SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Franchis pour explication de vote.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat
aura-t-il permis de percevoir la Corse d'une autre manière ? Aura-t-il permis
de mieux comprendre les aspirations de ses habitants ? Je l'espère, comme nous
l'espérons tous. En effet, depuis une trentaine d'années, le continent a trop
souvent exprimé une image caricaturale d'une Corse vide de tout caractère
novateur ou dynamique.
Ce débat aura-t-il permis de clarifier dans les esprits le jeu quelque peu
brouillé de la politique insulaire ? Nous osons espérer qu'à son issue chacun
pourra mieux analyser une situation certes compliquée, en évitant tout amalgame
et toute confusion.
Ce texte permettra-t-il à la Corse de rompre avec une situation troublée ?
Permettra-t-il à ses habitants de vivre dans un climat apaisé, où le droit est
appliqué, les décisions de justice exécutées ? Là aussi, je l'espère très
sincèrement.
Comme plusieurs d'entre nous l'ont indiqué au cours de ces trois derniers
jours, le processus de Matignon porte en lui-même une réelle contradiction
puisque ses participants ne regardent pas tous dans la même direction. Dès
lors, comment construire un avenir pour une île qui réclame un traitement
particulier du fait de sa spécificité géographique et culturelle ?
Je tiens à saluer le travail accompli par la commission spéciale et par M. le
rapporteur, et je les félicite des solutions pragmatiques qu'ils ont élaborées
: sur la base d'un texte sans doute anticonstitutionnel au départ, le Sénat
aura reconstruit un dispositif cohérent, du moins nous l'espérons.
Mes collègues et moi-même approuvons notamment le dispositif de l'article 1er,
la position sage sur l'enseignement de la langue qui à été adoptée à l'article
7 et le souci de concilier, dans l'article 12, respect de l'environnement et
développement touristique. Le littoral corse est sans doute la plus grande
richesse dont dispose l'île de Beauté. Le Sénat a, je crois, voulu le préserver
d'une urbanisation anarchique qui pourrait conduire à déshumaniser l'île.
Le groupe de l'Union centriste votera donc le présent projet de loi tel qu'il
a été amendé par la commission spéciale.
J'ajouterai, pour conclure, que nous restons quelque peu inquiets de la suite
qui sera réservée à ce projet. En effet, qu'en restera-t-il au bout du compte ?
Ne sera-ce qu'un statut de 1991 rénové et toiletté ? Ce serait lourd de
conséquences !
Mais je crois que le Gouvernement, comme le Parlement, doit prendre ses
responsabilités et avoir pour seul objectif l'ambition d'un développement
harmonieux de la Corse.
La route est peut-être encore longue, mais soyons optimistes.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
J'aimerais vous dire, monsieur le ministre, à quel point j'ai été surpris par
la ligne intenable que vous vous êtes fixée tout au long de notre
discussion.
Vous vous êtes engagé dans un marché de dupes et vous avez joué sur deux
tableaux. En permanence, il y avait deux degrés de lecture dans les réponses
que vous nous faisiez : à l'intérieur de cet hémicycle, vous apportiez des
réponses directes à nos positions, et, à l'extérieur, vous vouliez donner le
gage de votre bonne foi à ceux qui pratiquent la surenchère et la violence en
Corse.
Vous avez partout mis en avant, dans les médias, dans vos déclarations,
l'énorme avancée décentralisatrice que proposait ce texte avec le transfert des
pouvoirs d'adaptation législative et réglementaire.
Pourtant, simultanément, ici - sans succès, d'ailleurs - vous vous êtes
efforcé de nous convaincre que rien dans ce texte ne s'apparentait à un
transfert de pouvoirs et que le Parlement n'était en rien amputé de son pouvoir
de faire la loi, pouvoir dont il est seul détenteur hors le cas des
ordonnances, au demeurant fixé par la Constitution.
Ainsi, l'article 12 de votre projet de loi révélait la duplicité de ce propos
puisque vous avez défendu à la collectivité territoriale de Corse le maintien
du pouvoir de déroger à la loi littoral. Or cette dérogation, notre rapporteur
l'a démontré avec conviction, est bel et bien un transfert du pouvoir
législatif, de façon subreptice.
Sur d'autres dispositions du projet de loi, vous avez adopté la même malice,
dont vous vous défendez.
Ainsi, sur l'enseignement de la langue corse, vous avez tenté de nous
dissuader d'améliorer la rédaction de l'article 7 pour assurer le caractère
facultatif de cet enseignement, en prétendant qu'en l'état ce caractère non
obligatoire était garanti.
Pourquoi, alors, vous y être opposé, puisque les choses vont mieux quand elles
sont écrites ?
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck.
A l'inverse, sur la compensation des charges, le Sénat a jugé inutile de
conserver certaines dispositions déjà redondantes par rapport à la législation
en vigueur. Mais vous avez alors adopté l'attitude inverse, considérant que les
choses vont mieux quand elles sont dites, et vous avez tenu à ce que le
principe soit maintenu dans la rédaction de l'article tel que l'avait adopté
l'Assemblée nationale.
Tout au long de l'examen de ce texte, vous vous êtes arc-bouté sur une digue
qui cédait pourtant de toutes parts.
Ce sont autant de gages donnés aux séparatistes, alors que vous savez
pertinemment que, de toute manière, ces dispositions ne seront jamais mises en
oeuvre pusqu'elles ne passeront pas au travers du filtre du Conseil
constitutionnel. Vous pourrez alors en rejeter la faute sur le Sénat et le
Conseil constitutionnel, comme vous l'avez déjà fait tant de fois !
Mais ce n'est pas ce qui nous intéresse le plus, car le texte que le Sénat va
adopter dans quelques instants est, sans commune mesure, plus conforme à
l'attente de la population corse.
Tandis que vous vous adressiez aux séparatistes, nous, nous parlions aux
Corses, qui, dans leur immense majorité, attendent de vraies mesures, une vraie
loi cadre favorable au développement économique de l'île.
C'est ce que s'est efforcé de faire le Sénat en sortant, par le haut, de cette
vaine polémique sur les institutions, dont le seul but était de masquer la
faiblesse du dispositif économique et financier.
Mes collègues du groupe du RPR et moi-même sommes persuadés que l'avenir de
l'île passe par son développement économique plus que par tel ou tel effet
d'annonce institutionnel.
Les vraies réponses, nous avons essayé de les apporter, gardant ce qu'il y
avait de bon dans votre projet de loi et améliorant ce qui pouvait être
amélioré, comme le crédit d'impôt, par exemple.
C'est par le développement économique que nous permettrons aux Corses
d'assurer leur qualité de vie. C'est la seule issue au chômage et à la
pauvreté. Et je peux vous assurer que, lorsque l'île bénéficiera du
développement qu'elle est en droit d'attendre au regard de ses mérites naturels
et du courage de ses habitants, les problèmes institutionnels ne se poseront
plus et les velléités séparatistes disparaîtront d'elles-mêmes.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui
s'achève aura, je le pense, apporté un véritable éclairage sur un sujet dont
nous avons tous relevé l'importance et la gravité, tant seront fortes ses
conséquences non seulement sur la vie quotidienne de nos compatriotes vivant en
Corse mais aussi sur les perspectives d'évolution de nos institutions.
Je ne ferai de procès d'intention à personne, mais il nous faut juger les
faits.
Voilà maintenant plusieurs mois, un nouveau processus de réflexion, de
concertation et d'échanges s'est mis en place dans la transparence pour
apporter de véritables solutions à cette question.
Ce processus a suscité un large consensus : en tout cas, il est apparu comme
offrant la seule perspective, la seule alternative à une situation
insupportable que personne, jusqu'à ce jour, n'a réussi à endiguer.
Avec mes amis, nous avons essayé de montrer que nous étions confrontés, malgré
la bonne volonté qui s'est exprimée sur toutes les travées de cet hémicycle, à
deux logiques, deux approches qui, en l'état, malheureusement, n'ont pu se
rejoindre.
La nôtre s'est voulue déterminée, à l'écoute et ambitieuse. Il nous a semblé
qu'elle ouvrait des perspectives de nature à ancrer durablement la Corse dans
la République, parce qu'elle a su reconnaître sa spécificité, valoriser son
identité, l'accompagner dans la voie du développement.
Le projet de loi issu de l'Assemblée nationale apportait une réponse
politique, peut-être imparfaite mais claire, aux problèmes de l'île. Celle qui
émane des travaux du Sénat, même si elle contient sur certains volets de bonnes
intentions, dénature le projet de loi initial et le vide de son sens.
Mon ami Louis Le Pensec l'a dit, on ne peut crier à l'irresponsabilité des
Corses et leur refuser les responsabilités en toute connaissance de cause et
sous le contrôle du Parlement.
Or je ne vois, à ce stade, toujours pas d'alternative ou de contre-projet.
Contrairement à ce qui a été dit, ce projet de loi modifié par la majorité
sénatoriale ne peut être une première étape vers autre chose.
Parce que nous ne voulons pas d'une voie de garage, parce que nous refusons
l'immobilisme, nous apportons notre soutien entier au processus engagé depuis
deux ans par le Premier ministre, Lionel Jospin, et, en conséquence, nous
voterons contre le texte issu des travaux du Sénat.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès les
premières annonces de ce projet de loi, les parlementaires communistes, leur
parti, ont rappelé leur soutien au processus de Matignon, qui se fondait sur le
dialogue et la volonté du développement, si nécessaire, de la Corse, tout en
soulignant leur inquiétude sur certains aspect du texte qui était censé en être
l'émanation.
Ces réserves ont eu pour conséquence l'abstention des députés communistes, à
l'Assemblée nationale, le 22 mai dernier.
Au fil des mois, cette inquiétude a perduré et, je dois le dire, le débat de
ces trois derniers jours au Sénat ne l'a pas dissipée.
Les sénateurs communistes ont estimé que le projet de loi ne répondait ni aux
exigences de développement économique ni aux exigences de démocratie,
d'intervention citoyenne. Ils ont estimé que l'idée de retour à la paix civile
marquait le pas.
Monsieur le ministre, l'émotion et l'indignation que j'ai ressenties lors de
l'hommage rendu à Claude Erignac après son assassinat, hommage auquel j'ai
assisté comme présidente de mon groupe, ne sont pas prêtes d'être oubliées.
M. le président.
Merci, madame Luc !
Mme Hélène Luc.
Avec le Premier ministre, avec tous les préfets de France, avec des dizaines
de milliers d'habitants de la Corse, l'engagement a été pris de tout faire pour
retrouver les assassins du préfet Erignac. Vous l'avez redit, monsieur le
ministre, et je vous ai bien entendu. Il faut aller au bout, sans faiblesse, et
rapidement.
Au lieu de ramener à la raison les revendications nationalistes, de nombreux
aspects de ce texte vont au contraire encourager ceux qui souhaitent parvenir à
la nouvelle étape attendue par la minorité qu'ils représentent, à savoir
l'indépendance.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pourquoi refuser toujours et
encore l'idée d'une consultation des habitants de la Corse sur l'avenir de leur
île ? Nous avons bien entendu, depuis de longs mois, l'argument constitutionnel
qui nous était opposé. Mais pourquoi ne pas avoir favorisé l'adoption de la
proposition de loi déposée par les députés communistes afin d'organiser un
référendum dans les régions et les départements, comme il en existe déjà à
l'échelon communal ?
Comment parler d'avancée dans la décentralisation si cette décentralisation
des pouvoirs ne s'accompagne pas d'une démocratisation de la vie politique,
économique et sociale ?
Le débat au Sénat n'a pas apporté de réponse à nos interrogations. Bien au
contaire, la question institutionnelle a pris une place plus grande encore dans
nos échanges.
Mon ami Robert Bret a expliqué en détail dans son intervention sur l'article
1er en quoi la similitude de certains de nos amendements avec ceux de la
commission spéciale - je pense notamment à la suppression du pouvoir
d'expérimentation législative - ne signifiait en rien une approche commune de
la question corse. Nous avons d'ailleurs exprimé nos propres conceptions de la
décentralisation et de la démocratie et insisté sur le volet économique.
Nous avons noté que la droite sénatoriale, hormis l'effet d'affichage
concernant l'habillage constitutionnel du texte, était favorable à l'idée du
transfert de compétences massif des services de l'Etat à la collectivité
territoriale de Corse aboutissant à une destruction de l'unité nationale.
Nous avons dit et redit que nous souhaitions confier aux Corses les moyens de
participer aux choix décisifs pour leur île. Nous estimons cependant qu'il ne
faut pas pour autant faire de la Corse un véritable laboratoire de la future
régionalisation européenne qui menace le service public.
Nous sentons, nous pressentons qu'un danger existe sur ce point pour la Corse
et pour ses habitants. Quel avenir un tel statut réserverait-il au service
public ?
Nous sommes toujours préoccupés par le sort des fonctionnaires de l'Etat, qui
sont placés dans une situation très difficile.
Sur la question des moyens du développement économique, nous restons sur notre
faim, puisque nous n'avons pas assez de précisions sur le montant et les
conditions de l'aide. Nous aurions pu faire plus, monsieur le ministre.
Notre abstention se fonde donc sur le sentiment que tout n'a pas été dit sur
ce texte, sur les conséquences d'un certain nombre d'articles, sur l'avenir de
la Corse je pense notamment au difficile débat sur l'article 12 relatif au
littoral.
Sur cet article, il vous faudra - peut-être la commission mixte paritaire le
permettra-t-elle - apporter des garanties sur des moyens nouveaux non seulement
pour le développement, mais également pour la sauvegarde de la beauté de la
nature corse. Ce dernier point relève d'une responsabilité nationale, de notre
responsabilité.
Pour conclure, j'insisterai une nouvelle fois sur le fait que le processus de
Matignon, pour sortir de la crise dans laquelle il semble être aujoud'hui, doit
faire appel à l'engagement de la population corse elle-même.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Natali.
M. Paul Natali.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où
le Sénat va se prononcer sur le projet de loi relatif à la Corse, je tiens, en
tant que sénateur de la Haute-Corse, à souligner la qualité du travail accompli
par notre commission spéciale et par l'ensemble de nos collègues.
Sous l'autorité du président de la commission, M. Jacques Larché, et malgré
l'urgence qui nous était imposée, les membres de la commission ont su mener à
bien une démarche approfondie, que notre rapporteur, M. Paul Girod, a
présentée, tout au long de nos débats, d'une manière remarquable. Je l'en
félicite chaleureusement. (
Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées
du RDSE.
)
Je le remercie également des sentiments de sympathie à l'égard de la Corse
qu'il a maintes fois exprimés.
Ainsi, notre assemblée a pris une part déterminante au processus en cours.
Celui-ci doit aboutir à la constitution d'un outil efficace au service de l'île
de Beauté et à la confirmation de l'ancrage de la Corse dans la République. Il
appartiendra ensuite à la collectivité territoriale de faire le meilleur usage
des nouveaux et importants moyens qui lui sont conférés, dans le respect des
équilibres territoriaux que je m'attacherai toujours à défendre.
C'est particulièrement nécessaire pour ce qui touche au développement. Dans ce
cadre, les dispositifs de soutien à l'économie, qui sont largement améliorés
par le texte du Sénat, représentent une chance nouvelle pour la Corse.
Chacun mesure bien l'importance de l'enjeu pour la Corse et comprend la
nécessité de dépasser les clivages politiques, pour qu'elle s'engage, enfin,
sur la voie du progrès.
Pour ce qui est de l'article 1er du projet de la loi, je considère que, dans
sa sagesse, le Sénat, loin de vider le texte de sa substance, protège le
dispositif d'une censure du Conseil constitutionnel.
Pour le reste, et indépendamment de l'article 12, j'estime que le Sénat a
accompli un excellent travail, qui mérite d'être sanctionné par un vote positif
que je souhaite aussi large que possible.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas
l'autorité d'un élu de Corse, je ne suis qu'un Corse élu.
Je voudrais cependant, à mon tour, dire ma satisfaction de constater la
connaissance profonde que MM. Paul Girod et Jacques Larché ont acquise de la
situation en Corse. C'est une situation difficile, et je constate, messieurs,
que vous avez été capables de l'assimiler, de bien la comprendre, de bien
l'appréhender et de proposer les solutions qui répondent aux besoins et aux
exigences de l'île.
Vous avez su, monsieur le rapporteur, monsieur le président, faire ce qui
était le plus important dans ce débat, empêcher qu'on ne se lance dans une
aventure et éviter la glissade.
Vous avez également oeuvré à la préservation du littoral corse et, ce faisant,
vous avez préservé la beauté de la Corse.
Je m'associe pleinement à ce que déclarait M. Schosteck, au nom du groupe du
RPR auquel nous appartenons tous les deux. Cependant, je reconnais l'effort qui
a été fait par le Gouvernement.
Je lui reconnais notamment le mérite d'avoir choisi la difficulté. La Corse
soulève un problème délicat, extrêmement difficile à résoudre : ce qui est vrai
en Corse aujourd'hui ne sera plus vrai après-demain et ce qui sera vrai demain
ne sera plus vrai demain.
Vous auriez pu vous dispenser de vous saisir de ce problème ; vous avez voulu
vous y attaquer. Bien que je sois complètement opposé à la direction que vous
avez prise, bien que je considère que vous vous trompez de chemin, je vous
reconnais le mérite d'avoir essayé de résoudre ce problème ardu.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je tiens simplement à préciser que MM. Autexier, Loridant, Autain et Biarnès
s'abstiennent également et que M. Vergès vote contre.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà
parvenus au terme d'un débat important pour l'avenir de la Corse. Ce débat a
été long, mais il s'est toujours déroulé dans un climat agréable, dans le souci
permanent d'améliorer le texte adopté à l'Assemblée nationale.
Ce débat a révélé - à mes yeux, c'est important - un profond sentiment
d'attachement de notre assemblée, toutes tendances politiques confondues, à
cette région particulière mais inestimable du territoire français.
Certes, il n'existe pas de solution miracle pour garantir à l'île, dans un
proche avenir, la paix civile et le développement économique. Pourtant, je
tiens à souligner la qualité des propositions faites par la commission
spéciale, en particulier par son rapporteur et son président, qui, depuis
plusieurs mois, n'ont pas ménagé leurs efforts pour bien appréhender les
problèmes difficiles de la Corse.
Le Sénat a su, d'une part, révéler les faiblesses politiques et
institutionnelles du statut proposé et, d'autre part, modifier de façon
constructive les fondements économiques et fiscaux du projet de loi.
Il ne s'agissait pas d'empêcher l'aboutissement d'un long travail de
préparation engagé il y a plus d'un an avec les élus de la collectivité
territoriale de Corse.
Bien au contraire, il importait de mettre à jour les anomalies
institutionnelles du projet tout en élargissant les mesures dérogatoires
proposées pour le développement économique de l'île.
Peut-on dire pour autant que le débat institutionnel est clos ? Que ce soit
pour la Corse ou pour l'ensemble des régions de notre pays, les différentes
interventions ont clairement montré que nous serons sûrement confrontés à
terme, voire prochainement, à une modification en profondeur de notre
Constitution.
La majorité des membres du groupe du RDSE voteront ce projet de loi tel qu'il
a été modifié par le Sénat.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur le président, je voudrais, tout d'abord, évoquer
devant M. le ministre un problème qui n'a pas été soulevé au cours des débats,
celui du régime indemnitaire des personnels de la collectivité territoriale de
Corse. Je suis persuadé que nous l'étudierons dans les semaines qui
viennent.
Je voudrais, ensuite, remercier nos collègues d'avoir été à l'écoute des
préoccupations de la commission spéciale.
Je voudrais, surtout, remercier le président de la commission spéciale, qui a
été, pour le rapporteur que je suis, à la fois un guide et un ami. Grâce à lui,
j'ai pu acquérir quelques compétences sur le sujet. Alors que j'avais été
désigné pour la troisième fois rapporteur d'un statut particulier de la Corse,
il m'a en effet permis, quand il était encore président de la commission des
lois, de m'informer en profondeur des réalités de l'île aujourd'hui.
Si le rapport a été complet, comme certains ont eu la gentillesse de le dire,
je le dois essentiellement aux collaborateurs détachés auprès de la commission
spéciale, qui ont fourni un travail extraordinaire pendant des mois et des
mois. Tous m'ont aidé à aller jusqu'au fond des choses. Aussi, je souhaite que,
dans les félicitations qui m'ont été adressées il y a quelques instants, une
part extrêmement méritée leur soit réservée.
Enfin, au moment où nous allons clore le débat, je voudrais, à titre
personnel, dire à nos compatriotes de Corse à quel point nous partageons leurs
difficultés, à quel point nous voulons être à l'écoute de leurs espoirs et les
accompagner pour les réaliser.
(Très bien ! et applaudissement sur les
travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, je tiens à m'associer aux compliments mérités que vous
avez adressés aux fonctionnaires du Sénat.
M. Jacques Larché,
président de la commission spéciale.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jacques Larché,
président de la commission spéciale.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous avons accompli un certain travail, je dirai
même un travail certain.
Nous étions partis, cher Paul Girod, avec l'intention de trouver des
solutions, bien évidemment guidés par cette sorte d'amitié et de solidarité
instinctive que nous avons tous envers nos compatriotes de Corse.
Je regrette que ce projet de loi ait été déclaré d'urgence - il n'était sans
doute pas possible de faire autrement, je le conçois - car, malgré tout, dans
un débat où nous nous sommes opposés, sont apparues, me semble-t-il, quelques
pistes à partir desquelles des solutions communes auraient peut-être pu être
dégagées.
Monsieur le ministre, une commission mixte paritaire va se réunir. Si les
positions sont abruptes, elle échouera très rapidement. Selon le processus que
nous connaissons, nous nous rencontrerons, nous nous adresserons quelques
compliments, un buffet sympathique sera préparé - c'est la tradition - et nous
nous séparerons avec, en tout cas pour moi, un certain regret, car j'aurai le
sentiment que nous serons passés à côté de quelque chose.
Un effort du Gouvernement - je ne sais s'il est possible - permettrait de
prévenir les risques d'inconstitutionnalité qui vous ont été exposés et qu'au
fond de vous-même vous reconnaissez peut-être. Ces risques nous ont fait non
pas nous heurter, mais nous opposer.
Nous avons véritablement mis l'accent sur les préoccupations économiques et
nous souhaitons, monsieur le ministre, même après un échec de la commission
mixte paritaire, que les progrès que nous avons suggérés, et que vous avez
parfois plus ou moins acceptés, soient retenus, car c'est l'avenir de la Corse
qui est en cause, nous le savons.
Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, dans l'histoire des peuples, à
certains moments, tout se termine et se renouvelle. Il faut avoir la capacité
et la volonté de réinventer des procédures qui remplacent celles que l'on a
suivies jusqu'alors, précisément pour sauvegarder et maintenir ce que ces
anciennes procédures auront permis. Au-delà de toute fin, il y a notre
sentiment républicain, l'unité de la nation.
Dans le cadre marqué par ces idées-forces que nous partageons tous, peut-être
parviendrons-nous un jour à un accord. A quel moment ? Je n'en sais rien.
Est-ce vous qui le concrétiserez dans d'autres perspectives ? Je dois vous dire
que je préférerais que ce soit nous.
On peut imaginer, comme je me suis permis de le faire dans mon propos
liminaire, que ce qui n'a pas été possible aujourd'hui le sera peut-être un
autre jour, sous d'autres formes. Quel que soit le résultat auquel on
parviendra, nos compatriotes auront compris l'attachement profond de tous les
Français du continent pour les Français de l'île !
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Peut-être travaillerons-nous tous ensemble, monsieur le président Larché ? Ce
serait une bonne chose !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, au moment où vous allez clore l'examen de ce texte par un vote, et
après les explications de vote qui viennent d'avoir lieu, permettez-moi, à mon
tour, de vous remercier pour la qualité certaine du débat et la sérénité dont
les uns et les autres ont su faire preuve, sur l'ensemble des travées.
Durant ces trois jours, en effet, je n'ai pas entendu d'outrances choquantes,
comme ce fut le cas dans une autre enceinte. Bien qu'elles n'aient émané que de
quelques-uns, c'est vrai, elles ont profondément marqué celles et ceux qui
étaient venu proclamer leur attachement à la Corse. On ne peut pas à la fois
aimer et rejeter d'un revers de main !
Cela n'a donc pas été le cas ici, même si certaines interventions ont reflété
une certaine mauvaise foi, voire des procès d'intention, notamment à l'égard du
Gouvernement. Je reviendrai sur la bonne foi du Gouvernement.
Mais, auparavant, je voudrais remercier le personnel du Sénat de sa patience,
de sa disponibilité et de la qualité, bien connue, du travail qu'il
accomplit.
Permettez-moi de remercier également celles et ceux qui, au sein du
Gouvernement, soit auprès de moi, soit aux côtés d'autres ministres, se sont
fortement engagés, et depuis longtemps, sur ce processus, sur le relevé de
conclusions et sur le projet de loi qui vous a été présenté.
Je veux aussi saluer les élus de Corse qui sont venus à notre rencontre, pour
suivre avec patience et intérêt l'évolution de cette discussion dans les
tribunes du Sénat, et qui font preuve de beaucoup de dévouement à l'égard de la
Corse et de celles et ceux qui y vivent.
Sur le fond, je ne peux, bien évidemment, qu'exprimer un regret et, plus
encore, un désaccord sur le texte tel qu'il va, je l'imagine, être adopté par
vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, car il traduit des
clivages persistants.
A ce propos, je remercie M. Ceccaldi-Raynaud qui, tout en évoquant son profond
désaccord avec la démarche que nous préconisons, a reconnu que le Gouvernement
avait tenté de faire quelque chose.
Permettez-moi de vous faire remarquer que, sans l'initiative du Premier
ministre, sans le processus de Matignon, sans le dialogue qui a été noué avec
l'ensemble des élus corses, le texte sur lequel vous allez vous prononcer ne
comporterait pas les mesures positives que vous avez vous-mêmes reconnues !
Sinon, de telles mesures auraient été prises avant, y compris par d'autres que
ceux qui sont aujourd'hui au Gouvernement ! Entre 1991, année de publication de
la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, qui a suscité
quelques difficultés pour appliquer la totalité de ses dispositions, et 2001,
dix ans se sont écoulés !
Je relève des désaccords persistants ; on l'a vu sur certains éléments de ce
texte qui, pour le Gouvernement, je l'ai dit dès le début de la discussion,
constitue un tout.
Ainsi, vous n'avez manifestement pas voulu, à l'article 1er, de la
responsabilisation des élus corses au sein de la République, à laquelle ils
sont fortement attachés. J'en ai l'intime conviction, même si, peut-être avec
plus de modestie que d'autres, je dis que je ne peux le vérifier par les urnes,
car il n'est pas possible de les consulter et donc d'affirmer ce que veulent ou
non les Corses. Mais, outre des éléments d'opinion, des sondages, je sens que
les élus, qui ont la légitimité du suffrage universel, adhèrent
majoritairement, et bien au-delà des rangs de la gauche ou de la droite, au
processus de Matignon et à l'ensemble des éléments de ce texte, notamment
l'article 1er. J'en ai eu la confirmation lors de mon bref séjour en Corse, la
semaine dernière.
Je n'évoquerai pas tous les éléments qui ont rassemblé, même si je suis
obligé, pédagogiquement, de rappeler, notamment pour les Corses, que cela n'a
pu se faire - je pense notamment à la dimension économique et fiscale - que
grâce au processus et à ce projet de loi.
J'en viens à l'article 7 et au problème relatif à la langue corse, qui a
suscité aussi un long débat. Ce débat, on le sait maintenant, est derrière
nous, je le crois sincèrement. En effet, compte tenu de la réalité quotidienne
en Corse et du fait que les élus, aussi bien ceux qui sont contre le processus
que ceux qui sont pour, sont favorables à l'article 7, tel que le propose le
Gouvernement, je suis persuadé que nous avancerons. Il serait déraisonnable de
ne pas trouver de solution. Encore une fois, la position du Gouvernement était
équilibrée, juste et juridiquement sécurisée.
Je ne vais pas revenir sur l'article 12. Sa rédaction dont l'initiative
revient aux élus corses et non au Gouvernement dans la discussion, donc dans le
relevé de conclusions, traduit une position équilibrée permettant tout à la
fois de préserver la qualité environnementale, merveilleuse, de l'île et le
développement économique, sans lequel, bien évidemment, les difficultés ne
pourraient être surmontées.
En dehors de la dimension négative, à savoir l'article 1er que vous avez
supprimé, l'article 7, dont vous avez modifié la rédaction, et l'article 12,
que vous avez « désossé », pour reprendre l'expression de M. Jacques Larché, il
y a un point positif fondamental : vous avez pris la décision de ne pas rejeter
la discussion, en n'adoptant pas, et je vous en sais gré, au nom de
l'anticonstitutionnalité que vous aviez invoquée, l'exception d'irrecevabilité
présentée par M. Autexier.
Il y avait donc un intérêt bien compris, je l'imagine, pour les Corses, et
peut-être au-delà pour entrer dans la discussion de ce texte et dans la logique
du processus. En tout cas, c'est mon intime conviction, ma vision positive des
choses.
Comme M. Larché l'a dit, une commission mixte paritaire va se réunir. Sans
préjuger l'issue des travaux de cette réunion strictement parlementaire, je
regretterais beaucoup que ses conclusions s'éloignent du texte, équilibré et
formant un tout, de l'Assemblée nationale par rapport à celui du Sénat qui
n'est que partiel, j'en ai, là encore, l'intime conviction. Mais je suis
persuadé que l'Assemblée nationale voudra en revenir à des dispositions plus
globales par rapport à la Corse.
J'ai le sentiment du devoir accompli par rapport à l'urgence et à la nécessité
d'élaborer un texte pour la Corse, par rapport aussi à la démarche du
Gouvernement, depuis la demande faite par M. le Premier ministre au ministre de
l'intérieur d'élaborer un projet jusqu'à l'examen final de celui-ci par le
Parlement, en passant par le revelé de conclusions et la présentation à
l'Assemblée de Corse par le biais de l'article 26 de son statut actuel.
Dans notre esprit, vous le savez bien, la Corse est indissociable de la
République. Après les élus de Corse, après l'Assemblée nationale, vous allez, à
votre tour, mesdames, messieurs les sénateurs, prendre vos responsabilité en
adoptant ce projet de loi. Je souhaite que la voie reste toujours ouverte sur
l'espoir, après que vous avez contribué à régler le problème de la Corse.
Comme je le disais, quand on veut aider la Corse, il faut l'aimer. Elle mérite
que nous l'aimions et que nous l'aidions à travers une démarche de
responsabilisation, donc de confiance à l'égard des élus de Corse et des Corses
eux-mêmes.
(Aplaudissements sur les travées socialistes. - M. Ceccaldi-Raynaud applaudit
également.)
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu souligner la
qualité de nos débats et le sérieux avec lequel le Sénat travaille.
Je suis convaincu que tous mes collègues ont été, comme moi-même, sensibles
aux compliments que vous nous avez adressés.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union
centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 293 |
Majorité absolue des suffrages | 147 |
Pour l'adoption | 205 |
Contre | 88 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Emmanuel Hamel. Vive la Corse française !
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