SEANCE DU 25 AVRIL 2001


M. le président. Par amendement n° 332 rectifié quater , M. Jourdain, Mme Bardou, MM. Faure, Descours, Blanc, Machet, Ferrand, Ginésy, Neuwirth, Natali, Mme Heinis et M. Besse proposent d'insérer, avant l'article 35 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la section II du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail, le paragraphe 4 et l'article L. 212-4-16 deviennent respectivement le paragraphe 5, et l'article L. 212-4-17.
« Il est inséré un nouveau paragraphe 4 ainsi rédigé :

« § 4 - Travail à temps partagé

« Art. L. 212-4-16. - Le travail à temps partagé est l'exercice par un salarié pour le compte de plusieurs employeurs de ses compétences professionnelles dans le respect des dispositions applicables à la réglementation de la durée du travail.
« Le contrat de travail du salarié à temps partagé est un contrat écrit à durée déterminée ou indéterminée. Il mentionne notamment :
« - la qualification du salarié ;
« - les éléments de la rémunération ; le contrat peut prévoir les modalités de calcul de la rémunération mensualisée indépendamment du temps accompli au cours du mois lorsque le salarié à temps partagé est occupé sur une base annuelle ;
« - la convention collective éventuellement appliquée par l'employeur et, le cas échéant, les autres dispositions conventionnelles applicables ;
« - la durée du travail hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle ou annuelle ;
« - la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ou de l'année ; quand cette répartition ne peut être préalablement établie, un avenant au contrat de travail la définit ultérieurement ;
« - la possibilité de modifier cette répartition ou la durée du travail par accord entre les parties ;
« - la procédure selon laquelle le salarié à temps partagé pourra exercer son droit à congés annuels ;
« - la liste des autres contrats de travail dont le salarié est titulaire ; toute modification de cette liste est portée à la connaissance de chacun des employeurs par lettre recommandée avec accusé de réception ; il en est de même de toute modification d'un contrat de travail portant sur la durée du travail ou sa répartition ou sur tout élément de nature à entraver l'exécution d'un autre contrat de travail ; le salarié à temps partagé doit obtenir l'accord de ses autres employeurs préalablement à la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec un employeur concurrent d'un précédent ;
« - l'engagement de l'employeur de ne prendre aucune mesure qui serait de nature à entraver l'exécution par le salarié de ses obligations à l'égard de ses autres employeurs ;
« - l'engagement du salarié de respecter, pendant la durée du contrat comme après sa rupture, une obligation de discrétion sur toutes informations concernant chaque employeur ;
« - l'engagement du salarié à temps partagé de respecter les limites fixées par l'article L. 212-7.
« Art. L. 212-4-16-1. - Les organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage, les organismes de sécurité sociale et les institutions de retraite complémentaire adaptent ou modifient, en tant que de besoin, les dispositifs en vigueur afin de faciliter l'exercice des emplois à temps partagé. »
« II. - Le 12° de l'article L. 133-5 du code du travail est complété par un g ainsi rédigé :
« g) Pour les salariés à temps partagé, l'adaptation, en tant que de besoin, des dispositions de la convention collective à cette catégorie de salariés. »
« III. - Le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail fréquentés par un salaire répondant aux conditions de l'article L. 212-4-7-1 du code du travail. »
« IV. - Le troisième alinéa (1°) de l'article L. 751-6 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de l'accident survenu sur le parcours effectué entre les différents lieux de travail fréquentés par un salarié répondant aux conditions de l'article L. 212-4-16 du code du travail. »
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Si je me permets de relancer le débat sur le travail à temps partagé à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, c'est pour deux raisons.
Tout d'abord, lors de la discussion de ma proposition de loi, le 11 mars 1999, Mme le secrétaire d'Etat s'y était opposée en invoquant en particulier le fait qu'à l'automne 1999 un projet de loi sur les nouvelles formes de travail serait soumis au Parlement. Elle avait précisé que ce projet de loi porterait sur les groupements d'employeurs, le multisalariat et la pluriactivité. Or, deux ans après, nous n'avons toujours rien vu venir.
Par ailleurs, j'ai été sensibilisé, tout comme ceux de mes collègues qui ont cosigné cet amendement, au problème de la précarité de l'emploi des travailleurs saisonniers.
Nous avons considéré que la forme de contrat que j'avais présentée dans ma proposition de loi pouvait convenir, sous réserve de quelques adaptations, aux saisonniers. Tel est l'objet de cet amendement.
Ainsi, un salarié pourrait, par exemple, travailler l'hiver dans un hôtel des Alpes avec un contrat à durée indéterminée, puis, le reste de l'année, dans une entreprise de bûcheronnage du Jura, également avec un contrat à durée indéterminée.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission avait encouragé notre collègue M. Jourdain à déposer cet amendement relatif au multisalariat à temps partagé. C'est une initiative heureuse puisqu'il s'agit de réglementer de nouvelles formes de travail qui favorisent l'emploi dans la durée.
On peut rappeler que cet amendement reprend la proposition déposée par notre collègue et adoptée par le Sénat en 1999.
J'émets donc un avis très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cette proposition sur le travail à temps partagé me paraît très intéressante. Nous avons eu, monsieur Jourdain, des échanges à ce sujet à l'occasion de débats au Sénat et vous avez, me semble-t-il, travaillé avec mes collaborateurs sur les propositions qui sont aujourd'hui soumises à la discussion. Celles-ci rejoignent d'ailleurs les conclusions des travaux du Conseil national de la montagne, et plusieurs des éléments de cet amendement sont positifs.
Toutefois, il en est plusieurs autres qui ne sont pas absolument nécessaires au regard des textes actuels ; je pense notamment à ce qui concerne les contrats écrits, la durée du travail, les congés annuels.
Il faut prendre encore le temps de travailler pour améliorer la rédaction.
Je vous indique d'ores et déjà que j'ai l'intention de faire préparer, à destination de mes services, une circulaire rappelant les textes actuels. Les précisions qui sont nécessaires, notamment en matière de sécurité sociale, pourront en outre être apportées.
Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement, tout en approuvant les objectifs visés, qui me paraissent pouvoir être atteints par d'autres moyens.
M. Jean Chérioux. Et si l'auteur était différent ?
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 332 rectifié quater.
M. André Jourdain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Je remercie la commission des affaires sociales et son rapporteur de leur soutien.
Je remercie aussi Mme le ministre d'avoir reconnu que notre amendement comportait des éléments positifs. Que quelques adaptations soient encore nécessaires, j'en conviens parfaitement, mais la navette permettra d'y procéder.
Cela dit, la circulaire dont vous venez de nous annoncer la préparation, madame le ministre, sera aussi un élément très positif, car une telle initiative est attendue avec impatience par les intéressés.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je partage l'intérêt de nombre de nos collègues et de Mme la ministre pour ce contrat de travail si joliment dénommé « contrat de travail du salarié à temps partagé ». C'est une idée que notre collègue M. André Jourdain soutient depuis de longues années, qu'il a mûrie, notamment dans l'exercice de son activité de président d'un comité de bassin d'emploi.
Il est effectivement nécessaire de répondre à une multiplicité de situations, d'assurer un encadrement et une mise en cohérence.
Ce dispositif présente sans doute des risques et suscite assurément des réticences, pour ne pas dire plus, de la part de certaines institutions, mais je joins ma voix à quelques autres pour souhaiter que ce dossier avance et que la législature ne se termine pas sans qu'il soit mené à bonne fin.
M. André Jourdain. Merci !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 332 rectifié quater , accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen également.
M. Jean Chérioux. C'est une abstention positive ?

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 35 A.

Article 35 A