de
transmission de données et le numéro deux européen dans les mobiles.
(Brouhaha sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Et quelle est sa place pour l'endettement ?
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, réclamez un peu de silence !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Pour y parvenir, le Gouvernement a toujours pris les
décisions adaptées, notamment l'ouverture partielle du capital il y a deux et
trois ans.
Par ailleurs, vous avez évoqué le dégroupage de la boucle locale de France
Télécom. Mais c'est le Gouvernement qui, dès septembre 2000, a préparé et pris
un décret permettant aux opérateurs entrants d'utiliser le réseau local de
France Télécom ! Et puisque vous avez également évoqué la question, c'est aussi
grâce à ce décret que l'Internet à haut débit, via la technologie ADSL, est
disponible pour les opérateurs entrants !
Nous avons d'ailleurs, lorsque la France assumait la présidence de l'Union
européenne, prolongé ce mouvement par l'adoption d'un règlement européen
harmonisant les conditions d'ouverture des boucles locales dans chacun des pays
membres.
M. Alain Gournac.
Tout va bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Aujourd'hui, la mise en oeuvre du dégroupage est sous
la responsabilité de l'Autorité de régulation des télécommunications, qui
dispose de tous les moyens pour faire en sorte que ce dégroupage soit
opérationnel. Je me suis d'ailleurs récemment rapproché du président de l'ART,
car le Gouvernement souhaite vivement que les derniers obstacles techniques
soient levés et que l'ART préside, comme il est indiqué dans le décret, à une
ouverture concrète, sérieuse et réelle de la boucle locale radio.
Voilà, monsieur le sénateur, quelles sont les réalités ! France Télécom va
bien !
(Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
France Télécom est l'un des premiers
européens et l'un des premiers mondiaux !
M. Dominique Braye.
Avec une dette de 400 milliards de francs !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne changera donc pas de politique !
(Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées socialistes et sur
certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
CRISE DE L'ÉLEVAGE