SEANCE DU 5 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le président, ma question s'adressait à M. Gayssot, mais c'est bien
volontiers que je la pose à Mme Lienemann. Elle a trait aux mouvements de grève
qui paralysent le pays depuis maintenant une semaine.
Depuis 1997, le Gouvernement proclame haut et fort que, guidé par des
préoccupations environnementales, tout à fait légitimes, il entend mener une
politique volontariste en faveur des transports en commun.
A l'issue d'un
brain-storming
post-électoral sûrement très intéressant,
le Premier ministre a d'ailleurs fixé au rang des priorités l'amélioration de
la qualité de vie. J'imagine que, par qualité de vie, il convient d'entendre
notamment liberté de déplacement.
Pour se donner les moyens de cette ambition, l'Etat fait lourdement appel aux
finances des collectivités locales, notamment à celles des régions.
Malheureusement, le Gouvernement semble avoir oublié que ce qui compte avant
tout pour inciter public et entreprises à emprunter ce type de transport, c'est
moins le nombre de milliards dépensés que la qualité du service fourni. Les
demandes des Français ne sont pas extravagantes : ils souhaitent simplement
pouvoir se déplacer, à un coût raisonnable, en toute sécurité.
Or voilà qu'après la forte hausse des agressions de voyageurs et d'agents,
après le constat de la dégradation du matériel roulant, après la multiplication
des perturbations et autres retards, les usagers sont pris en otage sur des
questions qui relèvent de l'organisation interne de la SNCF. Une fois de plus,
c'est la SNCF qui s'enrhume, mais ce sont des millions de Français qui
éternuent, paient la consultation et sont obligés de faire des acrobaties
horaires, quand cela est encore possible, pour pouvoir se rendre à leur travail
le matin ou rentrer chez eux le soir.
Dans le même temps, la suspension du trafic fret pénalise très lourdement les
nombreuses entreprises qui dépendent du rail, alors même qu'elles ont déjà à
faire face à un ralentissement de l'activité et à une difficile mise en oeuvre,
c'est le moins que l'on puisse dire, des 35 heures.
A ce titre, envisagez-vous, madame la secrétaire d'Etat, comme certains
l'affirment, d'assimiler par décret les services routiers effectués en
substitution des transports ferroviaires aux services ferroviaires proprement
dits, alors qu'aujourd'hui la SNCF n'assure pas directement tous ces services ?
Dans ce cas, comptez-vous imposer demain aux régions l'obligation de déléguer
ces nouvelles compétences à la SNCF ?
Madame la secrétaire d'Etat, sans contester le droit de grève, je me demande
comment vous pouvez accepter que celui-ci devienne l'arme préalable et
conjointe à toute discussion, médiation ou arbitrage, remettant ainsi en cause
la continuité du service public et bafouant par là même les droits fondamentaux
des Français à se déplacer librement et à travailler ? La double qualité,
contribuables et consommateurs, de ces derniers ne les place-t-elle pas dans la
situation d'exiger un vrai service minimum, un service essentiel, comme il en
existe déjà chez la plupart de nos partenaires européens ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. Jean-Claude
Gayssot, qui participe en ce moment au Conseil européen des transports, qui se
tient à Luxembourg et dont la date était fixée depuis de nombreux mois.
Monsieur le sénateur, bien évidemment, la question que vous posez est au coeur
des préoccupations de tous les Français, et donc du Gouvernement.
Le premier souci de ce dernier est d'éviter que le conflit ne dure et, par
ailleurs, que la grève ne soit l'unique recours ; la meilleure méthode, c'est
la négociation.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Le ministre de l'équipement, des transports et du logement comme le Premier
ministre ont déployé leurs efforts pour que la négociation sociale aboutisse le
plus rapidement possible.
M. Alain Gournac.
Il y a encore du travail à faire !
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Nous avons reçu des signes encourageants aujourd'hui
puisque M. Gallois, président de la SNCF, a annoncé sa volonté de faire une
pause et d'engager un large débat sur le contenu du projet futur de la SNCF,
qui, en aucune façon, ne saurait ouvrir la moindre brèche vers une
privatisation ; le Gouvernement et le président de la SNCF souhaitent le
rappeler.
Par ailleurs, votre question porte également sur la qualité du service rendu à
nos concitoyens, qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises. Bien
entendu, c'est une des préoccupations majeures du Gouvernement, qui souhaite
développer une réorientation et du fret et du trafic passager en faveur du rail
et du transport en commun en général.
Cette qualité du service dépend aussi beaucoup des investissements financiers
et humains, contrairement à ce que vous avez semblé indiquer.
Je vous rappelle que, pendant de très nombreuses années, la SNCF a perdu un
nombre considérable d'emplois, et cette diminution du nombre d'emplois n'est
pas sans conséquence sur l'insécurité ; vous savez combien la présence du
personnel dans les trains est essentielle pour la sécurité.
Il faut ajouter que la faiblesse des investissements publics consacrés aux
transports en commun a entraîné un certain retard. Je pense, par exemple, au
changement des locomotives, qui est maintenant devenu une grande urgence à la
SNCF.
Le Gouvernement a donc rétabli la SNCF dans une situation positive, dans une
situation d'embauche
(Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants)
de telle sorte que l'objectif de doublement du fret en dix
ans pourra être atteint. Dès cette année, le nombre des passagers a augmenté de
23 % et le volume du fret de 16 %.
(Nouveaux murmures sur les mêmes travées.)
La grève peut-elle mettre en cause cet équilibre ? Le service minimum est-il
une bonne solution ?
Je répéterai ce qu'a dit M. le Premier ministre
(Ah ! sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants)
: le service minimum n'est pas une
solution.
(Protestations sur les mêmes travées.)
Il ne règle rien. Dans les pays de
l'Union européenne où il est appliqué, les prestations sont moindres
qu'aujourd'hui en France en pleine grève.
M. Dominique Braye.
C'est un mensonge ! Ce n'est pas vrai !
Mme Hélène Luc.
Si ! Elle a raison !
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Son institution ne ferait que mettre de l'huile sur le
feu ; il est antinomique avec l'esprit de dialogue social que le Gouvernement
souhaite faire prévaloir.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas vrai !
M. Ladislas Poniatowski.
Quelle méconnaissance des problèmes de transport !
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Enfin, monsieur le sénateur, vous savez bien qu'il y a
autant de grèves, si ce n'est plus, dans les transports routiers qu'il n'y en a
à la SNCF.
(Nouvelles protestations sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Je forme donc le voeu que, dans ces deux secteurs, le dialogue social prévale.
De toute façon, je ne crois pas que la grève menacera les efforts que la SNCF a
consentis pour le fret.
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste. - Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
GRÈVES À LA SNCF