SEANCE DU 9 MAI 2001
M. le président.
« Art. 6
quater.
- Dans le premier alinéa de l'article 38 de la loi n°
99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie
universelle, la date : "31 décembre 2002" est remplacée par la date : "31
décembre 2004". »
Sur l'article, la parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Nous revenons sur cette douloureuse affaire des aides-opératoires qui se sont
formées sur le tas, en aidant les chirurgiens, sans avoir la qualification
d'infirmière ni être passées par la spécialisation « bloc opératoire ».
Il s'agit de personnes qui, au fil des années, ont acquis une compétence
professionnelle certaine et qui risquent de se trouver au chômage si nous
prenons des décisions trop brutales.
Nous avions trouvé une solution lors de l'examen de la loi portant création
d'une couverture maladie universelle, mais il semble qu'un délai supplémentaire
se révèle nécessaire pour régler le cas de ces personnes, sans, bien sûr, qu'il
soit porté atteinte au principe désormais fixé de l'exigence d'un diplôme
d'Etat avec spécialité aide-opératoire.
M. le président.
Par amendement n° 18, M. Huriet, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer l'article 6
quater
.
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Cet article reporte du 31 décembre 2002 au 31 décembre 2004
la date limite de vérification des compétences pour les aides-opératoires.
L'article 38 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une
couverture maladie universelle a prévu que les aides-opératoires et
aides-instrumentistes peuvent accomplir des actes d'assistance auprès d'un
praticien au cours d'une intervention chirurgicale lorsqu'ils ont exercé cette
activité professionnelle depuis une durée au moins égale à six ans avant la
publication de la loi et qu'ils ont satisfait, avant le 31 décembre 2002, à des
épreuves de vérification des connaissances dans des conditions déterminées par
décret en Conseil d'Etat.
Deux ans après le vote de la loi, le décret en Conseil d'Etat qui devait fixer
le cadre de ces épreuves n'est toujours pas paru. Les épreuves n'ont donc pas
été organisées et la situation n'est toujours pas réglée. L'article 6
quater
introduit par l'Assemblée nationale ne modifie en rien le
dispositif prévu par la loi CMU : les conditions de la régularisation comme la
population potentiellement concernée restent identiques.
Il se borne à repousser au 31 décembre 2004 la date limite pour avoir
satisfait aux épreuves de vérification des connaissances, ce qui n'a évidemment
pas pour effet d'accroître la population concernée par cette mesure.
Ce report de deux années supplémentaires n'apparaît pas justifié.
Il reste en effet encore vingt mois avant l'échéance prévue par la loi, fixée
au 31 décembre 2002, ce qui laisse un temps suffisant pour faire paraître le
décret et organiser les épreuves, lesquelles ne requièrent pas de préparation
particulière pour des professionnels qui exercent quotidiennement depuis au
moins six ans.
En outre, la parution du décret n'a que trop tardé et serait encore
vraisemblablement repoussée si l'échéance fixée par la loi était elle-même
repoussée. Il serait alors à craindre que cette régularisation ne voit jamais
le jour, ce qui maintiendrait plusieurs milliers de personnes en situation
d'exercice illégal de la profession d'infirmier.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission vous propose, mes chers
collègues, de supprimer cet article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Monsieur le président, bien que ma position sur
l'article 38 de la loi CMU soit connue, je veux la rappeler : je pense que cet
article est un mauvais service rendu à la santé publique car il fait prendre
des risques dans les blocs opératoires alors que nous travaillons au
renforcement de la sécurité sanitaire. Sur tout ce qui concerne l'article 38,
je ne serai donc favorable à aucun aménagement.
Toutefois, comprenant les raisons de M. Huriet, je m'en remettrai à la sagesse
du Sénat sur l'amendement.
En tout cas, ma position est très ferme sur l'article 38 de la loi CMU : je
suis résolument contre.
M. Charles Descours.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Monsieur le ministre, permettez au chirurgien que je suis de dire que les
aides-opératoires qui avaient appris leur travail sur le tas, étaient tout à
fait compétentes au bout de quelques années.
Au demeurant, le problème n'est pas là. Il y a une loi et j'espère que, quand
il y a une loi, le Gouvernement l'applique.
(M. le ministre fait un geste
évasif.)
En général oui. Ce n'est pas toujours le cas, je le sais. On a
bien vu que la séparation des branches de la sécurité sociale n'était pas
appliquée, la compensation des exonérations non plus. Il arrive donc que le
Gouvernement n'applique pas les lois.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
En général, il les applique !
M. Charles Descours.
Bref, théoriquement, il doit les appliquer.
L'article 38 de la loi CMU dispose que l'on doit organiser un contrôle des
connaissances d'ici à 2002 pour les personnels en question. Or, depuis bientôt
un an et demi que cette loi est votée, le décret n'est pas paru et le contrôle
des connaissances qui devait en découler n'a pas été organisé, d'où les
amendements dont nous sommes saisis. Si le Gouvernement avait appliqué la loi,
le problème serait réglé et nous ne serions pas obligés d'y revenir.
Par conséquent, monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager sur la date de
parution du décret et sur l'organisation d'un contrôle des connaissances pour
ces personnels ? A défaut, ce serait un véritable déni de justice pour 3 000 à
6 000 personnes qui penseraient que leur problème est réglé alors qu'il n'en
serait rien. C'est la parole de l'Etat qui est en jeu.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Je voudrais rappeler, moi aussi, que la loi doit être appliquée et que la
disposition dont nous parlons a été adoptée à l'unanimité dans les deux
assemblées. Or les décrets d'application ne sont toujours pas pris et, s'ils ne
le sont pas dans un certain délai, la mesure adoptée par le Parlement ne sera
plus applicable, d'où la volonté de l'Assemblée nationale de repousser ce
délai.
L'important pour nous est que les 5 000, 7 000 femmes concernées puissent
continuer d'exercer leur métier, métier pour lequel la plupart d'entre elles,
si ce n'est la grande majorité, ont acquis une véritable compétence. Nous
demandons donc, nous aussi, à M. le ministre que les décrets soient pris le
plus vite possible. Si tel n'était pas le cas, non seulement les femmes
concernées ne pourraient plus exercer, mais encore la pénurie qui existe déjà
dans ce corps ne ferait que s'accroître. On ne pourrait trouver de remplaçantes
du jour au lendemain, sauf, comme me le « souffle » mon voisin, à faire venir
des Espagnoles. Mais je ne sais pas si ce serait la meilleure des choses !
(Sourires.)
M. Charles Descours.
Elles risqueraient d'être condamnées pour exercice illégal de la médecine !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
M. Charles Descours.
Si le ministre ne répond pas, je m'oppose à l'amendement de suppression !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, qui est en effet très sollicité !
(Sourires.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
C'est ce que j'ai cru comprendre.
(Nouveaux
sourires.)
M. Charles Descours.
Très amicalement sollicité !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je vous trouve tous un peu... hypocrites.
(Murmures
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
Je vais donc vous rappeler quelle est la réalité. Vous la
rappeler seulement, car vous la connaissez parfaitement.
Personne ne contestera que, pour parvenir à la nécessaire amélioration de la
sécurité dans les salles d'opération, parce qu'il y a des infirmières
spécialisées, les IBODE, les IADE infirmières anesthésistes déplômées d'Etat
nous négocions avec elles, et dans des conditions parfois difficiles.
Evidemment, nous pourrions prendre un décret en dehors de tout dialogue
social. Mais ce n'est pas la coutume, et personne n'a jamais procédé ainsi sous
quelque majorité que ce soit. Aujourd'hui, nous sommes au pouvoir et nous
négocions. Et vous savez très bien que ce sera long. C'est pourquoi il me
paraît un peu facile d'adopter une certaine attitude. Nul n'ignore en effet que
les infirmières spécialisées sont absolument opposées - et, personnellement, je
le suis aussi - à cet article 38.
Oui, monsieur Descours, la loi est la loi, et je m'efforce de l'appliquer.
Parfois, ce n'est pas si simple, et cela prend un peu de temps. Je comprends
très bien ce que vous voulez dire lorsque vous expliquez qu'il manque des
infirmières. Je le sais ! Nous en formons. Cela prend nécessairement du
temps.
Chaque fois qu'il faut faire des économies sur le dos de l'hôpital voisin,
vous êtes d'accord, mais quand c'est sur le dos du vôtre, vous ne l'êtes plus !
Alors, c'est un peu compliqué !
C'est vrai, il y a des infirmières espagnoles qui sont venues en France. Pour
le moment, d'ailleurs, ce sont des cliniques privées qui les ont fait venir. Il
y aura sans doute aussi des Libanaises et des Irlandaises. En ce qui nous
concerne, nous formons beaucoup d'infirmières - les écoles sont pleines, ce qui
est heureux - mais cela prend trois ans, plus deux ans de spécialité et un an
pour les IBODE. Telle est la réalité.
Nous nous efforcerons de prendre les décrets au plus vite. Mais ne me demandez
pas de jurer qu'ils sortiront dans quinze jours parce que vous me feriez mentir
!
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Le ministre mélange des situations qui n'ont rien de
comparables entre elles.
Non seulement la loi est la loi, il en est bien sûr convenu, mais ces
personnels exercent actuellement en salle d'opération.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Oui !
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Or cet exercice se fait dans une situation juridique qui est
tout à fait fragile...
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Mais qui n'est pas irrégulière puisqu'il y a cette loi
!
M. Claude Huriet,
rapporteur.
... puisque, faute de parution du décret, personne n'a eu la
possibilité d'évaluer leurs compétences. C'est bien là qu'intervient la
préoccupation commune de sécurité sanitaire. La plupart de ces personnels,
formés sur le tas, comme l'a dit Charles Descours, ont acquis une expérience
professionnelle, nous ne le contestons pas. Encore faut-il que, dans l'esprit
de la loi, un décret ait permis d'évaluer leurs compétences.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je n'ai pas dit le contraire !
M. Claude Huriet,
rapporteur.
C'est le problème qui se trouve posé à travers cet amendement
puisqu'il revient à reporter de deux ans le délai d'évaluation des
connaissances et des compétences. On peut être contre ces dispositions qui
permettent finalement d'intégrer dans un certain nombre de fonctions s'exerçant
en salle d'opération des personnels formés sur le tas mais, à partir du moment
où la loi est votée, il est indispensable et urgent de pouvoir s'assurer que
ces personnels ont les compétences voulues.
C'est là le seul objet de l'amendement que je défends au nom de la commission
des affaires sociales.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Claude Domeizel.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6
quater
est supprimé.
Nous allons passer à l'examen des articles du chapitre IV, pour lequel la
priorité a été demandée.
Chapitre IV
(priorité)
Pratiques et études médicales
Article 16