SEANCE DU 10 MAI 2001


M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ma question, qui s'adresse à M. le Premier ministre, porte sur le passage à l'euro fiduciaire, c'est-à-dire les pièces et les billets.
Depuis 1999, l'euro, avec ses avantages mais aussi ses inconvénients, est devenu la monnaie commune des Français et, plus largement, des Européens. Il est une réalité avec laquelle il nous faut tous compter.
Cependant, dans moins de 250 jours, on s'apprête à bouleverser la vie quotidienne des Français en leur imposant d'utiliser, de manière brutale et obligatoire, les pièces et les billets en euros, et tout cela en quelques semaines.
Une perte d'un repère aussi fondamental que celle de notre monnaie nationale ne va pas sans poser de graves problèmes. De plus en plus de voix s'élèvent, en effet, pour dénoncer l'impréparation des entreprises, en particulier des petites et des moyennes, et des commerces.
Certains responsables de la grande distribution craignent, au surplus, un véritable « bogue » avec leurs fournisseurs PME ou PMI. Des économistes estiment par ailleurs que ce séisme monétaire pourrait coûter un point de croissance à notre économie. En effet, combien de nos concitoyens parviendront à s'accoutumer en si peu de temps à la nouvelle monnaie ? Je pense notamment aux personnes âgées ou à nos concitoyens d'origine étrangère, qui auront à jongler quotidiennement avec des divisions et des multiplications par 6,55957 pour déchiffrer un prix désormais uniquement libellé en euros.
De même, je partage pleinement l'inquiétude des transporteurs de fonds et des responsables de la sécurité, qui auront à assurer, en quelques semaines, la diffusion des pièces et des billets dans tous les établissements bancaires et les distributeurs de billets. Au-delà de la question de la charge de travail, qui est réelle, c'est aussi le problème de leur sécurité qui se trouve posé. Il en est de même pour la police et la gendarmerie.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le secrétaire d'Etat, le plus grave est que ce chamboulement monétaire ne sert à rien ! En effet, le franc, subdivision de l'euro, peut parfaitement subsister comme monnaie fiduciaire dans la vie quotidienne des Français, les banques et les entreprises continuant d'utiliser la monnaie commune qu'est devenu l'euro scriptural.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous crois à l'écoute de nos concitoyens (Ah ! sur plusieurs travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants), soucieux de l'intérêt national et attaché à l'idée d'une Europe conçue comme union de nations. Aussi entendez-vous, comme de nombreuses voix le demandent, surseoir à la disparition du franc prévue pour le 17 février 2002 ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du groupe du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur Loridant, je vous remercie de poser une question sur l'euro, car cela contribue à le populariser et à faire en sorte que la montée en puissance de l'idée de l'euro prenne corps dans notre pays. Cependant, le Gouvernement ne partage pas votre analyse quant aux solutions que vous proposez pour le passage à la monnaie unique.
M. Alain Gournac. Ah !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Contrairement à ce que nous avons entendu ici ou là, l'euro est une chance pour nos entreprises, pour notre économie et pour l'emploi, dans la mesure où il a permis d'obtenir des taux et une inflation aujourd'hui maitrisés. La réduction des différentiels d'inflation entre les pays a permis, pour l'agriculture notamment, d'éviter des crises graves. Souvenez-vous des montants compensatoires ! L'euro est une opportunité. Nous ne devons pas prendre de retard.
En la matière, le Gouvernement ne fait preuve ni d'angélisme ni de catastrophisme ; vous, vous êtes intervenu sur le registre du catastrophisme. Il faut agir avec résolution. La détermination, c'est réussir le passage à l'euro comme il est prévu au 1er janvier 2002, jusqu'au 17 février, date qui coïncidera d'ailleurs avec la date de la fin des soldes. Il ne s'agit plus de faire des conversions en permanence, il s'agit simplement d'avoir des repères demain et de ne pas rompre l'élan qui commence maintenant.
La France n'est pas en retard sur les autres pays. Certes, beaucoup de PME n'ont pas encore mis en route leur comptabilité en euros, mais nous comptons sur une montée en puissance au cours des deuxième et troisième trimestres, qui permettra à notre économie, à nos entreprises, de s'adapter, de se préparer et de passer à l'euro, comme nous le faisons d'ailleurs à l'adresse des commerçants, des artisans et des petites entreprises, à travers la formation matérielle, la formation intellectuelle, juridique et fiduciaire qu'ils doivent avoir.
S'agissant des personnes en difficulté, le Gouvernement est soucieux de ce problème, monsieur le sénateur. En partenariat avec des intervenants sociaux, des bénévoles d'associations, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a mis en place plusieurs programmes de formation de proximité pour les publics les plus fragiles : les personnes en situation de précarité économique et social, ainsi que les personnes handicapées.
Enfin, si nous maintenions, monsieur le sénateur, la double circulation des monnaies, ce serait une difficulté supplémentaire pour l'ensemble des consommateurs et pour les commerçants, qui serait difficilement surmontable.
Alors que les préparatifs pour le passage à l'euro s'accélèrent, nous avons donc, monsieur le sénateur, une responsabilité commune : faire preuve d'efficacité, de pédagogie et de solidarité, pour réussir ensemble le passage à l'euro. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

DÉLINQUANCE DES GENS DU VOYAGE