SEANCE DU 24 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est M. du Luart, auteur de la question n° 1042, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
M. Roland du Luart.
L'intervention des départements en faveur des établissements privés du second
degré pour les opérations d'investissement s'inscrit, dans le cadre de la loi
Falloux - c'est l'article L. 151-4 du code de l'éducation - dans la limite
légale de 10 % des dépenses annuelles des établissements.
Je souhaite attirer solennellement l'attention de M. le ministre de
l'éducation nationale sur les graves problèmes de sécurité existant
actuellement dans des établissements privés, problèmes dont font état les
commissions départementales de sécurité et qu'il convient de juguler au plus
tôt s'agissant de la protection des enfants et des adolescents.
Au regard des programmes lourds engagés depuis de nombreuses années par les
conseils généraux dans les collèges publics, il m'apparaît indispensable que la
collectivité départementale s'intéresse au problème posé dans les
établissements privés et puisse intervenir largement au-delà du seuil de 10 %
actuellement autorisé par la loi pour les seules opérations relevant de la
sécurité, afin de permettre un accueil sans risque des élèves et de la
communauté éducative. Il est en effet impensable de faire à cet égard une
différence entre les collégiens selon qu'ils sont accueillis dans un
établissement public ou dans un établissement privé.
Pour permettre aux associations de gestion des collèges privés d'entreprendre,
dans les plus brefs délais, les travaux les plus urgents exigés par les
commissions de sécurité et soulignés par les bureaux de contrôle technique, il
conviendrait que les assemblées départementales soient le plus rapidement
possible habilitées à intervenir de manière significative dans le financement
des travaux de mise aux normes de sécurité des établissements privés, car il
est insupportable d'imaginer qu'en France la sécurité soit assurée pour
certains élèves et pas pour d'autres.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le sénateur, je renouvelle à votre intention les excuses de M. Jack
Lang, qui m'a chargé de vous communiquer la réponse suivante.
La question de la sécurité dans les établissements scolaires est une question
d'intérêt majeur, y compris lorsqu'elle concerne les établissements
d'enseignement privés. Ceux-ci sont d'ailleurs soumis aux mêmes normes de
sécurité que les établissements publics. En effet, les élèves, qu'ils soient
scolarisés dans le secteur public ou dans le secteur privé, ont le même droit à
bénéficier des conditions de sécurité maximales. Ainsi, toute ouverture d'un
établissement privé est soumise au contrôle préalable des inspecteurs d'hygiène
et de sécurité. Par ailleurs, la mission conduite en 1994 par M. Schleret avait
permis, comme dans l'enseignement public, d'établir un état du parc immobilier
privé.
Enfin, l'Observatoire national de sécurité des établissements scolaires et
d'enseignement supérieur conduit ses enquêtes sur les conditions d'application
des règles de sécurité dans les établissements scolaires tant publics que
privés.
Cependant, les travaux de mise aux normes de sécurité des établissements
scolaires, notamment des collèges publics et privés sous contrat, sont des
opérations d'investissement qui doivent s'inscrire dans le cadre de la
législation existante. Cette législation diffère selon qu'il s'agit de
l'enseignement public ou de l'enseignement privé.
Dans l'enseignement public, c'est le département qui a la charge des collèges
et, en conséquence, en assure la construction, la reconstruction, l'extension,
les grosses réparations et l'équipement, ainsi que le fonctionnement, à
l'exception des dépenses pédagogiques à la charge de l'Etat.
Les collèges privés, fondés et entretenus par des particuliers ou des
associations conformément à l'article L. 151-3 du code de l'éducation - ancien
article 17 de la loi Falloux du 15 mars 1850 - appartiennent à des
propriétaires privés à qui il revient de financer les travaux nécessaires à la
mise aux normes de sécurité.
Cependant, l'article L. 151-4 du même code, ancien article 69 de la loi
Falloux, permet aux collectivités locales d'intervenir sous différentes formes
et sous certaines conditions.
Tout d'abord, le département a la faculté d'attribuer aux collèges privés des
locaux et une subvention, sans que cette dernière puisse excéder le dixième des
dépenses annuelles de l'établissement. Cette participation financière autorisée
peut être affectée, entre autres, à la réalisation d'investissements, notamment
dans le domaine de la sécurité. Elle est soumise à l'avis préalable du conseil
académique de l'éducation nationale, qui apprécie l'opportunité des subventions
proposées.
Par ailleurs, l'Etat et les collectivités territoriales peuvent garantir les
emprunts auxquels recourent les établissements d'enseignement privés.
En effet, depuis 1964, l'Etat peut accorder sa garantie aux emprunts qui
seraient émis par des groupements ou associations à caractère national pour
financer la construction, l'acquisition et l'aménagement de locaux
d'enseignement utilisés par les établissments privés. Plus précisément, les
travaux financés au moyen d'emprunts garantis par l'Etat doivent avoir pour
objet soit l'extension, le premier équipement ou les grosses réparations de
locaux d'enseignement existants, soit la construction et l'aménagement de
nouveaux locaux d'enseignement. Les demandes de garantie de l'Etat sont
soumises à l'instruction d'une commission interministérielle, et la garantie de
l'Etat est accordée par arrêté du ministre des finances.
Cette faculté de garantir les emprunts a été étendue, en 1986, aux communes
pour les écoles, aux départements pour les collèges et aux régions pour les
lycées, au profit des groupements ou associations à caractère local. Depuis
1986, les collectivités territoriales peuvent donc garantir les emprunts
contractés par les organismes de gestion, notamment pour le financement de
travaux de mise aux normes de sécurité. Les garanties d'emprunts qui sont
allouées ne sont pas soumises à un plafond.
Cette forme d'aide présente des avantages incontestables : elle est autorisée
sans ambiguïté par la loi et est dispensée selon une procédure simple, qui
n'implique aucun décaissement pour la collectivité locale.
Pour conclure, il convient de préciser que la réglementation qui vient d'être
rappelée s'applique aux classes de collèges et de lycées d'enseignement
général. Pour ce qui concerne les classes d'enseignement technologique et
professionnel des établissements privés qui sont régis par la loi du 25 juillet
1919, ou loi Astier, les collectivités locales sont libres de contribuer au
financement d'investissements. En revanche, aucune aide en matière
d'investissement, en dehors des garanties d'emprunt, ne peut être apportée par
l'Etat et les collectivités territoriales aux écoles privées, la loi du 30
octobre 1886, dite loi Goblet, ainsi qu'une jurisprudence constante
l'interdisant.
M. Roland du Luart.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis assez consterné par la réponse que vous
venez de me faire, au nom de M. le ministre de l'éducation nationale, dans la
mesure où elle ne traite pas du fond du problème.
En effet, il y a un problème lorsqu'une commission de sécurité saisie par le
préfet, émanation de l'Etat, estime que la sécurité n'est pas suffisante dans
tel établissement, qu'il est nécessaire d'y remédier et que les associations de
gestion des établissements privés n'ont pas les moyens de faire face aux
dépenses nécessaires.
Je demandais simplement que, pour les seules opérations de sécurité, il puisse
être dérogé à la règle de ces fameux 10 %. Sinon, il faut carrément dire que
l'on souhaite, par cette voie, aboutir à la fermeture d'un certain nombre
d'établissements.
Monsieur le secrétaire d'Etat, actuellement, certains établissements demandent
non pas une extension, mais une mise aux normes. Il me semble donc que la loi
de 1850, dite loi Falloux, ou la loi de 1986 que vous avez évoquée ne
correspondent plus à la réalité du terrain. Sont en jeu à la fois les droits de
l'homme à la sécurité, mais aussi la libre administration des collectivités
locales et la liberté de l'enseignement.
Je vous le dis solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous
demande de transmettre ce propos à M. Jack Lang.
Il n'est absolument pas pour moi question de réveiller la querelle
scolaire.
(Murmures sur les travées socialistes.)
Le problème concerne
l'ensemble des présidents de conseils généraux. Ainsi, dans un département
voisin du mien, le Maine-et-Loire, à l'unanimité, toutes tendances confondues,
les conseillers généraux ont voté les crédits supplémentaires nécessaires pour
remédier à l'insécurité, le préfet a déféré la décision au tribunal
administratif en vertu des principes que vous avez évoqués.
Je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous demandiez à M. le
ministre de l'éducation de faire en sorte qu'une réflexion soit menée sur les
dérogations qui pourraient être accordées pour répondre à une nécessité urgente
et éviter ainsi la fermeture d'un certain nombre d'établissements.
En tout cas, je considère comme inconcevable qu'il y ait une différence de
traitement entre les enfants de notre pays, ou alors nous ne sommes plus dans
la République à laquelle je crois !
(Très bien ! sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Raymond Courrière.
C'est la République laïque !
M. le président.
Ce n'est peut-être pas la meilleure !
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Roland du Luart.
Ce n'est pas un problème de laïcité !
M. le président.
Il s'agit d'égalité, de justice, tout simplement !
Si, un jour, se produit dans un établissement un drame terrible faisant un
vingtaine de morts - ce qu'à Dieu ne plaise ! - à ce moment-là, monsieur
Courrière, vous modifierez le ton de vos critiques et de votre défense de la
laïcité ! On peut avoir une autre conception...
M. Raymond Courrière.
Voilà la neutralité du président de séance ! Chapeau !
M. le président.
Si vous n'aviez rien dit, monsieur Courrière, je n'aurais rien ajouté.
M. Raymond Courrière.
Je suis un élu comme vous, j'ai le droit de parler.
M. le président.
Et moi aussi !
M. Roland Courteau.
En tant que président de séance, vous n'avez pas à prendre parti.
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