SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, depuis le début des opérations militaires en
Afghanistan, c'est bien dans une spirale de guerre que les Etats-Unis se sont
engagés. Il était illusoire de penser que les frappes resteraient limitées, et,
avec bien d'autres, nous avions mis l'accent sur le risque de se trouver pris
dans un engrenage et sur les conséquences humaines qui en découleraient.
Aujourd'hui, on mesure la gravité de la situation des populations et les
limites des possibilités de l'action humanitaire, alors que l'hiver va encore
amplifier les difficultés : ce sont des millions de personnes qui sont
désormais menacées de famine, de maladie, d'errance.
Les opérations militaires s'avèrent inefficaces pour obtenir rapidement des
résultats tangibles contre le terrorisme, tandis qu'une solution politique
afghane ne paraît pas imminente.
La poursuite du conflit est source de tensions et de dissensions au sein de la
coalition internationale, et elle renforce les humiliations, terreau dont se
nourrit le terrorisme. Pourtant, aujourd'hui encore, l'importance de la
coalition contre le terrorisme, qui réunit cinquante-deux Etats musulmans,
représente un atout en vue d'unecoopération sur les terrains politique et
financier.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, quel bilan pouvez-vous
dresser des actions militaires engagées depuis un mois ? Quelle est la nature
exacte de la coopération militaire de la France ? Quel est l'objectif visé
aujourd'hui ? La mise hors d'état de nuire de Ben Laden et de ses réseaux
est-elle envisageable ?
Devant les incertitudes de la situation et les incohérences dangereuses de
l'action militaire, n'est-il pas temps que les autorités françaises agissent, y
compris avec leurs partenaires européens, pour que soient suspendus les
bombardements, comme le demandent des voix de plus en plus nombreuses, dont
celle du secrétaire général des Nations unies, et pour proposer une reprise de
contrôle par l'Assemblée générale des Nations unies de la nécessaire lutte
contre le terrorisme ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Madame la sénatrice, après les
attentats du 11 septembre dernier, le Conseil de sécurité des Nations unies, se
fondant sur l'article 51 de la charte, a reconnu que les Etats-Unis étaient en
état de légitime défense et donc en droit de riposter, à condition que les
actions soient ciblées. C'est encore le cas, car elles visent la destruction du
réseau terroriste Al-Qaïda, qui n'a pu atteindre le degré de capacité de
nuisance qu'il a démontré que parce qu'il était soutenu par le régime des
talibans.
Avec le recul dont nous disposons maintenant, et alors que personne n'a jamais
prétendu que les opérations seraient faciles et de courte durée, madame la
sénatrice, on peut penser que les frappes aériennes ont, pour l'essentiel, mis
hors d'usage les infrastructures dont les réseaux terroristes pouvaient se
servir pour mener leurs différentes actions.
La France, conformément à ce qui avait été annoncé par le Président de la
République et par le Premier ministre, et après examen des demandes, a apporté
un appui naval et mis à disposition des éléments de reconnaissance aérienne.
Pour le reste, une disponibilité de principe a été exprimée, et les autorités
françaises aviseront en fonction d'éventuelles demandes plus précises.
Voilà où nous en sommes. C'était une phase inévitable, légitime et
indispensable avant que la lutte contre le terrorisme puisse se poursuivre.
Cependant, je voudrais insister sur le fait que, dès le 1er octobre, la France
a souligné dans ses propositions, notamment dans celles qui sont contenues dans
le plan pour l'Afghanistan, que le problème n'était pas que militaire, qu'il
comportait également un volet humanitaire très important, ainsi qu'une
dimension politique.
C'est dans le cadre du plan du 1er octobre que nous avons jeté les bases du
processus politique visant à rassembler l'ensemble des représentants des
populations afghanes, pour que ne recommence pas le cycle des guerres
fratricides qui ont fait tant de mal à ce pays dans le passé. Nous travaillons
en pleine confiance avec le représentant du secrétaire général des Nations
unies, M. Brahimi, pour qu'il n'y ait pas plusieurs processus mais un seul et
pour que les différents groupes qui doivent être associés à cette démarche
puissent, ensemble, préparer l'avenir de leur pays.
Nous devons d'ailleurs adopter dans quelques jours à New-York - puisque vous
souhaitez, madame la sénatrice, que l'ONU joue un rôle plus important, cette
information répondra peut-être à votre attente - une résolution largement
inspirée par le plan français et les propositions britanniques, qui permettra
de « cadrer » le processus politique. Il restera ensuite à donner un contenu
concret à celui-ci, mais nous n'allons naturellement pas mettre un terme à nos
efforts après l'adoption de la résolution.
Enfin, sur le plan humanitaire, la France a très fortement renforcé sa
contribution, et les Européens également. A l'ONU, M. Kofi Annan va prendre des
décisions visant à mieux coordonner l'ensemble des actions, et le gouvernement
français vient d'envoyer une mission sur place, au Pakistan, en Iran et dans
les autres pays voisins, qui devra étudier les moyens d'accroître encore notre
aide, afin que le peuple afghan, qui a énormément souffert, non pas depuis
quelques semaines mais depuis vingt ans, puisse être protégé de cette nouvelle
tourmente, avant que nous l'aidions à rebâtir un avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen et de l'Union centriste.)
PLANS D'INTERVENTION ET D'ÉVACUATION
DES POPULATIONS CONTRE LE RISQUE CHIMIQUE