SEANCE DU 17 OCTOBRE 2001


M. le président. « Art. 6 ter A. - I. - L'article L. 224-1 du code de la route est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le dépassement de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée est établi au moyen d'un appareil homologué et lorsque le véhicule est intercepté, les dispositions du présent article sont applicables au conducteur. »
« II. - L'article L. 224-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le dépassement de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée est établi au moyen d'un appareil homologué et lorsque le véhicule est intercepté, les dispositions du présent article sont applicables au conducteur. »
« III. - A l'article L. 224-3 du même code, les mots : "le cas prévu au premier alinéa" sont remplacés par les mots : "les cas prévus aux premier et troisième alinéas". »
L'amendement n° 52, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 6 ter A. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'article 6 ter A tend à permettre aux officiers et agents de police judiciaire de retenir à titre conservatoire le permis de conduire d'un conducteur lorsqu'un dépassement de 40 kilomètres à l'heure ou plus de la vitesse maximale autorisée est établi au moyen d'un appareil homologué et que le véhicule est intercepté.
Cette mesure n'existe actuellement qu'en cas de conduite sous l'empire d'un état alcoolique. S'il est indispensable, en effet, d'empêcher un conducteur ivre de reprendre le volant, il n'est pas absolument certain qu'un conducteur en excès de vitesse va nécessairement récidiver aussitôt après avoir été interpellé.
Par ailleurs, certains faits plus graves que les excès de vitesse, tels que le non-respect d'une obligation de s'arrêter - feu rouge ou stop -, ne peuvent donner lieu à un retrait immédiat du permis de conduire, ce qui ne confère donc pas une grande cohérence à la mesure préconisée.
Enfin, il faut rappeler que, en 1999, le législateur a créé un délit de récidive de grand excès de vitesse applicable à l'encontre d'un conducteur dépassant la vitesse maximale autorisée de plus de 50 kilomètres à l'heure dans l'année suivant une condamnation définitive pour la même infraction. Alors, pourquoi retenir un seuil différent aujourd'hui ?
Tout cela nous paraît curieux et, en vérité, n'a pas forcément sa place dans ce texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'avantage d'une nouvelle lecture est de permettre d'aller plus vite puisque l'argumentation a déjà été développée lors de la première lecture !
La disposition que l'amendement n° 52 a pour objet de supprimer vise à étendre la possibilité de retenir le permis de conduire d'un conducteur ayant commis un excès de vitesse de plus de 40 kilomètres à l'heure. Cette possibilité est aujourd'hui limitée au cas du conducteur ayant une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,8 gramme par litre.
Ne pouvant donner mon accord à la suppression d'une disposition qui contribue à la sécurité routière, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 52.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Avec cet amendement, la commission des lois nous propose de modérer la répression en matière de délits de grande vitesse, en refusant, concrètement, que des officiers de police judiciaire ou des agents de police judiciaire puissent procéder au retrait immédiat du permis de conduire et à immobilisation du véhicule, comme cela se fait actuellement en cas d'alcoolémie.
Je déplore très vivement cette position. C'est une attitude - je tiens à le dire - qui n'est pas très responsable.
Selon le rapport qui vient d'être remis par l'Observatoire interministériel de la sécurité routière, 61 % des automobilistes dépassent la vitesse autorisée. Sur les autoroutes de liaison, le dépassement moyen est de 27 kilomètres à l'heure.
Les routes de France ont été particulièrement meurtrières l'été dernier, le nombre de morts ayant augmenté, en septembre 2001, de 6,5 % par rapport à septembre 2000.
Le nombre de jeunes enfants tués sur les routes est en augmentation. Cette hausse est due en partie à une vitesse plus élevée.
On ne peut pas se permettre, au vu de ces chiffres, d'être laxiste avec la sécurité routière et de ne pas s'appuyer sur l'effet dissuasif de la mesure présentée par l'article 6 ter A. Les associations des victimes de la route ont pu en effet opérer un lien entre ces mauvais chiffres et la perspective de l'amnistie, ce qui prouve bien l'intérêt du texte retenu par l'Assemblée nationale.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen refusent de légitimer le comportement à risque des automobilistes en approuvant l'amendement n° 52.
M. Paul Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je comprends tout à fait l'argumentation qui vient de nous être exposée. A titre personnel, je suis favorable à ce que des mesures draconiennes soient prises à l'encontre des conducteurs qui commettent des excès de vitesse importants. Mais je regrette que la tolérance zéro soit applicable aux seuls automobilistes et pas aux auteurs d'autres délits.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est plus facile pour les automobilistes !
M. Paul Blanc. D'autres faits aussi délictueux, qui empoisonnent la vie de nos concitoyens, ne sont pas soumis aux mêmes règles que celles que l'on applique aux automobilistes.
M. Patrick Lassourd. Absolument !
M. Paul Blanc. Certes, ces derniers sont très faciles à attraper et à contrôler. Mais, je le répète, je regrette que d'autres actes délictueux, dans d'autres domaines, ne fassent pas l'objet de la tolérance zéro. Je m'abstiendrai donc sur cet amendement.
M. Gérard Miquel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Il serait extrêmement dommage que l'on adoptât un tel amendement dans notre assemblée.
En effet, la recrudescence des accidents de la route, tout comme le nombre des morts, trop important dans notre pays, nous amènent à être restrictifs et à suivre la voie sur laquelle nous nous sommes engagés avec la loi sur la sécurité routière.
Ce serait du laxisme que de revenir à un dispositif laissant impunis des automobilistes qui circulent à grande vitesse.
M. Jean-Jacques Hyest. Ils ne sont pas impunis !
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sont très révélatrices d'un comportement désastreux qui consiste à ne pas se donner les moyens d'appliquer les dispositions existantes et, faute d'avoir pu les appliquer, à les renforcer sur le papier. C'est absurde, et considérer que de telles mesures sont susceptibles de mettre fin aux inconvénients et même aux drames qu'elles prétendent faire cesser revient à abuser de la crédulité du public.
Comme tout le monde, je condamne et je juge extrêmement dangereux les excès de vitesse. Mais j'observe que nous manquons de moyens pour faire respecter les dispositions déjà existantes.
Les excès de vitesse sont dus essentiellement au fait que la sanction est devenue, dans l'esprit des automobilistes, une loterie, où l'on perd rarement ! Si la sanction présentait un degré de probabilité suffisant, les textes actuels seraient peut-être mieux appliqués. Dans ces conditions, le fait d'augmenter toujours la dose sur le papier ne sert strictement à rien.
En outre, je voudrais que l'on respecte un peu plus le Parlement en lui présentant des éléments d'appréciation plus précis. Je ne sache pas que nous soyons saisis de statistiques détaillées sur l'origine des accidents de la route. Or cela nous serait absolument nécessaire pour pouvoir délibérer en connaissance de cause. Je dispose de statistiques établissant que, de très loin, les voies sur lesquelles les automobilistes roulent le plus vite sont celles sur lesquelles il y a le moins de morts : ainsi, il y a six fois plus de morts sur les routes où l'on roule le moins vite que sur les autoroutes.
M. Henri de Richemont. Faisons des autoroutes !
M. Michel Caldaguès. Construisons des autoroutes, c'est une bonne réponse ! On en construit déjà pas mal, et, s'il n'y avait pas les écologistes, on en réaliserait un peu plus encore !
Dans ces conditions, exigeons les moyens de faire respecter la réglementation existante et ne procédons pas systématiquement par overdose de sanctions : il ne sert à rien de faire toujours reculer les limites de la sanction parce que l'on sait qu'elle ne sera jamais appliquée ! Cela relève en effet de l'hypocrisie pure et simple. Par conséquent, je me rallierai à la position de la commission.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je voudrais revenir à une réflexion de bon sens que j'ai souvent développée : chaque fois que des nouveaux modèles de voitures françaises ou étrangères sortent dans le commerce, leurs performances en matière de vitesse sont systématiquement mises en avant. Par conséquent, si l'on veut qu'un jour, en France - je ne parle pas de l'Europe, car les dispositions ne sont pas partout semblables -, tout le monde respecte les limitations de vitesse, il ne faut plus mettre sur le marché des voitures roulant à 200, à 210, ou à 250 kilomètres à l'heure.
On me rétorquera que cela pose un problème de commerce, de marketing, de concurrence internationale. Mais il faut savoir ce que l'on veut ! Si l'on veut vraiment que les Français ne dépassent pas une certaine vitesse, il faut faire en sorte que les voitures ne puissent pas la dépasser !
M. Henri de Richemont. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Je poserai simplement une question à M. le ministre : est-il illusoire de penser que l'on pourra, un jour, harmoniser au niveau européen les limitations de vitesse ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. On verra !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 ter A est supprimé.

Article 6 ter