SEANCE DU 25 AVRIL 2001


M. le président. « Art. 36. - I. - A l'article L. 152-1-4 du même code, les mots : "et L. 122-3-11" sont remplacés par les mots : ", des premier et dernier alinéas de l'article L. 122-3-1, du deuxième alinéa de l'article L. 122-3-3 et de l'article L. 122-3-11". »
« II. - L'article L. 152-2 du même code est ainsi modifié :
« 1° Supprimé ;
« 2° Le b du 2° est ainsi rédigé :
« b) Recouru à un salarié temporaire sans avoir conclu avec un entrepreneur de travail temporaire, dans le délai prévu à l'article L. 124-3, un contrat écrit de mise à disposition ou ayant omis de communiquer, dans le contrat de mise à disposition, l'ensemble des éléments de rémunération conformément aux dispositions du 6° de l'article L. 124-3. » ;
« 3° Le 1° est complété par un e ainsi rédigé :
« e) Méconnu en connaissance de cause les dispositions du premier alinéa de l'article L. 124-4-2 ; ».
Par amendement n° 120, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement va faire plaisir à Mme le ministre, puisqu'il vise à éviter le développement des sanctions pénales. Tout à l'heure, madame le ministre a en effet dit, à plusieurs reprises, combien elle était opposée à un tel développement. Je propose donc de supprimer le I de l'article 36.
Le développement des sanctions pénales pour des manquements à des règles de forme, absence de contrat écrit par exemple, alors même qu'il existe déjà des sanctions civiles prévoyant la requalification du CDD en CDI, ou le versement de dommages et intérêts ne paraissent pas souhaitables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Malheureusement, je ne suis pas d'accord avec vous.
En matière de contrat à durée déterminée, le code du travail pose en effet le principe de l'égalité de rémunération entre salariés précaires et salariés permanents, ainsi que le principe du caractère écrit du contrat de travail. Compte tenu des dérives qui ont été constatées, l'efficacité du contrôle exercé par les services de l'inspection du travail sur ces deux points suppose la mise en place de sanctions pénales.
Je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas de sanctions pénales. J'ai dit qu'il ne fallait pas en abuser et que, lorsqu'elles existent, il n'est pas obligatoirement nécessaire de les augmenter. En l'occurrence, elles sont indispensables, car elles instituent une sanction suite au contrôle exercé par les services de l'inspection du travail.
A mes yeux, il n'est donc pas souhaitable de retenir cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 120, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 380, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 36 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré, après l'article L. 152-1-4 du code du travail, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans une entreprise de plus de cent salariés, constitue un recours abusif au travail précaire le fait que, au cours d'une période de six mois, le nombre d'emplois occupés par des salariés sous contrat à durée déterminée ou sous contrat de travail temporaire, excède un dixième du total des emplois.
« L'inspection du travail constate la réalité du recours abusif au travail précaire qui donne lieu, au-delà de la proportion définie ci-dessus, au versement d'une amende de 25 000 francs par salarié concerné.
« A cette fin, le comité d'entreprise peut saisir l'inspection du travail et est tenu informé par l'employeur du nombre de salariés sous contrat à durée déterminée ou sous contrat de travail temporaire.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous approuvons l'économie générale de l'article 36, qui vise à renforcer le dispositif législatif sanctionnant l'utilisation illégale des contrats précaires.
Nous souhaitons, dans le même esprit, instaurer le principe d'une pénalité dissuasive pour les entreprises ayant recours de manière exclusive au travail précaire, qu'il s'agisse de contrats à durée déterminée ou de contrats d'intérim.
Avec cet amendement, nous souhaitons mettre un terme aux pratiques de certains employeurs qui multiplient les embauches sous contrat précaire, alors qu'ils auraient la possibilité de réaliser des embauches en contrats à durée indéterminée.
Nous pensons donc que, pour les entreprises employant plus de cent salariés, si, au cours d'une période de six mois, le nombre de salariés travaillant avec un statut précaire est supérieur à 10 % de l'effectif total de l'entreprise, il y aurait moyen de réaliser des embauches en contrats à durée indéterminée.
Nous souhaitons que ce type de situations soit sanctionné par la loi comme recours abusif au travail précaire. En effet, malgré la relative amélioration de la situation de l'emploi, nous considérons qu'il faut être particulièrement attentifs à la qualité des emplois créés. Vous le savez fort bien, mes chers collègues, une grande partie des embauches réalisées concerne des emplois précaires et relativement mal payés. A notre avis, le retour au plein-emploi, que nous pouvons considérer comme un objectif de moyen terme, ne doit pas passer par une augmentation de la précarité et du nombre de bas salaires, ce qui ne serait en fait qu'une généralisation du chômage partiel et conduirait à une paupérisation des salariés. Pour éviter cela, il convient de rendre dissuasif pour les employeurs le recours excessif à l'emploi précaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission souhaiterait entendre le Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous sommes d'accord sur l'objectif. Cependant, je crains que le fait de prévoir une sanction pécuniaire automatique en cas de dépassement d'un seuil de 10 % d'emplois précaires n'aboutisse paradoxalement à légitimer le recours à l'emploi précaire en deçà de ce seuil de 10 %.
Par ailleurs, le principe même d'une amende à titre de sanction purement administrative, sans intervention du juge, et même sans possibilité d'appréciation en opportunité de la part de l'inspecteur du travail, ne me semble pas opportun.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous venons d'entendre les arguments de Mme la ministre.
J'ajouterai qu'il s'agit également de prendre en compte les entreprises qui sont confrontées à de fortes variations d'activité, et c'est un point que nous avons évoqué en commission. Là aussi, il y a parfois des nécessités en certains domaines. Aussi, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Tout à l'heure, notre collègue Guy Fischer réclamait toujours et encore des sanctions. Non ! Dans ce domaine, il faut arrêter toutes les sanctions, sinon on bloquera le système.
M. Jacques Machet. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Et l'on ne fera rien du tout !
M. Jacques Machet. C'est la France qui ne fera plus rien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 380, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
M. Gilbert Chabroux. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 36, modifié.

(L'article 36 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 36