SEANCE DU 29 MAI 2001


M. le président. « Art. 6 ter. - Les officiers ou agents de police judiciaire font procéder sur tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation à des épreuves de dépistage et lorsqu'elles se révèlent positives ou sont impossibles ou lorsque le conducteur refuse de les subir, à des analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir s'il conduisait sous l'influence de substances psychotropes.
« Les résultats de ces analyses sont transmis au procureur de la République du lieu de l'accident.
« Toute personne qui aura refusé de se soumettre aux analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques prévus par le présent article sera punie des peines prévues au premier alinéa du I de l'article L. 1er du code de la route.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 44, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit cet article :
« Après l'article L. 235-1 du code de la route sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 235-2. - Les officiers ou agents de police judiciaire peuvent également procéder sur tout conducteur impliqué dans un accident corporel de la circulation aux épreuves de dépistage ou aux analyses et examens prévus au premier alinéa de l'article L. 235-1.
« Les dispositions des deuxième à quatrième alinéas de cet article sont alors applicables.
« Art. L. 235-3. - Le fait, pour tout conducteur d'un véhicule, d'user volontairement de substances ou plantes classées comme stupéfiants, lorsque cet usage a eu comme conséquence une altération manifeste de sa vigilance au moment de la conduite, constitue une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence au sens des articles 221-6 (deuxième alinéa), 222-19 (deuxième alinéa) et 222-20 du code pénal. »
Par amendement n° 89, le Gouvernement propose de rédiger comme suit l'article 6 bis :
« Après le premier alinéa de l'article L. 235-1 du code de la route, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les officiers de police judiciaire peuvent également faire procéder sur tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident corporel de la circulation, à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles se révèlent positives ou sont impossibles ou lorsque le conducteur refuse de les subir, à des analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir s'il conduisait sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 44.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'Assemblée nationale a adopté un article additionnel visant à prévoir le dépistage des stupéfiants sur tous les conducteurs impliqués dans un accident. Une telle mesure est à l'évidence impossible à mettre en oeuvre.
Actuellement, la loi prévoit un dépistage pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Nous pensons qu'il faut permettre facultativement aux officiers de police judiciaire de procéder à des dépistages sur les conducteurs impliqués dans des accidents corporels : on ne peut pas imaginer qu'un mécanisme aussi lourd puisse se mettre en place pour un simple froissement de tôle !
En revanche, nous sommes tout à fait d'accord pour sanctionner spécifiquement la conduite sous l'emprise des stupéfiants. L'amendement prévoit donc que l'altération manifeste de la vigilance liée à l'usage des stupéfiants constitue une violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité, violation qui permet d'aggraver les peines en cas d'homicide ou de blessure involontaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 89 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 44.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'article 6 ter résulte d'un amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale et que le Gouvernement - en l'occurrence celui qui vous parle - avait accepté.
L'amendement n° 89, tel qu'il est proposé, est satisfaisant et répond aux difficultés techniques de l'application de telles dispositions, difficultés qui avaient empêché qu'elles soient mises en place plus tôt, même en cas d'accident mortel.
La loi n° 99-505 du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs a ajouté au code de la route un article L. 3-1 permettant aux officiers ou agents de police judiciaire de faire procéder sur tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident mortel de la circulation des épreuves de dépistage, pour rechercher s'il conduisait sous l'influence de substances ou de plantes classées comme stupéfiants. L'article L. 235-1 du futur code de la route, qui entrera en vigueur le 1er juin 2001, reprend les dispositions de l'article L. 3-1 en explicitant les renvois qu'il contenait.
Compte tenu de la diversité des produits en cause et de leurs spécificités, le dépistage de la prise de stupéfiants est plus difficile à mettre en oeuvre que le dépistage de l'alcoolémie.
La démarche entreprise vise donc à permettre d'évaluer les responsabilités dans les accidents les plus graves et à mieux connaître les conséquences, pour la conduite d'un véhicule, de la consommation de produits stupéfiants. Notre but, avec ce texte, est d'abord épidémiologique : il s'agit d'avoir une statistique fiable du nombre d'auteurs d'accidents mortels de la circulation sous l'emprise de stupéfiants.
Tel est l'objet de notre amendement : le Gouvernement a choisi de se donner d'abord les moyens de disposer de renseignements épidémiologiques, afin de mieux connaître ensuite les conséquences sur la sécurité routière d'une telle conduite.
Tout à l'heure, M. Schosteck soulignait qu'en matière de sécurité routière nous allions peut-être un peu loin, à l'occasion d'un texte dans lequel cette question ne semblait pas primordiale.
La mesure d'aggravation en fonction des circonstances qui est proposée paraît difficile à mettre en oeuvre à ce stade. C'est pourquoi le Gouvernement maintient son amendement n° 89 et reste défavorable à l'amendement n° 44.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 89 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Monsieur le ministre, votre argument rappelle ceux que l'on avançait lorsqu'on ne savait pas bien doser l'alcool.
Vous proposez un système voisin de celui de la commission. Néanmoins, nous avons la faiblesse de préférer le nôtre, parce que nous souhaitons créer un dispositif distinct de celui qui concerne les accidents mortels.
Comme vous l'avez rappelé, cette mesure est destinée à préparer une étude épidémiologique concernant les conducteurs impliqués dans les accidents mortels. Si le même article rend possible le dépistage lors d'accidents d'un autre type, les résultats de cette étude risquent d'être faussés ! Nous préférons donc maintenir notre rédaction.
Par ailleurs, je rappelle que nous prévoyons des sanctions, sans lesquelles le dispositif mis en place ne présenterait guère d'utilité !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 ter est ainsi rédigé, et l'amendement n° 89 n'a plus d'objet.

Demande de réserve