SEANCE DU 25 AVRIL 2001
M. le président.
« Art. 37. - I. - L'article L. 122-3-8 du même code est ainsi modifié :
« 1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut toutefois, par dérogation aux dispositions du précédent alinéa, être
rompu à l'initiative du salarié lorsque celui-ci justifie d'une embauche pour
une durée indéterminée. Sauf accord des parties, le salarié est alors tenu de
respecter une période de préavis dont la durée est calculée à raison d'un jour
par semaine compte tenu de la durée totale du contrat, renouvellement inclus,
si celui-ci comporte un terme précis, ou de la durée effectuée lorsque le
contrat ne comporte pas un terme précis et, dans les deux cas, dans une limite
maximale de deux semaines. » ;
« 2° Au quatrième alinéa, les mots : "à l'alinéa précédent" sont remplacés par
les mots : "à l'alinéa premier" ;
« 3° Au dernier alinéa, les mots : "de ces dispositions" sont remplacés par
les mots : "des dispositions prévues aux premier et deuxième alinéas". »
« II. - L'article L. 124-5 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le
contrat est rompu par le salarié qui justifie d'une embauche pour une durée
indéterminée. Sauf accord des parties, le salarié est alors tenu de respecter
une période de préavis dont la durée est calculée à raison d'un jour par
semaine compte tenu de la durée totale du contrat, renouvellement inclus, si
celui-ci comporte un terme précis, ou de la durée effectuée lorsque le contrat
ne comporte pas un terme précis, sans que cette période puisse être inférieure
à un jour ni supérieure à deux semaines dans les deux cas. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 121, M. Gournac, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 313, MM. Murat, Marini, de Montesquiou, Karoutchi et Cornu
proposent, au début du texte présenté par le 1° du I de l'article 37 pour
modifier l'article L. 122-3-8 du code du travail, d'ajouter les mots : « Sauf
s'il est conclu, pour un sportif professionnel, en vertu du 3° de l'article L.
112-1-1. »
Par amendement n° 383, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
la première phrase
du texte présenté par le I de l'article 37 pour être inséré à l'article L.
122-3-8 du code du travail par les mots : « ou d'une admission pour une
formation qualifiante. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 121.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale revient à mettre le
droit en conformité avec les faits, puisque le salarié qui rompt prématurément
son engagement contractuel sous statut précaire afin d'accepter un contrat à
durée indéterminée n'est quasiment jamais inquiété.
Si je comprends parfaitement la motivation de l'article 37, qui vise à lutter
contre la précarité et à permettre au salarié de s'inscrire dans une relation
contractuelle plus stable, j'observe cependant que la rédaction retenue a
également pour conséquence d'exonérer le salarié de sa responsabilité, et donc
d'affaiblir la notion même du contrat comme engagement réciproque.
Par ailleurs, on ne peut exclure que de telles dispositions, par les effets
qu'elles pourraient avoir sur l'organisation des entreprises amenées à devoir
gérer des défaillances de certains salariés, pourraient, en fait, accroître la
sélectivité lors de l'embauche sur un contrat à durée déterminée ou un contrat
de travail temporaire.
En définitive, on peut craindre que cet article ne complique l'accès à
l'emploi des salariés. Dans ces conditions, mes chers collègues, je vous
propose d'adopter l'amendement n° 121, qui tend à sa suppression.
M. le président.
La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 313.
M. Gérard Cornu.
Je tiens à saluer le travail de simplification opéré par la commission.
M. Guy Fischer.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Gérard Cornu.
En effet, là encore, M. le rapporteur nous propose la suppression d'un
article. Et moins une loi est compliquée, plus elle est lisible.
Comme M. Gournac l'a dit très justement, l'article 37 n'apporte rien de
nouveau puisque, dans les faits, le salarié qui rompt son contrat à durée
déterminée de façon anticipée afin d'accepter un contrat à durée indéterminée
n'est quasiment jamais inquiété.
Plus grave, cet article n'opère pas de distinction entre les différents types
de contrat à durée déterminée. Il faut dès lors en déduire que les contrats
d'usage seraient concernés. Seraient ainsi touchés les secteurs d'activité dans
lesquels, en raison du caractère temporaire des emplois, on ne recourt pas aux
contrats à durée indéterminée : je pense particulièrement au théâtre, à
l'audiovisuel ou au sport professionnel.
Par exemple, cette possibilité, si elle concernait les clubs professionnels,
serait susceptible de remettre en cause la nécessaire équité sportive, sans
laquelle une compétition n'a pas de sens. Des équipes pourraient en effet être
destabilisées par le départ de joueurs, en cours de saison, pour d'autres
clubs. En effet, le joueur pourrait se dégager à tout moment de son engagement
contractuel sous respect d'un préavis maximum de deux semaines, c'est-à-dire
quasi immédiatement.
Enfin, si l'on maintenait l'application de ce dispositif au sport
professionnel, aucune règle ne pourrait plus être respectée en matière de
transfert : si le transfert de joueurs ne doit pas être entravé au nom de la
libre circulation des travailleurs en Europe, rien n'interdit que le salarié
respecte l'engagement contractuel d'une durée déterminée. L'application de
cette réforme sur le territoire national mettrait les clubs français dans une
situation défavorable par rapport à leurs concurrents européens.
Néanmoins, compte tenu du dépôt par la commission d'un amendement n° 121, que
je voterai, je retire l'amendement n° 313.
J'attire toutefois votre attention sur le point suivant, madame la ministre,
j'attire votre attention : si votre intention est de faire rétablir l'article
37 par l'Assemblée nationale, veillez alors surtout à sortir de son champ
d'application les contrats d'usage !
M. le président.
L'amendement n° 313 est retiré.
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 383.
M. Guy Fischer.
Même si, aujourd'hui, une tendance semble se dessiner concernant la
transformation plus fréquente des contrats à durée déterminée en contrats à
durée indéterminée, il n'en demeure pas moins que la forme normale du contrat
de travail n'est plus le contrat de travail à durée indéterminée, avec toutes
les conséquences que cela induit d'un point de vue personnel et familial, sans
parler des incidences professionnelles.
Afin de faciliter l'insertion professionnelle des salariés sous contrat
précaire, l'article 37 du projet de loi, que la commission des affaires
sociales propose d'ailleurs de supprimer, ouvre aux salariés la possibilité de
rompre leur contrat de travail à durée déterminée ou contrat de travail
temporaire avant le terme prévu lorsqu'ils accèdent à un contrat de travail à
durée indéterminée.
Cette disposition, de nature à contribuer au recul des emplois précaires en
facilitant leur transformation en emploi stable, reçoit notre soutien. Nous
proposons par cet amendement d'étendre cette possibilité de mettre fin à tout
moment à un contrat de travail à durée déterminée, ou contrat intérim, sur
l'initiative du salarié, lorsque ce dernier trouve une formation, un stage
qualifiant, dans une autre entreprise notamment.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 383 ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable. De toute façon, si,
comme je le propose, le Sénat adopte l'amendement n° 121, l'amendement n° 383
n'aura plus d'objet !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 121 et 383 ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement émet un avis
défavorable sur l'amendement n° 121. Je pense en effet qu'il faut permettre aux
salariés de saisir l'opportunité qui s'offre à eux de mettre fin à leur
situation précaire, en rompant leur contrat de travail sans être redevables de
dommages et intérêts.
S'agissant de l'amendement n° 383, je suis quelque peu réservée, car je
considère que la rédaction de cet amendement pourrait être améliorée. Les
contrats à durée déterminée sont, le plus souvent, de courte durée. Il ne
m'apparaît donc pas nécessaire de permettre aux salariés de les interrompre par
une formation qui peut être prévue de toute façon au cours des périodes
intermédiaires entre deux contrats. Aux termes de l'article L. 122-2 du code du
travail, les contrats à durée déterminée peuvent être conclus dans un but de
formation professionnelle. Il me semble aussi qu'il faudrait préciser la notion
de formation qualifiante.
Je crois donc que nous pourrions réaliser un travail de précision sur cette
proposition.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 121.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Si je suis d'accord sur le principe avec la proposition de la commission, je
considère cependant cette dernière comme un peu brutale. En effet, j'ai connu
des personnes ayant rompu leur contrat à durée déterminée deux ou trois jours
avant le terme de ce dernier pour pouvoir bénéficier d'un contrat à durée
indéterminée et qui ont alors été sanctionnées. Je comprends donc très bien le
point de vue de la commission, et je voterai son amendement ; mais je crois que
nous pourrions réfléchir, à l'occasion de la navette, à ces cas limites, qui
sont des cas humainement intéressants.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Il ne faut pas voter l'amendement, monsieur Chérioux !
(Sourires.)
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Monsieur le président, j'ai bien entendu notre collègue Jean
Chérioux. Bien évidemment, il nous faudra réfléchir à ce cas bien précis, où le
contrat à durée déterminé est rompu simplement quelques jours avant son
terme.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 37 est supprimé et l'amendement n° 383 n'a plus
d'objet.
Article 38