SEANCE DU 6 JUIN 2001


M. le président. Par amendement n° 47, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 8 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, un article ainsi rédigé :
« Art. 8-1. - Avant le 31 décembre 2001, la Poste devra avoir mis en place, dans les conditions prévues par l'article 29 de son cahier des charges, une comptabilité analytique séparant, sur la base de critères objectifs et transparents, et pour autant qu'il s'agisse de charges pouvant être directement affectées à un service particulier, les comptes relatifs, d'une part aux services dont l'exclusivité lui est réservée et, d'autre part, aux autres services en distinguant, parmi ces derniers, ceux qui relèvent de l'offre de service universel et ceux qui relèvent de ses activités financières. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement tend à fixer une date butoir, le 31 décembre 2001, pour obliger La Poste à se conformer aux obligations qui lui incombent en matière de présentation et de tenue de ses comptes, en application de la directive postale de 1997, qui a été transposée, sur ce point, par le décret du 8 février 2001.
Nous souhaitons donc harmoniser la réalité avec ces prescriptions et avoir communication, avant le 31 décembre prochain, d'une « comptabilité analytique séparant, sur la base de critères objectifs et transparents, et pour autant qu'il s'agisse de charges pouvant être directement affectées à un service particulier, les comptes relatifs, d'une part, aux services dont l'exclusivité est réservée à La Poste et, d'autre part, aux autres services en distinguant, parmi ces derniers, ceux qui relèvent de l'offre de service universel et ceux qui relèvent de ses activités financières ».
En d'autres termes, pour permettre à La Poste de poursuivre son évolution, il est indispensable de savoir de quoi on parle et de disposer d'une présentation claire, traitant, d'un côté, le service public, de l'autre, les activités financières, qui s'exercent dans un monde compétitif, simultanément aux activités de toutes sortes d'autres opérateurs.
Si l'on fait évoluer La Poste - nous venons à l'instant de voter un article concernant l'assouplissement du régime des biens immobiliers - cela doit être dans le cadre d'une évolution cohérente. On ne peut pas continuer à tout mélanger. On ne peut pas continuer à utiliser tantôt un registre, tantôt un autre. Il est indispensable de faire prévaloir la clarté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, tout simplement parce qu'il est satisfait.
Je m'étonne d'une telle volonté de précision dans la mesure où l'article 29 du cahier des charges de La Poste, modifié par le décret 2001-122 du 8 février 2001, dispose que « ces dispositions s'imposent à l'exploitant dès la date d'entrée en vigueur de ce dernier. »
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Nous connaissons bien ce décret, pris en application de la directive de 1997. Mais je voudrais poser une question au Gouvernement même si je n'attends pas forcément de réponse aujourd'hui.
Il reste en effet 55 % de charges indivises entre le secteur courrier et le secteur financier. Or, le secteur financier de La Poste remplit également une mission de service public et, de fait, il est le secteur le plus défavorisé ; cela coûte cher au budget de La Poste : au moins 1,3 milliard de francs par an. Voilà pourquoi je me suis battu sur le maintien du service bancaire de base, avec d'ailleurs le soutien de la commission des finances.
En tout cas, parce que je suis très attaché au service financier de La Poste, dans l'intérêt même de ce service, je souhaite que l'on s'attache davantage à la transparence de la comptabilité analytique, car vous savez bien que 55 % de charges indivises, réparties on ne sait comment, constitueront un jour une entrave au développement, voire au maintien des activités financières de La Poste, auxquelles, je le rappelle, nous n'appliquons pas toutes les dispositions de la loi de 1990.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, les membres de cette assemblée, pour la plupart de vieux routiers, ont déjà entendu bien des promesses, bien des engagements, ils ont lu nombre de décrets.
En l'occurrence, le décret du 8 février 2001 est excellent, notamment son paragraphe VIII, troisième alinéa - nous l'avons d'ailleurs repris dans notre amendement, ce qui prouve que nous y souscrivons. Nous voudrions simplement savoir où en sont les choses quatre mois après.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis, dit que, selon ses informations - et il est, parmi nous, le plus compétent sur le sujet - il existe 55 % de charges indivises. Monsieur le secrétaire d'Etat, que pouvez-vous répondre ?
En fait, notre amendement est un amendement interrogatif. Nous n'aurions pas fixé ce délai limite du 31 décembre 2001 si nous avions l'impression que tout est transparent et que nous sommes bien informés. Que pouvions-nous faire sinon utiliser les moyens qui sont à notre disposition et agiter ce grelot que nous ressortons périodiquement ? (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce grelot ou ce gros lot ?
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Le gros lot, c'est la Française des jeux qui le donne ! (Nouveaux sourires.)
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. J'ai bien entendu les demandes des deux rapporteurs. Je connais la qualité de leurs interventions et leur souci d'étudier à fond les dossiers. Aussi vais-je essayer de leur répondre concrètement et, malgré tout, brièvement.
Actuellement, un groupe de travail au sein du ministère élabore les modalités d'application de ce décret. Avant la fin de l'année, je pense que sortira une comptabilité analytique qui donnera satisfaction à M. Gérard Larcher.
Par conséquent, si le décret est bon, si le groupe de travail remet ses conclusions et ses propositions dans les mois qui viennent, ce qui sera le cas, je pense que vous aurez satisfaction, messieurs les rapporteurs.
Aussi le Gouvernement reste-t-il défavorable à cet amendement redondant.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 47.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est, à notre avis, une question essentielle que pose M. Marini dans l'amendement n° 47. En effet, il s'agit de savoir si nous devons aller plus loin encore dans l'abandon des principes du service public à la française.
A quoi vise en effet cet amendement ? Ni plus ni moins qu'à adapter La Poste aux nouvelles conditions de l'activité de transmission du courrier ou des activités d'établissement de crédit telles qu'elles sont définies dans les orientations européennes. Cela correspond aussi à certaines des orientations du projet d'entreprise de La Poste, aujourd'hui dénommé sous le vocable « SOFT », projet qui ne semble pas toutefois faire l'unanimité dans le personnel.
En fait, que cherche-t-on dans le tronçonnage comptable des activités de La Poste ?
A atteindre un objectif de rentabilité par métier qui pourrait, à moyen terme, justifier des économies de gestion se traduisant, ici, par la cession d'un bureau de poste en zone rurale, là, par la réduction des effectifs d'un service, ailleurs, pourquoi pas, par la suppression d'une tournée de distribution ?
A justifier, à plus long terme, une cession au privé de certaines activités plus rentables, à commencer par celles qui sont déjà largement ouvertes à la concurrence ou encore les activités des centres de chèques postaux ?
A autoriser des alliances stratégiques avec tel ou tel opérateur privé, qui mettrait la rentabilité du service au-dessus des critères fondamentaux d'évaluation du service public, à savoir la péréquation tarifaire, l'égalité d'accès, la non-discrimination ?
Lorsqu'on parle de critères objectifs et transparents, se situe-t-on sur le plan de la sincérité comptable et de l'équilibre des comptes ou encore sur celui de la croissance du résultat, ou bien est-ce au regard d'objectifs fondés sur la qualité de la réponse aux besoins du public ?
Nous inclinons à penser que la commission des finances penche pour le premier terme de l'alternative, ce qui nous conduit à rejeter sans ambiguïté cet amendement n° 47.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
Par amendement n° 132, M. Angels et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les projets d'opérations immobilières mentionnés au II ci-dessous doivent être précédés, avant toute entente amiable, d'une demande d'avis du directeur des services fiscaux lorsqu'ils sont poursuivis par :
« 1° Les collectivités territoriales, leurs groupements, leurs établissements publics et leurs concessionnaires ;
« 2° Les sociétés et organismes dans lesquels les collectivités, personnes ou établissements publics mentionnés au 1° exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion, ou détiennent, ensemble ou séparément, la majorité du capital ou des voix dans les organes délibérants, lorsque ces sociétés ou organismes ont pour objet des activités immobilières ou des opérations d'aménagement ;
« 3° Les organismes dans lesquels les personnes mentionnées aux 1° et 2° exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion, ou détiennent, directement ou indirectement, ensemble ou séparément, la majorité du capital ou des voix dans les organes délibérants, lorsque ces organismes ont pour objet des activités immobilières ou des opérations d'aménagement.
« II. - Ces projets d'opérations immobilières comprennent :
« 1° Les baux, accords amiables et conventions quelconques ayant pour objet la prise en location d'immeubles de toute nature d'un loyer annuel, charges comprises, égal ou supérieur à un montant fixé par l'autorité administrative compétente ;
« 2° Les acquisitions à l'amiable, par adjudication ou par exercice du droit de préemption, d'immeubles, de droits réels immobiliers, de fonds de commerce, et de droits sociaux donnant vocation à l'attribution, en pleine propriété, d'immeubles ou de parties d'immeubles, d'une valeur totale égale ou supérieure à un montant fixé par l'autorité administrative compétente, ainsi que les tranches d'acquisition d'un montant inférieur, mais faisant partie d'une opération d'ensemble d'un montant égal ou supérieur ;
« 3° Les acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique.
« III. - Les personnes mentionnées au I délibèrent au vu de l'avis du directeur des services fiscaux. Lorsque le consultant est un concessionnaire, la délibération est prise par l'organe délibérant du concédant.
« IV. - Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les conditions d'application des dispositions figurant aux I, II et III.
« V. - Sont abrogés :
« 1° La loi du 1er décembre 1942 complétant et modifiant le décret du 5 juin 1940 relatif au domaine immobilier de l'Etat ;
« 2° L'article 18 de la loi de finances rectificative pour 1969 (n° 69-1160 du 24 décembre 1969) ;
« 3° L'article L. 9 du code du domaine de l'Etat. »
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Depuis le vote de la loi du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public, la transparence des opérations d'aliénation immobilière des collectivités locales a été renforcée par l'obligation faite à celles-ci de consulter le service des domaines sur la valeur des biens à céder et de délibérer au vu de l'avis émis par ce service.
Actuellement, quand des collectivités locales ou des établissements publics veulent acquérir ou louer des immeubles, ils doivent faire viser expressément leurs actes par le directeur des services fiscaux, après avoir pris une décision de passer outre par délibération motivée si elles ne suivent pas l'avis du service des domaines.
Cependant, en l'absence de visa, les actes d'acquisition ne peuvent être publiés à la conservation des hypothèques. C'est pourquoi le présent amendement vise à mettre un teme à ce dispositif de visa, contraignant et trop lourd. Dans un souci de simplification, l'obligation du visa serait également supprimée pour les opérations réalisées par l'Etat.
La simple obligation de délibérer, pour les acquisitions et les prises en location, au vu de l'avis du service des domaines garantirait la transparence des opérations immobilières tout en allégeant, par la suppression du visa, le dispositif à la fois pour les personnes consultantes et pour le service des domaines.
De plus, elle harmoniserait les procédures d'acquisition et de cession pour les collectivités locales.
L'article additionnel ainsi proposé définit donc le champ d'application de la mesure, qu'il s'agisse des personnes soumises à la consultation ou des opérations immobilières concernées.
Cette mesure relève du domaine législatif dès lors qu'elle vise les collectivités territoriales, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat à propos de l'actuel décret du 14 mars 1986.
Par ailleurs, le texte proposé fixe les modalités du processus décisionnel de la collectivité locale.
Par voie de conséquence, les dispositions relatives à la formalité du visa et la loi du 1er décembre 1942, qui fonde aujourd'hui la consultation des domaines, doivent être abrogées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je comprends bien qu'il s'agit d'alléger des formalités et la commission est naturellement favorable à tout ce qui va dans le sens d'une réduction de la bureaucratie.
Cela étant, je ne suis pas sûr d'avoir tout bien compris, d'autant que cet amendement a été déposé relativement tard. C'est pourquoi je serais heureux, avant d'émettre un avis, d'entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. L'amendement proposé vise en effet à alléger les formalités auxquelles sont soumises les collectivités locales lorsqu'elles consultent le service des domaines sur la valeur des biens qu'elles se proposent d'acquérir ou de prendre à bail.
Cette mesure, qui participe donc d'une démarche de simplification des procédures, ne peut que recueillir l'agrément du Gouvernement. Elle se révèle particulièrement opportune puisqu'elle aboutit à harmoniser, sur le modèle de la loi du 8 février 1995, le contrôle opéré sur l'ensemble des opérations immobilières menées par les collectivités locales, qu'il s'agisse d'acquisition ou de cession de biens immobiliers.
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 132, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.

TITRE V

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 13