SEANCE DU 18 AVRIL 2001
M. le président.
« Art. 25
bis
. - Après l'article 450-2 du code pénal, il est inséré un
article 450-2-1 ainsi rédigé :
«
Art. 450-2-1
. - Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources
correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec
une ou plusieurs personnes se livrant aux activités visées à l'article 450-1
est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende. »
Par amendement n° 22, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi cet article :
« I. - Après l'article 450-1 du code pénal, il est inséré un article 450-1-1
ainsi rédigé :
«
Art. 450-1-1.
- Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F
d'amende le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son
train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs
personnes ayant commis un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans
d'emprisonnement au sein d'un groupement formé ou d'une entente établie en vue
de la préparation de cette infraction. »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 450-3 du même code, les mots : "de
l'infraction prévue par l'article 450-1" sont remplacés par les mots : "des
infractions prévues par les articles 450-1 et 450-1-1".
« III. - A la fin du premier alinéa de l'article 450-4 du même code, les mots
: "de l'infraction prévue par l'article 450-1" sont remplacés par les mots :
"des infractions prévues par les articles 450-1 et 450-1-1" »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a voulu créer une nouvelle infraction
pour faciliter la lutte contre le blanchiment. Elle a donc incriminé le fait de
ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie et d'être
en relation avec des personnes participant à une association de malfaiteurs.
Or les éléments matériels de cette infraction paraissent tout à fait ténus à
la commission. La référence au train de vie supérieur aux ressources est déjà
utilisée en droit pénal pour le proxénétisme et le trafic de stupéfiants - je
parle sous le contrôle de notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui connaît très
bien ces questions ne relevant pas directement de la commission des finances ;
toutefois, dans ces deux cas, il faut que l'intéressé soit en relation avec une
personne commettant une infraction qui a un résultat.
Dans le texte proposé par l'Assemblée nationale, il suffit d'être en relation
avec des personnes qui participent à une association de malfaiteurs. Il s'agit
là de ce qu'on appelle, en termes techniques, une « infraction obstacle » qui
peut ne pas avoir de résultat.
La définition de l'infraction proposée paraît donc trop large. La commission
des finances, conseillée par la commission des lois, a donc déposé cet
amendement tendant à incriminer le fait de ne pas pouvoir justifier de
ressources correspondant à son train de vie et d'être en relation avec des
personnes ayant commis des infractions dans le cadre d'une association de
malfaiteurs ; il faut que l'association de malfaiteurs ait un résultat.
Cet amendement procède, en outre, à des coordinations.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je souhaite donner quelques explications sur ce sujet
qui nous préoccupe plus encore aujourd'hui qu'hier.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement proposé, qui vise à limiter
l'incrimination aux hypothèses où l'association de malfaiteurs a abouti à la
réalisation d'un crime ou d'un délit en vue desquels cette association s'est
constituée.
Il convient, en effet, de rappeler que le délit d'association de malfaiteurs,
qui est prévu à l'article 450-1 du code pénal, est un délit autonome qui
n'exige pas que l'entente établie dans le dessein de commettre un crime ou un
délit ait effectivement débouché sur la réalisation de ce crime ou de ce délit.
Il suffit que l'association ait été concrétisée par un ou plusieurs actes
matériels ayant pour but de préparer l'infraction visée. Chacun peut se
souvenir d'événements récents, que je ne commenterai pas, qui ont pu être
stoppés grâce à cette disposition.
En conséquence, la nouvelle infraction de proxénétisme ou d'association de
malfaiteurs apparaît en conformité avec le délit autonome d'association de
malfaiteurs. Pour établir ce nouveau délit, il faudra naturellement démontrer
que les éléments constitutifs de l'association de malfaiteurs sont réunis, que
la personne soupçonnée est en relation habituelle avec cette association et
qu'elle bénéficie de ressources et d'un train de vie qu'elle ne peut
justifier.
Le passé récent nous a montré à quel point ce type de disposition permettait
d'aller beaucoup plus vite dans certaines enquêtes.
J'espère donc que cet amendement sera retiré ; sinon, j'y serai fortement
défavorable.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, maintenez-vous l'amendement n° 22 ?
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
La commission des finances n'est que le porte-plume de la
commission des lois sur cette question très juridique. Comprenez bien, madame,
mes chers collègues, que ce n'est pas de gaîté de coeur que je propose
d'affaiblir le dispositif ou, par scrupule juridique excessif, de freiner la
lutte contre le blanchiment. Mais si nous frisons l'illégalité, le résultat ne
sera pas très positif. Peut-être notre collègue M. Hyest pourrait-il éclairer
le Sénat sur ce point ?
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Bien entendu, madame la garde des sceaux, nous souhaitons utiliser tous les
moyens pour lutter contre le blanchiment d'argent ; mais la création d'une
nouvelle infraction n'est peut-être pas indispensable.
Dans le texte de l'Assemblée nationale, il est dit que le fait de ne pouvoir
justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en étant en
relations habituelles avec une ou plusieurs personnes ayant commis un crime ou
un délit est puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Cela signifie que, même
si les faits remontent au passé, même si une condamnation est intervenue, même
si la peine a été purgée, on pourra incriminer. Je pense que c'est aller
au-delà de ce que l'on souhaite.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Mais non !
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais si ! Si vous avez été en relation avec une personne ayant commis un crime
ou un délit dans le cadre d'une association de malfaiteurs et que vous avez un
train de vie dépassant vos ressources, vous pouvez êtes condamné, cela suffit ;
il n'est plus besoin de vérifier !
Nous, nous souhaitons dire que la personne incriminée doit être « en relations
habituelles avec une ou plusieurs personnes ayant commis un crime ou un délit
puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement ». Bien entendu, nous sommes d'accord
pour inclure la préparation matérielle du crime ou du délit. Mais la rédaction
de l'Assemblée nationale nous semble trop large et ne pas correspondre au but
que nous cherchons à atteindre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence l'article 25
bis
est ainsi rédigé.
Nous avons ainsi terminé l'examen des articles qui avaient été précédemment
réservés.
Article 55 A