SEANCE DU 9 MAI 2001
M. le président.
« Art. 6
ter.
- L'article L. 114-3 du code du service national est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, lors de l'appel de préparation à la défense, les Français sont
soumis à un examen médical et à des tests psychotechniques. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Cet article porte sur l'examen médical considéré comme obligatoire lors de
l'appel de préparation à la défense.
Je crois, et M. le rapporteur confirmera sans doute mon propos, que, sous
prétexte que nous manquons de moyens, en temps et en personnels, pour pratiquer
cet examen sur tous les jeunes qui participent à cette journée de formation
civique, on abandonne.
Or je veux attirer l'attention du ministre de la santé, qui le sait mieux que
quiconque, sur le fait que cette population n'est pas suivie. Les jeunes
auraient dû être suivis pendant leur scolarité, mais on sait ce qu'est la
médecine scolaire. Ils le seront peut-être, je l'espère, par la médecine du
travail.
Quoi qu'il en soit, à ce moment de leur vie, il serait bon que ces jeunes gens
et ces jeunes filles soient examinés. Cela permettrait de diagnostiquer une
tuberculose débutante ou une albuminurie, par exemple.
Cette démission du ministère de la santé en matière de santé publique est
grave. C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'on aille dans le sens de
ce que, je crois, demandera M. le rapporteur, c'est-à-dire vers une information
et un examen plus systématiques que ce qui a été retenu par l'Assemblée
nationale.
M. le président.
Par amendement n° 17, M. Huriet, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de compléter le texte présenté par l'article 6
ter
pour compléter l'article L. 114-3 du code du service national par les mots : «
et bénéficient d'une information sur les questions de santé qui les concernent,
notamment les pratiques addictives, les comportements à risque et la
contraception. »
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Cet amendement prévoit que les jeunes Français bénéficient, à
l'occasion de la journée d'appel pour la préparation à la défense, d'une
information sur les questions de santé qui les concernent, notamment les
pratiques addictives, les comportements à risque et la contraception.
L'article 6
ter
adopté par l'Assemblée nationale institue un examen
médical et des tests psychotechniques lors de cette journée d'appel.
Chacun comprend, comme M. Charles Descours vient de le dire, la préoccupation
des députés : ils ont souhaité que l'on pratique sur l'ensemble d'une classe
d'âge un examen médical systématique, comme cela existait auparavant, pour les
hommes, dans le cadre du service militaire ou des trois jours.
Cependant, cet article soulève à l'évidence un certain nombre de difficultés
qui tiennent tant à la finalité de tels examens qu'aux moyens nécessaires à
leur mise en oeuvre.
L'intérêt d'un examen systématique de ce type réside dans deux objectifs :
l'amélioration de la connaissance de l'état de santé de la population, et la
prise en charge et le suivi des problèmes de santé ainsi diagnostiqués.
L'état de santé peut être connu de façon beaucoup plus précise par des études
épidémiologiques ciblées, au besoin sur un problème de santé particulier.
En outre, l'intérêt d'un examen systématique réside uniquement dans le suivi
qui doit être mis en place en cas de dépistage de problèmes de santé. Ce suivi,
qui était assuré auparavant par le service de santé des armées, ne peut plus
être assuré. En effet, ce service ne dispose plus aujourd'hui des moyens de
mener à bien une telle mission.
A l'occasion d'une audition à laquelle j'ai procédé, j'ai eu connaissance de
l'évolution de la démographie au sein du service de santé des armées.
Chaque année, on relève un écart d'une vingtaine d'unités entre les médecins
qui quittent le service de santé des armées et les jeunes médecins qui sont
attirés par ce service. C'est inquiétant.
Je profite de la circonstance pour évoquer cette situation, monsieur le
ministre, qui dépasse vos attributions et vos responsabilités : le service de
santé des armées se porte mal.
J'avais donc proposé initialement, en commission, de substituer à cet examen
médical une information systématique des jeunes Français sur des questions de
santé qui les concerne, notamment sur les pratiques addictives.
A l'issue d'un large débat, la commission a souhaité maintenir l'examen
médical et introduire cette information. Je ne peux bien sûr qu'y souscrire,
non seulement en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales,
mais aussi en tant que médecin.
Mais la question des moyens qu'il faudra mettre en oeuvre pour répondre à
cette demande unanime - je crois - de la commission des affaires sociales du
Sénat reste entière.
Bien sûr, comme M. Charles Descours vient de le dire, il convient de
rapprocher la question de l'évaluation de la santé d'une classe d'âge de jeunes
Français des insuffisances de la médecine scolaire et de la médecine
universitaire. C'est probablement dans cette voie qu'il faudrait chercher la
réponse aux problèmes de santé publique que nous avons évoqués.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Monsieur le président, ce n'est pas une question
facile.
Je partage entièrement le sentiment exprimé par MM. Descours et Huriet. Un
examen médical et une information, ce serait très bien ; mais c'est
complètement impossible. Dès lors, pourquoi l'inscrire dans la loi ?
En réalité, lors de l'appel de préparation à la défense, les services
disposent de trois heures, juste le temps de faire remplir un questionnaire.
Quand bien même nous disposerions d'un personnel médical et de santé suffisant,
comment voulez-vous que nous puissions, en plus, faire examiner ces jeunes gens
en si peu de temps ?
Il n'en demeure pas moins que, sur le fond, vous avez raison, messieurs les
sénateurs. Je relève toutefois que le questionnaire qui a été proposé nous a
permis d'accroître nos connaissances en matière de santé publique, en
particulier de toxicomanie.
Votre proposition est très intéressante, mais elle est complètement impossible
à mettre en oeuvre. Nous ne pouvons donc pas accepter cet amendement.
Avant ce projet de loi, nous avons participé à la mise en place de cette
journée de rencontre et d'initiation. Nous avons alors pu constater que le
ministère de la défense tenait absolument à diffuser un certain nombre
d'informations sur l'armée, le service volontaire dans le tiers monde
notamment.
Nous allons travailler dans le sens que souhaite M. le rapporteur.
Je note d'ailleurs que l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale
prévoit que l'assurance maladie doit soumettre l'assuré et les membres de sa
famille, à certaines périodes de la vie, à un examen de santé gratuit. En cas
de carence de la caisse, l'assuré et les membres de la famille peuvent demander
à subir cet examen.
Il nous faut mettre sur pieds un dispositif, c'est tout à fait indispensable.
Mais ce n'est pas possible au niveau que vous envisagez. Non seulement ce n'est
pas possible, mais cela rendrait impossible l'information sur le service
militaire et sur la professionnalisation des armées.
Voilà où nous en sommes.
Je partage votre sentiment, monsieur le rapporteur, mais la disposition que
vous proposez ne peut être mise en oeuvre. Nous allons donc nous efforcer de
mettre sur pied un dispositif qui ne pénalisera pas trop la sécurité sociale et
qui permettra d'instituer cet examen.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
J'avais compris, en commission, que M. le rapporteur était d'accord avec M. le
ministre, mais pas avec M. Descours. Il semble qu'il n'en est plus de même ce
soir.
En quelques heures, il serait procédé non seulement à un examen médical, mais
à une information sur les pratiques addictives et la contraception. Soyons
sérieux !
M. Alain Vasselle.
Nous sommes sérieux !
M. Bernard Cazeau.
Je me suis informé plus avant. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
est difficile à mettre en oeuvre, M. le ministre vient d'ailleurs de le
reconnaître.
Je me serais donc plus facilement rallié à la rédaction initiale de M. Huriet,
qui préconisait de dispenser, au cours de ces quelques heures, une information
- c'est possible avec les technologies modernes - sur la contraception pour les
femmes, les pratiques addictives et la drogue.
Je voudrais ajouter, monsieur le ministre, qu'il est regrettable que,
contrairement à ce qui a été voté à l'époque, cette journée de préparation à la
défense soit expédiée - le mot n'est pas trop fort - en quelques heures et,
finalement, ne serve pas à grand-chose.
En qualité de ministre responsable de la santé, ne pourriez-vous pas étudier
la possibilité de revenir à la méthode préconisée par la loi ?
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je rappelle qu'en commission des affaires sociales, lorsque
j'avais défendu mon amendement, qui ne concernait d'ailleurs, par réalisme,
qu'une information donnée aux jeunes à l'occasion de la journée d'appel de
préparation à la défense, les membres du groupe socialiste ne m'avaient pas
soutenu : ils avaient considéré, sans se préoccuper des moyens, que les
dispositions adoptées par l'Assemblée nationale devaient s'appliquer.
J'ajoute qu'il est dans les obligations du rapporteur de défendre la position
de la commission. Celle-ci va plus loin que ma proposition initiale,
puisqu'elle associe l'information des jeunes sur les risques pour leur santé et
la nécessité de procéder à un examen médical. C'est cependant la position que
j'ai présentée.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc.
Je rejoins tout à fait le point de vue de mon collègue et confrère M. Cazeau.
Je me dois cependant d'évoquer la grande misère sanitaire dans laquelle se
trouvent ces jeunes. Ils n'ont pratiquement pas eu de suivi par la médecine
scolaire ou universitaire et, avec la suppression de ce qui devait être, au
départ, je le rappelle, « les trois jours citoyens », ils n'auront pas de bilan
médical.
Je comprends certes les difficultés exposées par M. le ministre s'agissant des
moyens à mettre en oeuvre pour réaliser ces examens et cette information. Je
crois néanmoins qu'il est de notre devoir, à travers cet amendement, d'attirer
l'attention du Gouvernement sur cette grande carence : les jeunes sont lancés
dans la vie sans examen médical, alors que tout le monde sait très bien, comme
le dit le proverbe, qu'« il vaut mieux prévenir que guérir ».
M. Charles Descours.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Monsieur le ministre, vous êtes ministre de la santé et nous sommes là pour
vous aider.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Merci.
M. Charles Descours.
Ce n'est pas parce que l'Etat n'a pas les moyens de faire ce qu'il devrait que
nous devons baisser les bras !
Nous venons de voter un nouvel amendement concernant les personnes détenues
dans les établissements pénitentiaires. C'est la deuxième ou la troisième fois
en quelques années. L'Etat, la société, la collectivité, a le devoir de
maintenir les personnes détenues dans un état de santé convenable. Je
l'accepte. Mais je considère que la société, l'Etat, le Gouvernement a
également le devoir d'assurer le suivi sanitaire des jeunes gens et des jeunes
filles qui ne sont pas encore entrés dans la vie active et qui ne sont couverts
par aucun système de prévention et de détection.
J'ajoute que l'argument selon lequel il n'y a plus de personnel de santé n'est
plus valable, car on peut recruter des contractuels, comme on le fait pour les
prisons.
Je ne me satisfais donc pas de cette situation déplorable, et je soutiendrai
l'amendement présenté par notre rapporteur.
(M. Nogrix applaudit.)
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je souscris tout à fait aux propos qui ont été tenus tout à l'heure par notre
collègue, mais je me pose une question.
En effet, M. le ministre nous a dit que cet article, qui avait été introduit
par l'Assemblée nationale, était inapplicable. Et on veut le rendre encore un
peu plus inapplicable puisque, si j'ai bien compris, l'amendement qui est
proposé par M. le rapporteur tend à ajouter des contraintes à celles auxquelles
vont être soumis les jeunes pendant cette journée, qui se réduit parfois à
quelques heures !
Si l'article voté par l'Assemblée nationale est rendu encore plus complexe, je
vois encore moins comment il pourra être appliqué. C'est pourquoi je me demande
si la proposition de M. le rapporteur doit être acceptée.
M. Charles Descours.
Il y a un véritable problème.
M. François Autain.
Il y a là véritablement un problème, en effet. Mais, ou bien on se fait
plaisir et on vote cet amendement, qui rendra encore plus difficile
l'application de l'article, ou bien on tire les conséquences d'un état de
fait...
M. Charles Descours.
Il n'y a pas de politique de santé publique.
M. Paul Blanc.
Là où il y a la volonté, il y a les moyens !
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je suis surpris qu'un ministre chargé de la santé publique ait une position
aussi restrictive à l'égard d'un amendement qui va plutôt dans le bon sens. Et
je me demande comment l'opinion publique jugera un membre du Gouvernement qui
considère que les moyens dont il dispose ne lui permettent pas d'appliquer une
disposition introduite par l'Assemblée nationale, confortée par le Sénat dans
le sens qu'a défendu avec beaucoup de pertinence notre rapporteur.
Comme le disait à l'instant l'un de nos collègues, s'il y a la volonté, on
trouvera les moyens. Souvenez-vous, monsieur le ministre ! Lorsque le
Gouvernement, au cours d'une campagne électorale, a annoncé qu'il allait mettre
en oeuvre les 35 heures, il ne s'est pas posé la question de savoir si la
mesure pourrait s'appliquer ou non. Et aujourd'hui, on est dans l'impasse, et
on essaie de trouver les moyens pour financer les 35 heures, quitte à dévoyer
le fonds de solidarité vieillesse, c'est-à-dire à amputer le dispositif des
retraites.
S'il y a une réelle volonté politique de mettre en oeuvre cette disposition de
la loi, alors vraiment, monsieur le ministre, je ne comprends pas votre
attitude. Venant du grand argentier qu'est M. Fabius, je comprendrais. Mais, de
votre part, je suis surpris !
Aussi, je pense que, sans invoquer de faux arguments à l'encontre de cette
disposition, il faut l'adopter sans autre discussion.
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Cette discussion confirme la nocivité de la suppression du service national
décidée lorsque M. Charles Millon était ministre de la défense. C'est l'une des
décisions les plus funestes de ces dernières années, et nous sommes, là encore,
en train d'en constater la malfaisance !
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Comme beaucoup de mes collègues, monsieur le ministre, je ne vois pas pourquoi
vous n'adhérez pas à la proposition de M. le rapporteur.
Je vous ai entendu parfois réclamer la création d'un observatoire de la santé,
de façon à connaître l'état de santé de la nation française. Cet amendement
nous offre un moyen simple de voir évaluer par une commission, à un moment très
important de leur vie, l'état de santé de tous les jeunes adultes de notre
pays.
Je pense qu'il est indispensable de voter cet amendement ; c'est en tout cas
ce que je ferai.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Les échanges qui viennent d'avoir lieu ont bien mis en
évidence la nécessité de soumettre chaque jeune Français, au moins une fois, à
un bilan de santé. Sur ce point, il n'y a aucune hésitation, et personne ne
peut y être opposé.
Les observations qui ont été formulées portaient sur la possibilité effective
de procéder à cette évaluation de la santé des jeunes en une seule journée
quels que soient les moyens mis en oeuvre.
A mes collègues socialistes, qui considèrent maintenant que l'on « charge trop
la barque », je ferai observer qu'en commission, au lieu de proposer un
amendement de suppression des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale,
ils ont accepté d'introduire non seulement la proposition concernant
l'information des jeunes sur les conduites addictives, mais également le bilan
de santé.
Je ne peux donc accepter les critiques indirectes qu'ils formulent envers la
commission des affaires sociales et par là même envers son rapporteur, qui
s'est contenté de faire part de la position unanime de la commission.
(M.
Nogrix applaudit.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6
ter
, ainsi modifié.
(L'article 6
ter
est adopté.)
Article 6 quater