SEANCE DU 29 MAI 2001


M. le président. Par amendement n° 56, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 14 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 24 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, il est inséré un article 24-1 ainsi rédigé :
« Art. 24-1. - Toute personne qui aura, de manière habituelle, voyagé dans une voiture sans être munie d'un titre de transport valable sera punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 EUR d'amende.
« L'habitude est caractérisée dès lors que la personne concernée a fait l'objet, sur une période inférieure ou égale à douze mois, de plus de dix contraventions sanctionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article 80-3 du décret n° 730 du 22 mars 1942, qui n'auront pas donné lieu à une transaction en application de l'article 529-3 du code de procédure pénale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement a pour objet de sanctionner les contrevenants d'habitude, c'est-à-dire les personnes qui voyagent couramment en étant démunies de titre de transport. Il définit ainsi un nouveau délit, qui est sanctionné de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende et qui sera caractérisé dès que le nombre des contraventions tarifaires dépassera dix.
Les personnels de la SNCF ou de la RATP pourront interpeller les délinquants pour les remettre à un officier de police judiciaire, en application de l'article 73 du code de procédure pénale.
A titre d'exemple, je rappellerai que, en 2000, le nombre de contrevenants verbalisés sur le réseau de la SNCF ayant totalisé plus de dix infractions a été d'environ 34 000. Pour cette même année 2000, le nombre de personnes ayant fait l'objet de plus de trente procès-verbaux de contravention s'est élevé à 5 000, vingt d'entre elles en totalisant plus de deux cent cinquante. En définitive, la fraude représente plus de un milliard de francs par an de pertes de recettes pour la SNCF.
Le sentiment d'impunité qu'éprouvent ces contrevenants les encourage à multiplier les incivilités. C'est par cette population, qui totalise près d'un tiers des infractions tarifaires constatées, qu'est commise la majorité des infractions de comportement dont les transporteurs ou les agents sont victimes, qu'il s'agisse de l'usage abusif du signal d'alarme, de dégradations, d'outrages ou d'agressions.
Insuffisamment traitée et sanctionnée, cette délinquance contribue au développement du sentiment général d'insécurité, ainsi qu'à la dévalorisation, aux yeux de tous, de l'image de la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cet amendement vise à durcir la répression à l'égard des « abonnés » à la fraude aux transports. Il pose des problèmes juridiques réels, mais je crains qu'il ne soit dépourvu de portée pratique.
Sur le plan juridique, l'un des principes du code pénal est l'organisation de la récidive en matière contraventionnelle pour les seules infractions de cinquième classe. Or l'amendement prévoit de créer un délit à partir d'une accumulation de contraventions de quatrième classe.
En outre, l'applicabilité d'une telle disposition exige la mise en place d'un fichier nominatif mentionnant les condamnations et la possibilité, pour les contrôleurs, de le consulter immédiatement, ce qui pose la question de la détention du fichier et du recueil des données. A ce jour, aucune disposition législative n'autorise les exploitants des services publics de transports à disposer d'un tel fichier ou recueil.
Sur le plan pratique, cette disposition est donc inapplicable. Seules peuvent être prises en compte les condamnations : les simples contrôles effectués auparavant, et dont l'exploitant tient peut-être un fichier, ne sont pas suffisants pour caractériser une infraction. Or comment pourra-t-on savoir, en contrôlant une personne, que celle-ci aura déjà été condamné définitivement dix fois pour voyage irrégulier ?
Je comprends bien l'esprit qui vous anime, monsieur le rapporteur, mais je ne vois pas l'intérêt pratique de la disposition que vous proposez. J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 56.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14 bis .

Article 15