SEANCE DU 18 AVRIL 2001
M. le président.
Par amendement n° 119, M. Loridant, Mme Beaudeau et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent, avant le titre Ier de la première
partie, d'ajouter une division additionnelle ainsi intitulée :
« Titre... - Régulation des transactions financières. »
Mes chers collègues, je vous propose de réserver cet amendement jusqu'après la
discussion des amendements n°s 120 à 123 tendant à insérer des articles
additionnels avant l'article 1er.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La réserve est ordonnée.
Par amendement n° 120, M. Loridant, Mme Beaudeau et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 978 du code général des impôts, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Les opérations d'achat ou de vente des valeurs de toute
nature effectuées par une personne physique ou morale qui est domiciliée ou
établie hors de France donnent lieu à la rédaction du bordereau soumis à un
droit de timbre correspondant à 1,5 % du montant de la transaction. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement porte sur l'article 978 du code général des impôts. C'est l'une
des pièces du dispositif que notre groupe préconise au travers d'un titre
relatif à la régulation des transactions financières.
Monsieur le président, vous avez souhaité réserver l'amendement n° 119. Or
celui-ci a précisément pour objet de qualifier ce projet de loi, en ajoutant
les termes « transactions financières » à la notion de régulations économiques.
En effet, nous pensons que, dans l'intention originelle du Gouvernement,
notamment du Premier ministre, il était bien question d'introduire une
régulation des transactions financières.
L'amendement n° 120 vise à compléter, si l'on peut dire, l'amendement portant
sur l'article 980 du code général des impôts. Il traduit donc, dans les faits,
la mise en place d'un impôt portant sur les transactions effectuées par les
non-résidents sur les valeurs inscrites à la cote des marchés boursiers. Il
s'agit ni plus ni moins que de donner au dispositif concerné toute sa
pertinence.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe communiste républicain et
citoyen vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Cet amendement comme les amendements n°s 121, 122 et 123
pourraient évidemment ouvrir des discussions infinies. Ils sont tout à fait
contraires à la position constante de la commission des finances, notamment en
matière d'augmentation du poids des prélèvements obligatoires. Ils appellent
donc un avis défavorable de la part de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
L'exonération de l'impôt sur les opérations de bourse
mise en place en 1994 en faveur des opérations d'achat et de vente des valeurs
de toute nature effectuées par des personnes domiciliées ou établies hors de
France avait pour objet de renforcer la compétivité de la place boursière de
Paris, vous le savez bien.
Vous proposez, monsieur Loridant, de supprimer cette exonération et de taxer
les non-résidents au taux de 1,5 %. Cette proposition ne paraît pas opportune
au Gouvernement. En effet, le critère déterminant pour l'application de l'impôt
sur les opérations de Bourse est le recours à un intermédiaire français et non
le lieu d'opération d'achat ou de vente.
Dès lors, la suppression de l'exonération de l'impôt sur les opérations de
Bourse dont bénéficient actuellement les personnes établies hors de France
aurait davantage pour effet de délocaliser l'opération d'entremise que de
soumettre les investisseurs étrangers à cet impôt.
Par ailleurs, une telle mesure provoquerait des pertes de recettes liées à la
diminution des transactions sur la place boursière de Paris, notamment la TVA
sur courtage.
Enfin, elle pénaliserait l'impôt en France au profit des courtiers installés
sur d'autres places financières.
Monsieur Loridant, je comprends bien la volonté que vous avez exprimée, mais
l'amendement tel qu'il est proposé aurait des effets pervers inverses à ceux
que vous souhaitez aujourd'hui, à la fois pour les recettes de l'Etat et pour
l'emploi dans notre pays. C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous
retiriez cet amendement. Sinon, j'en demanderai le rejet.
M. le président.
Monsieur Loridant, l'amendement n° 120 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant.
J'ai bien entendu les propos de M. le rapporteur sur la position constante de
la commission des finances. Cela ne m'étonne pas ! J'ai également entendu
l'appel de M. le secrétaire d'Etat.
Cet amendement a une valeur symbolique. Aussi, je suis prêt à le rectifier en
ramenant le taux de 1,5 % à 0,01 %. C'est en effet non pas le montant de
l'impôt qui compte, monsieur le secrétaire d'Etat, mais la symbolique. Ainsi,
les transactions sur les titres boursiers par des non-résidents seraient
soumises à un impôt tout à fait ridicule. Mais les salariés de Danone, de Marks
& Spencer, de Michelin ou de Philips recevraient un message clair de la part de
la majorité plurielle : nous avons compris votre préoccupation et nous pensons
que ceux qui ont pour métier d'intervenir sur les marchés financiers en ne se
souciant pas de l'acte de production doivent être distingués des autres.
M. le président.
Je suis de donc saisi d'un amendement n° 120 rectifié, présenté par M.
Loridant, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen, et tendant à insérer, avant l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 978 du code général des impôts, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art....
- Les opérations d'achat ou de vente des valeurs de toute
nature effectuées par une personne physique ou morale qui est domiciliée ou
établie hors de France donnent lieu à la rédaction du bordereau soumis à un
droit de timbre correspondant à 0,01 % du montant de la transaction. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 120 rectifié ?
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Même si le taux s'élevait à 0,001 %, la commission resterait
opposée à cet amendement, car rien n'est plus dangereux, en la matière, que la
symbolique ; M. le secrétaire d'Etat vient lui-même de nous le rappeler.
En outre, si l'effet négatif de ce symbole sur la compétitivité de la place
boursière de Paris et sa réputation n'est même pas compensé par une ressource
supplémentaire pour le budget de l'Etat, alors, à quoi bon ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Loridant, c'est non pas une question de taux,
mais une question de nature.
Vous serez d'accord pour reconnaître que ce n'est pas avec ce 0,01 % que nous
résoudrons le problème actuel de Philips ou de Danone. C'est par d'autres
méthodes que j'évoquais tout à l'heure.
Je demande donc également le retrait de cet amendement. A défaut, j'émettrai
un avis défavorable.
M. le président.
Monsieur Loridant, maintenez-vous l'amendement n° 120 rectifié ?
M. Paul Loridant.
Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets voix l'amendement n° 120 rectifié, repoussé par la commission par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'obet d'une discussion
commune.
Tous deux sont déposés par M. Loridant, Mme Beaudeau et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 121 tend à insérer, avant l'article 1er, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Les deux derniers alinéas de l'article 980
bis
du code général des
impôts sont supprimés. »
L'amendement n° 122 vise à insérer, avant l'article 1er, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa (8°) de l'article 980
bis
du code général des
impôts est supprimé. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Ces deux amendements portant sur l'article 980
bis
du code général des
impôts concernent précisément les dispositions qui dispensent aujourd'hui les
non-résidents d'acquitter le droit de timbre sur les opérations de bourse et
qui excluent du champ d'application de ce droit de timbre les introductions de
valeurs à la cote officielle.
Ces dispositions de caractère dérogatoire ont clairement favorisé, ces
dernières années, le développement de la dispersion des titres des sociétés
cotées auprès des non-résidents.
Une part importante des titres et valeurs inscrits à la cote est aujourd'hui
détenue par des non-résidents, lesquels sont d'ailleurs assez souvent
constitués par des personnes morales filiales étrangères à vocation financière
des groupes et entreprises françaises.
On sait aussi que certaines valeurs cotées en bourse ont attiré, ces dernières
années, d'importants investisseurs étrangers - je pense aux fonds de pension,
notamment américains -, investisseurs, qui, bien souvent, exigent en retour de
leur investissement non seulement une rentabilité particulièrement élevée du
capital, de l'ordre de 10 % à 15 %, mais aussi une progression annuelle du
titre coté en bourse. Nous en retrouvons les traces sous forme d'abandons de
productions insuffisamment porteuses de marges, de plans sociaux ou
d'opérations de prise de contrôle coûteuses pour l'emploi.
Ainsi, parce qu'on a voulu améliorer la fluidité et le volume des échanges sur
la place de Paris, nous constatons la montée des exigences de la rémunération
du capital au détriment de l'emploi ou de la cohérence du développement
économique et industriel.
Ces dix dernières années ont été marquées par la croissance ininterrompue du
CAC 40, même si celui-ci a enregistré une baisse dans la période récente, et
par la montée en puissance du volume et du montant des dividendes distribués,
qui atteignaient 100 milliards de francs pour les valeurs de l'indice en
2000.
C'est cette logique qui nous paraît aujourd'hui devoir être quelque peu remise
en question. D'où le dépôt de ces deux amendements visant à une modification de
l'article 980
bis
du code général des impôts.
M. le président.
La commission s'est déjà exprimée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
J'entends bien M. Loridant. Nous visons sans doute le
même objectif. Toutefois, les moyens qu'il propose pour l'atteindre ont des
effets pervers que j'ai déjà évoqués à propos de l'amendement précédent et qui
font que le Gouvernement s'oppose aux amendements n°s 121 et 122.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Paul Loridant.
Hélas !
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 122 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 123, M. Loridant, Mme Beaudeau et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 985 du code général des impôts, il est inséré un article 985
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 985
bis. - Il est institué une taxe spéciale sur les opérations,
au comptant ou à terme, portant sur les devises, dont le taux est fixé à 0,05
%.
« Sont exonérées de cette taxe les opérations afférentes :
« - aux acquisitions ou livraisons intracommunautaires ;
« - aux exportations ou importations de biens et services ;
« - aux investissements directs au sens du décret n° 89-938 du 29 décembre
1989 modifié réglementant les relations financières avec l'étranger ;
« - aux opérations de change réalisées par les personnes physiques et dont le
montant est inférieur à 300 000 francs.
« La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les
services mentionnés à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984
relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, les
entreprises d'investissement visées à l'article 7 de la loi du 2 juillet 1996
de modernisation des activités financières et par les personnes physiques ou
morales visées à l'article 25 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à
la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de
capitaux provenant du trafic de stupéfiants.
« La taxe spéciale est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties
et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A.
« Elle est due pour les opérations effectuées à compter de la promulgation de
la loi n° ... du... relative aux nouvelles régulations économiques.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement tend à compléter le dispositif que je viens de décrire en
présentant les amendements précédents. Il reprend un amendement déposé
collectivement par le groupe des sénateurs qui se réclament de l'association
pour une taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens,
l'ATTAC, lors de la discussion du mois d'octobre dernier. Il décline, avec un
maximum de précisions, les opérations visées par la mise en place de la
taxation des transactions financières. Il s'agit, plus précisément, de taxer
les opérations en devises à un taux différent de 0,05 %.
Sans entrer dans le détail des données, je souligne simplement que l'objectif
essentiel est de centrer clairement la taxation sur les opérations à caractère
monétaire d'un montant important et ayant le plus souvent une motivation
spéculative.
M. le président.
La commission s'est déjà exprimée sur cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat.
secrétaire d'Etat.
Je vais répondre un peu plus longuement sur cet
amendement relatif à la taxe Tobin.
Conformément, monsieur le sénateur, à l'engagement pris dans le projet de loi
de finances pour 2000, un rapport sur la taxation des opérations de change, sur
la régulation des mouvements de capitaux et sur les conséquences de la
concurrence fiscale entre Etats a été déposé sur le bureau des assemblées. Ce
rapport examine de façon détaillée les questions soulevées par la taxe
Tobin.
Comme vous le savez, ce rapport constate qu'on s'est souvent borné à soulever
à l'encontre de la taxe Tobin des objections de circonstance. Il pousse plus
loin l'analyse, il souligne les avantages et les inconvénients. Il relève, en
particulier, certaines difficultés pratiques, certaines carences, et note
combien il est malaisé de décrire le cheminement à travers lequel pourraient
être adoptés à l'échelle internationale les principes communs réglant la
collecte et la répartition de cette ressource.
Ce rapport a également mis en évidence que l'instauration d'une taxe Tobin
aurait des effets incertains, voire contreproductifs, sur le marché des changes
et l'économie réelle.
On ne peut que juger généreuse la volonté des promoteurs de la taxe Tobin de
lutter contre la spéculation financière déstabilisante. Pour autant, afin
d'atteindre cet objectif, divers autres moyens existent compte tenu des
éléments que je viens d'évoquer.
Il s'agit, monsieur le sénateur, de donner au système monétaire et financier
international une cohérence et une efficacité accrues, notamment au travers de
quatre grandes orientations : définir et mettre en oeuvre un principe de
libéralisation financière ordonnée des mouvements de capitaux ; accélérer et
renforcer la lutte contre la spéculation internationale en éliminant les trous
noirs de la finance internationale et en luttant contre la délinquance
financière ; favoriser la coopération monétaire régionale, à l'instar de ce qui
a été fait en Europe, et initier une nouvelle coordination entre les trois
principales zones monétaires ; enfin, renforcer le rôle du Fonds monétaire
international dans la régulation du système financier international et faire en
sorte que son comité monétaire et financier international devienne une
véritable instance politique d'orientation et de décision.
Le Gouvernement compte agir sur la base de ces orientations au sein tant de
l'Union européenne que des enceintes financières internationales pour atteindre
l'objectif qui nous est commun : maîtriser les comportements spéculatifs sur
les marchés financiers, mais par des moyens plus efficaces que ceux qui
résulteraient de l'instauration de la taxe que vous proposez, monsieur le
sénateur.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'adoption de cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Compte tenu du rejet de tous les amendements visant à insérer des articles
additionnels, l'amendement n° 119, qui tendait à insérer une division
additionnelle avant le titre Ier, n'a plus d'objet.
Article 1er