SEANCE DU 3 MAI 2001
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Bonnet, pour explication de vote.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, le groupe des Républicains et
indépendants se félicite que l'un des siens ait eu le courage de prendre
l'initiative de cette proposition de loi et qu'il ait, avec beaucoup de
ténacité, mais aussi de souplesse, su la conduire à son terme.
J'ajoute, à titre personnel, que, si j'avais eu une once d'hésitation sur mon
vote, les pressions dont nous avons été l'objet, les méthodes qui réussissent
vis-à-vis des êtres fragiles et dont nous avons eu un certain nombre d'exemples
depuis des mois à travers des démarches, à travers des appels téléphoniques,
et, ces jours derniers, à travers le bourrage des sites, m'auraient convaincu
que je fais bien en votant la proposition de notre ami M. About.
(Applaudissements.)
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je voudrais noter, en cet instant, le temps
qu'il a fallu pour aboutir au vote qui va intervenir et souligner la qualité du
travail accompli tout au long des différentes étapes.
C'est en effet, comme M. Bonnet l'a rappelé, sur l'initiative de la commission
des lois, singulièrement de son rapporteur, que ce travail a pu être
entrepris.
La manière dont vous avez participé au débat, madame le garde des sceaux, me
paraît laisser présager un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
En cet instant, je me pose une question : très légitimement, peut-être,
certains d'entre nous semblent s'être opposés au fond même de ces dispositions.
De deux choses l'une : soit la menace existe - et on a essayé d'y répondre.
Parfaitement ? Je n'en sais rien. L'expérience le dira. Nous faisons confiance
aux juges pour mettre en oeuvre des dispositions qui, croyez-le, ont fait
l'objet de réflexions très approfondies et qui n'ont pas été pour autant
faciles à formuler. Il fut ardu de trouver une rédaction qui corresponde à nos
souhaits.
Mais ce qui peut poser problème pour certains d'entre nous, c'est de constater
que les oppositions qui se sont manifestées n'ont été assorties d'aucune
contre-proposition.
Alors, encore une fois, est-ce que le problème se pose ? Oui, sûrement !
Est-ce qu'il fallait le résoudre ? Oui, sûrement ! Est-ce que nous l'avons bien
résolu ? En tout cas, nous nous y sommes efforcés, et l'avenir dira si nous y
sommes parvenus.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai exposé,
au cours de la discussion générale, les problèmes de conscience qui se posent
et les scrupules que peut ressentir chacun d'entre nous s'agissant d'un débat
de cette importance. Je maintiens bien entendu les propos que j'ai tenus à cet
égard.
En cet instant, je veux, à mon tour, rendre hommage au rapporteur, M. Nicolas
About, pour les efforts qu'il a accomplis afin d'éviter les excès, dans un sens
et dans l'autre, et d'aboutir à un texte le plus équilibré possible.
Je souhaite que, dans la phase finale du débat devant le Parlement, les
principales orientations retenues par le Sénat soient maintenues afin de
préserver l'équilibre de ce texte. Il fallait, au-delà des pressions venant
d'ici ou de là, tenir le cap. M. le rapporteur a réussi à le faire. Qu'il en
soit remercié !
M. Pierre Fauchon.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
J'ai été amené à m'intéresser à la question des sectes - je n'en suis
absolument pas un spécialiste, je le reconnais - lorsque j'ai pris
connaissance, le 12 avril 1999 - cela ne date pas tout à fait d'hier - d'une
interview d'un homme dont je ne partage pas toujours les opinions mais qui est
généralement considéré comme un être épris des libertés et qui est une
conscience reconnue par les politologues, je veux parler du professeur René
Rémond.
Cette interview, que j'ai en main, est intitulée : « Non à toute législation
anti-secte ». Cela signifie-t-il que le professeur Rémond n'est pas désireux de
protéger l'intégrité, la santé des individus les plus faibles ? Cela veut-il
dire que je ne suis pas, moi non plus, animé par cette préoccupation ?
J'ai dit, au cours de la discussion générale, que je demandais la plus grande
rigueur à l'égard des infractions à la loi, quelles qu'elles soient, dans ce
domaine comme en d'autres, car je suis tout à fait conscient des affreuses
aberrations auxquelles on est parvenu dans certains cas, et chacun les connaît.
Cependant, il faut se garder des amalgames.
Au cours de cette discussion, j'ai entendu des propos qui, véritablement,
étaient empreints de ce risque d'amalgame, notamment l'usage répété et
législatif du terme de « secte », qui est employé à tout propos et à l'égard de
n'importe qui. Ainsi, si l'on veut détruire quelqu'un, on dira qu'il anime une
secte.
Voilà un instant, nous avons entendu le président de la commission des lois
exprimer des préoccupations qui, comme d'habitude, font honneur à notre
assemblée. Toutefois, si légitimes que soient de telles préoccupations, je
considère qu'il faut évaluer plus soigneusement les risques d'atteinte aux
libertés. J'ai rappelé des souvenirs qui montrent que l'on peut atteindre les
libertés par ricochet. En effet, on a mis imprudemment entre les mains de qui
il appartiendra...
M. Nicolas About,
rapporteur.
Des juges !
M. Michel Caldaguès.
... des dispositions qui risquent de porter atteinte à ces libertés.
Voilà ma préoccupation et celle d'un grand nombre de mes amis qui ne sont pas
présents en cet instant et qui m'ont demandé d'être leur interprète pour
manifester les inquiétudes que je viens d'exprimer. Ces inquiétudes sont, elles
aussi, respectables. Je récuse tout esprit de chasse aux sorcières, d'où qu'il
vienne et où qu'il aille.
Cette discussion aura eu le mérite, comme c'est la tradition au sein de la
Haute Assemblée, de permettre la confrontation, dans la meilleure foi
possible,...
M. Michel Charasse.
C'est le mot !
M. Michel Caldaguès.
... d'opinions différentes et l'expression des convictions diverses,
auxquelles chacun est légitimement attaché.
Voilà les quelques mots que je voulais prononcer avant de confirmer que je
voterai bien sûr contre ce texte.
(MM. Hamel et Neuwirth
applaudissent.)
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Monsieur le président, compte tenu des votes intervenus
précédemment, il y a lieu de rédiger ainsi l'intitué du chapitre IV : «
Dispositions limitant la publicité des mouvements sectaires ».
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé du chapitre IV est ainsi rédigé.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je vais bien sûr voter ce texte, non pas en eu égard aux
risques qu'il peut éventuellement faire courir, car nous avons beaucoup
travaillé sur ce point.
Je le voterai en pensant à ceux qui sont morts. En effet, les organisations
sectaires ont occasionné des massacres et des morts dans le monde entier ; nous
pouvons avoir en cet instant une pensée pour eux. Ils sont morts parce qu'ils
étaient faibles, parce qu'ils se sont laissé placer en état de sujétion et
conduire jusqu'à la mort, quand ils n'ont pas été assassinés ! Je songe aussi à
un jeune qui est mort dernièrement car on lui a interdit de se soigner. Au nom
d'une prétendue liberté, on a poussé ces jeunes vers la mort.
Je vais penser à ces jeunes qui sont malades, à ces jeunes qui ne sont pas
éduqués, qui sont sortis du système social, à ces jeunes à qui on refuse
l'école. C'est en effet à tous ceux-là que je vais penser pendant que je
voterai, et non pas à d'éventuelles dérives. Je fais confiance aux juges pour
éviter les dérives.
Je sais que, aujourd'hui, nous devons mettre fin à un certain nombre de
désordres intolérables dans nos sociétés dites « modernes ».
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Après l'émotion qu'a fait naître M. About, je tiens à
remercier la commission des lois et son rapporteur pour leur travail. Je
remercie également Mme Picard et l'ensemble des parlementaires. On parle
souvent de régulation. En l'occurrence, il s'agit d'un texte de régulation
sociale et éthique. Il est important que la régulation éthique ait sa place en
ce début de siècle.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Merci beaucoup !
M. le président.
Chacun aura à coeur d'apprécier les propos qui ont été tenus tout au long de
ce débat.
Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous
allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit
heures cinquante-cinq.)