SEANCE DU 27 JUIN 2001
Mais, par amendement n° 115, MM. Eckenspieller, Haenel, Ostermann proposent de
le rétablir dans la rédaction suivante :
« Toute personne recrutée dans l'une des trois fonctions publiques, soit par
voie directe, soit à l'issue d'un concours, peut être classée, en qualité de
stagiaire, à l'échelon de son grade en tenant compte de ses années d'expérience
professionnelle dûment attestées et accomplies dans des emplois antérieurs.
Dans ce cas, la durée dans chaque échelon est validée au temps maximum. »
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Cet amendement avait été adopté par le Sénat en première lecture.
L'Assemblée nationale l'a supprimé. Je mets une certaine obstination à le
défendre une nouvelle fois car il me paraît tout à la fois s'inscrire dans la
logique du projet de loi dont nous débattons, rendre un service attendu aux
collectivités locales, répondre à la dignité des hommes et des femmes qui
choisissent d'intégrer le service public après un parcours plus ou moins long
dans le secteur privé et, de surcroît, très simple à mettre en oeuvre.
L'objection selon laquelle la disposition proposée n'aurait pas sa place dans
le projet de loi en discussion ne me paraît pas vraiment recevable.
En effet, outre le fait que le projet de loi de modernisation sociale touche
des domaines extrêmement hétéroclites, il est quand même très fortement orienté
en direction des problèmes que pose le devenir des salariés licenciés, d'une
part, de la volonté de garantir une réelle reconnaissance de l'expérience
professionnelle, d'autre part. Les mutations économiques qui caractérisent
notre société conduisent de plus en plus d'hommes et de femmes à rechercher un
nouvel employeur.
Pour certains d'entre eux, cet employeur sera l'Etat, une collectivité
territoriale ou un établissement hospitalier.
Or le fait de débuter, quel que soit son âge et quelle que soit son expérience
professionnelle, au premier échelon de son grade, comme un jeune venant
d'achever sa formation initiale, est fondamentalement injuste, douloureusement
ressenti par les intéressés et généralement dissuasif, tant l'écart entre la
rémunération proposée et la rémunération attendue est important.
J'ai personnellement l'occasion d'en constater les conséquences désastreuses
en ma qualité de président d'un centre de gestion, plus particulièrement encore
dans le cadre du plan de reconversion du bassin potassique alsacien, dont la
fermeture est imminente.
L'employeur public doit renoncer à l'embauche de collaborateurs qui lui
seraient précieux, et le demandeur d'emploi est condamné à poursuivre sa
recherche, souvent difficile, auprès des entreprises locales.
Il ne s'agit en aucune manière de toucher au principe de l'accès au grade par
la voie du concours ; il s'agit uniquement de classer, dans ce grade, l'agent
concerné à l'échelon qui eût été le sien s'il avait accompli son parcours
professionnel antérieur dans la fonction publique.
La difficulté de recrutement dans certaines fonctions hospitalières a
d'ailleurs déjà conduit à adopter une procédure analogue. Il s'agit, en
l'occurrence, de la généraliser à l'ensemble de la fonction publique.
L'argument du coût d'une telle mesure ne me paraît pas non plus pouvoir être
retenu, et ce pour deux raisons : elle ne s'appliquerait pas d'une manière
rétroactive - aucun employeur public n'est contraint d'embaucher des agents
ayant déjà une certaine ancienneté professionnelle - et si la disposition
proposée ouvre la possibilité de valider l'expérience professionnelle, dûment
attestée, elle n'en fait pas une obligation.
Je suis convaincu que la possibilité ainsi ouverte faciliterait les opérations
de recrutement dans la fonction publique, enrichirait cette dernière d'éléments
de qualité et, surtout, irait dans le sens de la dignité des personnels
concernés.
Pour toutes ces raisons, il me paraîtrait particulièrement opportun d'adopter
cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
En première lecture, la commission s'en était remise à la
sagesse du Sénat sur cet amendement, qui avait été adopté pour devenir
l'article 40
bis
du projet de loi.
J'avais alors relevé qu'il permettait de répondre à un réel problème, celui du
recrutement dans la fonction publique des personnes ayant déjà une expérience
professionnelle.
J'observe néanmoins que l'amendement soulève deux difficultés. D'abord, il
introduit une confusion sur la nature de la validation ; celle-ci vise à
prendre en compte l'expérience pour obtenir une certification et non pour
obtenir un poste ou une rémunération. Ensuite, il prévoit une entorse au
principe d'égalité d'accès à la fonction publique par la voie du concours ; il
instaure en effet un recrutement par voie directe, sans pour autant en préciser
les modalités.
Au demeurant, il a le mérite de soulever un réel problème. La commission s'en
remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je ne peux à ce jour soutenir cet amendement.
M. Jean Chérioux.
Et demain ?
M. Daniel Eckenspieller.
Cela nous encourage !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets au voix l'amendement n° 115, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 40
bis
est rétabli dans cette rédaction.
Article 41