SEANCE DU 22 MAI 2001


M. le président. Par amendement n° 55, MM. Descours, Murat, Gournac, Eckenspieller, Leclerc et Goulet proposent d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 199 quindecies du code général des impôts, le pourcentage : "25 %" est remplacé par le pourcentage : "50 %".
« II. - Le I s'applique à compter de l'imposition sur les revenus de 2002.
« III. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Il s'agit, par cet amendement, de clarifier les choses car il est vrai que tout est bien compliqué en ce qui concerne les personnes âgées.
Ainsi, une personne âgée en établissement n'a droit qu'à 25 % de déduction fiscale sur les dépenses d'hébergement alors que la personne âgée qui reste à domicile a droit à une déduction de 50 % sur les sommes correspondant à l'aide à domicile. Il nous a semblé opportun de fixer la déduction à 50 % dans les deux cas, puisqu'il s'agit toujours de personnes âgées.
Quand on est maire - et c'est le cas d'un certain nombre de sénateurs - on est régulièrement amené à recevoir des personnes âgées pour leur prodiguer conseils et explications. Mais les dispositifs sont tellement complexes qu'on en vient parfois à se demander si elles repartent en ayant vraiment assimilé les bonnes informations !
Notre proposition a au moins le mérite d'être claire quant à l'aide à domicile et à l'hébergement en établissement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission s'est laissé convaincre sans difficulté du bien-fondé de cet amendement, sur lequel elle a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Les auteurs de l'amendement n° 55 comparent deux dispositifs de réduction d'impôt qui répondent à des objectifs différents.
Le taux et le plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile ont été fixés à un niveau particulièrement élevé afin - il faut replacer la décision sous son contexte - de constituer une vive incitation à la création d'emplois familiaux. Cela ne concerne pas uniquement les personnes âgées.
La réduction d'impôt accordée sans condition d'âge, de situation de famille ou de ressources aux personnes dépendantes placées en établissement de long séjour ou en section de cure médicale répond, pour sa part, au souci d'alléger les frais liés à la dépendance.
La loi de finances rectificative pour 2000 a déjà sensiblement amélioré le dispositif, et je crois me souvenir d'avoir été à l'origine de cette évolution. D'une part, le bénéfice de la réduction d'impôt est accordé non plus par foyer fiscal, mais par personne hébergée, ce qui porte à 30 000 francs le plafond pour les couples dont les deux conjoints sont hébergés en établissement, et cela répondait à une demande très pressante. D'autre part, la réduction d'impôt a été étendue aux frais spécifiques à la dépendance pour toutes les personnes accueillies au sein des établissements appliquant la nouvelle tarification.
Ces mesures constituent déjà un effort supplémentaire important, de l'ordre de 400 millions de francs, et une aide fiscale significative en faveur des personnes âgées accueillies en établissement.
La présente proposition, qui se traduirait par un coût supplémentaire évalué à 1 milliard de francs, ne serait d'aucun effet pour près de 50 % des personnes âgées hébergées, qui sont déjà imposables. Elle produirait ainsi des effets pour le moins paradoxaux au regard de l'équité et de la justice sociale. Cette mesure ne favoriserait, en fin de compte, que les seuls contribuables !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est comme le recours sur succession !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Cela étant, je conviens qu'il peut être nécessaire, dans certaines situations, d'améliorer la solvabilité des personnes âgées en établissement. La réforme de la tarification entraînera - et c'est déjà important - une réduction du coût de l'hébergement. D'autres mécanismes d'aide à la prise en charge du coût afférent au logement, en particulier, pourraient être utilement expertisés pour compléter cette réforme. C'est d'ailleurs l'engagement que j'ai pris à l'Assemblée nationale.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur Gournac, de bien vouloir retirer votre amendement n° 55.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 55.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. C'est un problème que je connais d'autant mieux, madame le secrétaire d'Etat, que c'est moi, et non pas vous, qui avais pris l'initiative que vous avez évoquée, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000.
M. Alain Gournac. C'est le Sénat qui a voté l'amendement !
M. Jean Chérioux. Je sais que le Gouvernement est toujours prêt à s'attribuer la paternité de toutes les initiatives à caractère social, mais c'était bien moi qui avais déposé l'amendement, lequel avait d'ailleurs été assez mal reçu par Mme le secrétaire au budget, qui était évidemment dans son rôle de défenseur des fonds de Bercy. Il reste que, grâce à un autre amendement qui émanait du groupe socialiste, le Gouvernement s'était cru, à l'époque, obligé de faire le geste auquel vous avez fait référence.
Il convient d'insister sur l'aspect humanitaire de cette disposition en faveur, notamment, des couples âgés. Même si les frais d'hébergement vont être allégés grâce à ce texte, la charge qu'ils représentent reste très lourde. Or les revenus du couple sont parfois imposables à des niveaux très élevés et, en l'absence de réduction d'impôt au titre des frais assumés au bénéfice de leur conjoint, certaines personnes - je pense à d'anciens hauts fonctionnaires ou à d'anciens officiers - doivent se contenter, pour vivre, d'un revenu qui atteint à peine le niveau du SMIC.
Bien sûr, pour vous, ce ne sont peut-être pas des gens très intéressants dans la mesure où ce ne sont pas des smicards. Il n'en demeure pas moins que ce sont des personnes qui ont été toute leur vie au service de l'administration ou du pays. En n'acceptant pas cet amendement, que je soutiens sans réserve, vous les maintenez dans une situation épouvantable.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Mme le secrétaire d'Etat, en s'en tenant à une approche quelque peu comptable, ne m'a absolument pas convaincu.
Certes, la mesure que je propose a un coût, mais elle apporte surtout une clarification pour les personnes âgées. On ne peut pas continuer à avoir des dispositifs différents selon que la personne est à domicile ou en établissement.
J'ajoute que je me rappelle fort bien ce qui s'est passé lors de la discussion de la loi de finances rectificative pour 2000 : je confirme que c'est à notre collègue Jean Chérioux que revient l'initiative que vous avez présentée comme une proposition du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Roland Huguet. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Jean Chérioux. Vous êtes cohérents avec vous-mêmes, chers collègues socialistes !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9.

Articles 10 et 11