SEANCE DU 28 JUIN 2001
. »
Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Christian de La Malène.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
voterai pas le projet de loi autorisant la ratification du traité de Nice qui
nous est soumis aujourd'hui.
Beaucoup de raisons me dictent cette attitude. J'en énumérerai seulement
trois.
La première m'est fournie par le souvenir des conditions dans lesquelles
furent ratifiés les traités européens de ces dernières années.
Rappelez-vous.
Maastricht, d'abord. L'inadaptation et l'insuffisance des institutions pour
gérer démocratiquement les compétences transférées étaient déjà flagrantes. A
ceux qui s'en inquiétaient, il fut répondu : « Ne vous faites pas de souci. Ce
point capital sera réglé lors du rendez-vous de 1996. »
Et le Parlement se résigna.
Vint 1996 ; ce fut Amsterdam. Pas plus de réformes. Même réponse et même
promesse pour calmer les préoccupations : « Soyez sans crainte, il y aura Nice.
»
Et le Parlement se résigna encore.
Les mois suivants furent riches en propos fermes et définitifs. Je n'aurai pas
la cruauté de les rappeler.
Et aujourd'hui, il y a eu Nice, et l'échec, nous le savons tous, est aussi
patent. Mais l'on nous dit toujours : « Rendez-vous en 2004. »
Et le Parlement va se résigner.
L'Europe devait être pour les nations et pour les peuples symbole d'espoir et
capacité de relever les défis. A qui faire croire que cette Europe de la
résignation est la bonne voie pour atteindre ces objectifs ?
Ma deuxième raison vient de l'oubli ou de la mise à l'écart des opinions
publiques.
Les rares fois où les peuples ont été consultés, le moins que l'on puisse
dire, c'est que leurs avis ont été réservés. Aussi, aujourd'hui, on ne les
consulte plus guère, et quand on a été obligé de le faire, on s'efforce de
tourner leurs opinions ou de ne pas en tenir compte et même parfois - ô
scandale - on le dit !
Comment les peuples pourraient-ils ne pas ressentir cette terrible, mortelle
contradiction entre les appels en faveur de l'Europe et le refus de les
consulter ou de les associer à l'entreprise ?
Ma troisième raison est fondée sur les conclusions que beaucoup d'observateurs
ont tirées des débats et des résultats de Nice.
Il leur est apparu que la Grande-Bretagne devait se réjouir ; qu'elle pouvait
y voir un pas significatif vers cette Europe à l'anglaise qu'elle soutient.
Il leur est apparu que l'Allemagne ne devait pas être mécontente non plus ;
qu'elle pourrait y trouver un pas supplémentaire et important dans sa marche,
entamée depuis un certain temps, vers une position dominante en Europe,
position qu'elle estime devoir lui revenir du fait de sa situation et de son
poids.
Mais la France, où trouve-t-elle trace de ses thèses et de ses points de vue ?
Où est-il question d'une Europe indépendante, d'une Europe puissance, d'une
Europe attentive à ses valeurs, notamment culturelles et sociales ?
Cette Europe de la résignation, cette Europe loin des peuples, cette Europe
oublieuse de ses valeurs, cette Europe n'est pas celle dont beaucoup ont rêvé,
beaucoup dont j'étais, et à laquelle j'ai consacré une grande partie de ma vie
politique. Près de son terme, aujourd'hui, je ne me résigne pas à croire qu'il
n'y ait pas un autre chemin, un chemin plus près des peuples et plus près des
nations, un chemin à proposer à ces Européens de plus en plus désenchantés.
(Applaudissements sur certaines travées du groupe communiste républicain et
citoyen. - MM. de Gaulle, Hamel et Masson applaudissent également.)
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux
pas, dans l'idée que j'ai de la France, accepter la ratification de ce funeste
traité qui, dans le chemin déjà tracé par les traités de Maastricht et
d'Amsterdam, aboutit, en fait, à accélérer la destruction progressive de la
souveraineté de la France, notre patrie.
Il est dramatique que, dans l'indifférence quasi générale de l'opinion
publique, le Parlement de la nation française accomplisse ce geste au seuil du
troisième millénaire, après mille cinq cents ans d'histoire de France, et
programme à nouveau la destruction de notre patrie.
(MM. de Gaulle, de La
Malène et Masson applaudissent.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Majorité absolue des suffrages | 149 |
Pour l'adoption | 288 |
Contre | 8 |
(M. Christian Poncelet remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
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