SEANCE DU 3 MAI 2001
M. le président.
Je suis saisi d'une motion n° 1, présentée par M. Marini, au nom de la
commission des finances, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat, le Sénat
:
« Considérant que, le projet de loi portant création d'une prime pour l'emploi
présenté par le gouvernement s'analyse en réalité comme un ralliement de
celui-ci au projet de crédit d'impôt en faveur de l'activité que le Sénat avait
adopté par trois fois, lors de l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001, du projet de loi de finances pour 2001, et du
second projet de loi de finances rectificative pour 2000 ;
« Considérant que, lors de l'examen en première lecture du présent projet de
loi, le Sénat avait souhaité que soit précisé et préservé le droit de
rectification des contribuables, compte tenu de la complexité du dispositif et
des difficultés concrètes d'application de celui-ci ;
« Considérant qu'en nouvelle lecture l'Assemblée nationale a pris en compte la
préoccupation exprimée par le Sénat, concernant le délai de réclamation ouvert
aux contribuables, et a complété la rédaction de ce dispositif ;
« Considérant que le gouvernemnet a reconnu en séance publique qu'il
s'agissait effectivement d'un crédit d'impôt, ainsi que le Sénat l'avait
baptisé ;
« Déplorant toutefois que, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale n'ait
pas suivi le Sénat dans sa volonté de donner à ladite mesure une dénomination
plus conforme à la réalité, ni voulu prendre en compte la spécificité des
personnes exerçant à temps plein une activité non salariée et disposant de
revenus inférieurs à 0,3 SMIC ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de
loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant création
d'une prime pour l'emploi (n° 285, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion
contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la
commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, j'ai déjà eu l'occasion, dans mon intervention liminaire, de
présenter le texte de cette motion. Je vous ai dit, mes chers collègues, dans
quel esprit positif elle avait été rédigée pour des raisons de principe.
Je crois inutile de prolonger nos débats par d'autres explications sur cette
motion, que je vous invite naturellement à voter.
M. Michel Sergent.
Je demande la parole contre la motion.
M. le président.
La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
vous comprendrez que le groupe socialiste s'oppose à l'adoption de cette motion
tendant à opposer la question préalable. Je voudrais simplement souligner les
contorsions auxquelles M. le rapporteur a été obligé de se livrer pour
justifier le dépôt de cette dernière.
M. Mariani a commencé son propos, tout à l'heure, en disant que le Sénat
n'était pas écouté lorsqu'il proposait de bons textes, pour dire à la fin que,
lorsque le texte du Gouvernement allait dans le bon sens, on ne pouvait
toujours pas l'adopter, qu'il fallait lui opposer une question préalable «
positive ». Je ne sais d'ailleurs pas ce qu'est une question préalable positive
ou négative.
M. Nicolas About.
Les communistes font bien de l'abstention positive !
M. Michel Sergent.
Il y a des questions préalables adoptées ou repoussées, qu'elles soient
positives ou pas.
Cela dit, je regrette cette position car, finalement, on retiendra que, sur un
texte aussi important que la création de la prime pour l'emploi, le Sénat aura
adopté une motion tendant à opposer la question préalable. En tout cas, le
groupe socialiste votera contre.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
J'ai exposé tout à l'heure les raisons pour lesquelles
il me paraissait nécessaire que soit voté le texte du Gouvernement.
Je tiens en cet instant à rassurer M. le rapporteur général sur la très haute
considération en laquelle le Gouvernement tient la Haute Assemblée ; il le sait
d'ailleurs. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est moi qui ai le privilège de
représenter le Gouvernement auprès de vous ce matin, et vous savez en quelle
très haute estime je tiens le travail du Sénat pour sa qualité et sa
compétence. J'ai eu l'occasion de dire à cette tribune l'année dernière, à
l'occasion de la discussion de la loi de finances initiale pour 2000, que le
travail du Sénat constituait une sorte « d'espace vert » législatif par son
caractère approfondi et sérieux. Je n'ai pas changé d'avis.
En l'occurrence, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'ensemble des
intervenants, et je me range naturellement, au nom du Gouvernement, du côté de
ceux qui souhaitent que cette motion soit repoussée.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat pour ses propos
extrêmement aimables à l'égard du Sénat.
En effet, mes chers collègues, nous pouvons tout à fait nous reconnaître dans
la description qu'il a faite du Sénat comme seule assemblée vraiment écologique
(Sourires)
du Parlement. Cette description bucolique, mais réaliste,
qu'il a faite de nos travaux et de la place que les réflexions bien menées de
nos commissions peuvent y prendre ne peut qu'aller droit au coeur des sénateurs
et de leurs collaborateurs.
Cela étant dit, mes chers collègues, déposer une motion tendant à opposer la
question préalable signifie simplement - vous le savez - que l'on estime qu'il
n'y a plus lieu de délibérer. Cela n'implique pas nécessairement un rejet du
texte au fond.
En l'occurrence, nous avons tout dit : dès lors, pourquoi recommencer à le
dire ? Ce n'est pas parce que l'on répète que l'on est nécessairement mieux
entendu ou mieux écouté. Ce que nous avions à dire, nous l'avons dit, et, par
cette question préalable, nous nous limitons à observer que les points
particuliers qui ont fondé le désaccord en commission mixte paritaire,
notamment sur le sort des travailleurs indépendants et des agriculteurs les
moins favorisés, n'ont pas pu, à ce stade, trouver de solution technique
satisfaisante dans le dialogue entre les deux assemblées.
Ayant exprimé les sentiments et les analyses qui étaient les nôtres, il n'y a
pas lieu d'aller au-delà ; c'est dans cet esprit que la question préalable vous
est soumise, mes chers collègues.
M. le président.
Vous savez, comme moi, monsieur le rapporteur, que la question de l'écologie
sera aujourd'hui à l'ordre du jour dans une assemblée orléanaise !
(Sourires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 301 |
Majorité absolue des suffrages | 151 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre |
82 En conséquence, le projet de loi est rejeté. |
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