SEANCE DU 21 JUIN 2001


M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 18, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'intitulé du chapitre II du titre premier du livre troisième du code civil est ainsi rédigé :

« Chapitre II
« Des qualités requises pour succéder
De la preuve de la qualité d'héritier

« II. - Les articles 725 à 729 du code civil sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Section I
« Des qualité requises pour succéder

« Art. 725. - Pour succéder, il faut exister à l'instant de l'ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable.
« Peut succéder celui dont l'absence est présumée selon l'article 112.
« Art. 725-1. - Lorsque deux personnes, dont l'une avait vocation à succéder à l'autre, périssent dans un même événement, l'ordre des décès est établi par tous les moyens.
« Si cet ordre ne peut être déterminé, la succession de chacune d'elles est dévolue sans que l'autre y soit appelée.
« Toutefois, si l'un des co-décédés laisse des descendants, ceux-ci peuvent représenter leur auteur dans la succession de l'autre lorsque la représentation est admise.
« Art. 726. - Sont indignes de succéder et, comme tels, exclus de la succession :
« 1° celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ;
« 2° celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.
« Art. 727 - Peuvent être déclarés indignes de succéder :
« 1° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ;
« 2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner ;
« 3° Celui qui est condamné pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle ;
« 4° Celui qui est condamné pour s'être volontairement abstenu d'empêcher soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle du défunt d'où il est résulté la mort, alors qu'il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers ;
« 5° Celui qui est condamné pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue.
« Art. 727-1 - La déclaration d'indignité prévue à l'article 727 est prononcée après l'ouverture de la succession par le tribunal de grande instance à la demande d'un autre héritier. La demande doit être formée dans les six mois du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès, ou dans les six mois de cette décision si elle est postérieure au décès.
« En l'absence d'héritier, la demande peut être formée par le ministère public.
« Art. 728 - N'est pas exclu de la succession le successible frappé d'une cause d'indignité prévue aux articles 726 et 727, lorsque le défunt, postérieurement aux faits et à la connaissance qu'il en a eue, a précisé, par une déclaration expresse de volonté en la forme testamentaire, qu'il entend le maintenir dans ses droits héréditaires ou lui a fait une libéralité universelle ou à titre universel.
« Art. 729 - L'héritier exclu de la succession pour cause d'indignité est tenu de rendre tous les fruits et tous les revenus dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.
« Art. 729-1 - Les enfants de l'indigne ne sont pas exclus pour la faute de leur auteur, soit qu'ils viennent à la succession de leur chef, soit qu'ils y viennent par l'effet de la représentation ; mais l'indigne ne peut, en aucun cas, réclamer, sur les biens de cette succession, la jouissance que la loi accorde aux père et mère sur les biens de leurs enfants. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 65, présenté par MM. Lagauche, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article 727 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Celui qui, après avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, s'est donné la mort. »
Par amendement n° 62, MM. Lagauche, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 722 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 722. - Lorsque deux personnes, dont l'une avait vocation à succéder à l'autre, périssent dans le même événement, l'ordre des décès est établi par tous moyens.
« Si cet ordre ne peut être déterminé, la succession de chacune d'elles est dévolue sans que l'autre y soit appelée.
« Toutefois, si l'un des codécédés laisse des descendants, ceux-ci peuvent représenter leur auteur dans la succession de l'autre lorsque la représentation est admise. »
Par amendement n° 61, MM Charasse, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 1° de l'article 727 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Celui qui, après avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, s'est donné la mort ; ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n°18.
M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit, pour l'essentiel, de l'abandon de la théorie des comourants et de la personnalisation de l'indignité.
La commission a souhaité créer de nouveaux cas d'indignité, en leur donnant le plus souvent un caractère facultatif pour le juge. Elle souhaite, par ailleurs, mettre fin à l'injustice dont sont victimes les enfants de l'indigne. Ces derniers, qui n'ont commis aucune faute, pourront désormais représenter leur auteur dans la succession dont il est exclu.
M. le président. La parole est à M. Lagauche, pour défendre le sous-amendement n° 65, ainsi que les amendements n°s 62 et 61.
M. Serge Lagauche. Le sous-amendement n° 65 s'explique par son texte même.
J'en viens à l'amendement n° 62.
L'article 722 du code civil prévoit que, à égalité d'âge ou si la différence qui existe n'excède pas une année, si un homme et une femme périssent dans le même événement, l'homme est présumé avoir survécu à la femme.
Cet amendement propose d'abandonner cette théorie des comourants et prévoit que ces derniers sont, en l'absence de preuve contraire, décédés au même instant. Il prévoit également que la succession de l'un est dévolue sans que l'autre y soit appelé.
Toutefois, si l'un des codécédés laisse des descendants, ceux-ci peuvent représenter leur auteur dans la succession de l'autre lorsque la représentation est admise.
J'en viens enfin à l'amendement n° 61.
Actuellement, l'article 727 du code civil prévoit que sont indignes de succéder, et comme tels exclus de la succession : celui qui sera condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse et l'héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice.
Le présent amendement propose d'ajouter à cette liste celui qui, après avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, s'est donné lui-même la mort. En effet, en l'état actuel de notre droit, la famille de ce dernier peut être amenée à lui succéder, privant ainsi la famille de la victime de tout héritage, si, par exemple, le défunt, n'ayant pas de descendants, avait fait une donation au dernier vivant à l'assassin, son mari.
Un cas similaire a été jugé par le tribunal de Montluçon, qui a fait une application stricte de l'article 727. En effet, ayant constaté que l'intéressé n'avait pas été condamné puisque l'action publique a été éteinte par son suicide, il a attribué tous les biens à la famille de l'assassin, y compris ceux de son épouse morte peu avant lui.
La cour d'appel de Riom a réformé le jugement de Montluçon, en s'écartant totalement de l'article 727 et en estimant que les violences subies par la femme assassinée et la résistance qu'elle a manifestée face à l'intention de tuer dont elle était la victime l'avaient certainement conduite à révoquer sa donation. Dès lors que la loi n'impose pas une révocation écrite et n'interdit pas une révocation tacite, il convenait de considérer que le mari assassin ne pouvait être l'héritier.
On ignore ce que décidera la Cour de cassation si elle est saisie, mais elle peut parfaitement revenir au raisonnement du tribunal de Montluçon.
Je saisis donc cette occasion pour proposer de modifier l'article 727 du code civil. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 65 et sur les amendements n°s 62 et 61 ?
M. Nicolas About, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 65 et défavorable aux amendements n°s 62 et 61.
L'amendement n° 62 est satisfait ; par conséquent, la commission en souhaite le retrait.
Quant à l'amendement n° 61, il se rattache à l'article 727 du code civil et non pas aux articles de la proposition de loi, mais je pense a priori qu'il est satisfait également.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements et sur le sous-amendement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Ma position va surprendre, car je vais dire que je suis défavorable aux trois amendements et au sous-amendement, tout en estimant que la navette nous permettra de travailler sur le problème des comourants. C'est en effet un point qu'il faudra revoir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 65, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 9, et les amendements n°s 62 et 61 n'ont plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 9