SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 13, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Le II de l'article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'institut ne peut en aucun cas utiliser les archives audiovisuelles qu'il
détient pour exercer une activité commerciale de production ou de coproduction
d'oeuvres ou de programmes audiovisuels, ni détenir une participation dans une
société exerçant une telle activité. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne regarde pas beaucoup la télévision, mais il m'est arrivé de suivre à une
ou deux reprises la série télévisée récemment diffusée par France 2 à
l'occasion du vingtième anniversaire de l'élection du président Mitterrand et
réalisée par Jean-Pierre Elkabbach. Or j'ai constaté que le générique
comportait la mention : « réalisation ou production par INA Entreprise ».
Qu'est ce donc que INA Entreprise, me suis-je demandé. J'ai appris qu'il
s'agissait d'une société privée constituée par l'INA, l'Institut national de
l'audiovisuel, qui est un établissement public et qui n'a pas le droit de
constituer de société privée puisque cela ne fait pas partie des missions qui
lui sont confiées par la loi, au nombre desquelles figurent le classement des
archives, leur conservation et leur archivage, ainsi qu'une mission de
recherche.
Or l'INA ne parvient pas à accomplir convenablement sa mission d'archivage,
puisque des documents sont égarés, s'effacent, ne sont pas numérisés, se
dégradent, etc., mais il a créé une société privée avec laquelle, mes chers
collègues, il produit, ce qui lui est interdit puisque cela ne figure pas dans
les missions qui lui ont été fixées par la loi, et ce dans des conditions très
favorables, puisque la société privée INA Entreprise a accès presque
gratuitement aux archives publiques de l'INA, tant et si bien qu'elle vient
concurrencer de façon scandaleuse les producteurs privés qui, lorsque l'on
compare les prix, ne peuvent pas rivaliser !
Cette observation me conduit à penser qu'il y a là sans doute à la fois une
irrégularité, une anomalie, un abus de bien social - bref, tout ce que vous
pouvez imaginer - en tout cas, une violation flagrante de la loi.
Par conséquent, l'amendement n° 3 a pour objet de mettre un terme à ces
fantaisies. Si un jour l'INA doit devenir producteur, c'est le législateur qui
le décidera, et personne d'autre !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
La loi a confié à l'INA, dans le domaine de la
production, une mission d'expérimentation qui ne doit pas prendre une extension
excessive. Il serait utile que le Gouvernement nous dise si INA Entreprise a en
effet des pratiques anticoncurrentielles et si elle sert à contourner la
définition restrictive des missions de l'INA en matière de production.
Pour ma part, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le débat avec M. Charasse
sur la mission de l'Institut national de l'audiovisuel n'est pas nouveau.
Connaissant son attachement au service public, je m'étonne simplement que M.
Charasse puisse, surtout dans le contexte d'élargissement du marché de
l'audiovisuel, considérer que le service public de l'audiovisuel serait
interdit de séjour dans un certain nombre d'activités. La possibilité pour
l'INA d'exploiter les extraits d'archives audiovisuelles a été, entre autres,
confirmée par la loi du 1er août 2000. De ce point de vue, l'INA ne sort pas du
cadre de sa mission, même si celle-ci a été recentrée et redélimitée.
L'exploitation des extraits d'archives audiovisuelles publiques peut, dans
certains cas, requérir une activité de production visant à mettre en valeur ce
patrimoine. L'activité de production est un accessoire qui peut, le cas
échéant, se révéler indispensable aux métiers de l'INA.
Dans le contrat d'objectifs et de moyens qui a été signé entre l'Etat et
l'Institut national de l'audiovisuel, il est d'ailleurs bien précisé que cette
mission doit rester accessoire et limitée par rapport à l'ensemble de
l'activité de l'institut. Elle est réalisée, sauf lorsqu'il s'agit de
productions mises en oeuvre à des fins de recherche, dans une structure
distincte, filiale de l'INA, dénommée « INA Entreprise », que vous avez
découverte au générique du document que vous évoquiez. INA Entreprise est, sur
le plan commercial, traitée dans les mêmes conditions que les autres
producteurs. Ses comptes, qui sont bien évidemment soumis, avec ceux de l'INA,
au contrôle de la Cour des comptes, assurent la parfaite transparence de cette
activité. Je ne peux donc qu'être défavorable à l'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Madame le ministre, j'espère que vous pourrez répondre à cette question :
pouvez-vous nous assurer qu'à l'égard d'INA Entreprise l'INA pratique, pour
l'utilisation des archives qu'il détient, exactement les mêmes tarifs que pour
les producteurs privés ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, je
vous réponds par l'affirmative.
M. Michel Charasse.
En êtes-vous vraiment sûre ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, je
vois que vous doutez de ma capacité à exercer la tutelle sur ces entreprises
!
M. Michel Charasse.
Non, pas du tout ! Je n'en doute pas, mais je doute qu'on vous dise tout !
Donc, en êtes-vous bien sûre ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, nous
sommes tout de même dans un Etat de droit !
M. Michel Charasse.
De cela, je ne doute pas ! Mais enfin...
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je vous confirme que la
règle est ferme et précise : l'INA pratique les mêmes conditions commerciales à
l'égard de INA Entreprise et des autres producteurs.
Au reste, je fais confiance à mes services, mais, au-delà, je leur demande
aussi des vérifications périodiques.
D'ailleurs, si vous aviez en votre possession des éléments d'information à me
fournir sur une inégalité de traitement entre INA Entreprise et d'autres
producteurs, sachez que j'y serais extrêmement attentive.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Y a-t-il déjà eu des
vérifications ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Il y en a périodiquement,
monsieur le président, nous assurons la tutelle de l'Institut national de
l'audiovisuel sur tous les aspects de son activité.
M. Michel Charasse.
C'est nouveau, ça !
M. le président.
Monsieur Charasse, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, Mme le ministre me dit que ses services s'en occupent,
mais j'ai tellement peu confiance en eux que je maintiens mon amendement !
M. Jean Delaneau
président de la commission des affaires sociales.
Je le voterai !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 13.
Par amendement n° 4, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 13, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. L'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle est complété
par un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits prescrits en application de l'alinéa précédent, ainsi que les
produits de leur immobilisation et les droits qui n'ont pu être versés à leurs
titulaires en application des conventions internationales auxquelles la France
est partie sont ajoutés, à la fin de chaque exercice, aux droits perçus pendant
cet exercice. »
« II. L'article L. 321-9 du même code est ainsi modifié :
« 1° Les trois premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces sociétés utilisent à des actions d'aide à la création, à la diffusion du
spectacle vivant et à des actions de formation des artistes 5 % des sommes
provenant de la rémunération pour copie privée, après déduction des frais de
gestion. » ;
« 2° La première phrase du quatrième alinéa est supprimée. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, voilà un deuxième sujet de fâcherie avec Mme le
ministre ! Je vous prie de m'en excuser, mais il y en a toute une série ;
ensuite, on ira dîner, et cela ira mieux !
(Sourires.)
Les dispositions du code de la propriété intellectuelle affectant à des
actions d'intérêt général le quart de la rémunération pour copie privée - on en
a parlé tout à l'heure à propos de l'amendement reprenant la proposition de Mme
Pourtaud - et la totalité des sommes n'ayant pu être réparties au titre des
régimes de gestion collective obligatoire procédaient d'excellentes
intentions.
Cela ne les empêche pas d'être contestables dans leur principe ni, surtout,
d'avoir été appliquées de manière difficilement admissible.
Mes chers collègues, je me demande ce que l'on penserait si un mécanisme
analogue était mis en oeuvre dans d'autres domaines, puisque ce mécanisme
consiste à prélever, sur la rémunération due aux auteurs et aux artistes,
c'est-à-dire sur leur salaire, des sommes pour financer des actions d'intérêt
général - l'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, à la
formation des artistes, etc - actions qui devraient être à la charge de la
collectivité publique.
Moi, j'attends que l'on m'explique ce qui se passerait si désormais l'on
demandait aux chercheurs d'affecter une partie de leur salaire au financement
de la recherche. Parce qu'on en est là !
Par ailleurs, l'usage qui a été fait de ces fonds, qui sont très importants,
est très mauvais. Déjà, nous avons dû, l'année dernière, rectifier une
interprétation arbitraire du texte qui, contre la volonté du législateur,
notamment du Sénat, avait laissé aux sociétés de gestion la libre disposition
de la majeure partie des droits non répartis. Au mois de décembre dernier, je
crois que c'était le 8 décembre, le Conseil d'Etat a rappellé que l'aide à la
création ne pouvait pas justifier n'importe quel emploi des fonds définis à
l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle.
N'importe quel emploi ? J'ai essayé d'obtenir des sociétés d'auteurs un
certain nombre de listes et d'exemples. C'est assez compliqué, mais on achète
des immeubles, on fait de la politique immobilière - il y a une grosse affaire
ADAMI sur ce sujet, qui a défrayé la chronique il y a deux ou trois ans ; qui a
été portée devant la justice, mais n'est toujours pas réglée - on finance des
congrès syndicaux, éventuellement peut-être aussi des congrès politiques, je
n'en sais rien. Bref, on finance un tas de choses qui n'ont rien à voir avec ce
domaine. C'est pour cela que le Conseil d'Etat a réagi.
D'autres dérives ont été relevées. Les fonds ont ainsi été affectés à des
dépenses de fonctionnement des sociétés de gestion, alors que ce n'est pas fait
pour cela, ou à des actions sans rapport avec les objectifs définis par la loi.
De surcroît, il n'y a pas du tout de transparence dans le contrôle de l'emploi
de ces fonds, et j'en passe.
Mon amendement a donc pour objet de tirer les enseignements de ce triste
constat.
Je propose, tout d'abord, de dire que tous les droits prescrits ou qui ne
peuvent pas être répartis devront désormais être distribués entre tous les
adhérents des sociétés d'auteurs. Puisque l'on passe son temps à nous vanter le
système mutualiste, sur lequel repose le fonctionnement des sociétés de
perception, on mutualise tout, y compris ces droits.
Ensuite, s'agissant du taux de prélèvement de 25 %, ce qui est très élevé et
d'un rendement qui va être encore plus élevé, puisque l'on a augmenté la taxe
sur les cassettes, je propose de le ramener en ce qui concerne ce que
j'appellerai les « fantaisies », à 5 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
La commission de contrôle des sociétés de
perception et de répartition des droits doit étudier les problèmes que pose
l'affectation à des actions d'intérêt général d'une partie des droits
perçus.
Je souhaiterais, madame la ministre, que le Gouvernement nous indique, s'il en
a connaissance, le délai dans lequel cette étude sera publiée. Il nous serait
sans doute utile de le connaître avant de légiférer.
Cependant, l'amendement de notre collègue posant un vrai problème, je m'en
remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Lors de l'examen du projet
de loi sur les nouvelles régulations économiques, la Haute Assemblée a déjà
examiné un amendement identique, qui avait été rejeté par le Gouvernement. A
cette occasion, le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation
culturelle, M. Michel Duffour, avait souligné que le prélèvement de 25 % était
une chance pour la création française et pour sa diffusion.
Je porte exactement la même appréciation que lui sur l'utilité de ces 25 %.
C'est un choix collectif qu'il faut soutenir, notamment parce qu'il est
favorable à tous les créateurs, ceux qui sont connus comme ceux qui sont moins
connus.
M. Michel Charasse.
Et propice à tous les abus !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Il convient, en effet, de
veiller à ce que l'usage des fonds représentatifs de ces 25 % fasse l'objet
d'un contrôle financier strict. J'ai demandé au président de la commission de
contrôle des sociétés de gestion, qui vient d'être installée, d'être
particulièrement attentif à ce problème. Fort de cette garantie, le
Gouvernement ne peut accepter que soient ici mises en cause des actions
d'intérêt général.
Je souhaite véritablement que nous puissions sortir de l'ère du soupçon
permanent à l'égard de la gestion de ces fonds. D'ailleurs, très largement
grâce à votre impulsion, il existe maintenant un dispositif de contrôle qui
doit nous mettre à l'abri des dérives qui ont pu être décelées ici ou là. Comme
j'ai déjà eu l'occasion de le souligner lors de l'examen de la loi d'août 2000,
nous tenons beaucoup à la transparence de la gestion de ces sociétés. Nous
avons, grâce à vous, mis en place de nouveaux dispositifs de surveillance et de
contrôle, mais nous tenons également à ce système de gestion collective et nous
ne souhaitons pas le remettre en cause à tout propos.
De plus, je suis convaincue que ces sommes destinées à des actions d'intérêt
général constituent l'un des meilleurs aspects du dispositif actuel
d'utilisation des droits confiés à la gestion de ces sociétés.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Philippe de Gaulle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Je me demande si, avec l'amendement n° 4, nous n'allons pas un peu trop
vite.
Mon souci est de favoriser la création française.
Premièrement, les droits prescrits sont, conformément au règlement de la
SACEM, et comme cela figure dans ses comptes approuvés par les sociétaires en
assemblée générale, affectés au financement des activités de la société. Ce
dispositif permet de diminuer le montant des prélèvements effectués sur les
droits revenant aux créateurs pour assurer la gestion de leurs oeuvres.
M. Michel Charasse.
Mais c'est irrégulier !
M. Philippe de Gaulle.
Les différents contrôles exercés par l'inspection générale du ministère de la
culture n'ont pas révélé d'anomalies sur cette gestion.
Deuxièmement, l'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à
des actions de formation des artistes a été imposée à hauteur de 25 % de la
copie privée - redevances dues sur les supports vierges tels que cassettes,
bandes vidéo, CD, DVD, etc. - par M. Jack Lang, alors ministre de la culture,
dans la loi de 1985 créant les redevances pour copie privée, comme la
contrepartie obligatoire de ces redevances et afin d'inciter les sociétés de
gestion collective à aider encore plus le secteur culturel.
Ainsi, de 1997 à 2000, la SACEM, par le biais des sociétés associées SORECOP
et Copie France, a injecté dans le secteur musical entre 20 millions et 25
millions de francs chaque année, somme à laquelle il faut ajouter presque
autant en aides culturelles volontaires.
Ces aides sont gérées chaque année par le service culturel et sont soumises à
un examen particulièrement pointilleux et approfondi du conseil
d'administration de la SACEM.
Je me demande si l'abaissement du prélèvement à 5 % au lieu de 25 % n'aurait
pas des conséquences déplorables pour les différents festivals et les actions
en faveur de la formation des artistes, notamment pour la musique classique,
d'autant que les nouvelles ressources provenant des futures redevances - CD,
DVD, etc. - ne sont pas encore effectives.
A tout le moins, avant de modifier le pourcentage du prélèvement culturel sur
la copie privée, il serait peut-être sage de vérifier l'exacte montée en
puissance des nouvelles redevances, sachant, par ailleurs, que les redevances
anciennes sur les cassettes vidéo et les bandes vidéo marquent déjà un déclin
qui va encore s'accentuer.
Enfin, ne serait-il pas anormal, au regard de la mutualité et de la solidarité
qui sont les fondements des sociétés civiles de gestion collective, que les
prélèvements pour la copie privée des oeuvres étrangères, notamment
anglosaxonnes, soient ainsi réduits ? Cela reviendrait à faire un cadeau à
l'industrie musicale des Etats-Unis tout en privant d'aides primordiales le
spectacle vivant français et francophone.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je voudrais dire à Mme la ministre, dont j'ai écouté la réponse avec
attention, que ce n'est pas moi qui mets en cause, que c'est le Conseil d'Etat
et que, quand le Conseil d'Etat met en cause, le Gouvernement n'a pas
d'opinion.
Lorsque le Conseil d'Etat rappelle, dans un arrêt du 8 décembre dernier, que
ces fonds ne sont pas utilisés d'une façon normale, qu'ils sont utilisés d'une
façon irrégulière et illégale et qu'en réponse vous envisagez, madame la
ministre, un décret pour régulariser la situation, je suis perplexe. Je ne sais
pas ce que vous racontent vos services, mais ils ne vous ont pas fait passer le
texte très clair de l'arrêt du Conseil d'Etat.
Ce n'est pas moi qui mets en cause, c'est le Conseil d'Etat. Au Conseil
d'Etat, on ne lui dit rien ; mais à Charasse, on lui dit qu'il « met en cause »
!
S'agissant de l'ADAMI, des numéros relativement récents de grands journaux
parisiens nous expliquent, en long et en large, les turpitudes de cette société
qui est traduite en justice, qui a fait des trafics en matière immobilière,
etc., avec cet argent. Ce n'est pas moi qui la mets en cause ! Je n'écris pas
dans
Le Monde,
Dieu m'en préserve ! Surtout pas dans
Le Monde
!
Quant aux observations de notre estimé collègue Philippe de Gaulle, j'espère
que les renseignements qui lui ont été fournis pour préparer son intervention
ne lui ont pas été donnés par une société d'auteurs. Il nous a dit en effet
qu'on opère des prélèvements sur ces sommes pour le « fonctionnement des
sociétés ». Or, cher collègue, c'est parfaitement illégal, et c'est bien le
reproche que l'on adresse à ces sociétés.
J'ajoute que le taux de 25 % de prélèvement - que M. de Gaulle a rappelé
justement - fixé par la loi Lang de 1985, rapportait une certaine somme qui va
augmenter considérablement : 25 % d'une rémunération qui augmente, cela
engendre forcément un rendement supérieur.
Mais pour faire quoi, mes chers collègues ? Je vais vous le dire : pour
financer, ici, un festival parce qu'on est copain avec le maire, là, le congrès
d'un syndicat d'artistes minoritaire, ailleurs, une opération immobilière, etc.
Ces prélèvements ne sont pas faits pour ça.
Or je n'invente rien : j'ai laissé dans mon bureau une fiche complète sur une
histoire tordue d'immeuble concernant l'ADAMI. Je peux vous dire que ce n'est
pas triste !
Alors je me dis : pourquoi accepter de maintenir le taux de 25 %, alors que 5
% sont suffisants, et pourquoi, par ailleurs, ne pas décider que le solde des
droits correspondants sera distribué à l'ensemble des auteurs et des artistes
?
Par ailleurs, cher Philippe de Gaulle, il n'est pas question d'empêcher les
étrangers de verser ce qu'ils versent déjà. Simplement, comme les dirigeants
des sociétés d'auteurs mettent ces sommes à l'abri d'une manière ou d'une
autre, je propose qu'on les distribue à tous les auteurs et à tous les ayants
droit.
Voilà pourquoi je ne suis pas convaincu - et je remercie la commission de sa
sagesse - qu'il faille retirer l'amendement n° 4.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je n'ai pas dit que la
gestion des sociétés d'auteurs était impeccable. J'ai simplement dit que nous
avions pris, par la loi, un certain nombre de dispositions pour assurer la
transparence de la gestion de ces sociétés, pour assurer un contrôle.
Je ne comprends donc pas pourquoi vous ne voulez pas laisser à ce dispositif
la possibilité de jouer son rôle, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse.
Quand ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
On vient d'installer la
commission !
M. Michel Charasse.
La Cour de cassation n'a pas désigné son représentant !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je vous éclairerai sur ce
point.
M. Michel Charasse.
Cela devait être fait en décembre. Elle l'a fait ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Absolument, monsieur le
sénateur.
M. Michel Charasse.
Puisque l'on m'annonce que la commission est enfin constituée et que la Cour
de cassation a fini de faire ses caprices, je retire l'amendement n° 4.
M. le président.
L'amendement n° 4 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une
heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)