SEANCE DU 23 MAI 2001
M. le président.
La séance est reprise.
Nous reprenons l'examen des amendements tendant à insérer des articles
additionnels avant l'article 1er.
Je suis saisi d'un amendement n° 162, présenté par M. Schosteck, au nom de la
commission des lois, et tendant à insérer, avant l'article 1er, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2215-2 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. ... -
Dans chaque département, est créé un conseil
départemental de sécurité réunissant le préfet, les procureurs de la République
territorialement compétents, le président du conseil général, ou son
représentant, et des représentants des maires.
« Ce conseil est présidé par le représentant de l'Etat dans le département.
« Il se réunit une fois par an, à l'initiative du représentant de l'Etat.
Celui-ci informe les élus de l'évolution de la délinquance dans le département
et soumet au conseil les objectifs à atteindre.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission s'est réunie pour s'efforcer de mettre au point
un texte susceptible de satisfaire les exigences légitimes des uns et des
autres. L'amendement n° 162 est le fruit de cette réunion.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Avis défavorable.
M. le président.
Monsieur Karoutchi, l'amendement n° 129 rectifié
bis
est-il maintenu
?
M. Roger Karoutchi.
Non, monsieur le président : je le retire au profit de l'amendement n° 162.
M. le président.
L'amendement n° 129 rectifié
bis
est retiré et, en conséquence, le
sous-amendement n° 161 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 162, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 130 rectifié
bis
, MM. Karoutchi et Béteille proposent
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2211-1 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L... -
Le conseil municipal tient une séance annuelle sur les
questions de sécurité en présence du préfet, ou de son représentant, et des
responsables des services de sécurité de l'Etat. Il délibère sur les
orientations de la lutte contre la délinquance. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 154, présenté par M. Girod
et tendant, au début du texte proposé par l'amendement n° 130 pour l'article
additionnel après l'article L. 2211-1 du code général des collectivités
territoriales, à ajouter les mots : « Dans les communes de plus de 3 500
habitants, ».
La parole est à M. Karoutchi, pour présenter l'amendement n° 130 rectifié
bis
.
M. Roger Karoutchi.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 130 rectifié
bis
est retiré et, en conséquence, le
sous-amendement n° 154 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 131 rectifié, MM. Girod, Béteille et Courtois proposent
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est instauré la possibilité de créer, à titre expérimental, dans les
communes soumises au régime de la police d'Etat en faisant la demande, une
police territoriale de proximité placée sous l'autorité du maire.
« Le maire est chargé des actes de l'Etat qui y sont relatifs sous le contrôle
administratif du représentant de l'Etat dans le département. Les actes de
police judiciaire sont exercés sous le contrôle du procureur de la République
territorialement compétent.
« La police territoriale de proximité est composée de fonctionnaires de la
police nationale exerçant leur mission sur le territoire de la commune et de
fonctionnaires de la police municipale.
« La police territoriale de proximité dispose d'une compétence générale pour
assurer le bon ordre et la tranquillité publique et maintenir et rétablir
l'ordre public.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
article.
« II. - Au terme de cette expérience, une évaluation sera conduite par une
mission d'information commune à l'Assemblée nationale et au Sénat et un débat
parlementaire sera organisé dans chacune des chambres sur la base de ces
travaux en vue d'une éventuelle pérennisation de la police territoriale de
proximité. »
La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille.
Cet amendement témoigne de notre préoccupation concernant le fonctionnement de
la police territoriale. Cependant, compte tenu des possibilité d'évolution qui
ont été ouvertes par la commission, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 131 rectifié est retiré.
Par amendement n° 10, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le agents titulaires de la police municipale sont, sur demande motivée du
maire, habilités par le procurreur de la République en qualité d'agent de
police judiciaire mentionné à l'article 20 du code de procédure pénale, s'ils
justifient d'une formation dont les modalités sont déterminées par un décret en
Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement prévoit que les agents de police municipale,
qui sont agents de police judiciaire adjoints en application de l'article 21 du
code de procédure pénale, pourront, dans certains cas, être habilités par le
procureur de la République en qualité d'agent de police judiciaire. Une demande
motivée du maire sera nécessaire, et ces agents devront évidemment justifier
d'une formation, dont le contenu sera précisé par un décret en Conseil
d'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Les agents de police municipale, qui sont agents
de police judiciaire adjoints, n'ont pas vocation à devenir agents de police
judiciaire, de surcroît sur proposition du maire, qui est leur supérieur
hiérarchique, même si sont prévues par ailleurs des conditions de formation.
A titre de comparaison, dans la police nationale, ce n'est pas sur proposition
du supérieur hiérarchique que les fonctionnaires peuvent évoluer de la qualité
d'agent de police judiciaire adjoint à celle d'agent de police judiciaire et de
celle d'agent de police judiciaire à celle d'officier de police judiciaire.
Pour cela, le code de procédure pénale pose un certain nombre de conditions,
notamment en matière de formation et de passage d'examens.
En conséquence, l'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 138, MM. Delevoye, Béteille, Hethener, Joyandet, Karoutchi,
de Richemont et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et
apparentés proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2213-17 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article ainsi rédigé :
«
Art... L. -
Un établissement public de cooopération intercommunale
peut recruter un ou plusieurs gardes champêtres compétents dans chacune des
communes concernées. Leur nomination est prononcée conjointement par le maire
de chacune des communes membres et le président de l'établissement public de
coopération intercommunale. »
La parole et à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps
l'amendement n° 139, qui est un amendement de coordination par rapport à
l'amendement n° 138.
M. le président.
J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 139, présenté par MM.
Delevoye, Béteille, Hethener, Joyandet, Karoutchi, de Richemont et les membres
du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés, et tendant à
insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du second alinéa de l'article L. 2213-17 du
code général des collectivités territoriales, les mots : " un groupement de
communes " sont supprimés.
« II. - Dans la seconde phrase de cet alinéa, les mots : "ou le président du
groupement" sont supprimés. »
Veuillez poursuivre, monsieur Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
L'article 52-11-9 du code des collectivités territoriales avait consacré la
possibilité pour le président d'un établissement public de coopération
intercommunale de procéder à la nomination des gardes champêtres. Mais cet
article renvoyait à un décret d'application qui n'est jamais intervenu. Il est
donc proposé d'insérer un nouvel article permettant la nomination conjointe
d'un garde champêtre par le président de l'établissement public de coopération
intercommunale et les maires des communes membres.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 138 et 139 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ces amendements soulèvent un certain nombre de
difficultés liées, notamment, à l'intercommunalité.
Par ailleurs, si je pense que l'on peut envisager d'examiner, dans le futur,
des dispositions de nature à satisfaire M. Karoutchi, honnêtement, je ne crois
pas qu'elles aient leur place dans le projet de loi relatif à la sécurité
quotidienne. Peut-être serait-il plus opportun de les examiner dans le texte
que j'ai présenté au conseil des ministres ce matin ?
Bref, si je ne suis pas défavorable à ces amendements en eux-mêmes, à ce
stade, je ne peux, très franchement, qu'émettre un avis défavorable à leur
encontre.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 138, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 139, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 11, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article L. 2212-4-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2212-4-1. -
Pour des motifs tenant à la sécurité et à la
tranquillité publique, le maire peut décider, pour une période déterminée, sur
tout ou partie du territoire de la commune, l'interdiction aux mineurs de moins
de treize ans de circuler sur la voie publique entre 24 heures et 6 heures du
matin sans être accompagnés par une personne titulaire de l'autorité parentale
ou une personne à qui ils ont été confiés.
« Les mineurs contrevenant à cette interdiction sont reconduits à leur
domicile ou, à défaut, remis au service de l'aide sociale à l'enfance. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement vise à permettre aux maires de prendre, pour
des motifs d'ordre public, un arrêté interdisant la circulation, entre 24
heures et 6 heures du matin, des mineurs de moins de treize ans non accompagnés
par une personne ayant autorité sur eux.
Il est à l'évidence anormal que les enfants de cet âge soient livrés à
eux-mêmes en pleine nuit sur la voie publique.
M. Josselin de Rohan.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Ces arrêtés pourraient être pris pour une période déterminée
sur tout ou partie du territoire de la commune. Les mineurs seraient ramenés
chez eux ou, si c'est impossible - éventualité que l'on nous a opposée et qu'il
faut en effet prendre en compte - confiés au service de l'aide sociale à
l'enfance, qui a toute compétence pour ce faire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Une telle mesure, qui restreint, sans apporter
de véritable garantie, la possibilité de déplacement des mineurs de moins de
treize ans apparaît assez restrictive et jette une sorte de suspicion sur ces
mineurs.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Pas du tout !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Moi-même, je n'approuve évidemment pas le fait
que de jeunes enfants soient laissés seuls dans la rue la nuit. Comme citoyen,
comme chef de famille ou comme élu, personne, en toute conscience, ne saurait
l'accepter. Cependant, et, j'y reviendrai, il existe déjà des procédures pour
régler les situations de ce type.
De plus, la mesure proposée s'avérera totalement inefficace si dans la commune
voisine, voire dans les quartiers voisins, ces mêmes mineurs sont autorisés à
circuler librement, hypothèse qui ne manquera pas de se produire dans la mesure
où la décision sera laissée à l'appréciation des maires.
Il faut donc continuer à approcher le problème sous l'angle de la protection
de l'enfance. Dans cet esprit, les services de police ont pour consigne de
reconduire auprès de leurs parents - ou, en cas de difficulté, auprès des
services compétents - les mineurs isolés dans la nuit.
Les dispositions qui les y autorisent existent déjà et je ne voudrais pas que
l'amendement que vous défendez, monsieur le rapporteur, puisse laisser croire
le contraire. La seule différence, c'est que vous souhaitez doter le maire d'un
pouvoir direct de décision.
Le maire peut avertir la police et, on le sait, il le fait parfois. Je suis
donc défavorable à cette dévolution de compétences au maire, même si, je le
répète, je ne suis pas davantage que vous favorable à la présence de jeunes
mineurs seuls la nuit dans les rues.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je comprends que la présence de jeunes mineurs dans la rue à minuit, et même
plut tôt - car, minuit, c'est déjà tard - suscite l'inquiétude. Ce n'est donc
pas par laxisme que je m'oppose à l'amendement n° 11 mais parce que les mesures
proposées seront très probablement inefficaces.
Dans de nombreux cas, en effet, je l'ai déjà souligné, il s'agit d'enfants
qui, par définition, n'ont pas de véritables foyers ou dont les familles sont
si démunies qu'ils ne sauraient y trouver l'accueil espéré.
Par ailleurs, donner au maire la possibilité d'interdire aux mineurs de
circuler sur « tout ou partie du territoire de la commune » risque de poser un
problème de discrimination.
Il s'agit donc d'un dispositif purement répressif, qui ne prend pas en compte
la protection de l'enfance mais qui met en avant la répression. Que se
passerait-il en cas de récidive ?
Il faudrait en fait instaurer un dispositif complet d'accompagnement social
afin d'éviter qu'un enfant de dix, onze, douze ou treize ans qui a été arrêté
dans la rue et ramené chez lui ne s'y retrouve le lendemain.
M. Josselin de Rohan.
Alors, on ne fait rien !
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Cette disposition est tout simplement la conséquence de l'annulation par les
tribunaux administratifs d'un certain nombre d'arrêtés municipaux parfaitement
fondés qui prévoyaient ce type de mesures.
Procédons d'abord à une petite étude comparative : ces mesures sont courantes
chez nos voisins immédiats. Elles sont habituelles, notamment en
Grande-Bretagne, en Belgique, au Luxembourg.
Un enfant doit être protégé et le meilleur moyen d'y parvenir est de pas le
laisser dans la rue.
M. Josselin de Rohan.
C'est la loi !
M. Patrice Gélard.
Or, si nous n'adoptons pas cet amendement, les tribunaux administratifs
continueront à annuler les arrêtés des maires et des enfants traîneront
toujours dans les rues.
Lorsque ces enfants, qui ont besoin d'être « pris en main », seront
raccompagnés chez leurs parents ou, à défaut, auprès de services compétents,
cela permettra justement d'enclencher le processus d'accompagnement que vous
appelez de vos voeux, monsieur Peyronnet.
L'adoption de cet amendement est une nécessité absolue, et les parents
l'attendent.
De surcroît, nous arrivons à la saison d'été, pendant laquelle les choses
s'aggravent. Des enfants vont disparaître. Le champ sera ouvert aux pratiques
détestables et honteuses auxquelles certains adultes se livrent sur les enfants
abandonnés. Nous ne pouvons pas l'accepter.
Par conséquent, nous devons voter le texte proposé par M. le rapporteur.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Je n'aborderai pas la question sous l'angle juridique, comme vient de le faire
notre excellent collègue Patrice Gélard.
Il est assez effrayant que le Parlement soit amené à discuter d'une telle
question. Que des enfants de moins de treize ans soient livrés à eux-mêmes dans
la rue n'est pas une preuve de réussite pour une société civilisée, censée
donner des chances et des perspectives d'épanouissement personnel à chacun de
ses membres, quelle que soit son origine et quelle que soit sa situation.
Je vais donc voter l'amendement qui nous est présenté et, ce faisant, je n'ai
vraiment pas le sentiment de commettre un acte de répression de quelque nature
que ce soit. Au contraire, il me semble que c'est un acte de prévention qui
permettra d'éviter des dérives plus importantes, en même temps qu'un acte
d'éducation.
Comme le disait si bien Patrice Gélard, c'est à partir du moment où un enfant
errant aura été trouvé que la société pourra mettre en oeuvre les moyens - ils
existent et ils sont nombreux - de le prendre en charge. Cela évitera peut-être
que cet enfant ne se retrouve quelques années plus tard dans une situation
encore beaucoup plus grave et sur la voie d'une délinquance peut-être
inéluctable et sans doute irréversible.
A mon sens, en adoptant cet amendement, le Parlement effectuerait un geste
civique, humain, familial, responsable et pour reprendre un mot à la mode, je
dirais « un geste citoyen ».
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes
tous d'accord sur le fait qu'il est grave que des enfants jeunes, et même très
jeunes, puissent circuler seuls en pleine nuit dans certaines de nos villes ou
dans certains de nos villages.
Faut-il pour autant aller légiférer à l'extrême en posant une interdiction
qui, du point de vue constitutionnel
(Marques d'incompréhension sur les travées du RPR.)
... porte atteinte à
une loi fondamentale, celle de la liberté de circulation ?
Protestations sur les mêmes travées.)
M. Patrice Gélard.
Vraiment ?
M. Gérard Delfau.
Faut-il stigmatiser toute une classe d'âge alors les policiers ou les
gendarmes qui patrouillent les rues de nos communes la nuit, s'arrêtent
spontanément pour demander à l'enfant qui se trouve seul où il va et se
chargent naturellement de faire ce que vous réclamez dans cet amendement.
M. Josselin de Rohan.
Ce n'est pas sérieux !
M. Gérard Delfau.
Personne n'est dupe. Vous ne recherchez ni plus d'efficacité, ni plus de
sécurité dans nos rues. Ce que vous voulez, c'est un affichage de type purement
conjoncturel !
Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Josselin de Rohan.
Vous ne manquez pas de toupet ! C'est de la provocation !
M. le président.
Monsieur Delfau, le débat se déroule à un niveau très élevé cet après-midi, ne
suscitez pas la polémique !
Veuillez poursuivre, je vous prie.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, je suis très heureux d'entendre qu'une voix très
autorisée - la vôtre, et vous savez qu'en le disant je ne plaisante pas - juge
que le débat se déroule à un niveau très élevé cet après-midi.
Pour ma part, je persiste et je signe : nous devons collectivement - force
publique et élus bien évidemment compris - faire un effort pour amener ces
jeunes mineurs à respecter certaines règles et inciter leurs parents à les leur
faire appliquer. Or, je ne pense pas qu'une mesure aussi extrême que celle qui
nous est proposée aille dans ce sens.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le président, je m'exprime en termes
pondérés, mais je n'en ai pas moins une conviction très profonde.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Sur le principe lui-même - de jeunes mineurs ne doivent pas être laissés seuls
dans la rue nuitamment - nous sommes évidemment tous d'accord.
La question est de savoir comment parvenir à faire respecter ce principe. La
méthode que vous préconisez est-elle la bonne ? Je ne le crois pas ou, tout au
moins, je ne suis pas certain qu'elle soit la bonne. Aussi mes observations
ont-elles conduit M. le président à proposer une suspension de séance pour
permettre à la commission de modifier son amendement !
Tout d'abord, j'aimerais savoir combien il y a d'enfants de moins de treize
ans dans les rues, à quelle heure et où. Avec les rondes de police, on devrait
facilement le savoir.
Ensuite, le rôle de la police de proximité n'est-il pas précisément de
discuter avec lesdits mineurs et, le cas échéant, de les aider ?
En tout état de cause, l'idée même de couvre-feu a quelque chose d'infiniment
désagréable et je préférerais que l'on trouve d'autres méthodes, qui ne
feraient pas légitimement craindre quelque drame - certains enfants s'enfuiront
lorsque la police arrivera - voire quelque bavure.
Par ailleurs, en écrivant : « sur tout ou partie du territoire de la commune
», on établit une discrimination inadmissible. Comment va-t-on définir ce
territoire ? S'agit-il du quartier ? Cela ne suffit pas. Vous me rétorquerez
que, dans la plupart des grandes villes, il y a plusieurs cantons. Certes, mais
il arrive que certains trottoirs soient dans un canton et les autres dans le
canton limitrophe. Les enfants auront-ils le droit de se trouver d'un côté, sur
un trottoir mais pas sur l'autre ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que
l'option prise de faire un procès d'intention aux enfants sur une partie du
territoire et pas sur l'autre, est surprenante. Pourquoi sur une partie - et
pas sur l'autre - serait-il normal que les enfants aient le droit de jouer dans
la rue entre vingt-quatre heures et six heures du matin ? Pourquoi cette
discrimination ? Encore une fois, je n'arrive pas à comprendre et je voudrais
qu'on me l'explique.
Par ailleurs, l'amendement prévoit que « les mineurs contrevenant à cette
interdiction sont reconduits à leur domicile ou, à défaut, remis au service de
l'aide sociale à l'enfance ». Tout à l'heure, il a été précisé que c'était « à
défaut de parents ». Ce n'est pas ce que dit le texte ! Je ne sais pas si le
texte dit que c'est à défaut de reconduire les enfants à leur domicile que les
policiers peuvent prendre sur eux de les amener au service de l'aide sociale à
l'enfance ou si c'est lorsque les enfants n'ont pas de domicile qu'ils sont
remis au service de l'aide sociale à l'enfance. Le moins que l'on puisse dire,
c'est que ce n'est pas clair ! Si les enfants n'ont pas de domicile, ils
méritent peut-être des mesures de protection plus douces.
En tout état de cause, le texte que vous nous soumettez n'est pas acceptable.
Aussi, je suggère à M. le président Larché de réunir la commission des lois
pour qu'elle en discute.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous entrons dans un autre débat, puisque nous avons épuisé celui qui portait
sur la responsabilité des maires.
(Exclamations sur plusieurs travées.)
En réalité, nous sommes dans une
matière mixte qui fait la transition avec la justice des mineurs.
Naguère, dans tous les débits de boissons, était affiché un texte intitulé : «
Protection des mineurs et répression de l'ivresse publique ».
M. Henri de Raincourt.
C'est encore le cas !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
C'est toujours vrai !
M. Jean-Jacques Hyest.
Donc, certains lieux - principalement les débits de boissons, mais pas
seulement - sont interdits aux mineurs parce qu'ils passent par des lieux
dangereux pour eux s'ils ne sont pas accompagnés d'un adulte, que ce soit un
parent ou une personne chargée de l'autorité. Cela existe depuis très longtemps
et répond à un objectif de protection des mineurs.
Il est évident, et nous le savons bien, notamment dans les services
départementaux de prévention de la délinquance, qu'il est dangereux pour un
mineur de se trouver seul ou accompagné d'un « grand » dans la rue à des heures
anormales. La rue est certainement plus dangereuse que certains débits de
boissons.
Aussi, je ne vois pas pourquoi ce qui a été fait s'agissant des débits de
boissons ne le serait pas pour d'autres motifs tenant à la sécurité ou à la
tranquillité publique. Pour ma part, je préférerais que l'on dise que ces
motifs sont liés à la protection des mineurs, et non à la sécurité ou à la
tranquillité publique. En l'occurrence, il s'agit bien d'un objectif de
protection des mineurs. En effet, si des mesures doivent être prises, c'est non
pas parce qu'ils vont faire des bêtises, mais parce qu'il faut les protéger.
Désormais, le maire sera informé par les services de police de ce qui se passe
dans les quartiers ou sur certaines places. Il sera donc en mesure de mettre à
l'abri ces mineurs. Cela ne me paraît pas disproportionné par rapport à
l'objectif de protection et serait très utile. Le maire voit bien les dangers
que représente pour les jeunes le fait d'être dehors la nuit.
Dans une commune de mon canton, un club a été créé pour recevoir, jusqu'à deux
heures du matin, des jeunes de moins de dix ans parce qu'ils ne pouvaient pas
être accueillis chez eux. Il s'agissait d'éviter que ces jeunes ne se
retrouvent dans la rue. Il faut effectivement faire quelque chose contre cette
situation !
On sait aussi que beaucoup de jeunes sont victimes d'adultes - nous y
viendrons tout à l'heure - qui se servent d'eux pour commettre des délits...
M. Patrice Gélard.
Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest.
... et qui ont recours à des enfants de plus en plus jeunes parce ces derniers
sont irresponsables sur le plan pénal.
Je ne suis pas pour qu'on légifère d'une façon ponctuelle sur la justice des
mineurs. Cependant, cet amendement me semble répondre à un besoin réel
s'agissant de cet objectif de protection des mineurs.
Pour ma part, je n'ai pas peur des enfants. Une société qui a peur des enfants
me paraît extrêmement dangereuse. Pour que les jeunes puissent devenir des
adultes responsables, il faut que la société les protège. C'est notre devoir !
(MM. Jean Arthuis et Louis Moinard applaudissent.)
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Moi non plus, je n'ai pas peur des enfants ! J'ai peur des adultes, en
particulier de ceux qui n'assument pas leurs responsabilités parentales.
Tout à l'heure, j'ai écouté avec attention notre collègue M. Michel
Dreyfus-Schmidt. Combien y a-t-il d'enfants dans les rues, a-t-il dit ? Pour
être maire d'une commune de banlieue depuis vingt-quatre ans, je sais qu'ils
sont nombreux : le plus jeune avait trois ans et demi alors qu'il était
vingt-trois heures ! Et ce n'est pas un cas extraordinaire.
Des policiers pour les ramener ? Il n'y a pas de policiers la nuit !
Quelques-uns sont dans le commissariat, mais il n'y a pas de policiers qui
passent la nuit dans les résidences. Où avez-vous vu cela ? Dans quelle ville
de France y en a-t-il ? Ne plaisantez pas ! Et ce n'est pas dans les secteurs
les plus difficiles des Yvelines, notamment Mantes-la-Jolie et
Chanteloup-les-Vignes, que, la nuit, on va raccompagner les enfants. Les
policiers ne sont pas là pour cela ! Ils doivent résoudre d'autres affaires
bien plus graves !
Si les maires ont décidé de prendre ce type d'arrêté, c'est pour tenter de
régler leurs problèmes, parce qu'ils ont bien compris que c'était la première
façon pour essayer d'agir sur les parents, de les responsabiliser. En effet, le
but est non pas de réprimer l'enfant, mais de responsabiliser les parents.
On nous dit des enfants de moins de treize ans : ce sont les enfants quasiment
dès qu'ils savent marcher et jusqu'à treize ans. Venez dans nos communes et
vous verrez quelle est la situation. Certains collègues qui sont maires depuis
très longtemps n'ont, à mon avis, pas les mêmes quartiers ni les mêmes
problèmes, même s'ils sont là depuis vingt-quatre ans. Venez et vous verrez,
monsieur Dreyfus-Schmidt, les raisons pour lesquelles il faut prévoir une
interdiction éventuelle sur tout ou partie du territoire d'une commune. Pour ma
part, je suis plutôt pour une interdiction totale, mais je peux comprendre,
pour avoir sur le territoire de ma commune, une gare, des zones de parking très
étendues et un centre commercial régional extrêmement « toxique », tout ce qui
peut attirer une certaine délinquance. Nous n'avons donc pas intérêt à y mettre
les mineurs, en particulier les plus jeunes d'entre eux. Cela peut donc
s'expliquer parce que la nuit il y a tout un « commerce » très particulier. Des
violences peuvent être commises sur des jeunes par des plus grands.
Entre un enfant de huit ans et un enfant de quatorze ans, il y a plus de
différence qu'entre vous-même et un individu âgé de vingt ans.
Proportionnellement, l'écart est considérable, cela n'a rien à voir. Il s'agit
d'individus qui ne vivent pas dans le même monde. Les enfants de treize ans
doivent être protégés de ceux qui sont plus âgés. Toute personne qui a eu des
enfants sait qu'il ne s'agit pas du même monde. Nous parlons d'enfants qui ont
quasiment l'âge d'aller à la maternelle ou à l'école primaire. Comment peut-on
condamner des politiques par lesquelles nous souhaitons simplement la sécurité
de ces enfants ?
Monsieur le ministre, vous nous dites qu'au motif que la commune d'à côté
n'aura pas pris cette précaution il est inadmissible que nous puissions
l'imaginer nous-mêmes. Or nous ne cessons de le faire dans nos communes. En
effet, nous prenons sans cesse des mesures que nos voisins n'ont pas prises.
M. Josselin de Rohan.
Eh oui !
M. Nicolas About.
J'ai créé une police municipale, j'ai mis en place une vidéo surveillance ;
nous essayons d'assurer la sécurité de nos enfants. Mais les autres n'ont rien
fait ! Peut-être d'ailleurs parce qu'ils ne partagent pas notre vision de la
sécurité. Pour ma part, je croyais que l'effort de notre commune était une
obligation morale pour nos enfants. Ce n'est pas parce que les autres sont
irresponsables que, pour ce qui me concerne, je ne dois pas faire ce que je
crois nécessaire pour les habitants de ma commune.
Je crois, au contraire, que nous sommes dans le tout début de l'action. En
votant ce texte, nous allons commencer à protéger nos enfants de la délinquance
et à responsabiliser les parents en leur apprenant - et nous y reviendrons lors
de l'examen des amendements suivants - ce qu'est le manquement aux obligations
parentales.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Une fois de plus, on se méprend sur les objectifs que nous
cherchons à atteindre. Je remercie mon ami M. About d'avoir exprimé avec
beaucoup de coeur et de façon excellente ce que nous cherchons à faire.
Nous considérons, et nous sommes probablement tous ici des pères de famille,
qu'un enfant de moins de treize ans n'a rien à faire dehors la nuit.
M. Josselin de Rohan.
Voilà !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Certes, on peut s'interroger sur les causes qui l'ont conduit
dehors, mais que fait-il dehors ?...
M. Alain Joyandet.
Exactement !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Qu'y a-t-il de répréhensible à essayer de le ramener chez
lui...
M. Josselin de Rohan.
Voilà !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
... ou bien dans un service adéquat si, par malheur, il n'a
pas de chez-lui. Je ne comprends pas en quoi cela peut surprendre quelqu'un de
bonne foi que nous tentions de mettre un terme à cette situation anormale.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Ce n'est pas le texte !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cette disposition est prise dans l'intérêt de l'enfant. Il ne
s'agit pas d'autre chose. Nous ne craignons pas, par exemple, qu'il pose une
bombe. Nous ne souhaitons pas, en bons pères de famille, qu'un enfant de treize
ans soit à l'abandon, erre en pleine nuit. Je le répète : il ne s'agit pas
d'autre chose.
Nous sommes très ouverts et, pour ma part, je crois l'être. J'ai écouté avec
beaucoup d'attention les suggestions et préoccupations qui ont été exprimées
par les uns et par les autres. Je comprends les scrupules dont ils ont fait
part. Ce faisant, j'aimerais être payé de retour.
Aussi, je modifie l'amendement qui se lirait ainsi : « Pour des motifs tenant
à la protection des mineurs »...
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
... - et ce pour bien fixer le cadre - « à la sécurité et à
la tranquillité publique, le maire peut décider, pour une période déterminée,
sur le territoire de la commune,... » le reste étant inchangé. En supprimant
les mots : « tout ou partie », nous prenons en compte la réserve qui a été
formulée mais qui relevait de considérations juridiques que nous pouvons en
effet mettre de côté.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Schosteck,
au nom de la commission des lois, et tendant, avant l'article 1er, à ajouter un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article L. 2212-4-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2212-4-1. -
Pour des motifs tenant à la protection des
mineurs, à la sécurité et à la tranquillité publique, le maire peut décider,
pour une période déterminée, sur le territoire de la commune, l'interdiction
aux mineurs de moins de treize ans de circuler sur la voie publique entre 24
heures et 6 heures du matin sans être accompagnés par une personne titulaire de
l'autorité parentale ou une personne à qui ils ont été confiés.
« Les mineurs contrevenant à cette interdiction sont reconduits à leur
domicile ou, à défaut, remis au service de l'aide sociale à l'enfance. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne modifierai pas mon argumentation. J'ai
bien compris que la rédaction initiale de la commission des lois posait
finalement des problèmes à un certain nombre de parlementaires ici présents, y
compris à M. le rapporteur, ce qui prouve bien que ce débat n'était pas
inutile. A mon avis, il y a tout de même un peu d'improvisation dans tout cela
et je ne pense pas que la nouvelle rédaction règle l'ensemble des
difficultés.
Je ne reviens pas sur le fait qu'à partir du moment où l'on territorialise les
interdictions, un enfant de moins de treize ans qui serait en danger dans la
rue en un endroit où il n'y aurait pas d'interdiction ne pourrait même pas
rentrer à son domicile si celui-ci est situé dans un lieu faisant l'objet d'une
interdiction.
M. Nicolas About.
Il y a la police nationale !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Par ailleurs, certains sénateurs ont indiqué
qu'il n'y a avait pas de police la nuit. S'il n'y a pas de policier pour
raccompagner l'enfant, comment l'interdiction pourra-t-elle s'appliquer ?
M. Gérard Delfau.
En effet !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne pense pas que le maire raccompagne
lui-même l'enfant dans son véhicule personnel.
M. Nicolas About.
Il y a la police municipale !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous partageons tous l'idée selon laquelle les
enfants de moins de treize ans n'ont pas à être dans les rues et il faut les
protéger, comme tout citoyen.
Vous avez évoqué le cas d'un enfant de trois ans et demi. Face à de telles
situations, je n'attends pas que le Sénat ou le Parlement délibère pour agir.
En effet, si j'aperçois un enfant de trois ans et demi seul dans la rue, le
jour ou la nuit, je considère qu'il y a personne en danger. Aussi, je lui
prends immédiatement la main pour l'emmener au commissariat ou j'appelle la
police.
Notre désaccord porte sur l'affichage, et non sur la manière de résoudre un
problème, vrai par ailleurs, qui rassemble l'ensemble des parlementaires.
Personne n'est favorable à ce qu'un enfant soit livré à lui-même, seul, dans
les rues, le jour ou la nuit. Il s'agit donc d'un problème de société. Les
maires ont leur rôle à jouer dans leur commune, où ils sont tout de même
officiers de police judiciaire. La police a également son rôle à jouer. On peut
très bien, quand on en a la volonté, faire en sorte que les enfants ne soient
pas dans les rues la nuit.
Je ne pense pas que le fait d'apporter une réponse de nature territoriale
responsabilisant davantage les maires contribuera à résoudre ce problème. Je me
demande même si, d'une certaine manière, l'adoption de cet amendement ne
présente pas des risques.
M. Roland du Luart.
Il est consternant d'entendre cela !
M. Josselin de Rohan.
Vraiment consternant !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le ministre, ce que vous
qualifiez d'« improvisation » est une affaire très mûrement réfléchie.
Permettez-moi de vous rappeler le point de départ de notre réflexion : nous
avions été scandalisés par les propos tenus par un membre actuel du
Gouvernement...
M. Josselin de Rohan.
Oui !
M. Ladislas Poniatowski.
Ségolène Royal !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... lorsque des maires avaient pris,
à tort peut-être, un arrêté concernant la circulation des mineurs sur la voie
publique.
M. Ladislas Poniatowski.
Elle avait même parlé de « chiens » !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Tout à l'heure, je disais à M. le
rapporteur qu'il s'agissait de l'amendement « chiens errants »...
M. Ladislas Poniatowski.
Absolument !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... par référence aux propos tenus
par Mme Royal...
M. Roland du Luart.
C'était indigne !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... lorsque des décisions avaient
été prises par des maires, décisions que nous avions appréciées et qui avaient
été combattues, dans des termes qui nous ont donné le sentiment que nous
devrions faire quelque chose dès que nous en aurions la possibilité. Ce n'est
peut-être qu'une étape, mais nous la marquons.
Je dois vous dire que je m'étonne malgré tout de votre réflexion, monsieur le
ministre.
Nous sommes tous d'accord...
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous aussi !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous êtes tous d'accord, c'est très
bien ! Mais pour quoi faire ? Rien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ah ! non !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Mais pour quoi faire ? Nous
avez-vous proposé une solution en commission ou ailleurs ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il y a des problèmes à régler !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Il y a des problèmes à régler ? Très
bien ! Eh bien, nous, nous les réglons ! Vous le savez très bien, à tel point
qu'au fond de vous-même - j'en suis persuadé parce que je connais votre sens
des responsabilités - vous regrettez certainement de ne pas y avoir pensé plus
tôt !
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre | 100 |
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
M. Henri de Raincourt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, selon l'organisation prévue pour nos travaux, nous devrions maintenant aborder l'examen des dispositions relatives à la délinquance des mineurs. C'est un sujet extrêmement vaste et sérieux. Nous savons très bien que, parmi nous, des opinions tout à fait différentes les unes des autres vont s'exprimer.
Je voudrais donc poser une question tout en livrant mon sentiment. Compte tenu de l'heure, est-il bien raisonnable de commencer la discussion de cette partie du projet de loi alors même que nous savons par avance que nous ne pourrons pas la mener à son terme ? Or, il serait dommage, non seulement pour la qualité du débat, mais aussi pour l'enjeu que cela représente, que nous soyons amenés à trancher en plusieurs épisodes cette discussion.
Par conséquent, ne serait-il pas préférable de renvoyer à la prochaine séance l'examen de ces dispositions, pour que nous puissions les aborder dans leur globalité ? La majorité sénatoriale, pour sa part, préférerait en tout cas qu'il en soit ainsi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette proposition ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. La partie du débat que nous allons aborder maintenant forme effectivement un tout, et, compte tenu de l'heure à laquelle nous devrions interrompre nos travaux, nous ne pourrons en terminer l'examen aujourd'hui. Or, précisément parce que le problème est grave, parce qu'il peut être légitimement controversé, parce que d'autres solutions peuvent éventuellement être envisagées - je n'en sais rien, le débat le montrera - notre discussion doit porter sur l'ensemble du problème. Par conséquent, la commission est favorable à la proposition de renvoi de la discussion dont M. de Raincourt vient de prendre l'initiative, au nom de la majorité sénatoriale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, vous savez à quel point je comprends les problèmes que peut poser l'organisation de tels débats à certaines périodes. Néanmoins, le représentant du Gouvernement que je suis a son temps. Une séance « prolongée » aurait même pu être envisagée pour creuser quelque peu le sujet.
Cela dit, à partir du moment où des sénateurs estiment que la question est trop importante pour commencer à la traiter à dix-huit heures, un mercredi soir, nous pourrions réserver toutes les dispositions relatives à la délinquance des mineurs et examiner maintenant l'article 1er, ce qui nous permettrait de poursuivre ce débat jusqu'à dix-neuf heures ou dix-neuf heures trente, comme cela était prévu, je crois.
M. le président. Le Sénat avait prévu de siéger jusqu'à dix-neuf heures. Mais, compte tenu des menaces de grève d'AOM, je pense que les sénateurs de province ne seraient pas fâchés que nos travaux se terminent plus tôt. Néanmoins, c'est au Sénat qu'il revient de se prononcer.
Je vais mettre aux voix la proposition de renvoi de la suite de la discussion.
M. Robert Badinter. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je tiens simplement à préciser, au nom du groupe socialiste, que nous sommes prêts à poursuivre les débats. Je note certes que nous ne sommes pas très nombreux ; mais je n'étonnerai personne dans cette enceinte en faisant état, au moins en ce qui me concerne, d'une certaine habitude des hémicycles quasi déserts...
Je relève cependant la présence ici de personnalités qui connaissent parfaitement ces questions. Par conséquent, techniquement, nous sommes tout à fait à même de poursuivre le débat.
Quoi qu'il en soit, je ne veux gêner les convenances de personne. Je suis en quelques sorte aux ordres. Si le Sénat préfère renvoyer la suite de la discussion, qu'il en soit ainsi !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la proposition de renvoi de la suite de la discussion.
(Cette proposition est adoptée.)
M. le président. En conséquence, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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