SEANCE DU 30 OCTOBRE 2001
ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 214 rectifié
2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale aprés déclaration d'urgence,
rénovant l'action sociale et médico-sociale. [Rapport n° 37 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui
réforme en profondeur l'une des deux lois du 30 juin 1975, la loi relative aux
institutions sociales et médico-sociales. Il constitue le point d'aboutissement
de cinq années de réflexions et de travaux alimentés par une concertation
approfondie avec l'ensemble des partenaires du secteur social et
médico-social.
La loi sur les institutions sociales et médico-sociales a représenté une étape
décisive dans l'histoire de l'action sociale de notre pays.
Il est en effet indéniable que cette loi, combinée à la loi d'orientation en
faveur des personnes handicapées, de la même date, a directement favorisé un
large développement d'établissements et de services dédiés à l'enfance en
danger, à la protection de la famille, aux enfants et adultes handicapés, aux
personnes âgées et aux personnes en situation de grande précarité et
d'exclusion.
Ainsi, à ce jour, il existe, dans notre pays, plus de 24 500 établissements ou
services représentant plus d'un million de places et occupant plus de 400 000
salariés. Ces entités correspondent à des financements publics importants,
puisqu'il s'agit, au total, de 86 milliards de francs, dont 9 milliards de
francs proviennent du budget de l'Etat, 33 milliards de francs, des
départements, et 44 milliards de francs, de l'assurance-maladie.
Vingt-cinq ans après l'adoption de cette loi essentielle, sa refondation était
devenue une nécessité. Certes, cette loi a été plusieurs fois modifiée,
notamment en 1983 et en 1986, afin de prendre en compte les effets des lois de
décentralisation dans ce secteur.
Cependant, au-delà de ces ajustements, une rénovation complète s'imposait.
Tout d'abord, la personne accueillie doit être au centre du dispositif social
et médico-social qui a été créé pour la satisfaction de ses besoins, dans le
respect de sa dignité et de son intégrité. De récents événements - je pense à
l'APAJH de l'Yonne, pour ce qui concerne le handicap, ou encore à certains
accueils familiaux de l'Hérault, qu'il a fallu fermer il y a moins de quinze
jours - nous rappellent l'exigence d'une vigilance de tous les instants en la
matière.
En outre, la possibilité d'innover et d'expérimenter des structures nouvelles
répondant à de nouveaux besoins, pourtant voulue par les auteurs de la loi et
par les parlementaires de l'époque, n'a pas été suffisamment exploitée.
Enfin, la loi, même modifiée par la suite, n'a pas été dotée, pour sa mise en
oeuvre, d'outils performants pour organiser de manière cohérente une offre
sociale, médico-sociale et médico-éducative en fort développement.
La réponse en termes d'établissements et de placement permanent, qui prévalait
en 1975, n'apparaît plus pertinente aujourd'hui, chacun en conviendra. Elle
doit coexister désormais avec des services plus ouverts, des services d'accueil
temporaire ou de jour. Tout simplement, les besoins des personnes ont changé et
se sont diversifiés les réponses doivent donc être adaptées ; à cette
évolution.
Ce point a été parfaitement mis en lumière tant par le rapport de l'inspection
générale des affaires sociales relatif au bilan de l'application de cette
législation, datant de décembre 1995, que par différents rapports
parlementaires.
On soulignait également, dans ces observations, l'insuffisance du partenariat
entre les conseils généraux et les services de l'Etat, alors qu'il existe de
très larges champs de compétences croisées, notamment pour ce qui concerne les
personnes âgées dépendantes ou les adultes handicapés, le caractère trop
disparate, voire l'inexistence, des schémas sociaux et médico-sociaux, ainsi
que d'importantes disparités sur le territoire pour ce qui est du niveau en
équipements, établissements et services.
Ces insuffisances, la loi entend y remédier.
Refonder la loi de 1975 s'avère aujourd'hui une obligation. J'irai même plus
loin, c'est en la rénovant profondément que, un quart de siècle après son
adoption, nous resterons fidèles à son esprit, soucieux de répondre au mieux
aux besoins des personnes concernées et de leurs familles, soucieux aussi
d'apporter des réponses individualisées et diverses.
Deux grands principes président à cette rénovation : d'une part, garantir un
plus grand repect des libertés - un meilleur respect des droits de l'homme -
grâce au développement des droits des usagers et à la promotion de l'innovation
sociale et médico-sociale ; d'autre part, instaurer dans le même temps une
transparence accrue dans l'organisation du secteur, grâce à une clarification
des procédures de pilotage du dispositif.
A partir de ces deux principes, la loi se développe autour de quatre
orientations.
La première est relative à l'affirmation des droits des bénéficiaires et de
leur entourage en définissant les droits fondamentaux des personnes et en
précisant les modalités d'exercice de ces droits, qu'il s'agisse de la charte
de la personne accueillie, du règlement intérieur, du contrat ou document
individualisé garantissant l'adaptation de la prise en charge, de la
possibilité de recourir à un médiateur, du projet d'établissement fondé sur un
projet de vie, d'animation et de socialisation, ou de la participation à des «
conseils de la vie sociale » rénovés.
Assurer la dignité, l'intégrité et la citoyenneté dans toutes les
circonstances, tel est l'enjeu, comme l'a compris le Gouvernement en agissant
en faveur des personnes en situation d'exclusion.
La loi de modernisation du système de santé, d'ores et déjà adoptée par
l'Assemblée nationale en première lecture, renforcera les droits des malades.
Nous avons souhaité, à l'occasion de ce texte rénovant la loi de 1975, affirmer
que les usagers du secteur social et médico-social doivent se voir offrir un
choix de vie respectueux de leurs attentes et garantir leur intégrité physique
et morale.
La deuxième orientation a trait à l'élargissement des missions de l'action
sociale et médico-sociale, et à la diversification des interventions des
établissements et services concernés.
Il s'agit tout à la fois de prendre en compte les actions d'information, de
prévention, de conseil et d'orientation, les actions d'adaptation, de
réadaptation, d'insertion, d'accompagnement social et de développement social
dans un cadre institutionnel ou à domicile et en milieu ouvert, et de donner
une existence aux prises en charge nouvelles, avec ou sans hébergement, à titre
permanent ou temporaire, en internat, semi-internat, externat, à domicile ou en
accueil familial.
Le texte confère également une base légale aux structures nouvelles de lutte
contre l'exclusion, aux services d'aide à domicile ainsi qu'aux lieux de vie et
aux centres de ressources proposant aide et conseils aux familles comme aux
professionnels.
Le texte favorisera la convergence entre politique du vieillissement et
politique du handicap, en renforçant la base légale pour une réglementation des
foyers à double tarification et en facilitant l'extension des services à
domicile aux personnes adultes handicapées. Il favorisera également la création
de services polyvalents de soutien à domicile, dépassant la coupure entre
sanitaire et social.
La troisième orientation vise à améliorer la gestion du pilotage du dispositif
par la mise en place d'une planification médico-sociale plus efficace, avec
l'instauration de véritables schémas sociaux et médico-sociaux pluriannuels ;
par la rénovation du régime des autorisations et par la diversification des
règles de tarification.
La quatrième orientation concerne la coordination des décideurs. Il s'agit
d'organiser de façon plus transparente leurs relations en améliorant les
procédures de concertation et de partenariat. C'est ainsi que le comité
national et les comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale
verront leurs missions étendues au repérage des grands problèmes sociaux et
médico-sociaux.
De même est prévue l'instauration d'une convention entre le préfet et le
président du conseil général afin de définir les objectifs, les procédures et
les moyens du partenariat à instaurer ainsi que la mise en place d'un système
d'information commun entre l'Etat, les départements et les organismes
d'assurance-maladie.
Il s'agit, ensuite, d'instaurer, avec les établissements, des contrats
pluriannuels d'objectifs et de moyens, afin de favoriser non seulement la
réalisation des orientations des schémas sociaux et médico-sociaux mais aussi
la mise en oeuvre des projets d'établissement.
Il s'agit, enfin, de stimuler les actions de coopération entre établissements
et services pour développer des complémentarités entre établissements, pour
garantir la continuité des prises en charge, pour promouvoir des réseaux
sociaux et médico-sociaux coordonnés et pour décloisonner le secteur sanitaire
et le secteur social.
Au terme de la présentation de ses grandes orientations, je souhaite revenir
sur l'esprit de ce texte.
Ce projet de loi reconnaît les initiatives sociales et l'organisation du
partenariat entre les opérateurs sociaux ou médico-sociaux et les collectivités
publiques.
L'action sociale dans notre pays s'est largement construite à partir
d'initiatives associatives, pour pallier certaines carences de l'action
publique ou tout simplement pour bâtir les premières réponses trouvées à de
nouvelles problématiques sociales en voie d'émergence.
Ce sont des associations de parents qui ont fondé le dispositif de prise en
charge de l'enfance inadaptée. Ce sont des militants et des bénévoles venus
d'horizons extrêmement divers, originaires des milieux de l'action
confessionnelle, de l'action ouvrière, du patronat chrétien, des associations
familiales, des mouvements de jeunes et d'éducation populaire, qui ont pris les
premières initiatives en matière d'aide à domicile, de mise en place de
structures de lutte contre l'exclusion, de réinsertion de jeunes délinquants ou
de jeunes en danger.
L'action publique s'est considérablement affirmée dans ce secteur depuis 1975
; elle s'est surtout considérablement diversifiée grâce à la
décentralisation.
Les associations conservent cependant un rôle essentiel dans la promotion et
la gestion de projets d'action sociale. Elles jouent toujours un rôle
irremplaçable d'éclaireur pour répondre à de nouveaux besoins ou à de nouveaux
problèmes sociaux.
En jetant un coup d'oeil en arrière sur les quinze ou vingt dernières années,
nous constatons à quel point de nouvelles générations de la vie associative ont
su continuer à assurer ce rôle : lutte contre le sida, lutte contre la
toxicomanie et réinsertion des toxicomanes, éducation permanente, accueil des
personnes les plus marginalisées, insertion par l'activité économique, etc.
Cette énumération, qui, bien sûr, n'est pas limitative, illustre le rôle
d'éclaireur que peut jouer le mouvement associatif.
La reconnaissance de son droit à l'initiative sociale passe par un partenariat
rénové avec le mouvement associatif. C'est l'un des axes du pacte souscrit par
le Gouvernement avec les associations à l'occasion du centenaire de la loi de
1901.
Les associations, même si elles ont un rôle prépondérant dans la gestion de
l'action sociale et médico-sociale, ne sont toutefois pas les seuls acteurs de
ce secteur. Les établissements publics jouent ainsi un rôle très important en
matière de prise en charge des personnes âgées.
M. Paul Blanc,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
C'est vrai !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Les établissements publics pour personnes âgées ont
été pendant longtemps les « parents pauvres » de l'hospitalisation, de même que
l'action médico-sociale auprès des personnes âgées était globalement à la
traîne, en termes de moyens, dans le champ social.
Je tiens à dire à cette tribune qu'ils seront conduits à jouer un rôle
déterminant au regard de ce défi majeur que constituera, au cours des trente
prochaines années, la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes
âgées. Le Gouvernement les appuiera.
Enfin, le champ du médico-social s'est ouvert, depuis 1975, à des initiatives
privées à caractère commercial. Il faut savoir prendre acte sans a priori
idéologique de cette ouverture.
Pour autant, l'organisation de la complémentarité entre les divers opérateurs
doit éviter toute confusion des genres. A cet égard, il convient d'éviter tout
glissement vers une conception patrimoniale des autorisations liées à la
planification sociale. Par ailleurs, il ne faudrait pas perdre de vue l'intérêt
qui s'attache aux critères de désintéressement et de non-lucrativité, sur le
plan éthique, certainement, mais aussi sur le plan juridique et administratif.
C'est en effet une distinction nécessaire, dans le cadre des débats que nous
menons sur le plan européen, pour que les structures non lucratives d'utilité
sociale ne soient pas totalement soumises aux règles de concurrence et de
fiscalité conçues pour les entreprises.
Telles sont les trois catégories d'opérateurs avec lesquels les pouvoirs
publics doivent organiser un partenariat mieux régulé, mieux éclairé aussi
grâce au développement de l'évaluation.
Quand je dis « pouvoirs publics », je pense à la fois aux autorités
nationales, aux collectivités décentralisées, aux pouvoirs publics nationaux et
locaux. Le projet de loi qui vous est soumis va, je le pense, dans le sens
d'une meilleure articulation entre les responsabilités de l'Etat et des
départements.
Je ne partage pas, sur ce point, les interrogations ou les réserves qui
transparaissent dans le rapport de la commission et sur lesquelles je
reviendrai au fur et à mesure de l'examen des dispositions concernées.
Visant à la reconnaissance des initiatives sociales, le projet de loi est
aussi un texte de développement. Le champ social et médico-social se situe en
effet clairement dans une dynamique de développement et de diversification.
C'est à bien des égards l'une des voies d'avenir de notre système de santé et
de soins, au sens le plus large de ce terme. Le médico-social constitue un
enjeu essentiel en termes de développement local, d'aménagement du territoire,
de cohésion sociale et d'emploi sur un territoire donné.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Tout à fait !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Le concept « médico-social » nous a permis, par
rapport à bien d'autres pays où les interventions de l'assurance maladie sont
strictement cantonnées aux soins et aux prescriptions médicales, de développer
en France la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie et des
personnes handicapées. Il nous faut continuer dans cette voie, qui permet de
dépasser la coupure entre sanitaire et social.
Il nous faut donc appuyer fortement, par des démarches de programmation
pluriannuelle, le développement des équipements et services sociaux et
médico-sociaux. C'est le choix du Gouvernement, choix qui s'exprime par des
efforts sans précédent dans de multiples champs : médicalisation généralisée
des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes, plan de
développement des maisons d'accueil spécialisées ou de structures d'accueil de
personnes lourdement handicapées, programmes de développement de l'accueil de
la petite enfance...
La combinaison de la rénovation de la loi sociale et de ces programmes de
développement de l'offre inscrit clairement la politique du Gouvernement dans
une perspective de développement social.
Au moment de conclure, je veux souligner devant vous que la refondation de la
loi de 1975 s'insère dans la politique générale conduite par le Gouvernement,
et qui vise à lutter contre toutes les formes d'exclusion.
Elle concerne toutes les populations en difficulté sociale ou en situation de
fragilité, qu'il s'agisse de personnes âgées en perte d'autonomie ou non, de
personnes handicapées, de jeunes en difficulté ou de populations en situation
d'exclusion.
A ce titre, elle s'insère parfaitement dans la politique globale que le
Gouvernement mène depuis bientôt cinq ans en faveur de nos concitoyens en
difficulté, en situation d'exclusion sociale et/ou économique, que ce soit avec
la loi instituant les emplois-jeunes, la loi portant création d'une couverture
maladie universelle ou la loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions.
La réforme de la loi de 1975 prend également place dans un contexte de
rénovation en profondeur, qui se traduit par la mise en place de l'allocation
personnalisée d'autonomie, de l'aide aux personnes âgées en situation de perte
d'autonomie, qu'elles résident à domicile ou en établissement.
Je confirme également que le Gouvernement a mis en chantier la réforme de
l'autre loi du 30 juin 1975 - je veux parler de la loi d'orientation en faveur
des handicapés.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Ah !
M. Jacques Blanc.
Depuis le temps !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Cette législation appelle également une importante
actualisation, en contrepoint et en appui du plan triennal décidé et présenté
voilà un an par le Premier ministre, plan qui consacre 2,5 milliards de francs
de mesures nouvelles à l'amélioration de la situation des personnes
handicapées, tant en institution qu'à domicile et en milieu ordinaire de
vie.
A cet égard, je souhaite que la réforme qui nous occupe aujourd'hui n'anticipe
pas sur cette autre discussion, à laquelle je vous sais, les uns et les autres,
très attachés, car elle nécessite une réflexion globale, les diverses mesures
qu'elle comportera devant être mises en cohérence.
Je crois, enfin, que la nouvelle loi qui résultera de nos débats permettra à
notre pays de mieux garantir les droits de tous nos concitoyens, quels que
soient leurs difficultés, leur vulnérabilité, leur état de dépendance ou de
handicap.
Vous le savez, le projet de loi dont nous commençons la discussion a été
adopté, après des débats riches et fructueux, à l'unanimité par l'Assemblée
nationale. Ce fait est suffisamment rare pour être souligné.
Je formule donc le voeu, monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, que, dépassant les clivages traditionnels, nous construisions
ensemble et dans la sérénité une législation adaptée pour répondre aux besoins
de toutes les personnes en situation de grande fragilité.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi que nous
examinons aujourd'hui a pour objet de rénover la loi du 30 juin 1975 relative
aux institutions sociales et médico-sociales.
Le texte qui nous est proposé ne constitue pas une révolution pour ce secteur
: il en respecte les grands équilibres ; il perfectionne les procédures plus
qu'il ne les simplifie ; il procède par ajout plutôt que par soustraction, d'où
une certaine technicité qui ne doit pourtant pas freiner notre réflexion.
Il importe de souligner que ce texte ne concerne pas la première loi du 30
juin 1975 d'orientation en faveur des handicapés,...
M. Jacques Blanc.
Hélas !
M. Paul Blanc,
rapporteur.
... puisqu'il porte exclusivement sur les règles de création,
de fonctionnement et de financement de l'ensemble des établissements et
services sociaux et médico-sociaux, dont le public est très diversifié.
Le secteur social et médico-social représente une constellation d'institutions
au service des personnes âgées, des personnes handicapées ou des personnes qui
traversent des difficultés sociales : 22 000 établissements ou services
accueillent 1 200 000 personnes et emploient 400 000 salariés.
Ce secteur se caractérise par le poids des associations, qui représentent en
moyenne 60 % des effectifs accueillis : elles jouent un rôle clé dans le
domaine du handicap et occupent une place non négligeable dans le secteur des
personnes âgées.
La rénovation de la loi de 1975 est un travail de longue haleine qui s'est
poursuivi, depuis cinq ans maintenant, à travers les changements de
majorité.
Il faut rappeler qu'à la suite d'un rapport d'évaluation remis par
l'inspection générale des affaires sociales en décembre 1995 - vous y avez fait
allusion, madame la secrétaire d'Etat - M. Jacques Barrot, alors ministre du
travail et des affaires sociales, avait présenté, en octobre 1996, devant le
comité national de l'organisation sanitaire et sociale, le CNOSS, une
communication qui contenait la plupart des éléments finalement repris dans le
texte déposé en juillet 2000 par le Gouvernement de Lionel Jospin.
L'intense travail de concertation avec les associations engagé sous l'égide de
M. Jacques Barrot a été relancé et complété après 1997. Fait révélateur d'un
certain consensus sur un texte plus technique que politique, l'Assemblée
nationale a adopté - et vous l'avez également fait remarquer, madame la
secrétaire d'Etat - le texte à l'unanimité en février 2001, après avoir adopté
plusieurs amendements qui n'ont pas remis en cause les principes de base.
Trois thèmes se dégagent du projet de loi.
Le premier thème, ou volet, est celui de l'affirmation de la place des usagers
et de leurs familles : comme l'a dit Jacques Barrot, il s'agit de replacer
l'usager au coeur du dispositif.
Les droits des usagers sont définis. Des instruments sont prévus pour les
concrétiser : un livret d'accueil, une charte des droits et libertés, et la
conclusion d'un contrat de séjour pour chaque usager.
Par ailleurs, le texte prévoit l'intervention d'un médiateur en cas de litige
et institue le conseil de la vie sociale pour les plus grands établissements.
Ce dernier prend le relais des conseils d'établissements, qui, il faut le dire,
ont été peu utilisés.
Deuxième volet : l'actualisation et l'élargissement des missions sociales et
médico-sociales.
A cet égard, il est apparu que la loi du 30 juin 1975, qui était
essentiellement centrée sur la prise en charge en établissement, devait être
adaptée aux nouvelles pratiques sociales.
De plus, pour préserver l'avenir et doter les établissements d'une capacité
d'adaptation, le texte instaure un nouveau régime d'autorisation spécifique
pour les structures innovantes. Par ailleurs, les « lieux de vie », propres au
milieu rural, sont désormais soumis à autorisation.
Le troisième volet est celui du renforcement de la régulation et de la
coopération. Le projet de loi permet aux autorités compétentes, c'est-à-dire à
l'Etat, aux départements et à l'assurance maladie, de disposer de meilleurs
instruments de régulation du secteur médico-social, non sans un certain
parallélisme avec le secteur sanitaire.
Parmi les nombreux amendements adoptés par l'Assemblée nationale, quelques-uns
sont particulièrement importants.
L'Assemblée nationale a ainsi supprimé toute limite d'âge pour l'accueil des
personnes handicapées dans les structures qui leur sont spécifiques.
Elle a créé un conseil supérieur des établissements et des services sociaux et
médico-sociaux pour donner un avis sur les problèmes généraux du secteur.
Elle a reconnu la possibilité d'un accueil à titre temporaire dans les
établissements pour personnes handicapées.
En matière d'évaluation, suivant en cela une initiative défendue par Mme
Roselyne Bachelot, l'Assemblée nationale s'est ralliée à la solution consistant
à imposer aux établissements et aux services d'effectuer non pas seulement une
auto-évaluation de la qualité de leurs prestations mais aussi une évaluation
externe de celle-ci par des organismes agréés.
L'Assemblée nationale a interdit aux personnes ayant commis un délit ou un
crime sexuel de travailler dans ce secteur.
La commission émet trois remarques d'ordre général sur le projet de loi.
Tout d'abord, le Gouvernement devra être vigilant afin d'éviter que le texte
n'engendre une véritable déception pour les personnes handicapées. La mise en
place de la première loi de 1975 était allée de pair avec la loi d'orientation
du même jour en faveur des personnes handicapées. Des avancées importantes
étaient conquises en faveur de l'éducation spéciale des enfants et adolescents
handicapés, de l'amélioration de l'accès à l'emploi des travailleurs handicapés
et de l'amélioration de l'accès à la vie sociale des personnes handicapées.
Ne pas oublier le handicap est d'autant plus nécessaire que le projet de loi
reconnaît mieux le rôle des services à côté de celui de l'hébergement en
établissement. Or les besoins de création de places pour les personnes
handicapées dans les foyers à double tarification ou dans les maisons d'accueil
spécialisées demeure important : l'UNAPEI, l'Union nationale des associations
de parents d'enfants inadaptés, considère ainsi que 6 000 enfants, notamment
polyhandicapés, autistes ou atteints de handicaps rares, attendent une
solution.
Concernant l'accès à l'emploi, il apparaît aujourd'hui une saturation des
capacités des ateliers protégés et des centres d'aide par le travail, qui ne
jouent plus leur rôle pour l'accès en entreprise des personnes handicapées.
La rénovation de la loi sociale doit donc être complétée rapidement par la
mise en place d'une véritable loi de programme en faveur des personnes
handicapées, pour ne pas affaiblir la dynamique lancée en 1975.
L'autre reproche que l'on pourrait faire à ce texte est de ne pas opérer de
véritables innovations dans le sens de la décentralisation. Les collectivités
territoriales, en particulier les départements, auraient pu mieux trouver leur
place si une loi-cadre avait fixé des principes d'action et des modes
opératoires entre les pouvoirs publics et les opérateurs publics ou privés.
On aurait pu imaginer, en effet, un texte plus ambitieux, qui aurait
systématisé des relations de contractualisation entre les autorités compétentes
et les établissements sociaux et médico-sociaux, à travers des contrats
d'objectifs et de moyens, à l'instar de ce qui est prévu en matière
d'hébergement des personnes âgées dépendantes.
En réalité, le texte qui nous est proposé s'inspire souvent de ce qui a été
mis en place dans le secteur sanitaire avec les ordonnances du 24 avril 1996
sur l'hospitalisation publique et privée.
Pourtant, contrairement au secteur sanitaire, le secteur médico-social connaît
une multiplicité d'autorités compétentes pour autoriser et réguler le
fonctionnement des établissements : à côté de l'assurance maladie et de l'Etat,
les départements jouent un rôle essentiel et ont su prendre des initiatives
appréciables en faveur, notamment, de l'hébergement des personnes
handicapées.
Cette réforme de la loi de 1975 apparaît donc comme une occasion manquée de
mieux respecter l'esprit de la décentralisation, en donnant plus de marge de
manoeuvre aux départements, étroitement corsetés par la maîtrise que possède
l'Etat en matière de définition des normes et de fixation de la qualification
des personnels.
Ma troisième remarque portera sur les conditions dans lesquelles ce texte est
examiné.
Ce projet de loi, qui a vocation à régir le fonctionnement de l'ensemble du
secteur social et médico-social, intervient après la discussion du projet de
loi instituant une allocation personnalisée d'autonomie. Une démarche plus
cohérente aurait été d'adopter d'abord le texte le plus général avant de se
consacrer aux secteurs particuliers.
Le facteur de désordre le plus important a été engendré par la publication, le
23 décembre 2000, de l'ordonnance promulguant le code de l'action sociale et
des familles. L'Assemblée nationale, qui a examiné le texte le 23 janvier 2001,
soit moins de trois semaines après la publication du nouveau code, n'a pas eu
le temps d'intégrer l'ensemble des modifications nécessitées par la nouvelle
codification. Paradoxalement, nous sommes donc saisis d'un texte qui modifie
plusieurs dispositions de la loi de 1975 qui ne sont plus applicables,
puisqu'elles ont été abrogées quand le nouveau code est entré en vigueur.
Parmi les amendements de la commission, certains sont de pure forme et visent
seulement à tirer mécaniquement les conséquences de la nouvelle
codification.
Cela étant, la commission a souhaité améliorer le texte sur quatre points.
Premier thème : apporter plus de garanties et une meilleure reconnaissance de
leur rôle aux associations gestionnaires, qui demeurent un acteur majeur du
secteur social et médico-social.
Je proposerai d'abord de ne pas accepter le principe du passage d'un système
d'autorisation permanente à un dispositif d'autorisation renouvelable tous les
dix ans.
Le système de l'autorisation renouvelable fait en effet peser une incertitude
juridique trop forte sur l'avenir des établissements.
L'interprétation de nombre de gestionnaires d'établissement est que
l'établissement ou le service pourra se voir remis en cause tous les dix ans
s'il ne respecte pas les conditions posées pour obtenir l'autorisation. Or ces
conditions, telles que le texte les présente, sont : le respect des objectifs
du schéma d'organisation sociale et médico-sociale, qui est révisé,
rappelons-le, tous les cinq ans ; le respect des règles minimales
d'organisation et de fonctionnement du secteur ; ne pas avoir un coût de
fonctionnement excessif par rapport à la moyenne des autres établissements de
même catégorie ; le respect de l'enveloppe annuelle de financement.
Les établissements ont le sentiment de passer d'un système d'autorisation à
durée indéterminée à un mécanisme d'autorisation précaire renouvelable sur des
critères incertains.
Le second danger, c'est que les nouveaux projets d'investissement trouvent
plus difficilement un financement ou que le coût des emprunts soit renchéri par
l'imputation d'une « prime de risque », sans parler des difficultés d'obtention
de garanties d'emprunt de la part des collectivités concernées.
Certes, le secteur sanitaire obéit, lui aussi, à une logique d'autorisation
renouvelable, mais il ne faut pas oublier que les établissements sanitaires
fonctionnent avec l'aide d'un plateau technique ; l'amortissement des
équipements est donc plus rapide que dans un établissement pour personnes âgées
ou pour personnes handicapées, pour lequel les investissements, qui sont
principalement des investissements en terrains et en bâtiments, sont amortis
sur une longue durée.
Cela conduit donc la commission à vous demander, mes chers collègues, de
rétablir le principe de l'autorisation à durée indéterminée, tout en
l'assortissant de la faculté pour l'autorité compétente d'effectuer de sa
propre initiative, au vu des résultats des évaluations ou d'informations
extérieures, le contrôle du respect de trois points : les normes minimales
d'organisation et de fonctionnement, un coût de fonctionnement non excessif et
le non-dépassement de l'enveloppe de financement annuel.
Il n'est plus proposé d'effectuer un contrôle de conformité par rapport au
schéma d'organisation, parce que l'établissement n'est pas en mesure de
maîtriser ce paramètre.
Les associations seront également concernées par un autre amendement qui
prévoit de qualifier d'institution sociale et médico-sociale tout organisme de
droit public ou privé gestionnaire de manière permanente d'un établissement ou
d'un service.
Il est important que les associations gestionnaires, notamment, puissent être
qualifiées à part entière d'institutions sociales et médico-sociales. Cela
s'inscrit, selon moi, dans l'esprit de la loi fondatrice du 30 juin 1975.
Enfin, concernant le fonctionnement des établissements et services, je
proposerai deux amendements importants.
Tout d'abord, le principe d'une évaluation externe, tous les dix ans, doit
être maintenu, car cette procédure apparaît comme le seul moyen pour les
autorités compétentes, notamment pour les départements, de disposer d'une
expertise objective sur la qualité des prestations et sur les pratiques
professionnelles au sein d'un établissement.
En revanche, il est nécessaire de prévoir que l'évaluation externe ne pourra
avoir lieu que si ont été préalablement édictées, au sein du secteur concerné,
un certain nombre de références en matière de bonnes pratiques professionnelles
faisant l'objet d'un consensus sous le contrôle du conseil national de
l'évaluation, qui validera les bonnes pratiques issues du terrain.
Après avoir affirmé le rôle des personnes morales gestionnaires, la commission
a souhaité accroître le degré d'exigence réclamé à ces associations en matière
de respect de certains critères déontologiques. L'actualité récente, à laquelle
vous avez fait allusion, Mme la secrétaire d'Etat, a montré que certaines
associations n'étaient pas exemptes de collusions internes conduisant à des
dérives. Les errements, peu fréquents, de quelques-uns ne doivent pas masquer
l'excellente qualité du travail de l'ensemble.
C'est pourquoi la commission suggère que les fédérations et les organismes
représentatifs des personnes morales gestionnaires « portent » une charte sur
les principes déontologiques et éthiques applicables en matière de
fonctionnement et de pratiques de l'action sociale et médico-sociale.
Ensuite, il est proposé d'inclure, parmi les motifs de fermeture pour raisons
d'ordre public des établissements et services, le cas où sont constatés des
actes susceptibles d'entraîner la mise en cause de la responsabilité civile de
l'établissement ou de la responsabilité pénale de ses dirigeants ou de la
personne morale gestionnaire.
Cet amendement permettrait de traiter les cas de maltraitance, mais aussi les
cas où il apparaît que l'établissement sert de couverture à des agissements
sectaires visant à maintenir les personnes dans un état de dépendance
psychologique.
Une troisième série d'amendements visera à clarifier les conditions d'exercice
des droits des usagers : le droit à communication du dossier de prise en charge
doit être assuré dans un cadre juridique précis ; le contrat de séjour qui sera
conclu, pour chaque prise en charge, entre l'établissement et l'usager devrait
prévoir la liste des prestations offertes et leur coût prévisionnel, dans un
souci de transparence ; enfin, et surtout, il serait utile de rappeler que, si
l'usager a des droits, le règlement de fonctionnement de l'établissement peut
également, dans le respect des procédures de consultation, imposer des devoirs
et des obligations afin que soient préservées les règles de vie collective dans
la structure.
Concernant le rôle joué par les départements, je proposerai deux améliorations
du dispositif.
Tout d'abord, il me paraît important que chaque département puisse assister
avec voix consultative à la séance du CROSS, le comité régional de
l'organisation sanitaire et sociale, lorsque celui-ci rend un avis soit sur son
propre schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale, soit sur
un établissement fonctionnant sur son territoire. Actuellement, tous les
départements ne sont pas représentés au CROSS puisque les conseils généraux
doivent désigner leurs délégués au niveau régional.
Un autre amendement visera à améliorer la procédure d'agrément des conventions
collectives, qui fonctionne mal puisque la commission consultative, dont font
partie les financeurs, et notamment les conseils généraux, ne peut jouer qu'un
rôle de chambre d'enregistrement ou appliquer un veto systématique, faute
d'information. C'est pourquoi il vous sera proposé que le ministère fixe au
sein de l'ONDAM médico-social, un « sous-taux directeur » destiné à déterminer
la marge d'évolution annuelle des dépenses salariales.
S'agissant, enfin, des personnes handicapées ou âgées, il est proposé deux
amendements importants.
Tout d'abord, le système des établissements réservés à l'accueil permanent des
personnes handicapées est aujourd'hui inadapté aux besoins des familles, qui
souhaitent assurer elles-mêmes une prise en charge, tout en bénéficiant d'un «
droit au répit » pendant les vacances scolaires ou certains week-ends. Il faut
reconnaître la possibilité d'un accueil selon un mode séquentiel, c'est-à-dire
des prises en charge à temps complet, à fréquence régulière, pour une dure
limitée.
Par ailleurs, afin d'améliorer la situation des structures d'aide à l'accès à
l'emploi, les équipes de préparation de suite du reclassement doivent être
érigées en service social et médico-social. C'est le handicapé qui est placé au
centre du dispositif.
En faveur des jeunes handicapés, les actions de soutien scolaire ou de
scolarisation en établissement devront être reconnues comme une attribution du
secteur social et médico-social, car la scolarisation ne peut pas toujours se
faire en milieu éducatif ordinaire.
Dans ces conditions, ce projet de loi, complété par les nombreux autres
amendements de la commission, pourrait être adopté afin de donner une impulsion
nouvelle à la loi du 30 juin 1975 et à tous ceux qui interviennent en faveur
des personnes en situation difficile dans le cadre juridique fixé voilà un
quart de siècle.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jacques Blanc.
Très bien !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des président, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 24 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
loi n° 75-535 de 1975 est un acte fondateur. Elle a su poser les grands
principes de solidarité dans le secteur social et médico-social. Et, par-delà
ses imperfections, sa mise en oeuvre a permis l'émergence d'un nouveau secteur
de l'économie sociale, source de nombreux emplois et créateur de structures
diverses sur l'ensemble du territoire qui encadrent les établissements et
services d'accueil des personnes âgées, des personnes handicapées, des jeunes
relevant de l'aide sociale comme de ceux qui relèvent de la protection
judiciaire de la jeunesse ainsi que des adultes victimes de l'exclusion.
Il nous est proposé aujourd'hui de rénover cette loi. En effet, lors de sa
participation, le 25 janvier 2000, à la réunion du conseil national consultatif
des personnes handicapées, M. le Premier ministre, prenant en compte les
souhaits des associations et des usagers, s'était engagé à ce qu'un texte soit
déposé pour le vingt-cinquième anniversaire de la loi.
L'enjeu est de taille par la diversité des structures et le nombre de
personnes qu'il touche. Ce secteur regroupe - vous l'avez dit tout à l'heure,
madame la secrétaire d'Etat - quelque 24 500 établissements, propose plus d'un
million de lits ou places d'accueil, recense plus de 400 000 salariés et pèse,
en financements publics, quelque 84 milliards de francs par an.
Cette rénovation était nécessaire et attendue tant par les usagers que par les
professionnels du secteur. Au bout de vingt-cinq années d'application, un
simple réaménagement technique ne pouvait être satisfaisant. Les missions de
l'action sociale et médico-sociale se sont élargies, les techniques de prise en
charge se sont perfectionnées, et il est apparu indispensable d'adopter cette
loi au regard de ces évolutions et de la diversification de ce secteur.
L'exercice était difficile, et je profite de l'occasion qui m'est donnée de
saluer le Gouvernement et ses partenaires qui, pendant plusieurs années, ont su
initier et améliorer ce texte qui nous est présenté aujourd'hui.
Plusieurs axes principaux organisent ce projet de loi. Il s'agit d'affirmer et
de promouvoir les droits des bénéficiaires et de leur entourage, de prendre en
compte les missions et l'action sociale et médico-sociale. Ce texte prévoit
également d'améliorer les procédures techniques de pilotage du dispositif et
d'instaurer une réelle coordination qui soit plus transparente entre les
décideurs et les acteurs.
Ce projet de loi est un texte de conclusion.
C'est une conclusion dans le sens où il actualise et complète l'architecture
de la réorganisation du secteur. Les structures nouvelles telles que celles qui
sont relatives à la lutte contre l'exclusion, les lieux de vie et les services
d'aide à domicile trouvent enfin une base légale dans ce texte.
Mais ce texte est aussi une conclusion dans la mesure où il est le résultat
d'une très large concertation et de différents travaux déjà évoqués : je
rappellerai à cet égard les travaux de l'inspection générale des affaires
sociales ou l'excellent travail réalisé lors de la mission d'information
conduite par Pascal Terrasse, rédigé au nom de la commission des affaires
sociales de l'Assemblée nationale, en mars 2000.
Ce projet de loi est également un texte innovant. Il permet au secteur de se
moderniser et de se doter de modalités de fonctionnement plus
responsabilisantes, palliant ainsi le manque de lisibilité qualitative et
quantitative de l'offre au regard des besoins recensés à ce jour.
Les événements dramatiques dans certains établissements ou services ont mis en
évidence l'urgence à mettre en place un système d'évaluation et de contrôle.
Le texte très technique que vous nous présentez, madame la secrétaire d'Etat,
a été adopté par l'Assemblée nationale à l'unanimité. Plusieurs amendements
sont venus l'enrichir. Je pense, par exemple, à la suppression de toute limite
d'âge pour l'accueil des personnes handicapées dans les structures qui leur
sont spécifiques.
Mon propos portera d'abord sur les dispositions visant à garantir les droits
des usagers et à promouvoir l'innovation sociale et médico-sociale. J'aborderai
ensuite celles qui visent à instaurer des procédures plus rigoureuses,
transparentes, rénovant le lien entre la planification et la programmation,
l'évaluation et la coordination.
Placer l'action sociale et médico-sociale sous l'égide de l'intérêt général
est justifié. Et il est heureux que le rôle indispensable joué par les
associations soit reconnu à sa juste valeur. Rappelons que le secteur
associatif représente en moyenne 60 % des effectifs accueillis. L'ensemble des
acteurs de la mise en oeuvre de l'action sociale sont donc aujourd'hui
clairement reconnus.
D'un concept d'assistance et de prise en charge qui prend peu en compte l'avis
des bénéficiaires, on passe, avec cette révision de la loi de 1975, à un
concept de service qui donne maintenant une place centrale à l'usager. Ce
dernier est reconnu en tant que sujet de droit et non plus objet de droit, avec
tout ce que cela peut sous-entendre en termes de promotion de la citoyenneté et
de qualité des prestations.
Les droits fondamentaux tels que le respect de la personne, de l'intégrité
physique ou morale, de la sécurité, de l'intimité, ou encore le respect de la
vie privée de l'usager sont donc clairement affirmés et garantis par la mise en
place de différents outils. Nous nous devrons de nous assurer de la bonne mise
en place de ces outils, qu'il s'agisse du livret d'accueil, de la charte des
droits et libertés, du contrat de séjour ou encore du règlement de
fonctionnement.
Par ailleurs, je pense que la qualité des prestations en termes d'accueil et
de personnalisation des soins passe nécessairement par l'évaluation. Et je vois
dans l'instauration d'une obligation légale pour les établissements d'évaluer
la qualité des prestations délivrées une réponse à une exigence légitime, tant
de la part des usagers que des autorités financières.
A ce sujet, je tiens à attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat,
sur les interrogations que nous avons pu relever lors de nos auditions à propos
du financement de cette évaluation, qui ne fait l'objet d'aucune indication
dans le texte.
Dans le secteur sanitaire, le directeur général de l'établissement est chargé
de répercuter le coût de cette évaluation dans l'enveloppe budgétaire qui lui
est allouée. En sera-t-il de même dans le secteur social et médico-social, au
risque de voir alors la tarification du prix de journée augmenter ?
De la même façon, nous devrons nous assurer que la relation client-fournisseur
de services n'influencera en aucune façon l'impartialité des évaluations. Je
suis sûre, madame la secrétaire d'Etat, que vous saurez nous donner des
garanties à ce sujet.
J'approuve également l'introduction explicite de la notion de prévention de la
maltraitance dans ce projet de loi et l'interdiction qui y est faite à toute
personne condamnée pour violences physiques ou sexuelles d'exploiter, de
diriger ou d'exercer une fonction dans un établissement social et
médico-social. Cela répond au souci, qui est le nôtre, celui de garantir
l'intégrité des personnes vulnérables.
Mais affirmer pleinement la citoyenneté de l'usager et de sa famille, c'est
aussi leur reconnaître la possibilité de choisir le mode de prise en charge, et
ce quel que soit le type d'accueil : permanent ou temporaire, à temps complet
ou partiel, en institution, à domicile, en milieu familial ou ouvert. Le choix
doit appartenir à l'usager, sans qu'aucune prise en charge ne devienne
stigmatisante.
Ainsi, la reconnaissance de formules plus souples de prise en charge associant
à la fois les établissements sociaux, médico-sociaux et le domicile répond
d'une façon plus adaptée aux besoins de nos concitoyens. Mais cela nécessite
impérativement une meilleure planification des besoins.
Or, à ce jour, si la loi de 1975 a rendu cette planification des
établissements et des services médico-sociaux obligatoire, aucun lien réel
n'existait entre la planification et la programmation. Les résultats ont donc
été contrastés. On constate, en effet, que l'implantation de nouveaux
établissements répondait plus à des préoccupations ponctuelles qu'à des besoins
réels dans le cadre d'une politique planifiée d'aménagement du territoire, même
si ces préoccupations demeurent légitimes.
Aussi, je vois dans la rénovation du régime des autorisations un moyen
indéniable d'améliorer la régulation et la coordination entre les différents
acteurs de ce secteur.
Les autorisations d'ouverture d'établissements ou de services sociaux ou
médico-sociaux auront en effet l'obligation de répondre aux normes techniques
et de satisfaire à des conditions financières.
Les structures devront également être compatibles avec les schémas
d'organisation sociale et médico-sociale. Les schémas départementaux voient
ainsi leur contenu précisé.
A ce sujet, monsieur le rapporteur, vous reprochez au texte de ne pas opérer
d'avancées dans le sens de la décentralisation. Permettez-moi de ne pas être
d'accord avec vous.
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Tout est permis !
Mme Claire-Lise Campion.
En effet, ce projet de loi vise à améliorer la coopération entre les
différents acteurs de la politique sociale et médico-sociale, en application
des transferts de compétences opérés par les lois de décentralisation.
Et la réforme des schémas d'organisation va bien dans ce sens. Une procédure
conjointe entre le département et l'Etat est mise en place, mais le niveau de
planification de droit commun demeure à l'échelle départementale. En
définitive, tous deux voient leur compétence propre réaffirmée.
Le rôle du Comité national d'organisation sanitaire et social, le CNOSS, sur
le schéma national et celui du comité régional d'organisation sanitaire et
social, le CROSS, sur les schémas régionaux sont élargis. Enfin, la
consultation de la commission départementale consultative sur les schémas
départementaux est maintenue.
Un autre élément allant dans le sens d'une régulation et d'un contrôle,
élément particulièrement important, est l'instauration d'une durée limitée des
autorisations d'ouverture d'établissements ou de services sociaux ou
médico-sociaux.
Certes, la limitation de la validité des autorisations à dix ans renouvelables
a soulevé quelques interrogations que nous avons pu entendre lors de nos
auditions. Mais la majorité des intervenants ont reconnu que cet aspect,
novateur au regard de la loi de 1975, se justifiait eu égard aux exigences de
qualité, et donc à celles de l'évaluation.
Par ailleurs, j'approuve l'amélioration des procédures techniques
d'autorisation, qui est complétée par l'instauration d'outils supplémentaires,
que ce soit entre l'Etat et les départements, entre les établissements
eux-mêmes, ou entre les établissements et les décideurs.
En conclusion, nous sommes en présence d'un texte qui a su respecter les
équilibres, clarifier les procédures, promouvoir la qualité, tout en restant
ouvert aux évolutions futures du secteur social et médico-social.
Cependant, ce texte renvoie à nombre de décrets d'application. J'espère que
nous pourrons, comme cela avait été indiqué lors de la première lecture à
l'Assemblée nationale, en prendre connaissance au cours de la discussion.
Vous l'avez annoncé, madame la secrétaire d'Etat, une réforme de l'autre loi
de 1975, la loi d'orientation en faveur des handicapés, est à son tour en cours
de rénovation. Je me réjouis d'une telle initiative, espérant que nous pourrons
en débattre au sein de cet hémicycle dans des délais plus courts que ceux qui
ont prévalu pour le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui.
Le groupe socialiste présentera un certain nombre d'amendements,
essentiellement techniques et rédactionnels. Soyez assurée, madame la
secrétaire d'Etat, du soutien que nous saurons manifester tout au long de la
discussion de ce projet de loi qui, j'en suis convaincue, constituera un acte
capital pour le secteur social et médico-social.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me
réjouis d'intervenir pour la première fois à cette tribune en tant que sénateur
sur ce sujet de l'action sociale, et plus précisément sur la question des
personnes handicapées, qui, je crois, touche à la reconnaissance de la dignité
de ceux qui, sinon, risqueraient de rester exclus.
Je le dis avec la conviction que ce texte renferme à la fois des éléments
positifs et des insuffisances, et qu'il ne va pas au coeur des choses, comme
cela est d'ailleurs apparu dans les propos de Mme la secrétaire d'Etat, de M.
le rapporteur, que je tiens à féliciter pour le travail très remarquable qu'il
a accompli, et de Mme Campion.
Chacun sent bien que le « toilettage » de cette loi aurait dû s'intégrer dans
une démarche d'envergure qui aurait dû associer la refondation de l'autre loi
de 1975, relative aux personnes handicapées. Permettez-moi de le souligner, moi
qui ai eu l'immense honneur d'être le rapporteur de ce texte en 1975, texte
qui, je crois - tout le monde le reconnaît d'ailleurs - a créé les fondements
mêmes d'une approche nouvelle de la reconnaissance des droits de toute personne
handicapée, enfant ou adulte. Cette loi a permis de mettre en place des
formules nouvelles de prévention, d'éducation spéciale et de soutien aux jeunes
et aux moins jeunes. Elle a tenté de répondre à l'ambition que nous affichions
alors d'offrir à toute personne handicapée, quel que soit son degré de
handicap, les chances vraies d'épanouissement dans sa vie tant personnelle que
sociale. Elle a essayé de sortir de faux débats qui consistaient à opposer
parfois les structures collectives d'accueil dont ont besoin les grands
handicapés et l'exigence de tout mettre en oeuvre pour assurer leur insertion
dans la vie normale.
Ces deux lois de 1975 visaient véritablement à lutter contre toutes les
exclusions, et le fait qu'on s'y réfère si volontiers aujourd'hui montre bien
que, depuis 1975, les avancées ont, hélas ! été bien modestes.
Permettez-moi donc de rendre hommage à ceux qui ont voulu ces deux textes : le
Président de la République de l'époque, M. Valéry Giscard d'Estaing, le Premier
ministre d'alors, M. Jacques Chirac, et avec lui l'ensemble du Gouvernement, en
faisant une mention spéciale de deux ministres particulièrement mobilisés, Mme
Simone Veil et M. René Lenoir. D'ailleurs, le nom de ce dernier fait encore
aujourd'hui résonner un écho très fort dans le coeur de tous ceux qui se sont
préoccupés des problèmes d'exclusion.
Hommage doit également être rendu à un homme qui siège aujourd'hui dans cet
hérmicycle : j'ai nommé M. Jean-Pierre Fourcade, qui exerçait en 1975 les
fonctions de ministre des finances. Chacun sait que les grandes avancées
législatives supposent le soutien du ministère des finances : à l'époque,
c'était la rue de Rivoli ; aujourd'hui c'est Bercy. Je n'oublie donc pas que M.
Fourcade m'a apporté un soutien décisif pour donner une réelle portée à ces
deux lois.
L'apport des associations, avec lesquelles nous avions accompli un travail en
profondeur, a été également extrêmement précieux. Le rôle éminent qu'elles ont
joué dans l'élaboration de ces lois nous a, je le rappelle, amené à mettre en
place le Conseil national consultatif, qui leur a ensuite permis de participer
au suivi de la nouvelle législation sur les personnes handicapées.
C'est ainsi que, tous les cinq ans, nous avons pu faire le point avec
l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale, avec les
responsables de ces problèmes à l'échelon gouvernemental, quelle que soit leur
couleur politique, et avec les associations.
Tous les cinq ans, donc, nous nous trouvions confrontés à une évolution de la
société qui devait nous amener, sinon à réviser la loi en profondeur, du moins
à la modifier. Il est évident que la montée du chômage a pu parfois occulter
les problèmes des handicapés. Diverses préoccupations, d'ailleurs légitimes,
ont émergé dans la société et, là encore, elles ont pu occulter les difficultés
de personnes qui, parce qu'elles ne font pas de bruit, parce qu'elles ne se
manifestent pas de manière vive, risquaient d'être laissées de côté.
Bien sûr, quand les gouvernements se mettent en place, ils expriment des
ambitions, et celui-ci n'a pas fait exception à la règle. Or, après cinq ans,
que constatons-nous ? Certes, aujourd'hui, un projet de loi nous est présenté,
mais il n'a rien de révolutionnaire. Il n'est pas à la dimension des attentes,
des espérances qui avaient pu être suscitées. Il n'est pas à la dimension des
déclarations du Premier ministre qui, de-ci, de-là, avait annoncé de grands
efforts.
Je ne dirai pas que ce texte s'apparente à du bricolage, mais je prétends
qu'il est une simple adaptation de textes en fonction d'une évolution. Or nous
aurions préféré qu'on nous propose une véritable clarification des
responsabilités et des compétences.
Notre rapporteur l'a dit : les lois de décentralisation ont bouleversé le
monde de l'aide sociale, en en confiant la responsabilité aux départements. Je
crois que c'est une bonne chose, mais je considère qu'on n'en a pas tiré toutes
les conséquences.
Le domaine sanitaire a été profondément remanié par les ordonnances qui ont
déjà été évoquées, par la mise en place des agences régionales de
l'hospitalisation, par l'adoption du financement par enveloppe globale.
Une révolution s'est produite. D'aucuns voudraient y entraîner le monde
médico-social ; c'est ce que l'on perçoit derrière certains mots, certaines
idées. Faut-il aller dans cette voie ? Je n'en suis pas sûr.
L'expression « médico-social » montre bien qu'il y a l'approche sociale et
l'approche médicale, c'est-à-dire sanitaire. Or le dossier aurait mérité une
approche globale, intégrant les évolutions des deux lois de 1975, ainsi que les
dispositifs qui ont été mis en place pour faire face aux problèmes de la
dépendance. Certains atermoiements ont, c'est vrai, créé des situations souvent
très difficiles dans les maisons de retraite, s'agissant notamment des
tarifications. Je n'ignore pas que la révision du texte sur la prise en compte
de la dépendance a trop traîné. Mais on aurait gagné en transparence si,
au-delà des mots, s'était exprimée aussi dans les faits une volonté politique
de reprendre les fondements mêmes des deux textes de 1975, en intégrant
l'évolution de la conception que nous avons du handicap ou de la compensation
de la dépendance.
Je regrette donc qu'aujourd'hui nous en soyons en quelque sorte réduits à
traiter ponctuellement certains problèmes - je reconnais que ce n'est pourtant
pas négligeable - sans pouvoir aller réellement au fond des choses.
Bien sûr, ce texte permettra de régler un certain nombre de situations
difficiles, plus difficiles d'ailleurs pour les responsables d'établissement
que pour les personnes elles-mêmes.
Bien sûr, nous n'oublions pas qu'émergent - et c'est heureux - les droits des
« usagers ».
Peut-être eût-il été préférable, je le dis au passage, de trouver une
terminologie plus élégante puisque l'ensemble des services ou des prestations
apportés par les établissements s'adressent non pas seulement à des usagers
mais aussi à des acteurs. Nous ne devons pas considérer une personne souffrant
d'un handicap, qu'il soit congénital, acquis ou dû à la vieillesse, comme un
usager passif. Il s'agit, au contraire, d'un acteur de sa propre chance
d'épanouissement, mais qui a besoin d'un soutien. Ce soutien peut lui être
apporté soit à titre individuel soit dans le cadre de structures collectives.
En tout cas, il faut laisser s'exprimer les forces d'initiative.
Il faut transformer les attitudes de méfiance en attitudes de confiance.
C'est le problème qui se pose à travers la limitation dans le temps des
autorisations. Personne ne souhaite que l'on ferme les yeux sur ce qui se passe
dans tel ou tel établissement. Mais nous pensons que l'on peut ouvrir les yeux
sur ce qui s'y fait sans pour autant brandir le couperet d'un délai de dix ans,
compte tenu de la difficulté qu'il y aura à mettre en place les moyens
nécessaires pour que soient parfaitement respectées les règles à suivre.
Je regrette, pour ma part, que l'on soit revenu sur ce qui se passait en
l'absence de réponse à une demande de création : cela donnait simplement lieu à
une autorisation de fait. On sait bien que la lenteur des procédures vient
parfois freiner la réalisation du projet, voire bloquer tout projet.
Je souhaite donc que les textes soient imprégnés d'une confiance affirmée
envers les associations à but non lucratif comme envers les services publics,
car il y a place pour les deux secteurs. La volonté d'éviter les dérapages ne
doit pas se transformer en une méfiance qui est non seulement injustifiée mais
est, en outre, susceptible d'avoir des conséquences très négatives. Ce n'est
pas parce que telle erreur, telle faute ou tel dérapage doivent effectivement
être condamnés qu'il faut jeter la suspicion sur l'ensemble du secteur.
Il est, par ailleurs, un élément qui suscite aujourd'hui une grande inquiétude
dans l'ensemble de ce secteur : les finances suivront-elles ?
Au moment où sont votés les budgets des établissements médico-sociaux ou
sanitaires, la question est de savoir si les exigences de l'Etat quant à
l'application de telle ou telle convention peuvent être respectées alors même
que les financements propres à assurer cette application font défaut.
Vous n'êtes pas sans savoir que les négociations sur les 35 heures ont
provoqué, dans la plupart des établissements, de très grandes difficultés.
Leurs responsables se demandent si les coûts induits par l'application des 35
heures pourront être pris en charge dans les enveloppes globales ou dans les
prix de journée.
Vous n'êtes pas sans savoir que, dans les accords qui sont intervenus sur les
35 heures au sein du secteur privé à but non lucratif, faute d'un effort
demandé au secteur public, il y aurait un rattrapage. En effet, les personnels
de ces associations ont accepté de voir leur salaire bloqué.
Il est évident que, lorsque les personnels sont inquiet, c'est toute la
communauté de vie dans ces établissements qui s'en ressent.
L'aspect financier n'est que très peu abordé dans le texte qui nous est
soumis, alors qu'il conditionne la capacité de répondre vraiment à l'attente
des uns et des autres.
A l'Assemblée nationale, c'est vrai, personne n'a souhaité ouvrir de guerre
politicienne. Je ne crois pas que cela puisse venir à l'idée de quiconque au
sein de la Haute Assemblée. Cependant, ne pas ouvrir de guerre politicienne,
cela ne veut pas dire fermer les yeux sur les insuffisances. Car nous sommes au
milieu du gué : il ne s'agit pas d'énoncer simplement des intentions pour le
futur ; il faut affirmer une authentique ambition politique de créer, en ce
début de siècle, une dynamique nouvelle, à partir de l'expérience que nous ont
apportée vingt-cinq années d'application de ces textes fondamentaux que sont
les lois de 1975, mais en prenant en compte l'évolution des aspirations.
On a affirmé le droit à l'éducation, le droit aux loisirs, le droit au sport,
le droit au logement, le droit à la mobilité. Aujourd'hui, on parle aussi de
citoyenneté. De même, on a affirmé l'exigence d'un accès au travail pour les
handicapés.
C'est d'ailleurs un des rares points qui ont été réexaminés dans la loi en
faveur des personnes handicapées. On avait eu l'ambition - mais elle ne s'est
pas concrétisée - de faire en sorte que davantage de personnes handicapées
puissent être intégrées dans un milieu de travail normal, grâce à des aides à
l'installation de matériels spéciaux. Un certain pourcentage avait même été
fixé. Mais il a fallu se rendre à l'évidence et modifier le texte pour que
puisse être compensé le non-respect dudit pourcentage, par exemple par l'achat
de produits destinés à des CAT, les centre d'aide par le travail. En tout état
de cause, il ne fallait pas baisser les bras et nous devions préserver les CAT,
des lieux de travail qui sont aussi des foyers de vie.
Nous avions aussi voulu garantir un salaire minimum aux personnes handicapées,
mais qui dit salaire minimum laisse entendre que l'on se prive d'un élément de
stimulation ou de valorisation, à savoir l'effort de travail. Nous devrons donc
revenir sur ce point au cours de la discussion des articles.
J'aurais également aimé que soient définis les foyers à double tarification.
Chacun sait bien, en effet, qu'une telle évolution se profile aujourd'hui, avec
le transfert aux départements d'une partie des dépenses supportées par la
sécurité sociale. Ainsi, nous avions obtenu - pardonnez-moi de le rappeler,
mais c'était grâce à un amendement que j'avais défendu à l'Assemblée nationale
- que les maisons d'accueil spécialisées, les MAS, soient reconnues sur le plan
sanitaire et prises en compte par la sécurité sociale. Mais nous allons
aujourd'hui vers des foyers à double tarification. Encore faut-il que cela ne
consiste pas simplement à se défausser d'un côté pour faire passer la charge de
l'autre ! Nous qui représentons ici les collectivités locales, nous ne pouvons
rester insensibles à la surcharge dont sont victimes les départements.
Il y a donc là un certain nombre de points extrêmement précis qui auraient
mérité d'être traités dans le présent projet de loi.
Chacun connaît bien aussi les problèmes rencontrés dans les établissements qui
accueillent les grands handicapés adultes, notamment en raison du
vieillissement des intéressés. Comment articuler, demain, notre législation en
matière de dépendance et les structures nécessaires pour offrir aux personnes
handicapées vieillissantes des chances vraies d'existence ?
Nous nous honorerions, je crois, si nous reconnaissions de façon très claire
que chaque avancée réalisée en la matière doit permettre aux plus grands
handicapés d'avoir une petite étincelle d'espérance supplémentaire.
Pour avoir été médecin neuropsychiatre dans certains des établissements qui,
parmi les premiers en France, ont accueilli des grands handicapés - c'était sur
l'initiative de l'abbé Oziol, en Lozère - je puis vous dire que, lorsque, voilà
trente-cinq ans, vous receviez les parents d'un enfant très gravement
handicapé, vous étiez à mille lieues des faux débats. En effet, qui peut oser
dire que les parents d'un enfant très lourdement handicapé, d'un enfant au
handicap mental très profond, doivent le garder en permanence à domicile ? Ils
ne le peuvent pas ! Et ce n'était pas se débarrasser de lui que de le confier à
des structures spécialisées. N'ajoutons donc pas la culpabilisation à des
parents qui sont déjà ô combien traumatisés !
Cela ne signifie pas que, en présence d'un handicap, léger ou lourd, il ne
faille pas tout tenter pour favoriser l'insertion dans la vie normale. Nous
avons dépassé ce faux débat ! Mais, quand vous avez eu le privilège
d'accueillir de tels parents et de tels handicapés, quand vous avez vu tout à
coup surgir un sourire, une main tendue, un regard différent, vous comprenez
qu'on n'a pas le droit de fermer les yeux sur les problèmes des plus grands
handicapés.
Nous devons être capables d'avoir une vision forte pour rendre la société plus
ouverte et plus accueillante à l'égard des grands handicapés et trouver des
solutions à leurs problèmes de transport ou de soutien individuel, notamment.
Une société digne de ce nom se doit, en effet, de mettre en place des formules
évolutives pour offrir en permanence des chances aux grands handicapés.
Voilà pourquoi je ne voudrais pas que certaines des rigidités que contient le
présent projet de loi aillent jusqu'à supprimer les éléments positifs de la loi
de 1975, à savoir le droit à l'expérimentation dans certaines zones
rurales...
M. Roger Besse.
Très bien !
M. Jacques Blanc.
... alors même que l'on ne cesse de se féliciter de la création des
établissements pour handicapés dans ces mêmes zones rurales en tant que
générateurs d'emplois à l'échelon local.
Cela étant, si l'on peut conjuguer les intérêts d'une action sociale et les
chances de développement d'un pays rural, au nom de quoi pourrait-on rejeter ou
montrer du doigt telle ou telle initiative ? Ainsi, ne tombons pas dans un
système qui, au nom de la rationalité, par exemple, imposerait tant de lits
dans telle zone parce qu'il y a tel nombre d'habitants. Laissons le choix aux
familles !
Je me réjouis, à cet égard, de constater que certains projets qui traînaient
dans des tiroirs ont été abandonnés. Ainsi n'ont pas été remis en cause les
acquis obtenus grâce à un amendement que j'avais défendu à l'Assemblée
nationale, au sujet du domicile de secours. Cette disposition demeure, malgré
les conditions de délai qui ont été imposées.
Voilà le grand débat : toute liberté doit être laissée au handicapé et à sa
famille de choisir l'établissement qui leur apportera le maximum de chances.
Lois de liberté, lois de respect de la personne humaine, les lois de 1975
méritent d'être préservées dans toute leur essence et dans leur approche
fondamentale, même si elles méritent aussi un nouvel élan. Et j'espère que
demain, à l'Assemblée nationale, ne seront pas remis en cause les amendements
qui seront votés au Sénat pour enrichir encore le présent projet de loi, afin
non pas de refondre mais d'adapter la loi sociale de 1975.
J'espère ainsi que, très bientôt, nous parviendrons à réaliser de réelles
avancées. Toutefois, il nous faudra attendre de nouvelles échéances, ce qui
demeure regrettable quand on sait que nous avons déjà perdu cinq ans pour
réaliser l'ambition qui était la nôtre pour les personnes handicapées.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
texte qui nous est présenté ce soir résulte d'un travail de longue haleine :
lancée voilà six ans, la concertation avec les acteurs concernés s'est
poursuivie, à travers les changements de majorité, jusqu'à aujourd'hui. C'est
dire combien chacun a pu faire valoir son point de vue et présenter ses
propositions. Le vote à l'unanimité de l'Assemblée nationale révèle d'ailleurs
un certain consensus sur un texte qui semble plus technique que politique. Il
faut s'en féliciter, d'autant qu'à y regarder de près le souffle politique
inspire votre texte, madame la secrétaire d'Etat.
J'aimerais rappeler à cette occasion que le groupe du RDSE n'a pas été absent
de cette réflexion. Ainsi, il y a déjà quelques années, il avait engagé, avec
René Lenoir - dont la lutte sans réserve contre l'exclusion a marqué l'esprit
de la loi du 30 juin 1975 - un débat sur la rénovation de ce texte. La richesse
de ses propos d'alors et son souffle humaniste ont incité les membres de mon
groupe à entretenir avec lui une relation durable. Mais ils ont également eu
des contacts avec le secteur public de la santé, avec le monde associatif et
avec les branches professionnelles, qui attendent beaucoup de nos travaux.
La loi de 1975 a représenté une étape déterminante et un progrès considérable
dans l'histoire de l'action sociale de notre pays. Grâce à elle et au dynamisme
du tissu associatif, ce secteur a pu se développer très sensiblement et
délivrer des prestations de mieux en mieux adaptées non seulement aux besoins
des personnes handicapées et des personnes âgées mais aussi à ceux des enfants
et des familles vulnérables et à ceux des personnes frappées par la grande
exclusion.
Cette loi fondatrice, combinée à la loi d'orientation en faveur des
handicapés, adoptée la même année, a surtout eu l'immense mérite de consacrer
l'identité et l'autonomie du secteur social et médico-social et de reconnaître
le rôle éminent qu'y jouent les réseaux de proximité constitués par les
associations et les centres communaux et intercommunaux d'action sociale.
Pour autant, l'ensemble des acteurs n'ont pas manqué, depuis plusieurs années,
de signaler les difficultés croissantes qu'ils rencontrent pour exercer leur
mission. Plus que des défauts originels, ce sont des évolutions lourdes du
secteur social qui ont engendré ces difficultés.
En premier lieu, un dispositif principalement axé sur l'établissement et la
prise en charge collective a conduit à de graves carences dans la prise en
charge de situations particulières et à l'ignorance de la volonté de certains
publics à s'insérer dans un milieu ordinaire.
En deuxième lieu, l'allongement de la durée de vie des personnes valides comme
des personnes handicapées et son corollaire, la dépendance, posent un défi
majeur. En tant que président d'une association qui gère un institut
médico-éducatif, ou IME, une maison spécialisée, ou MAS, et un service
d'éducation spéciale ou de soins à domicile, ou SESAD, je suis particulièrement
sensibilisé, madame la secrétaire d'Etat, à cette question. Comment faire
évoluer une structure - la MAS, en l'occurrence - quand la moyenne d'âge des
résidents ne cesse de croître grâce aux progrès de la médecine et à la qualité
de l'accompagnement ? L'adoption de ce texte pourrait, entre autres, déboucher
sur la création d'un groupe de travail afin de réfléchir à cette question
préoccupante.
En troisième lieu, le secteur social et médico-social a vécu une révolution du
fait des lois de décentralisation de 1982 et 1983 et de la loi du 6 janvier
1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de
compétences. La décentralisation a enrichi mais aussi perturbé un système
devenu aujourd'hui complexe, hétérogène, et dans lequel on ne distingue plus
toujours le pilote tant les intervenants sont nombreux.
Devant ces difficultés, la nécessité de la refonte de la loi de 1975 était
reconnue de tous. Une large consultation a été effectuée, dans de bonnes
conditions.
Mes chers collègues, une société se juge aussi, j'allais dire « surtout », à
la façon dont elle traite ses grands anciens et tous ceux qui souffrent, non
pas pauvres, mais, dirait Rilke « privés de biens essentiels ». C'est sans
doute ce qui a inspiré au Gouvernement ce projet de loi, et cette initiative
vous honore, madame, même si certains de nos collègues auraient préféré une
loi-programme pour anticiper sur les évolutions qu'ensemble nous
pressentons.
S'il ne trahit pas la philosophie de la loi de 1975, ce texte lui apporte de
salutaires améliorations sans pour autant répondre à toutes les questions que
nous nous posons ce soir.
Certes, le droit des usagers paraît mieux s'articuler avec celui des
institutions, les procédures de reconnaissance des établissements et des
services sont rendus plus efficaces, et des réponses concrètes sont apportées à
la complexité des politiques publiques.
Mais la simplification, l'efficacité, la réponse immédiate et adaptée de notre
société à des besoins exprimés par des individus tous différents et souffrant
de maux différents exigent de nous efforts et persévérance.
Ce sont les personnes qui, seules, nous intéressent, ce sont leurs maux que
nous voulons soulager, c'est la qualité de leur vie que nous cherchons à
améliorer, leurs projets individualisés que nous soutenons.
Madame la secrétaire d'Etat, les plus fragiles ont besoin plus que d'autres
d'un accompagnement sincère et attentif, détaché de tous les tracas
administratifs et exempt d'un formalisme excessif.
C'est au législateur d'imaginer les solutions qui s'imposent à notre société
en mutation, mais en sauvegardant la souplesse qui, seule, en fin de compte,
permet l'humanité.
La situation, les souffrances des plus démunis sont diverses et elles sont
respectables. Elles appellent un traitement personnalisé, de nature à éviter
les situations souvent dramatiques dont nous nous sommes fait l'écho, en
encourageant le maintien à domicile, la scolarisation des plus jeunes,
l'intégration, la sécurisation des structures, le développement d'expériences
novatrices d'accueil, la prévention de la maltraitance, le rapprochement des
familles, l'égalité dans la tarification des soins et des services, etc.
Ce projet de loi permet, sur tous ces points, un progrès incontestable dans le
développement de l'action sociale. Il a pris la mesure des défis à relever dans
un domaine où la sensibilité et la vulnérabilité sont omniprésentes.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale et nos travaux en
commission - à cet égard, je salue la qualité du rapport - ont permis de
l'améliorer encore.
Cependant, c'est bien logique, tout n'est pas résolu. L'aide personnalisée à
l'autonomie, la réforme des commissions techniques d'orientation et de
reclassement professionnel, les COTOREP, la défense des intérêts patrimoniaux
des personnes handicapées, le financement des établissements d'éducation
spéciale appellent encore des réponses. Mais leur absence ne doit pas occulter
la richesse de nos travaux, la volonté indéniable du Gouvernement de répondre à
des attentes légitimes.
Permettez-moi d'aborder un dernier point avant de conclure.
Lors d'un forum pour « une politique citoyenne de santé mentale », qui s'est
déroulé récemment au ministère de l'emploi, Mme Guigou a insisté sur la
nécessité de disposer d'un outil pour institutionnaliser un partenariat fort
entre les services de l'Etat et les collectivités locales.
Je voudrais attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur
l'existence d'un tel dispositif, notamment dans l'Hérault et dans neuf autres
départements, qui est à même de répondre aux orientations souhaitées. Il s'agit
des comités départementaux de liaison et de coordination des services
sociaux.
Ces comités sont régis par un décret datant de 1959 qui mériterait d'être
réactualisé. J'aimerais connaître votre sentiment à ce sujet.
Les partenaires et les financeurs de ces comités ont su faire évoluer cet
outil de travail pour que l'ensemble des acteurs de l'action sociale puissent
investir un espace de réflexion professionnelle, d'analyse des pratiques,
d'articulation des interventions et de l'information.
Tout cela participe d'un meilleur positionnement des équipes dans la prise en
charge des publics et favorise la création de réseaux médico-sociaux et
socio-éducatifs sur les territoires.
Décloisonner les établissements, faire dialoguer les différents acteurs, tel
est l'objectif de ces comités, qu'il convient d'aider à trouver leur place dans
le nouveau dispositif dont nous débattons.
Je relève, enfin, que ce projet de loi, qui a traversé les alternances, mérite
sans aucun doute un vote consensuel du Sénat, comme cela a été le cas à
l'Assemblée nationale, conformément aux attentes des acteurs dans le
secteur.
C'est en tout cas ce que souhaite le groupe au nom duquel je m'exprime.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Notre collègue M. Delfau vient de parler de consensus. Il n'a certainement pas
complètement tort, puisque, depuis le départ, on note que chacun souhaite ce
consensus.
Il a rappelé que ce texte a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale.
Espérons qu'ici, au Sénat, la même unanimité s'exprimera sur le texte amendé
par M. Paul Blanc et que le Gouvernement saura prendre en compte les
amendements tout à fait pertinents déposés par la commission des affaires
sociales. Ainsi, le consensus ira au-delà des mots et le texte prendra
véritablement en compte la volonté de la représentation nationale, Assemblée
nationale et Sénat confondus.
Je ne doute pas, madame la secrétaire d'Etat, que vous saurez être sensible
aux propositions de la commission et qu'ainsi M. Delfau n'aura pas parlé en
vain de consensus !
Le Sénat aborde aujourd'hui la discussion d'un texte qui a été déclaré
d'urgence. Il était certainement urgent de délibérer pour rénover la loi de
1975 !
Mais, comme l'a dit avant moi M. Jacques Blanc avec beaucoup de pertinence on
pouvait attendre du Gouvernement qu'il appréhende cette réforme dans sa
globalité et qu'il ne la « saucissonne » pas.
Or, aujourd'hui, nous légiférons seulement sur les établissements. On aurait
pourtant pu s'attendre à ce que le Gouvernement mette la personne handicapée ou
dépendante au centre du dispositif. C'est ce qui aurait dû primer, à mon avis,
sur l'aménagement, nécessaire sans aucun doute, de l'ensemble du dispositif
législatif et réglementaire qui régit les établissements.
Alors, qu'en est-il de la personne ? On s'en préoccupera dans un deuxième
temps. Toutefois, afin de donner à la représentation nationale et à l'opinion
publique le sentiment que le Gouvernement se préoccupe des handicapés - les
échéances électorales approchent ! On se dit qu'il serait peut-être temps de
répondre à leurs attentes, à celles de leurs familles et de ceux qui, dans les
associations, dans les institutions, militent pour aider ceux qui souffrent.
Tous attendaient en effet depuis longtemps des initiatives sur le plan
législatif. Ils sont, hélàs ! restés jusqu'à présent sur leur faim.
Il y a sans aucun doute beaucoup à faire, y compris sur le plan
institutionnel. Il s'agit là d'un problème de politique d'aménagement du
territoire. La répartition des établissements est tout à fait inégale sur
l'ensemble du territoire, et même dans chaque département, comme je le constate
dans celui que je représente.
Même si le département de l'Oise est dans une situation un peu particulière
parce que situé dans la grande banlieue parisienne, l'urbanisation galopante le
gagnant au fil des années - ce n'est certainement pas le projet de troisième
aéroport qui viendra contrarier ce mouvement - il y existe bien des
disparités.
La population de mon département - j'imagine qu'il en va de même à l'échelon
national - n'est pas traitée partout de la même manière. Il y a des zones
d'ombre, des endroits où aucun établissement n'existe. Il y a aussi des zones
mieux équipées, le sud du département, par exemple. Mais les établissements y
sont occupés par des jeunes et par des adultes qui viennent de l'Ile-de-France
et du Bassin parisien.
Les schémas d'organisation sociale et médico-sociale sont donc absolument
nécessaires. Encore faudra-t-il que nous puissions les mettre en oeuvre sur le
terrain. Il faudra en effet réunir des moyens financiers importants à l'échelon
national mais également départemental - dans la limite des possibilités des
collectivités territoriales - pour créer des établissements répondant aux
attentes légitimes et fortes de nos concitoyens.
Mais revenons-en à la déclaration d'urgence. Ce texte, examiné en conseil des
ministres le 26 juillet 2000, n'a été inscrit à l'ordre du jour du Sénat que
les 30 et 31 octobre 2001 : plusieurs mois se sont donc écoulés. Cela laisse à
penser que l'on aurait pu en commencer l'examen beaucoup plus tôt et le
travailler au fond en le soumettant à deux lectures tant au Sénat qu'à
l'Assemblée nationale.
Qu'est-ce que l'urgence ? Le Gouvernement s'en fait sans doute une idée un peu
particulière qui n'est certainement pas la même que la nôtre.
Autre question : ce texte sera-t-il d'une complète lisibilité ? Je n'en suis
pas persuadé. Le dispositif proposé est certes intéressant, mais son
articulation avec le code n'est peut-être pas très compréhensible.
La deuxième loi du 30 juin 1975, que j'ai évoquée il y a quelques instants,
relative aux institutions sociales et médico-sociales, apparaît comme un «
miroir » de la loi d'orientation en faveur des handicapés. Elle a organisé,
pour la première fois, au sein du secteur spécialisé, l'accueil et la prise en
charge des personnes handicapées ayant des difficultés pour s'intégrer dans le
milieu ordinaire. Ce texte a par ailleurs consacré l'identité et l'autonomie du
secteur social et médico-social, et reconnu le rôle éminent qu'y jouent les
réseaux de proximité, constitués notamment par les associations et les centres
communaux d'action sociale.
Toutefois, il a révélé ses limites avec le temps, et l'ensemble des acteurs -
les bénéficiaires eux-mêmes, les associations, les familles, les professionnels
- n'ont pas manqué, à plusieurs reprises, de signaler les difficultés sans
cesse croissantes qu'ils rencontraient pour exercer leur mission de prise en
charge des besoins des personnes handicapées.
Vingt-cinq ans après, le Gouvernement nous présente une réforme, apparemment
fort longue à élaborer. Je me souviens en effet que Mme Veil l'avait évoquée et
que Mme Aubry nous avait assurés qu'elle était imminente. Mais c'est finalement
Mme Guigou et vous, madame le secrétaire d'Etat, qui portez aujourd'hui ce
dossier ouvert par le gouvernement d'Alain Juppé, après celui de M.
Balladur.
Très attendue par les personnes concernées, la réforme s'avère cependant un
peu décevante ; elle manque de souffle et son contenu est insuffisant.
La loi de 1975, voulue par Jacques Chirac, alors Premier ministre, avait pour
objet d'améliorer l'intégration des personnes handicapées au sein de la
société. Avec ce projet de loi, il s'agit de renforcer cette loi. Pourtant, on
n'aborde pas bien des points essentiels pour les personnes concernées : la
prévention du handicap, les soins, l'accès à l'éducation des enfants, à
l'emploi et le maintien dans un cadre ordinaire de travail, l'allocation aux
adultes handicapés et l'accessibilité. Le sujet n'est pas mince !
Le Gouvernement s'était engagé, il y a deux ans, à ouvrir le chantier de la
rénovation de la loi d'orientation proclamant l'intégration des personnes
handicapées. Pourtant, des hommes, des femmes, des enfants souffrent de
handicap, attendent toujours des mesures concrètes et leur rapide mise en
oeuvre plutôt que des promesses de principe.
Je vous demande donc, madame le secrétaire d'Etat, quel calendrier vous nous
proposez pour la présentation de ces dispositions.
S'agissant du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, et qui a pour
objet de tenter de donner un renouveau à l'action sociale et au secteur
médico-social, son contenu ne soulève aucun enthousiasme, ni d'ailleurs aucune
critique rédhibitoire.
Les personnes concernées souhaitent une réforme pour deux raisons
essentielles.
Il est indispensable, selon elles, d'améliorer à la fois la qualité de
l'accueil dans les différents lieux de vie et l'articulation entre ces
différents lieux, et c'est bien pourquoi c'est la personne et non l'institution
qui doit être au centre de toute notre réflexion.
Il est nécessaire, par ailleurs d'améliorer les procédures d'autorisation,
d'évaluation et de fonctionnement des établissements et des services.
Pour ce qui est de l'amélioration de la réponse à offrir aux personnes
handicapées, c'est le dispositif qui doit s'adapter aux besoins des personnes
et non l'inverse.
Mes chers collègues, le handicap est une tragédie pour la personne concernée,
mais également pour ses proches. Dans cette épreuve, il est indispensable
d'offrir une prise en charge individualisée.
Cela exige une grande souplesse des dispositifs. A cet égard, comme l'ont dit
très justement M. Jacques Blanc et d'autres collègues, pourquoi ne pas faire
une place plus importante à l'expérimentation ?
Il est par ailleurs essentiel de garantir le libre choix de l'établissement et
des modes d'accueil. Cela suppose une pluralité de l'offre. En tout état de
cause, des progrès sont à faire dans ce sens, et des solutions telles que
l'accueil temporaire, qui reçoit dans ce texte un encadrement légal, doivent
être encouragées.
Cette prise en charge particulière correspond à un besoin de l'entourage
familial. Le dévouement des familles est, on le sait, sans limites, mais il met
à rude épreuve les plus courageux. Il s'agit d'offrir une parenthèse qui
permette de retrouver quelques ressources.
Ce qui vaut pour le handicap mental vaut également pour les personnes âgées
dépendantes. Je pense notamment à l'attente forte de nombreuses familles ayant
en leur sein des personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Je profite donc de votre présence au banc du Gouvernement, madame le
secrétaire d'Etat, pour vous demander quand le Gouvernement prendra
l'initiative d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale une
proposition de loi qui a été adoptée par le Sénat en première lecture et sur
laquelle M. Bernard Kouchner n'a d'ailleurs pas trouvé grand chose à redire. Il
a approuvé l'initiative et nous a demandé de ne pas nous inquiéter puisque le
Gouvernement allait prendre des mesures sur le plan réglementaire, et bientôt
sur le plan législatif.
Voilà pratiquement quatre ans que j'ai déposé une proposition de loi tendant à
améliorer la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer
et de troubles apparentés. Ce texte a été examiné par le Sénat le 28 janvier
1999. Il est désormais en souffrance à l'Assemblée nationale, le Gouvernement
ne l'ayant pas inscrit à l'ordre du jour. Cela a fait très récemment l'objet
d'une question, un député demandant précisément au Gouvernement quand il
entendait prendre une telle initiative.
Il ne suffit pas d'adopter aujourd'hui des mesures pour les instituts
médico-sociaux, ainsi que pour les établissements appelés à recevoir les
personnes dépendantes. Encore faut-il que nous mettions en place l'arsenal
législatif et réglementaire permettant de répondre aux attentes fortes des
familles concernées.
De même, il est important que chaque prise en charge soit suivie de
l'élaboration d'un véritable projet de vie individualisé, prenant en compte les
souhaits de chaque personne qui, si elle est, certes, souvent fragilisée, doit
bénéficier de la plénitude de ses droits et être traitée dignement. Nous
l'avons fait pour les personnes dépendantes ; il nous faut non seulement le
confirmer, mais aller plus loin en ce qui concerne les personnes handicapées.
Les associations jouent un rôle clé dans l'accueil personnalisé qui peut être
proposé.
Le secteur associatif occupe une place prééminente, notamment dans le domaine
des établissements d'accueil pour enfants ou pour adultes handicapés. Nous nous
devons de le soutenir sans réserve en cette année de centenaire de la loi de
1901.
Or ce texte demeure extrêmement timoré sur les évolutions à donner au rôle
joué par les associations. Pourtant, ce sont souvent elles qui connaissent le
mieux le désarroi de la personne atteinte et de son entourage familial ; ce
sont elles aussi qui peuvent agir sur le terrain pour optimiser les
améliorations de cette nouvelle loi.
Je ne peux donc qu'approuver l'initiative prise par notre rapporteur - je
tiens à saluer l'excellent travail que lui-même et la commission ont effectué -
de proposer des amendements visant à apporter plus de garanties et une
meilleure reconnaissance de leur rôle aux associations gestionnaires,
amendements dont j'estime qu'ils sont tout à fait pertinents et qu'ils méritent
d'être adoptés. Je pense, en particulier, aux demandes d'autorisation
auxquelles l'absence de réponse de la part de l'administration vaudrait refus ;
ce qui n'est pas acceptable en l'état. Pourquoi ne pas retenir l'accord tacite
?
Au moment où il existe un effort généralisé de l'administration pour améliorer
ses relations avec les usagers, avec un objectif de grande transparence, il
serait regrettable que seul le secteur des institutions sociales et
médico-sociales en soit exclu.
Je pense également au problème du renouvellement de leur autorisation tous les
dix ans, qui introduit une trop forte insécurité juridique. Les amendements du
rapporteur devraient remédier à ces obstacles.
Enfin, les associations doivent se voir reconnaître une place importante dans
les dispositifs de planification et d'évaluation, afin que soient corrigées les
dérives parfois technocratiques de certains professionnels du secteur.
Par ailleurs, je ne peux passer sous silence la non-résolution des difficultés
engendrées par l'application de l'amendement Creton.
En effet, loin de vouloir contribuer à la confusion souvent faite entre la loi
n° 75-535 du 30 juin 1975, qui nous intéresse ce jour, et son corollaire, la
loi n° 75-534 d'orientation en faveur des personnes handicapés, je voudrais
évoquer une question qui préoccupe l'ensemble des handicapés qui bénéficient
des dispositions connues sous le nom d'« amendement Creton », leurs familles,
ainsi que les départements.
A ce sujet, quelques collègues de la Haute Assemblée ont été interpellés. Je
souhaite plus particulièrement m'associer à Louis de Broissia, dont je partage
le point de vue sur la nécessaire et urgente clarification du financement de
l'amendement Creton. C'est donc en nos deux noms, sans oublier ceux qui ont ici
partagé cette préoccupation, que je vous pose, madame la secrétaire d'Etat,
cette question à laquelle, je l'espère, vous apporterez une réponse dès ce
soir.
L'amendement Creton, introduit par la loi du 13 janvier 1989 portant diverses
dispositions d'ordre social, procédait d'une intention généreuse, qui était de
limiter les ruptures de prise en charge des jeunes adultes. Cependant, ce
dispositif a entraîné une véritable situation d'engorgement dans de nombreux
établissements d'éducation spécialisée, - en particulier les instituts
médico-éducatifs, les IME et les instituts médico-professionnels, les IMPRO. En
effet, ces établissements ont dû prendre en charge des personnes handicapées
adultes alors que les personnels n'étaient pas toujours prêts à les encadrer
parce qu'ils n'avaient pas reçu la formation appropriée, et ce au détriment
d'enfants handicapés plus jeunes, qui ne pouvaient, de ce fait, accéder aux
structures qui leur étaient destinées.
Les modalités de financement de l'amendement Creton furent envisagées dans le
cadre d'une circulaire du 27 janvier 1995, qui fut annulée par une décision du
Conseil d'Etat le 30 juillet 1997. Nous revenons donc à la case départ, car la
situation quelque peu préoccupante dans laquelle se trouvent nombre
d'établissements, mais également de familles et de personnes concernées par
l'amendement Creton, n'est pas résolue. Non seulement les établissements sont
engorgés, mais nous n'avons pas les nouvelles structures d'accueil nécessaires
pour sortir de l'impasse ces familles et ces handicapés.
Il semble aujourd'hui que le financement de l'amendement Creton n'ait plus de
base juridique solide. Cet état de fait plonge les familles dans un désarroi
d'autant plus profond que, dans certains cas, les établissements recommandent
aux familles de récupérer les handicapés dont ils ne peuvent plus assumer la
prise en charge. Nous nous trouvons, par conséquent, dans une situation
paradoxale, puisque des personnes prises en charge durant l'enfance et leur
adolescence, c'est-à-dire une grande partie de leur vie, doivent retourner dans
leur famille ! Sans doute leur handicap va-t-il encore s'aggraver, ce qui
posera des problèmes lorsqu'ils devront intégrer un établissement correspondant
à la nature de celui-ci. A ce désarroi s'ajoute le mécontentement des
départements car, face à l'opacité grandissante du financement, qui fait les
frais de l'inertie du Gouvernement ? Ce sont les départements.
C'est pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, mon collègue Louis de Broissia et
moi-même souhaitons savoir comment vous comptez régler ce problème. Le plan
triennal de création de places de janvier 2000 permettra-t-il d'apporter une
solution ? Pouvez-vous nous assurer que la création de places permettra, en le
vidant de son sens, de régler les problèmes engendrés par l'application de
l'amendement Creton ? Nous attendons de vous des réponses à ces questions que
se posent toutes les familles et les conseils généraux.
Je souhaite également attirer l'attention du Sénat - j'en ai bientôt terminé -
sur un point connexe à un problème que nous avons évoqué lors de l'examen de la
loi du 15 juin 2000.
Dans une politique cohérente alliant les mesures socio-éducatives en faveur
des mineurs ou des jeunes majeurs, d'une part, et des majeurs de plus de vingt
et un ans, d'autre part, il semble logique de mieux reconnaître la nécessité du
travail socio-éducatif accompli par les associations présentes dans ce
secteur.
C'est pourquoi j'ai déposé trois amendements qui complètent et précisent la
mission d'évaluation et de prévention des risques sociaux, en y incluant les
actions permettant de mettre en oeuvre les alternatives à l'incarcération et
aux poursuites pour les adultes.
Je souhaite également être juste à propos de ce texte. Il comporte certains
points positifs. L'un d'entre eux est la création d'un conseil national de
l'évaluation sociale et médico-sociale, qui devrait fournir les outils
nécessaires à l'amélioration de la qualité des prises en charge. Bien entendu,
il faut veiller à ce que ce conseil, chargé en quelque sorte de l'élaboration
d'un modèle des bonnes pratiques professionnelles, dont s'inspireraient les
établissements, ne devienne pas très vite un censeur, il doit rester un outil
de référence pour la qualité du service, grâce à la réécriture des normes et à
un audit effectué par un organisme indépendant.
J'insiste sur la nécessité, pour ce conseil, de laisser toute sa place à
l'innovation ; sinon cette heureuse mesure se révélerait stérile et négative à
terme. Il serait navrant de décourager les bonnes volontés, si précieuses dans
ce secteur, en raison de ridigités excessives.
Les schémas d'organisation sociale et médico-sociale, qui sont des outils
précieux d'aide à la décision, devront être le plus proche possible de la
réalité et des besoins, afin d'apporter aux demandes multiples des réponses
adaptées et de mieux répondre à l'appel urgent et souvent désespéré qui est
lancé par les enfants, les adolescents et les adultes lourdement handicapés.
Pour cela, ils devront notamment permettre la création des places nécessaires
aux personnes qui souhaitent rester à proximité de leurs lieux de vie, ce qui
est loin d'être le cas sur une bonne partie du territoire ! Ils devront
également assurer aux collectivités publiques - Etat, conseil général et
régional, commune, sécurité sociale - une meilleure coordination de leurs
interventions.
L'absence d'une quelconque mesure sur l'intégration scolaire en milieu
ordinaire dans ce texte est, en revanche, décevante. Rien n'est dit, en effet,
sur l'implication de l'éducation nationale. Or il s'agit d'un sujet majeur,
essentiel pour les familles qui s'inquiètent pour l'avenir de leurs jeunes
enfants.
Bien entendu, je suivrai la démarche de notre rapporteur, qui insiste sur ce
dossier et qui prévoit des actions de soutien susceptibles d'être effectuées en
milieu scolaire ordinaire, sans oublier les actions de scolarisation au sein
des établissements sociaux et médico-sociaux.
Enfin, je souhaite dire quelques mots du maintien à domicile des personnes
handicapées.
Il est indispensable, à mon sens, d'établir une véritable coordination de tous
les modes d'accueil, et il est souhaitable de donner toute sa place au maintien
à domicile. Aussi, en intégrant sans ambiguïté dans ce texte les services
d'aide à domicile qui interviennent en faveur des personnes handicapées ou des
personnes âgées, ainsi que les structures d'accueil de jour comme les foyers à
double tarification, désormais appelés foyers d'accueil médicalisés, et tous
les services qui concourent au maintien des personnes âgées ou handicapées chez
elles, une étape très importante est franchie
Il reste à offrir en parallèle - c'est souvent là que le bât blesse - les
crédits nécessaires au développement de ce qui constitue, lorsque le handicap
de la personne le permet, la meilleure solution pour conserver le cadre de vie
le plus équilibré possible. Le désir de vivre à domicile est de plus en plus
grand chez les personnes handicapées. Il en est de même du souhait des
personnes âgées de rester chez elles. Nous nous devons de les prendre en
compte.
Mes chers collègues, madame le secrétaire d'Etat, dans l'attente du débat que
nous aurons sur la rénovation de la loi d'orientation de 1975 - j'espère le
plus tôt possible, mais nous pouvons douter que ce soit avant les élections
présidentielles - le groupe du RPR votera les nombreux amendements qui seront
présentés par notre rapporteur et qui tendent à améliorer sensiblement ce
projet de loi. Toutefois, bien qu'il comporte quelques avancées, je veux bien
l'admettre, ce texte reste malgré tout décevant sur certains aspects.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
loi du 30 juin 1975 a consacré l'existence d'un secteur participant à la fois
du sanitaire et du social : le secteur médico-social. Cette loi était le
corollaire de la loi sanitaire du 31 décembre 1970 portant réforme
hospitalière
Les deux axes principaux de la loi concernaient la coordination des
interventions et la régulation du dispositif. L'instrument principal de
régulation était la soumission de la création ou de l'extension importante de
certains établissements au régime de l'autorisation.
Ce cadre législatif a été modifié par deux lois, en 1983 et 1986, qui ont tenu
compte des lois de décentralisation. Ces lois successives ont dessiné un
système d'une grande complexité administrative.
En effet, le pouvoir d'autoriser la création d'établissements est partagé
entre l'Etat et le président du conseil général. Les projets concernant des
personnes âgées et des adultes handicapés relèvent de l'autorité du président
du conseil général pour le seul domaine de l'hébergement. Les projets
concernant des soins ou des prestations relevant d'un financement de la
sécurité sociale dépendent, pour leur part, de l'autorité préfectorale.
Cette situation met en évidence le besoin d'une instance de concertation.
Malheureusement, le schéma départemental, censé assurer une certaine
régulation, présente un bilan peu satisfaisant. Bien qu'il soit obligatoire,
aucune sanction n'est prévue si le département ne s'exécute pas.
M. Michel Mercier.
Heureusement !
M. Jean-Louis Lorrain.
En outre, le schéma n'est pas opposable et aucune périodicité n'est fixée.
Un autre problème majeur se pose, celui du cadre législatif qui concerne les
difficultés de la tarification des établissements.
Avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 1983, le préfet détenait
toute l'autorité de tarification. La décentralisation a modifié cet état de
fait par le transfert d'une partie de ses compétences vers les collectivités
territoriales.
Le président du conseil général est l'autorité compétente au regard des
institutions sociales et médico-sociales dans le domaine de l'aide sociale à
l'enfance, aux personnes âgées, à l'hébergement et à l'entretien de la personne
handicapée dans les établissements de rééducation professionnelle et d'aide par
le travail. De son côté, l'Etat demeure compétent au regard des institutions
dispensant des prestations remboursables aux assurés sociaux.
Aujourd'hui, une nouvelle réforme s'impose pour prendre en compte les
nouvelles réalités de ce secteur. En effet, il faut répondre au vieillissement
de la population. Ce vieillissement, ainsi que l'allongement de la durée de
vie, posent la question de l'augmentation du nombre de personnes âgées en perte
d'autonomie, ainsi que celle de la plus grande longévité des personnes
handicapées.
Il convient donc de développer un accompagnement tout au long de la vie, ce
qui appelle l'émergence de nouveaux modes de prise en charge, ainsi que la
reconnaissance, par voie législative, des structures déjà existantes et non
prises en compte dans la loi. C'est le cas, notamment, des structures d'accueil
de jour qui répondent à des besoins précis, en particulier pour les personnes
âgées et pour les adultes handicapés.
De même, l'accueil temporaire s'est mis en place en l'absence de bases
juridiques. Il permet d'assurer un répit pour les familles qui ont la charge
d'une personne handicapée ou dépendante.
Par ailleurs, l'accent mis sur la prise en charge à domicile a conduit à un
important développement des services d'aide à domicile. Or ces services
n'entrent pas dans le champ de la loi de 1975
Enfin, la question de l'intégration est aujourd'hui au coeur des réflexions
sur la place des handicapés dans notre société. Elle recouvre aussi bien
l'intégration en milieu ordinaire que l'intégration scolaire. Sur ce plan, il
faut bien reconnaître que la France est en retard puisque, par exemple, seul un
adolescent handicapé sur trois est scolarisé en établissement scolaire, une
majorité d'entre eux se trouvant dans les secteurs médico-social,
médico-éducatif et hospitalier.
Cette intégration en milieu scolaire est fondée sur le volontariat du
personnel enseignant et du personnel administratif, qui, malheureusement, par
manque de formation et d'information, est souvent réticent à accepter les
personnes handicapées dans les classes ordinaires.
Quant à l'intégration sociale, elle a fait l'objet d'un avis récent du Conseil
économique et social, qui stigmatise le retard de la France dans ce domaine,
soulignant notamment l'inadaptation du cadre architectural - seules 40 % des
réalisations neuves sont accessibles aux handicapés, en dépit de la loi - et
les difficultés d'accès aux transports en commun.
Le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale est attendu
depuis longtemps avec une grande impatience et beaucoup d'espoir par le monde
associatif, les familles et les handicapés.
Les questions les plus douloureuses qui sont posées concernent le manque de
structures d'accueil, la déficience de la formation des professionnels face aux
divers handicaps, ainsi que le désarroi des familles et des accompagnants
devant l'inexistence d'informations sur le nouveau mode de vie auquel ils sont
confrontés lors de la découverte du handicap invalidant qui touche l'un de
leurs proches.
Les complexités administratives multiples qui entourent le système social et
médico-social sont perçues comme un handicap supplémentaire et un isolement de
la personne atteinte.
Les efforts d'intégration que permet l'actuel texte datant de 1975 sont
considérés comme bien insuffisants aujourd'hui, au point d'en arriver à parler
d'exclusion. C'est donc sur ces quelques points que devront porter nos efforts
si nous voulons donner des éléments de générosité et d'humanisme à cette
loi.
L'examen en première lecture par l'Assemblée nationale a permis d'améliorer le
projet de la loi à la fois sur la forme et sur le fond.
Au titre des avancées, on peut noter, en particulier, la reconnaissance dans
la loi de l'accueil temporaire, l'amélioration de la procédure d'évaluation par
la création d'un conseil de l'évaluation, la mise en place d'un régime
d'incompatibilités entre la direction d'un établissement ou d'une structure
sociale ou médico-sociale et certaines condamnations pénales, l'intégration des
foyers de jeunes travailleurs dans le champ de la loi, la reconnaissance des
services d'aide à domicile et la mise en place des schémas départementaux.
Néanmoins, des lacunes persistent, notamment par l'absence d'une véritable
reconnaissance législative du rôle et de l'action du secteur associatif dans le
champ social et médico-social : les associations, qui gèrent les trois quarts
des établissements, doivent être reconnues comme de véritables partenaires de
l'action publique.
Par ailleurs, il faut regretter l'absence de réflexion sur le fonctionnement
des COTOREP ; leur nécessaire évolution n'a pas été suffisamment évoquée. Du
reste, les difficultés quotidiennes des personnes handicapées ne trouvent
aucune solution dans le présent texte.
Si le Gouvernement a annoncé l'ouverture d'un nouveau chantier législatif en
la matière, pour l'heure, les problèmes concrets des handicapés restent en
suspens. Il faut donc déplorer que le réseau associatif n'ait pas été reconnu
comme un partenaire à part entière du renouveau du secteur médico-social,
puisque le texte du Gouvernement ne lui donne pas la place qu'il mérite.
En revanche, point positif, la reconnaissance officielle de l'accueil
temporaire permet de franchir un pas considérable dans l'accompagnement des
personnes en grande détresse.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais formuler, au nom du
groupe de l'Union centriste. Si ce projet de loi comporte encore un grand
nombre de lacunes, la commission des affaires sociales, dont je fais partie, à
cherché a y remédier.
Je souhaite rendre hommage à l'important travail réalisé par notre collègue
Paul Blanc, rapporteur ; je ne manquerai pas, avec les membres du groupe de
l'Union centriste, d'apporter mon soutien aux amendements qu'il proposera, au
nom de la commission, à notre Haute Assemblée, pour donner à ce projet de loi
la véritable dimension humaine qui lui manque.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis plus de cinq ans, l'ensemble des professionnels acteurs du secteur de
l'action sociale, le milieu associatif et les politiques se sont mobilisés pour
que cette loi majeure pour l'existence du secteur médico-social puisse évoluer
afin de coller aux réalités sociales d'aujourd'hui et prendre en compte
l'avenir ainsi que les besoins multiformes des personnes les plus
vulnérables.
L'objectif premier est d'offrir une réponse adaptée aux choix de vie de
chacune et chacun et respectueuse des droits fondamentaux de la personne.
Indiscutablement, la loi de 1975 a servi le développement d'un dispositif fort
de près de 25 000 établissements et services dédiés aux personnes âgées, aux
enfants et adultes handicapés, à l'enfance en danger et à la protection de la
famille, ainsi qu'aux personnes en situation de grande précarité, accueillant
et dispensant des prestations multiples à plus de 1 200 000 million de
personnes et employant 400 000 salariés.
Pour autant, la nécessité d'engager une réforme d'ensemble, en profondeur, et
non un simple « dépoussiérage », s'est imposée rapidement. Différents rapports
- celui de l'inspection générale des affaires sociales, en 1995 ou, plus
récemment, celui de Pascal Terrasse, en mars 2000 - ont permis de mettre en
exergue les faiblesses de ce cadre juridique, qu'il s'agisse des fortes
inégalités de couverture du territoire en matière d'équipements, des disparités
au niveau de la qualité des réponses, de l'absence ou de l'inopérance des
schémas d'organisation, ou encore de la faiblesse du partenariat alors que
l'Etat et les départements partagent de nombreuses compétences.
Les associations de ce secteur en pleine mutation, dont la place, madame la
secrétaire d'Etat, demeure incontournable, ces dernières offrant, ne l'oublions
pas, 58 % des capacités d'accueil, attendaient de la réforme annoncée qu'elle
soit bel et bien l'occasion, d'abord, d'affirmer et de développer les droits
des usagers et de leurs familles ; ensuite, de promouvoir l'innovation sociale
et médico-sociale en améliorant notamment les procédures de reconnaissance des
établissements et des services ; enfin, de mettre un terme à la complexité des
politiques publiques.
Le projet de loi dont nous commençons l'examen est-il à la hauteur des enjeux
?
Avant d'amorcer un certain nombre de réponses, une remarque préliminaire
d'importance s'impose. Il nous semble difficile de réussir le pari de placer
effectivement la personne, l'homme, au centre du dispositif si, parallèlement,
la réforme de l'autre loi du 30 juin 1975, à savoir la loi d'orientation en
faveur des handicapés, n'est pas entreprise. Vous êtes convenue, madame la
secrétaire d'Etat, qu'il « était logique de ne pas dissocier le processus de
réforme des deux textes ». Vous nous avez fait part, en commission, de la mise
en place de groupes de travail par Mme Ségolène Royal. Pouvez-vous nous assurer
que les associations de personnes handicapées sont véritablement conviées à ce
travail de réflexion ?
Le 25 janvier dernier, intervenant devant le comité national consultatif des
personnes handicapées aux côtés d'un certain nombre de ministres, marquant
ainsi sa volonté d'approcher transversalement la question, le Premier ministre
a annoncé le déblocage de 2,5 milliards de francs de crédits supplémentaires
pour donner aux personnes handicapées les moyens de leur autonomie.
« Garantir une solidarité en faveur de ceux que le handicap a le plus durement
touchés et favoriser l'autonomie de tous ceux qui peuvent s'intégrer dans le
milieu ordinaire », telles sont notamment les orientations de la politique à
l'égard des personnes handicapées. Nous partageons ces orientations, tout en
regrettant que le Gouvernement n'envisage pas pour le moment l'accélération de
la mise en oeuvre de son plan pluriannuel, alors qu'il y a urgence pour que
l'intégration au quotidien dans la ville, au travail et à l'école se
concrétise.
Je citerai un exemple pour illustrer mon propos : des parents aspirent,
légitimement, à ce que leurs enfants handicapés, porteurs de la trisomie 21,
puissent être pris en charge et intégrés dans un milieu scolaire ordinaire
entre treize et dix-sept ans.
Ces parents disent se trouver face à deux « non-solutions » : d'une part, les
instituts médico-éducatifs, surchargés, reçoivent les élèves à partir de douze
ans, mais dispensent seulement quelques heures d'enseignement par semaine ;
d'autre part, les unités pédagogiques intégrées en collège sont en nombre
réduit ; on en compte seulement deux sur tout le département du Rhône !
Madame la secrétaire d'Etat, vous avez pris, au nom du Gouvernement, un
certain nombre d'engagements devant l'Assemblée nationale lors de l'examen de
ce projet de loi en première lecture. Un texte révisant la loi d'orientation en
faveur des handicapés devait être prêt au premier semestre de 2002. Il
reviendra à la nouvelle législature de le faire aboutir. Autant dire qu'aucune
garantie n'existe aujourd'hui !
Nous serons également attentifs à la réforme des COTOREP, au contenu et à la
publication, que vous souhaitez rapide, des trop nombreux décrets d'application
de la présente loi.
Le sujet dépassant les clivages politiques, de nombreux amendements, bien
souvent largement cosignés, sont venus enrichir ce projet adopté à l'unanimité
par l'Assemblée nationale.
Parmi les dispositions nouvelles, certaines nous paraissent importantes et
devoir, par conséquent, être maintenues en l'état : les mesures relatives à
l'institution d'un conseil de la vie sociale ou d'autres formes de
participation des personnes bénéficiaires de prestations au fonctionnement du
service ou de l'établissement ; celles qui concernent l'interdiction
d'exploiter, de diriger, d'exercer des fonctions dans un établissement ou
service pour toute personne condamnée pour des actes délictueux en matière
sexuelle ; enfin, celles qui ont trait à la création d'une commission
départementale de l'accueil des jeunes enfants.
La grande majorité des acteurs du secteur médico-social, que mes amis Guy
Fischer et Marie-Claude Beaudeau ont rencontrés pour préparer au mieux ce
débat, considèrent que ce premier examen a permis, effectivement, d'apporter un
certain nombre d'améliorations au projet de loi, mais qu'il est nécessaire de
le parfaire pour que la réforme puisse représenter une avancée
significative.
Le volet du texte concernant les droits des personnes accueillies ou suivies
dans les établissements et services est, selon nous, le plus positif. Nous
apprécions qu'ait été affirmé, au titre des droits de l'usager, celui de
participer directement ou avec l'aide de son représentant légal à la conception
et à la mise en oeuvre du projet d'accueil et d'accompagnement.
Les projets d'information garantissant les droits fondamentaux des
bénéficiaires de prestations sont multiples, mais ils sont surtout adaptés à la
diversité du secteur. L'article 5 fait référence au contrat de séjour ou à un
document individuel de prise en charge. S'agissant plus particulièrement du
contrat de séjour, une incertitude demeure quant à sa valeur juridique.
Crée-t-il pour les structures une obligation de moyen, solution réaliste, ou
une obligation de résultat, dangereuse car poussant les gestionnaires à
s'engager sur des objectifs
a minima
?
Nous attendons, madame la secrétaire d'Etat, une précision sur ce point.
Nous partageons l'idée de recourir à une personne qualifiée, un médiateur,
pour aider toute personne à faire valoir ses droits. Pour que celui-ci soit
perçu comme un tiers au litige, nous proposerons qu'il soit désigné non pas par
les autorités chargées de la régulation des établissements mais par le
médiateur de la République.
Sur un autre axe fort du texte - les objectifs, les acteurs, les principes et
missions de l'action sociale et médico-sociale - nous ferons aussi de multiples
propositions.
Nous notons avec satisfaction que l'objectif de protection des personnes est
affirmé, que les personnes âgées et les personnes handicapées sont expressément
citées parmi les bénéficiaires de l'action sociale et médico-sociale, dont le
caractère interministériel s'est imposé, et que référence est faite, pour
l'action sociale, à l'intérêt général et à l'utilité sociale.
Pour autant, nous tenons beaucoup à ce que l'apport du monde associatif soit
davantage reconnu et à ce que les différents acteurs chargés de la mise en
oeuvre de l'action sociale participent également à l'élaboration des politiques
sociales et médico-sociales.
Par ailleurs, il nous a semblé utile, pour renforcer les droits des usagers,
de mentionner, au titre des missions, de l'action sociale, l'accès à l'ensemble
des droits fondamentaux de la personne, notamment le droit aux soins.
Nous proposerons également de faire apparaître dans la liste des missions la «
réadaptation » professionnelle, qui figure actuellement dans la loi du 30 juin
1975.
Les articles 1er à 3, bien que très déclaratifs, n'en demeurent pas moins fort
importants. Pour qu'ils puissent concrètement s'appliquer, le maillage du
territoire en réseaux d'établissements et en services de qualité, suffisamment
diversifiés pour satisfaire l'ensemble des besoins sociaux, doit être la
priorité. Par conséquent, le secteur social et médico-social ne doit pas être
l'objet d'un encadrement essentiellement financier. La problématique est
semblable à celle de la santé et, là, notre appréciation du texte devient moins
positive, voire critique.
En effet, un certain nombre de dispositions confirment le choix d'une
régulation purement comptable mise en place depuis deux ans dans le secteur
médico-social. Désormais, une autorisation de création d'établissements ou de
services pourra être refusée pour des raisons financières. En ce qui concerne
plus spécifiquement les établissements hébergeant des personnes âgées
dépendantes, la délivrance ou le renouvellement de l'autorisation est
subordonnée à la signature d'une convention tripartite.
Au cours de la discussion des articles, nous aurons l'occasion de rappeler,
comme nous l'avons d'ailleurs fait lors de l'examen de la loi portant création
de l'allocation personnalisée d'autonomie, notre rejet de la réforme de la
tarification.
Je vous rappelle que le groupe communiste républicain et citoyen avait alors
défendu un amendement tendant à remplacer les tarifs « dépendance » par une
dotation globale, mutualisant ainsi pour chaque établissement les charges liées
à la dépendance.
Dans un article d'
Union sociale
d'octobre 2001, M. Hugues Feltesse,
directeur général de l'UNIOPSS, l'Union nationale interfédérale des oeuvres
privées sanitaires et sociales, défend « une régulation équilibrant les
critères de besoins sociaux et de ressources disponibles ». Il se plaint de la
faiblesse du taux de hausse des budgets alloués aux structures existantes,
démontrant que la croissance des crédits affectés au secteur médico-social -
l'enveloppe de l'ONDAM - est beaucoup plus liée à l'ouverture de places
nouvelles en CHRS.
Madame la secrétaire d'Etat, vous l'aurez compris, les questions des moyens,
des habilitations financières et de la tarification sont essentielles à nos
yeux.
Concernant le champ d'application de la nouvelle loi, nous prenons acte de son
élargissement. Les foyers de jeunes travailleurs sont, en effet, réintégrés
dans le dispositif, et il n'est plus fait désormais référence à un âge limite
dans les établissements pour personnes handicapées.
Les services d'aide à domicile pour les personnes âgées et handicapées sont
couverts par la loi. Les demandes sont fortes pour que les services d'aide à
domicile en direction des familles ayant un enfant de moins de trois ans
relèvent aussi de la loi.
Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous expliciter les raisons motivant votre
refus ?
Nous espérons que nos demandes visant à faire apparaître dans la liste des
établissements et services visés par le projet de loi la prévention
spécialisée, d'une part, le socio-judiciaire, d'autre part, recevront un écho
favorable.
S'agissant, ensuite, de la planification, il est à noter que les procédures de
concertation et de partenariat sont accentuées, tandis que les missions des
sections sociales du CNOSS et des CROSS sont élargies.
Si, effectivement, on entend permettre à ces sections de proposer des
priorités pour l'action sociale et médico-sociale, encore faudrait-il qu'elles
soient en mesure d'évaluer les besoins en ce domaine, ce qui suppose,
évidemment, la mise en place d'une véritable observation et d'un recensement
des besoins. Nous proposerons des amendements en ce sens.
Par ailleurs, il nous semble que la démarche initiée de démocratisation dans
l'élaboration des politiques publiques reste inachevée, principalement en
raison du retrait de la disposition associant le CNOSS en amont de
l'élaboration des lois de finances et des lois de financement de la sécurité
sociale.
Je ferai quelques dernières observations sur les schémas d'organisation
sociale et médico-sociale.
Nous ne nous satisfaisons pas de l'échelon territorial - le département - qui
a été retenu pour situer leur élaboration en ce qui concerne les établissements
et services de réadaptation professionnelle.
Enfin, s'agissant du nouveau régime de l'autorisation, outre le fait que les
acteurs considèrent comme difficilement applicable et peu sécurisant le passage
de l'autorisation à durée déterminée à une autorisation limitée à dix ans, nous
déplorons que des critères autres que celui de l'utilité sociale du projet
président à sa délivrance. De surcroît, contrairement à ce qui figurait dans
les avant-projets, il n'est désormais plus question de prévoir un régime
déclaratif en cas d'urgence, ce qui est dommageable pour la prise en compte des
besoins immédiats des personnes.
Je suis persuadé que le débat sera l'occasion de répondre à un certain nombre
d'interrogations et d'enrichir le texte dans le souci d'une prise en compte
plus grande des aspirations des populations concernées, de leurs familles et
des difficultés rencontrées par l'ensemble des intervenants.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Gazeau.
Madame la secrétaire d'Etat, il m'est agréable d'avoir à intervenir devant
vous sur un projet de loi dont beaucoup d'entre nous reconnaissent à la fois la
pertinence et l'ambition. A la manière de nos collègues de l'Assemblée
nationale, qui l'ont adopté en première lecture à la quasi-unanimité, sachons
poser sur ce texte un regard apaisé et constructif.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale dont nous sommes
amenés à discuter apparaît conjointement comme une indispensable mise à jour et
comme un pas en avant important.
En premier lieu, il constitue une actualisation incontournable de la loi de
1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Malgré un apport
considérable à l'organisation de l'action sociale dans notre pays, ce texte
est, il faut bien le dire, aujourd'hui frappé d'une certaine péremption. Une
catégorisation institutionnelle trop rigide, l'innovation par là même bridée,
des difficultés à susciter une offre de services suffisante et le développement
d'inégalités territoriales croissantes sont autant d'éléments devenus, au fil
des années, des handicaps non négligeables.
Parallèlement, et en second lieu, ce texte est porteur de plusieurs
innovations de fond. On citera la volonté de reconnaissance d'une mission
d'intérêt général pour les activités du secteur social et médico-social mission
qui consiste à reconstruire le lien qui unit les plus fragiles d'entre nous à
la communauté des citoyens, ou encore l'amélioration des relations entre les
divers acteurs publics, notamment l'Etat et le département, qui ont peiné
parfois, il faut le reconnaître, à combiner leurs efforts.
Le présent texte apporte aussi une réponse satisfaisante aux interrogations
sur le statut de la personne exclue pour son handicap, pour les conséquences de
son âge ou pour sa piètre situation sociale ou sanitaire. Cette personne courra
désormais moins le risque d'être considérée en isolat anonyme. Elle se verra,
au contraire, conférer une citoyenneté pleine et entière lui garantissant
dignité et reconnaissance.
C'est pour cette raison que ce projet de loi, bien que d'essence technique, me
semble aller dans le sens d'un authentique progrès social. Il présente, de
plus, le double avantage de ne léser aucun des acteurs du système actuel et de
mettre en adéquation des objectifs et des propositions. Il a été le fruit d'une
démarche d'écoute et de consultation assez longue, on l'a dit, et la somme des
réformes envisagées par ce texte est incontestablement positive.
Elle l'est, tout d'abord, pour l'ensemble du secteur social et médico-social,
qui se voit conforté dans son rôle. Elle l'est, ensuite, pour les usagers et
leurs familles, qui seront dorénavant mieux associés à des décisions qui les
concernent au premier chef. Elle l'est, enfin, pour la collectivité nationale
et les collectivités territoriales, qui gagneront à accroître leur
complémentarité.
Au terme de ce propos liminaire, je souhaiterais développer, à partir des
aspects les plus novateurs de ce texte, trois dimensions principales.
En premier lieu, le projet de loi, en insistant sur sa mission d'intérêt
général, prend acte de la volonté de la puissance publique de prendre une part
encore plus active à l'organisation de l'action sociale et médico-sociale. Des
droits nouveaux sont donc désormais ouverts à ceux qui sont en proie à ces
difficultés, et l'Etat doit leur garantir un recours et une protection face à
ces dangers.
Il ne peut en effet exister un traitement différencié d'un risque unique sur
l'ensemble du territoire national. Or, il se trouve que l'Etat est le mieux
placé pour accomplir le recensement des besoins existants à l'échelle nationale
et pour programmer les actions visant à les satisfaire, dans un esprit de
planification souple.
La prise de responsabilité de l'Etat ne vise pas à la dépossession d'un
quelconque acteur du système. Nous dirons seulement que, à dignité égale de
chaque citoyen rendu vulnérable par les aléas de l'existence ou les risques
sociaux, doit correspondre un traitement égal pour tous.
Il est, par conséquent légitime que l'Etat se voie octroyer un rôle de
supervision, de diagnostic et d'incitation.
Mais, il est appelé à remplir ce rôle en partenariat et même en concertation
avec les collectivités publiques en charge du secteur, que ce soient les
départements, les organismes d'assurance maladie ou d'autres services
déconcentrés de l'Etat, sans oublier, bien sûr, les acteurs de terrain que sont
les associations, qui assurent, pour une large part, l'effectivité du travail
social et médico-social. Pour ce faire, le Comité national de l'organisation
sanitaire et sociale, de même que ses déclinaisons territoriales que sont les
comités régionaux, au sein desquels siègent les protagonistes précités, seront
porteurs d'une réflexion annuelle sur les priorités de cette action.
La programmation territoriale résumée dans les schémas départementaux
d'organisation sociale et médico-sociale s'inspire, elle aussi, de l'impulsion
partenariale donnée par le texte. Les représentants de l'Etat voient toutefois
leur rôle dans l'élaboration et l'acceptation de ces schémas renforcé de façon
importante.
Il va de soi que cette évolution peut être sujette à interprétations, et M. le
rapporteur nous a donné la sienne. Mais il ne me semble pas qu'elle soit de
nature à affecter la primauté conférée au département sur le choix de
l'organisation de ses politiques sociales par les lois de décentralisation. Le
projet réaffirme en effet implicitement le principe d'absence de tutelle d'un
échelon institutionnel sur un autre. Mais, plus encore, c'est l'usage qui
conduira à reconnaître que le département est l'acteur le plus qualifié pour la
définition du contenu de cette politique.
Tout conflit avec les représentants de l'Etat dans l'élaboration des schémas
départementaux d'organisation sociale, les SDOS, devra s'évaluer, dans la
pratique, à l'aune de l'expérience sociale et médico-sociale des départements.
Et celle-ci - les élus locaux que nous sommes, pour beaucoup, le savent bien -
est incontestable et incontournable.
On remarquera, par ailleurs, que le département se voit consacré comme théâtre
principal de la gestion territoriale de l'action sociale et médico-sociale.
C'est en effet au sein de l'espace départemental que des conventions
pluriannuelles tendant à l'homogénéité des services rendus à l'usager sont
établies.
Enfin, pour illustrer de nouveau l'essence partenariale des dispositions du
projet de loi, je rappellerai que sont institués des lieux officiels de
concertation sur les enjeux et les perspectives des politiques sociales et
médico-sociales.
Il s'agit, en premier lieu, de la création d'un conseil supérieur des
établissements et services sociaux et médico-sociaux, composé de représentants
des collectivités locales et territoriales, des associations, des personnels et
des usagers, ayant une vocation consultative. Il s'agit, en second lieu, de la
création d'un conseil national de l'évaluation sociale et médico-sociale qui,
placé auprès de vous, madame la secrétaire d'Etat, permettra d'observer les
pratiques professionnelles du secteur et de conseiller ses différents
prestataires de services.
On saura gré au texte qui nous est présenté d'oeuvrer fortement en faveur de
l'amélioration des habitudes de coopération et d'échanges, qui font encore
défaut à un secteur dont les acteurs ont été victimes d'un certain
cloisonnement, faute d'une législation adaptée.
En deuxième lieu, la rénovation de la loi de 1975 n'a pas d'autre fin que
d'assurer le mieux-être des usagers.
C'est en effet d'une véritable déclaration de droits que l'usager est, avec ce
texte, le sujet. Des protections indispensables lui sont ainsi procurées quant
au respect de son intégrité physique et morale. Mais, plus encore, au-delà de
ces nécessaires positions de principe sur la protection de la dignité de la
personne, le texte permet à l'usager de devenir acteur de sa propre situation
de fragilité. Le mot est lâché : il n'est plus sujet, il est acteur ! Il pourra
choisir le cadre dans lequel il souhaite être aidé, domicile ou
établissement.
Il bénéficiera ensuite d'un suivi personnalisé et aura toute liberté d'accès
aux informations le concernant.
Ces nombreuses prérogatives nouvellement confiées à l'usager ne sont pas
seulement affirmées, elles sont formalisées par un document de prise en charge.
Ce dernier est élaboré par l'usager ou son représentant légal et le prestataire
de services afin que l'acteur et son entourage soient clairement informés de la
nature des services proposés et du respect par le prestataire d'une certaine
norme éthique.
Ce contrat individuel constitue une garantie fondamentale pour la personne
prise en charge. Il démontre que la protection de la dignité de la personne
n'est pas une vaine expression dans ce projet de loi. Les recommandations des
familles sont ainsi mieux prises en compte, et c'est une partie, certes,
infime, de leur douleur qu'elles allègent de la sorte.
Enfin, en troisième lieu, comment mieux humaniser des services qu'en faisant
fortement évoluer l'offre et la qualité de l'offre ?
En effet, le principal reproche fait à la loi de 1975 émanait des
professionnels eux-mêmes. A leurs yeux, ce texte a provoqué une certaine
sclérose de l'offre sociale et médico-sociale. Nous observons, de plus, des
difficultés pour assurer la continuité du service rendu entre aires
géographiques ou entre établissements.
Le projet de loi s'attache donc à permettre le développement des initiatives
et le maintien d'une bonne qualité de l'offre. Il prévoit, pour ce faire,
plusieurs outils.
Premièrement, il s'agira d'une rénovation du régime des autorisations, qui
seront désormais sujettes à révision tous les dix ans. Certes, M. le rapporteur
l'a relevé, cela suscitera une forte incertitude pour les associations. En ce
qui me concerne, je dirai que cela permettra d'éviter d'accorder de véritables
rentes de situation à certains établissements au motif de leur ancienneté. Je
comprends d'ailleurs mal les réticences de certains des orateurs qui m'ont
précédé à cette tribune, alors que l'Assemblée nationale, est convenue, à
l'unanimité, de la pertinence de cette révision.
Deuxièmement, les structures expérimentales se verront reconnaître le statut
de services ou d'établissements sociaux ou médico-sociaux, sous certaines
réserves, bien sûr. Plus largement, le projet de loi contient une mise à jour
attendue du répertoire des structures entrant dans la catégorie des
institutions sociales et médico-sociales.
Troisièmement, les procédures de contrôle et de sanction seront renforcées,
afin que la qualité des prestations soit préservée.
Les instruments brièvement évoqués ici devraient permettre de combler le
déficit tant quantitatif que qualitatif que connaît le secteur social et
médico-social en matière d'offre de services. Le développement d'une offre plus
flexible va de pair avec les nouvelles exigences émises par les familles.
Celles-ci peuvent, pour diverses raisons, être amenées à privilégier l'accueil
temporaire ou à refuser l'hébergement en établissement classique. Il convient
de s'y adapter.
L'effet sur l'offre de services du présent texte est toutefois quelque peu
incomplète, car celle-ci doit prendre en compte les besoins de formation des
personnels et les effectifs. Or les personnels suffisamment formés, notamment
pour assurer les services médicalisés, font cruellement défaut. Seule une
politique volontariste en matière de formation, sous forme d'incitation à
choisir ces filières et par le biais de la création de places dans celles-ci,
permettra de pallier le manque de personnels.
Les mesures innovatrices ne doivent pas, par ailleurs, occulter l'insuffisance
du nombre de places en établissement classique, insuffisance qui, par exemple,
conduit le département à financer un encadrement coûteux, dans des structures
de surcroît souvent inadaptées, pour les personnes relevant de l'amendement
Creton.
Une évaluation du dispositif d'action sur l'offre est néanmoins prévue par le
texte par l'intermédiaire du conseil supérieur des établissements et services
sociaux et médico-sociaux, déjà cité.
En conclusion, mes chers collègues, nous nous trouvons, devant un texte de
très bonne facture : il allège les lourdeurs et corrige les oublis de la loi
précédente.
Une fois entré en application, il permettra à un secteur considérable de
l'activité - tant publique que privée, d'ailleurs - de « respirer ». Il aura,
en outre, des effets positifs sur les créations d'emploi, même si ce n'est pas
là sa finalité. Il clarifiera les relations entre les autorités compétentes du
secteur social et médico-social.
Par la promotion du droit des usagers, par l'instauration de rapports de
concertation et de transparence entre prestataires de services, familles et
collectivités publiques, il permettra de franchir une étape importante en vue
de parvenir à une organisation adaptée et respectueuse des sensibilités en
présence et il incitera, je l'espère, au développement des activités
associatives.
N'attendons cependant pas de ce projet de loi qu'il remplisse une mission qui
ne lui a pas été assignée, monsieur le rapporteur.
N'exigeons pas de lui qu'il s'adresse à un public spécifique ou qu'il traite
d'un problème particulier, car cela relève d'une loi d'orientation.
Ne lui demandons pas non plus de définir avec précision les lignes de partage
de compétence entre l'Etat et les collectivités territoriales, car leur tracé
ne peut être isolé des choix effectués par la puissance publique en matière de
décentralisation.
Ne réclamons pas qu'il rénove le mode de fonctionnement des services
déconcentrés de l'Etat, qu'il s'agisse des directions départementales des
affaires sanitaires et sociales ou des agences régionales de l'hospitalisation,
car ce n'est pas son propos.
Le secteur social et médico-social voit aujourd'hui son bien-fondé conforté et
la justesse de ses actions reconnue. C'est déjà un motif de satisfaction
certain.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
collègue Roland Muzeau vous ayant fait part de l'appréciation globale que notre
groupe porte sur ce projet de loi, je souhaite, pour ma part, formuler quelques
remarques liminaires au sujet de celui-ci.
Comme d'autres, je regrette tout d'abord que le Gouvernement n'ait pas saisi
l'occasion pour « impulser » une réforme globale et plus ambitieuse des deux
textes de 1975, c'est-à-dire aussi de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en
faveur des handicapés.
Les associations de personnes handicapées, les gestionnaires et salariés des
établissements sociaux et médico-sociaux comme les personnes accueillies dans
ces structures et leurs familles sont, à juste titre, unanimes sur un point :
on ne peut dissocier droit des personnes handicapées, dépendantes ou
fragilisées, prise en compte de leurs besoins réels et questions relevant de la
gestion, de l'organisation, du fonctionnement des services amenés à les prendre
en charge et à les aider dans leur vie quotidienne.
Il est difficile, madame la secrétaire d'Etat, d'envisager une réforme du
secteur social et médico-social sans dresser, auparavant, un état des lieux
fidèle et complet de la situation personnelle, professionnelle, économique et
culturelle de ceux auxquels ce secteur s'adresse.
Comment réformer et légiférer à propos des personnels sans prendre davantage
en compte les carences dans les solutions, souvent faibles et parcellaires,
apportées aux difficultés rencontrées chaque jour par ceux de nos concitoyens
qu'accueillent les établissements concernés par le présent projet de loi ?
Madame la secrétaire d'Etat, ces personnes requièrent une attention, des
prestations de soins et un accompagnement de grande qualité. Les personnes
dépendantes accueillies dans les établissements et les services sociaux et
médico-sociaux sont d'ailleurs quotidiennement écoutées, soutenues, aidées,
épaulées par des personnels qui concourent à assurer leur qualité de vie et,
dans la mesure du possible, leur autonomie.
Pour offrir aux personnes les plus vulnérables une certaine qualité de vie et
un accès effectif à tous leurs droits, il ne fait donc nul doute qu'il faut
également prendre en compte, non pas séparément, comme on le fait aujourd'hui,
mais de façon complète et parallèle, les aspirations des personnels.
Or, madame la secrétaire d'Etat, vous le savez comme moi, ces personnels
travaillent dans de mauvaises conditions, les sous-effectifs sont criants, les
rémunérations insuffisantes, les horaires de travail mal aménagés. Les
personnels ne peuvent donc faire face à l'exigence de qualité maximale qui
s'impose naturellement dans le secteur social et médico-social.
Le raisonnement est simple et bien connu, mais, semble-t-il, il est une fois
de plus négligé : s'ils n'ont pas des conditions de travail optimales, les
personnels du secteur social et médico-social ne sont pas en mesure de mettre
en oeuvre les objectifs - par ailleurs très louables - que le Gouvernement fixe
en ce domaine.
Sans une amélioration des conditions de travail et une revalorisation des
salaires, il est évident que ce secteur sera progressivement délaissé par les
salariés, quels que soient par ailleurs le dévouement, les compétences et les
qualités que tous leur reconnaissent.
Sans changement significatif de la situation des personnels, ce sont avant
tout les personnes accueillies dans le secteur social et médico-social qui sont
mises en danger : elles sont au premier plan et finiront, si rien n'est
entrepris, par subir de plein fouet la baisse de qualité des prestations et des
soins, ce qui serait - c'est un euphémisme - regrettable.
S'agissant de la question des conditions d'exercice de la mission d'aide et
d'assistance aux personnes handicapées dans le secteur social et médico-social,
je ne vous apprendrai pas, madame la secrétaire d'Etat, que la liste des
difficultés et des carences graves auxquelles sont confrontés les personnels
est longue. Je suis persuadée que vous apporterez, au fil de la discussion des
articles, des réponses aux questions que je soulève, étant entendu que les
attentes des personnels portent non pas uniquement sur des intérêts catégoriels
mais bien sûr le bien-être des personnes accueillies, auxquelles, vous en
conviendrez, on ne peut proposer des prestations médiocres, désordonnées,
décalées par rapport à leurs besoins médicaux et humains.
Une fois de plus, c'est le principe même du fonctionnement du secteur social
et médico-social en France qui, somme toute, est en cause. On marche à
l'envers. Au lieu de partir des besoins de ce secteur, qu'il s'agisse de ceux
des « accueillis » ou de ceux des personnels, on se fonde sur une logique
comptable et sur des choix budgétaires contraignants, ce qui aboutit à un
renversement des priorités.
Sans rejeter la nécessité d'une bonne gestion à l'heure du développement
légitime, des processus d'évaluation, il faut rappeler avec force que le
bien-être et la sécurité des personnes sont en jeu, de même que la capacité des
associations gestionnaires à développer des prestations de qualité, à innover
et à s'adapter en permanence aux besoins de ceux vers qui est orientée leur
activité.
Une fois de plus, nous rappelons que le système des enveloppes bloquées est
incohérent, inadapté, illogique. Il conduit à oublier les besoins en se
focalisant sur les questions financières, mais aussi, malheureusement, à
embaucher des personnels en nombre insuffisant et, de surcroît, de plus en plus
sous-qualifiés, voire non qualifiés.
S'agissant de la réduction du temps de travail, on retrouve les mêmes
problèmes au centre du débat. Enfermée, elle aussi, dans une pure logique
d'équilibre financier qui déstabilise l'activité et l'organisation des
services, entraînant une nette dégradation des prestations offertes, la
réduction du temps de travail dans le secteur social et médico-social renforce
les difficultés, aggrave les carences et aiguise les problèmes rencontrés par
les personnels. Si la limitation du temps de travail est un progrès social pour
les personnels des établissements, son corollaire, la création d'emplois,
semble ne pas pouvoir compenser la perte de moyens subie par les
établissements.
Des embauches compensatrices ont certes été réalisées dans le cadre de
l'application de la loi sur les 35 heures, mais pour quels résultats ? Les
chiffres parlent d'eux-mêmes : 95 % des embauches concernent uniquement des
soignants. Voilà, madame la secrétaire d'Etat, qui ouvre grand la porte à la
sous-traitance pour les autres services : services administratifs, d'entretien,
de nettoyage, mais aussi, lingerie, restauration, stérilisation, etc. Le risque
se fait de plus en plus proche et menaçant d'une privatisation, totale ou
partielle, de tout ce qui ne relève pas du soin médical corporel proprement dit
!
M. Paul Blanc,
rapporteur.
Et alors ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Si l'on ajoute à l'insuffisance des personnels causée par l'application sans
logique de la réduction du temps de travail les difficultés que poseront, dans
les dix ans à venir, les départs massifs à la retraite des personnels du
secteur social et médico-social, on comprend que les inquiétudes concernant la
sécurité et l'avenir des accueillis comme de ceux qui les accompagnent
grandissent.
Madame la secrétaire d'Etat, qu'envisagez-vous pour remédier à cette menace de
pénurie ? Ne croyez-vous pas qu'il est plus que temps d'inclure ces paramètres
dans les modalités de recrutement et de fonctionnement des centres de formation
des personnels, lesquels fonctionnent aujourd'hui comme si aucune difficulté en
termes d'effectifs et de qualification ne se profilait dans le secteur
médico-social ?
Un autre problème peut être évoqué, celui du recrutement pour les gardes de
nuit effectuées dans certains établissements. Je pense ici notamment à
l'interdiction faite aux établissements privés accueillant des enfants et/ou
des adultes polyhandicapés de recruter des médecins étrangers non européens
pour effectuer ces gardes. Pourquoi de tels médecins, autorisés à exercer la
fonction d'interne dans les établissements publics de santé, ne peuvent-ils pas
être embauchés dans des établissements privés à but non lucratif ? Ceux-ci, il
faut bien le dire, pallient pourtant les carences de l'Etat envers des
populations particulièrement dépendantes pour lesquelles la nécessité d'une
assistance médicale permanente ne fait pas de doute.
Voilà bien, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une incohérence
incompréhensible à laquelle il faudra rapidement mettre un terme si l'on ne
veut pas que les pouvoirs publics soient responsables de la mise en danger des
personnes accueillies.
Interrogeons-nous également sur ce qui peut être qualifié de « scandale » du
traitement du travail de nuit dans les établissements et services sociaux et
médico-sociaux.
Comment se fait-il que, la nuit venue, une heure travaillée ne corresponde
plus, dans ces services, à une heure de rémunération ? Il est aberrant de ne
pas considérer qu'une heure égale une heure et, de jour comme de nuit,
constitue du temps de travail effectif devant être normalement rémunéré. Une
heure de nuit dans un tel service constitue-t-elle une heure de non-activité ?
Non ! Constitue-t-elle une heure de repos, de temps de détente et de loisir
personnel ? Pas davantage ! C'est donc une heure de travail, et je vous serais
reconnaissante, madame la secrétaire d'Etat, de bien vouloir nous éclairer sur
les mesures envisagées pour rétablir les droits légitimes des personnels
travaillant de nuit dans ce secteur.
Vous conviendrez, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qu'il
n'est pas concevable de morceler les besoins de l'usager et les soins qu'il
requiert entre le jour et la nuit. Le handicap, la vieillesse, la dépendance
sont des états constants qui demandent un soutien, une présence et des soins
également permanents. De même, puisque j'évoque la question de la
différenciation, pourquoi morceler établissements pour enfants et
établissements pour adultes polyhandicapés ? Pourquoi établir une différence de
prise en charge entre ces deux types d'établissements ? La convention
collective nationale de mars 1966 a introduit cette différenciation qui ne
repose sur aucune réalité. Comment comprendre, madame la secrétaire d'Etat,
que, selon cette convention, la pénibilité du travail auprès des enfants vaille
dix-huit jours de congés supplémentaires aux personnels, tandis que, dans un
établissement identique accueillant des personnes polyhandicapés adultes, ces
avantages de rémunération et de congés n'existent pas ?
Vous le voyez, madame la secrétaire d'Etat, beaucoup reste à faire pour donner
au secteur social et médico-social les moyens de réaliser ses ambitions, qui
sont aussi les nôtres, en matière d'accueil et de soins des personnes
handicapées.
Les besoins en établissements de ce secteur existent et sont pris en compte,
des avis favorables sont rendus concernant leur mise en place, mais, vous le
savez, madame la secrétaire d'Etat, leur ouverture est trop souvent retardée,
car les budgets de fonctionnement ne suivent pas.
Les contrôles des risques de maltraitance des personnes accueillies font
visiblement l'objet d'une attention renforcée du Gouvernement, et nous nous en
félicitons. Je note avec une grande satisfaction la présentation d'amendements
gouvernementaux allant dans ce sens, même si nous serons conduits à revenir sur
cette question au cours de la discussion.
En conclusion, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, si ce projet de loi vise aussi à consacrer l'utilité et la place
essentielle des associations dans la prise en charge des personnes les plus
vulnérables, il ne doit pas se contenter de ce rôle et d'un exercice de
codification et d'amélioration de faible envergure des modes de fonctionnement
du secteur social et médico-social.
Je suis convaincue, madame la secrétaire d'Etat, que vous saurez écouter la
voix des associations, des personnels et des usagers - nous en avons rencontrés
beaucoup - qui, tous, proposent d'insuffler à ce projet de loi une ambition
renouvelée en matière de protection des personnes accueillies et de ceux qui,
salariés ou bénévoles, les accompagnent avec sérieux et qui, compte tenu de
leurs compétences et de leurs qualités humaines, les entourent le mieux
possible.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen et sur les travées socialistes.)
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur, je ne crois pas
que le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui puisse être source de
déception pour les personnes handicapées. Sur bien des points, sur lesquels
nous reviendrons dans le débat, ce projet de loi prévoit des avancées
importantes. Je citerai notamment les foyers d'accueil médicalisés et le
soutien à domicile des adultes handicapés.
Je voudrais par ailleurs souligner l'importance des programmes pluriannuels
développés par le Gouvernement dans ce secteur en faveur des maisons d'accueil
spécialisées, des foyers médicalisés, des CAT et de l'autisme.
Ensuite, je ne partage pas votre avis sur les insuffisances du projet de loi
concernant les rapports entre l'Etat et les départements. Ce texte permettra de
régler des questions délicates, telles que l'arbitrage des conflits en matière
de tarification conjointe. En créant des contrats d'objectifs et en définissant
mieux les niveaux de planification et leur articulation, il facilitera les
rapports entre l'Etat et les départements.
Monsieur le rapporteur, nous avons de nombreuses convergences dans nos
analyses. Je partage notamment votre appréciation positive sur le rôle des
associations et votre souci de mieux prévenir un certain nombre de dérives
inacceptables. C'est parce que nous croyons à l'apport de la vie associative
que nous avons le devoir d'être exigeants.
Notre principale divergence, voire notre seule divergence de fond, concerne la
révision décennale des autorisations, Je voudrais être très claire : il ne
s'agit pas de recommencer l'ensemble de la procédure tous les dix ans. Le
non-renouvellement de l'autorisation ne pourra être motivé que par les
résultats de l'évaluation externe, et non par les critères techniques ou
financiers prévus à l'article 20, c'est-à-dire pour l'instruction d'une
première demande. Au stade du renouvellement, on n'évalue pas un projet, on
statue sur des actions ou des services existants. Les procédures ne seront pas
lourdes pour les établissements puisqu'il ne s'agit pas de recommencer tout un
processus comparable à celui de la première autorisation. Toutes les garanties
seront données aux gestionnaires en ce qui concerne la possibilité, pour eux,
de présenter les observations qu'ils jugeront utiles sur les résultats de
l'évaluation externe.
Je crois important que nous puissions disposer de cet instrument. Il est
clair que son efficacité est d'abord pédagogique et préventive. C'est grâce au
renouvellement décennal lié à l'évaluation externe que nous pourrons faire
progresser les services rendus par les institutions pouvant présenter certaines
insuffisances sans pour autant justifier une fermeture pour une raison d'ordre
public.
J'ajouterai, enfin, que le mouvement associatif n'est pas hostile à cette
idée, même s'il craint une éventuelle lourdeur des procédures. S'agissant de ce
risque, nous ferons tout pour éviter une bureaucratisation qui, finalement,
ôterait toute force à notre volonté politique de planification, d'évaluation et
d'amélioration de la qualité du service.
Madame Campion, je vous remercie très sincèrement d'avoir souligné le chemin
accompli par la loi de 1975 et depuis lors. Vous avez parlé d'un texte de
conclusion. Oui, nous prenons appui sur des approches nouvelles qui se sont
développées pour répondre aux besoins nouveaux.
Le projet de loi donne - c'était essentiel, et cela correspond bien à la
réalité de l'évolution sur le terrain et à l'attente des professionnels, des
familles et des handicapés - les solides bases juridiques qui conviennent à ces
évolutions, à savoir veiller aux droits des usagers et à leur expression,
permettre le développement des prises en charge en milieu ordinaire et assurer
ainsi le libre choix de leur vie par les personnes, prendre en compte
l'entourage et encourager l'aide aux aidants, mieux reconnaître le rôle des
porteurs de projets, et singulièrement les associations, comme je le disais
tout à l'heure, clarifier les procédures et les responsabilités entre les
promoteurs du projet, les autorités tarifaires et les financeurs autour d'une
connaissance partagée des besoins et d'une planification travaillée
conjointement.
Vous m'avez également interrogée, madame Campion, sur l'évaluation et la
manière de la financer. Sur ce point précis, la réponse est, me semble-t-il,
que la démarche d'évaluation doit être intégrée dans le plan de charge, et donc
dans les budgets de l'établissement. Il n'y a pas lieu d'externaliser le coût
de ces évaluations dans un fonds, dans une ligne particulière.
Je rappelle que le débat s'est ouvert à l'Assemblée nationale sur
l'opportunité de créer, si on peut l'appeler ainsi, une « ANAES sociale et
médico-sociale » et que nous y avons renoncé compte tenu de la taille du
secteur.
Monsieur Jacques Blanc, à vous entendre, le projet de loi qui vous est
présenté serait bien étroit, bien pâle, presque régressif. Je récuse cette
lecture du texte, qui donne l'impression que rien n'y serait dit en matière de
droits des personnes, de libre choix du mode de vie, à domicile ou en
institution, d'innovation et d'attention aux plus fragiles, notamment aux
handicapés.
Je comprends que vous reviviez, à cette occasion, les moments intenses que
vous avez vécus comme rapporteur de la loi d'orientation en faveur des
handicapés. Mais je vous en prie, lisez bien le texte qui vous est soumis, sans
nostalgie et sans
a priori
!
Permettez-moi de vous apporter une précision. Vous semblez ne pas retrouver le
point concernant la base légale des foyers à double tarification. Ceux-ci y
figurent bien pourtant. Ils y sont appelés « foyers d'accueil médicalisés » et
sont insérées à l'article 9 dans la liste des établissements et services
sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'à l'article 34 pour ce qui concerne leur
tarification.
Monsieur Delfau, je voudrais vous remercier d'avoir su dire à quel point le
projet de loi est traversé et porté par l'esprit d'humanité, de modernisation
et de souplesse dont le secteur social et médico-social a besoin
aujourd'hui.
Vous avez aussi parlé avec votre coeur et avec votre expérience. Je vous en
remercie. Je vous suis tout particulièrement reconnaissante d'avoir évoqué
l'expérience que vous développez dans l'Hérault à travers le comité de liaison
et de coordination des services sociaux. Cet outil fait la preuve que les
acteurs sociaux désirent coopérer pour le plus grand profit des personnes et de
leur prise en compte. C'est la preuve que, si les partenaires le veulent bien,
s'il y a une véritable volonté politique, il est possible de faire fond sur la
maturité de la décentralisation.
Monsieur Vasselle, en ce qui concerne la prise en charge de la personne
atteinte par la maladie d'Alzheimer, je souhaite rappeler que le Gouvernement
vient de prendre des initiatives importantes, en adoptant un plan de lutte
contre cette maladie et les autres pathologies dégénératives. Ainsi, le 11
septembre, le plan que nous avons présenté avec Mme Elisabeth Guigou et M.
Bernard Kouchner a été dans une large mesure bien accueilli par les
professionnels qui prennent en charge ces pathologies. Ce plan prévoit la mise
en place de dispositifs d'accueil de jour, d'accueil temporaire, la mise en
place de dispositifs de formation en direction des professionnels, mais aussi,
ce qui était essentiel, la mise en place de dispositifs de diagnostics
précoces. Je souhaitais très simplement le rappeler ici. Monsieur Muzeau, vous
avez parfaitement raison d'évoquer la nécessité d'avancer très vite dans la
voie de l'intégration scolaire. Vous connaissez, mais je veux le rappeler ici,
l'effort engagé en ce sens à travers les vingt mesures du dispositif Handiscol.
Handiscol, ce n'est pas uniquement un ensemble de mesures, si importantes
soient-elles, c'est un esprit, une volonté partagée. Mme Ségolène Royal est
pleinement engagée dans la mobilisation des services des deux départements
ministériels, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'emploi
et de la solidarité, et les résultats, je le sais, commencent à être
visibles.
Par ailleurs, plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur la nécessité d'aller
vite aussi en ce qui concerne la deuxième loi de 1975. Qu'attendent les
personnes fragilisées, handicapées, quelle que soit la raison de leur handicap
? Qu'attendent en priorité les professionnels et les institutions ? Ils
attendent une évolution du dispositif qui réponde à la nécessité d'une
meilleure prise en charge.
Pour ma part, je suis intimement persuadée qu'il était essentiel, dans la
rénovation de ces deux lois, de commencer par celle-ci parce que c'est elle qui
répond réellement à l'évolution du respect des droits des handicapés, à
l'évolution nécessaire de la prise en charge du handicap et de l'organisation
de celle-ci sur le territoire. C'est elle qui correspond réellement à l'attente
prioritaire. Il fallait le dire très simplement.
J'ajoute que Mme Ségolène Royal, comme je l'ai dit récemment devant la
commission, a installé depuis quelques semaines trois groupes de travail pour
préparer la refonte de la loi d'orientation en faveur des handicapés, qui
associent des experts, des chercheurs et les associations du secteur.
Monsieur le rapporteur, vous m'aviez, me semble-t-il interrogé sur ce point.
Le premier de ces groupes de travail a pour objet de creuser les concepts qui
structurent la politique du handicap. Le deuxième porte sur l'intégration
scolaire et l'insertion professionnelle. Le troisième concerne l'accessibilité,
les aides techniques et la vie autonome.
Monsieur Cazeau, de vos propos extrêmement justes, inspirés par une véritable
expérience, j'ai notamment relevé que l'autorisation décennale permettra
peut-être, ici ou là, d'éviter des « rentes de situation ». C'est, je crois,
l'expression que vous avez utilisée.
Je voudrais également relayer vos propos sur la nécessité d'une politique
volontaire pour développer l'offre des professionnels qualifiés à tous les
niveaux des filières de personnels intervenant dans les établissements et les
services du secteur. Nous nous y employons activement, par tous les moyens
possibles. Ainsi, un gros effort budgétaire sera fait au travers du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 afin d'accroître l'offre de
formation initiale en travail social ; en outre, un fonds de modernisation de
l'aide à domicile sera doté de moyens importants et pérennes, d'une part, pour
engager un effort sans précédent en vue de la qualification des personnels en
place et, d'autre part, pour encourager toutes les initiatives permettant de
renforcer l'attractivité du secteur du maintien à domicile.
Appliquer à ce secteur la validation des acquis professionnels et de
l'expérience est à la fois nécessaire et adapté.
Il faut procéder à une refonte des diplômes pour les moderniser ; ainsi, le
CAFAD, ou certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile, va devenir un
diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale, ce qui, sur le terrain, est très
attendu.
J'ajouterai aussi, à l'adresse de Mme Beaudeau, que la réduction du temps de
travail dans la branche de l'aide à domicile a pour effet de remettre de
l'ordre dans la rémunération et surtout dans la répartition du travail. Il faut
renforcer non seulement l'attractivité de ces filières - vous l'avez dit - mais
aussi la qualification des personnels ; en un mot, il faut moderniser et
professionnaliser. Madame le sénateur, j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt vos
propos quant à la reconnaissance des professionnels ; dans cette discussion
générale, vous avez d'ailleurs été deux - M. Cazeau et vous-même - à évoquer
l'importance des professionnels dans ce secteur.
En effet, si les associations et l'ensemble des institutions ont oeuvré à
l'évolution de la prise en charge des handicaps, si cette loi va permettre une
organisation correcte de cette dernière, il nous faut néanmoins reconnaître que
ce sont les professionnels eux-mêmes, par la création d'un certain nombre de
filières professionnelles, qui, sur le terrain, ont été capables de faire
entendre les demandes des associations de handicapés, des personnes handicapées
elles-mêmes et de leurs familles, quant à l'évolution nécessaire de la prise en
charge. Il était important, me semble-t-il, que, dans cette discussion
générale, le travail accompli par l'ensemble des professionnels soit évoqué
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - M. Gérard Delfau applaudit
également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.11