SEANCE DU 30 MAI 2001


M. le président. Par amendement n° 66, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa, il est inséré dans l'article 62-1 du code de procédure pénale deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement et que la sécurité d'une personne mentionnée au premier alinéa est menacée, le juge des libertés et de la détention peut l'autoriser à conserver l'anonymat au cours de la procédure. Lors de l'audience de jugement, les avocats des parties peuvent faire poser des questions à la personne par le président de la juridiction, qui donne lecture à l'audience des réponses qui lui ont été faites. La personne peut également être interrogée en utilisant tout dispositif technique permettant la conservation de l'anonymat.
« Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations recueillies dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de prévoir que l'anonymat d'un témoin peut être préservé à l'égard de l'accusé ou du prévenu.
Cet amendement tend à permettre au juge des libertés d'autoriser un témoin à garder l'anonymat lorsque sa sécurité est menacée. Les questions des avocats pourraient alors être posées à ce témoin soit par l'intermédiaire du président de la juridiction lors de l'audience, soit grâce à un dispositif technique approprié.
Très souvent aujourd'hui, si la police et la justice connaissent les auteurs d'infractions, ils ne parviennent pas à réunir les témoignages nécessaires, les témoins redoutant des représailles.
La possibilité de témoigner anonymement existe déjà dans plusieurs pays, notamment aux Pays-Bas. Il est intéressant de le souligner, car ce pays ne passe pas pour être particulièrement répressif. Cette possibilité est également admise par la Cour européenne des droits de l'homme, qui exige seulement qu'une condamnation ne soit pas fondée exclusivement sur la déposition d'un témoin anonyme.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je comprends l'intérêt d'une telle disposition. Sur le fond, elle ne me choque pas, puisque tout ce qui peut concourir à la vérité est une bonne chose. Toutefois, j'ai envie de dire que, si je comprends l'idée et que je la partage plutôt, j'entrevois en même temps les difficultés de mise en oeuvre que cela suppose sur le plan technique. Une telle réforme de fond est donc, à ce stade, assez difficilement envisageable.
En outre, s'agissant d'une modification très importante du code pénal, elle nécessiterait de revoir d'autres procédures, en matière d'audience publique notamment.
Pour être très clair, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 66.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole et à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Je considère qu'il s'agit là d'un amendement tout à fait essentiel. Au demeurant, il semble qu'un premier pas ait été fait par l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à des difficultés techniques, mais ces dernières peuvent toujours être surmontées, et nous pouvons faire confiance aux experts en la matière pour qu'elles le soient et assez rapidement.
M. le rapporteur a dit que, « très souvent », les témoins ne se manifestent pas. Je trouve l'adverbe insuffisant. Il aurait fallu dire qu'ils n'osent pas se manifester « le plus souvent », car ils ont peur des représailles.
Je considère par conséquent que ce dispositif, qui prévoit l'anonymat possible du témoignage, est essentiel et que l'amendement devrait donc être voté par l'ensemble des sénateurs ici présents.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Jean-Claude Peyronnet. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.

Articles 24 à 26