SEANCE DU 13 JUIN 2001


M. le président. « Art. 6. - Le livre III du code forestier est complété par un titre VII intitulé : "Qualification professionnelle des personnes intervenant en milieu forestier", comprenant les articles L. 371-1 à L. 371-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 371-1 . - Non modifié.
« Art. L. 371-2 . - Les entreprises qui exercent les activités définies à l'article L. 371-1 dans les forêts d'autrui sont responsables de la sécurité et de l'hygiène sur les chantiers. A ce titre, elles s'assurent de la qualification professionnelle des personnes y travaillant.
« Des décrets en Conseil d'Etat définissent les conditions de formation initiale ou continue ou d'expérience professionnelle et les modalités selon lesquelles cette qualification professionnelle est reconnue.
« Ces décrets précisent les conditions dans lesquelles toute personne qui, à la date de leur publication, exerce effectivement l'une des activités définies à l'article L. 371-1, ou en assure le contrôle, est réputée justifier de la qualification requise.
« Art. L. 371-3 et L. 371-4 . - Non modifiés. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 72 rectifié est présenté par MM. César, Valade, Althapé, Doublet, Flandre et Gruillot.
L'amendement n° 87 est déposé par MM. Hérisson, Moinard, Amoudry, Huriet, Huchon, Barraux, Faure, Jarlier, Branger, Souplet, Deneux, Lesbros et Michel Mercier.
Tous deux tendent, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 371-2 du code forestier, après les mots : « d'expérience professionnelle », à insérer les mots : « les dérogations pour certaines activités effectuées par des exploitants agricoles ».
Par amendement n° 114, M. François, au nom de la commission, propose de compléter le dernier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 371-2 du code forestier par une phrase ainsi rédigée : « Cette disposition s'applique aux exploitants agricoles. »
La parole est à M. César, pour défendre l'amendement n° 72 rectifié.
M. Gérard César. Cet amendement est très important pour moi comme pour mes collègues. Si l'on votait en l'état les textes qui nous sont proposés, il faudrait en effet que les agriculteurs, en particulier en cas de sinistres comme ceux que nous avons malheureusement connus lors des tempêtes de 1999, aient une expérience professionnelle reconnue par un diplôme pour avoir le droit de manier une tronçonneuse.
J'estime que les agriculteurs, qui conduisent déjà du matériel lourd, des machines à vendanger ou des moissonneuses-batteuses, par exemple, n'ont pas besoin de passer un examen pour mettre en marche une tronçonneuse et aider leurs compatriotes à dégager des voies d'accès.
M. le président. La parole est à M. Moinard, pour défendre l'amendement n° 87.
M. Louis Moinard. Je ferai la même remarque que mon collègue : on peut être diplômé et être tout de même compétent !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 114 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 72 rectifié et 87.
M. Philippe François, rapporteur. La commission considère que l'attribution de telles dérogations au profit des agriculteurs n'est pas justifiée dans la mesure où ils sont au moins autant que les exploitants forestiers, très fortement exposés à des risques très élevés d'accident du travail.
Comprenant cependant les inquiétudes des exploitants agricoles à l'égard d'une nouvelle exigence de formation, elle rappelle que le texte prévoit que les personnes exerçant déjà les activités concernées au moment de l'entrée en vigueur de la loi seront, sous certaines conditions, réputées posséder la qualification requise.
C'est pourquoi elle vous propose un amendement de repli, l'amendement n° 114, afin de préciser que cette disposition s'applique aux exploitants agricoles.
La commission est donc défavorable aux amendements identiques n°s 72 rectifié et 87.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 72 rectifié et 87, ainsi que sur l'amendement n° 114 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 114, ce n'est pas un refus de principe, mais je considère qu'il est superflu compte tenu des dispositions inscrites dans le texte.
S'agissant des deux autres amendements, je comprends bien la volonté de leurs auteurs de permettre aux agriculteurs de s'affranchir de certaines contraintes et de pouvoir participer. Simplement, je veux vous mettre en garde, monsieur César, car les travaux en forêt, notamment les travaux sur les chablis, sont dangereux, voire très dangereux.
Les statistiques de la MSA sur les accidents montrent clairement que les non-salariés, notamment les exploitants agricoles, en particulier les jeunes agriculteurs, ont été beaucoup plus souvent victimes de ces accidents que les salariés.
Je comprends votre sentiment, mais, avec ces amendements, vous jetez les agriculteurs dans la gueule du loup, en l'occurrence dans l'insécurité !
M. Gérard César. J'ai manié la tronçonneuse, monsieur le ministre, et je suis encore là !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Soit, mais je vous livre la réalité des statistiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 72 rectifié et 87.
M. Gérard César. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Il n'est pas question que les agriculteurs prennent le travail des forestiers et qu'ils dégagent des chablis. Il s'agit de leur laisser la possibilité, pour leurs propres besoins et sur leur exploitation, de manier une tronçonneuse, puisqu'ils conduisent un tracteur ou manipulent du matériel agricole.
Par ailleurs, lors des sinistres, l'année dernière notamment, qu'aurions-nous fait si les agriculteurs n'avaient pas dégagé les routes ? Heureusement que l'on n'a pas attendu les agents de la DDE ! Désormais, dans mon département en tout cas, les pompiers ont l'interdiction formelle de dégager les routes lorsque des arbres les encombrent !
Dans ces conditions, qui fera ce travail ? Qui aidera nos concitoyens ? Qui servira nos administrés ? Les agriculteurs, eux, l'ont fait et le feront, et bénévolement !
Si l'on poursuit dans la voie l'excès, il faudra bientôt un diplôme pour traire les vaches. Où allons-nous !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur César, je vous parle sérieusement, sans démagogie.
M. Gérard César. Moi aussi, je parle sérieusement !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Tous ceux qui ont eu un accident savaient manier la tronçonneuse.
M. Gérard César. ... mais pas déblayer des chablis !
M. Jean Bernard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Il s'agissait de circonstances exceptionnelles : nous n'aurons pas tous les ans à déblayer des chablis !
Certes, cela comporte des risques et des accidents se sont produits.
Cependant, on ne va toute de même pas demander un diplôme pour pouvoir utiliser une tronçonneuse ou couper le bois nécessaire au chauffage familial. Ne compliquons pas les choses !
M. Jacques-Richard Delong. La rédaction est mauvaise !
M. Philippe François, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Je rappelle qu'il s'agit en l'occurrence de travaux effectués chez autrui moyennant rémunération.
M. Ladislas Poniatowski. Absolument !
M. Philippe François, rapporteur. Il ne s'agit donc pas des travaux réalisés chez soi.
M. Jacques-Richard Delong. Le texte est mal rédigé !
M. Hilaire Flandre. On est en train de compliquer les choses à souhait !
M. Gérard César. On en reparlera !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 72 rectifié et 87, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 114 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Articles 6 bis A et 6 ter