SEANCE DU 5 AVRIL 2001


M. le président. Madame Luc, nous avons appris qu'après vingt-deux ans de présidence du groupe communiste, puis du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, vous aviez passé la main à cette occasion à Mme Borvo.
Je tenais à cette occasionn, à vous dire l'estime que le Sénat a pour vous. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
Je vous donne la parole, madame le sénateur.
Mme Hélène Luc. Je vous remercie de vos propos très aimables, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Comme nos concitoyens et comme le Gouvernement, j'estime que la manière dont sont traités les salariés de Marks & Spencer et du groupe Danone est révoltante.
Il est donc urgent de s'interroger sur le rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement et sur le recours au droit de veto des salariés que nous les soutenons résolument.
Dans ce contexte, le Gouvernement, quant à lui, s'apprête à prendre une décision grave concernant l'avenir des personnels de la Société française de production et de l'ensemble de l'audiovisuel public dans notre pays.
La privatisation de la SFP remet en cause non seulement les engagements pris par le Premier ministre en 1997, mais également les assurances données ici-même à mon ami Ivan Renar par Mme Trautmann, alors ministre. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Quant à la décision de réduire à trois chaînes numériques hertziennes, au lieu de six, la place de France Télévision, elle traduit, elle aussi, un recul.
Aujourd'hui, rien ne justifie que le service public de l'audiovisuel exerce ses missions selon la seule logique du marché. Le déficit de la SFP, au nom de l'exception culturelle, impose que le Gouvernement de la gauche plurielle...
M. Henri de Richemont. Le Gouvernement de la France !
Mme Hélène Luc. ... donne au service public de la télévision les moyens de ses missions et de la production publique, conformément à la loi sur la liberté de la communication de 1986. (Vives exclamations sur les travées du Rassemblement pour la République et des Républicains et Indépendants.)
Vous n'avez rien à dire, messieurs de la majorité sénatoriale, c'est vous qui avez privatisé la SFP !
M. Henri de Richemont. Heureusement !
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n'est pas parce que nous avons de l'estime pour vous que nous sommes d'accord !
Mme Hélène Luc. Priver France Télévision d'un outil de production intégré quand France 2 consacre seulement 13 % de ses crédits de programme à une production interne entrave le devenir de notre télévision publique et sacrifie la SFP.
M. Henri de Richemont. Renationalisez !
Mme Hélène Luc. Notre télévision publique abandonne peu à peu ses missions fondamentales d'information, d'éducation, de culture et de citoyenneté et en arrive à copier les télévisions privées. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Le combat des salariés de la SFP, que nous soutenons sans réserve, est porteur d'autres exigences. La privatisaton de la SFP n'est pas la solution pour notre audiovisuel. Le milliard de francs d'excédents dégagé par le compte de soutien au cinéma peut aider la télévision publique à développer ses programmes.
M. Alain Gournac. C'est long !
Mme Hélène Luc. Des engagements de fond doivent enfin être pris. Quant à nous, nous soutenons le combat des salariés de la SFP.
Madame la ministre, j'en viens à ma question : quand aura lieu au Parlement un débat sur l'audiovisuel public et sur l'industrie des programmes ?
M. Dominique Braye. Quand elle sera privatisée !
Mme Hélène Luc. Quand répondra-t-on à la demande des personnels de réunir une table ronde avec les acteurs de l'audiovisuel public, les ministres concernés, les collectivités locales, les diverses forces politiques et les organisations syndicales afin d'étudier l'intégration des personnels de la SFP dans le service public et d'examiner les moyens consacrés à la production par celui-ci ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Madame le sénateur, l'adoption de la loi du 1er août 2000 tout comme l'effort budgétaire considérable du Gouvernement pour redresser le financement de l'audivisuel public et la préparation récente d'un décret favorisant le développement de la production dans notre pays ne laissent aucun doute sur l'engagement de la majorité et du Gouvernement à soutenir un secteur audiovisuel public fort qui va se trouver élargi par le lancement du numérique terrestre dans les prochaines années.
Dans cet ensemble, la SFP, nous le savons tous, est depuis des années confrontée à des difficultés structurelles aiguës sur un marché devenu surcapacitaire.
Le Gouvernement, depuis des années aussi, par des aides financières importantes - en 1998, la dernière capitalisation, difficilement autorisée par Bruxelles, s'est élevée à 850 millions de francs -, a cherché les moyens de permettre à l'entreprise de s'adapter et de retrouver une réelle compétitivité.
Malheureusement, en dépit de ces efforts, le déficit d'exploitation était encore, à la fin de l'an 2000, de 80 millions de francs, ce qui ôte toute perspective d'avenir si l'on ne modifie pas l'organisation de l'entreprise.
C'est pourquoi, au début du mois de février, M. le ministre de l'économie et des finances et moi-même avons confié à M. Roland Peylet, conseiller d'Etat, une mission d'analyse des différentes options possibles pour l'avenir de l'entreprise et de ses salariés.
M. Peylet a accompli sa mission en relation étroite avec les représentants du personnel, que j'ai moi-même, à maintes reprises, reçus à mon cabinet. Son rapport nous a été remis à la fin du mois de février.
Je le sais comme vous, madame Luc, les salariés souhaitaient l'intégration de cet outil de production dans les entreprises de l'audiovisuel public ; mais celui-ci est déjà doté d'un appareil de production intégré important. Cette hypothèse n'a donc pas été retenue en ce qui concerne la SFP.
Suivant les recommandations du rapport de M. Peylet, le Gouvernement a l'intention d'engager un processus de recherche d'acquéreurs de nature à permettre la poursuite de l'activité dans le cadre d'un projet industriel et social renouvelé. Les représentants du personnel seront étroitement associés aux principales étapes de ce processus.
M. Alain Journac. Tout va bien !
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je tiens à réaffirmer ici de manière solennelle que le Gouvernement entend faire de l'avenir professionnel et social des salariés de la SFP une priorité et qu'il veillera à la mise en oeuvre d'une solidarité renforcée au sein de l'ensemble des entreprises de l'audiovisuel public. Il entend en effet assurer à chacun d'eux une solution personnelle satisfaisante.
C'est grâce à ce dialogue très concret, madame Luc, que nous souhaitons apporter une réponse à la très grande inquiétude des personnels, et non par la réunion de tables rondes dont il nous semble qu'elles ont déjà eu lieu à maintes reprises par le passé sans déboucher sur des solutions positives. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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