SEANCE DU 13 NOVEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Amoudry, auteur de la question n° 1157, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je souhaite obtenir des éclaircissements sur les conditions d'application de
l'article 69 de la loi de finances pour 2001, qui permet aux communes situées
en zone de montagne de bénéficier du FCTVA, le Fonds de compensation pour la
taxe sur la valeur ajoutée, au titre des dépenses d'investissement que ces
collectivités effectuent sur leurs alpages et estives.
En montagne, en effet, la plupart des pâturages communaux comportent sur leurs
territoires un ou plusieurs bâtiments, utilisés le plus souvent par les
exploitants locataires pour abriter les troupeaux, vivre auprès d'eux et
transformer la production laitière.
Les travaux nécessaires à la bonne gestion et à la pérennité de ces unités
pastorales représentent, pour les collectivités locales propriétaires, une
charge très importante, en investissement comme en entretien, qu'il s'agisse
des accès, des réseaux ou des bâtiments présents sur ces sites, notamment en
vue de la mise en conformité avec les normes sanitaires françaises et
européennes.
Or le produit des loyers et fermages est bien loin de couvrir l'ensemble de
ces dépenses, de telle sorte que nos communes payent une lourde contribution à
l'entretien du patrimoine montagnard français et à son ouverture au public.
C'est, à mes yeux, la raison majeure pour laquelle le législateur a décidé
d'étendre, à partir de cette année, le bénéfice du FCTVA aux investissements
des communes sur leurs alpages et estives.
Pourtant, le préfet de la Haute-Savoie a récemment indiqué au maire de la
commune de Montriond que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 ne
pouvait pas s'appliquer à des travaux d'aménagement d'un atelier de fabrication
fromagère. Le représentant de l'Etat justifie cette position en expliquant que
la fabrication fromagère est une activité « revêtant un caractère commercial »,
ce qui ferait obstacle à l'éligibilité au FCTVA.
Mais il ne peut y avoir maintien d'exploitations agricoles en alpage, donc
entretien durable et de qualité des espaces pastoraux d'altitude, sans présence
sur le site de locaux adaptés à la fabrication fromagère. C'est pourquoi le
bâtiment est indivisible du foncier, et l'activité de production fromagère, qui
n'assure pas le retour sur investissement, ne peut et ne doit en aucune façon
être assimilée à un acte de commercialisation.
La position prise par l'administration aboutit ici à vider de sa substance la
décision du législateur puisque, sans bâtiments adaptés aux besoins du
pastoralisme, il n'y a plus de véritable gestion de nos terres d'altitude.
Aussi je souhaite que soit rétabli tout le sens de cette mesure
législative.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, comme vous le
savez, le FCTVA est destiné à consentir une aide directe à l'investissement
selon des critères généraux, dont l'un des principaux veut que la dépense entre
dans le champ de compétence de la collectivité et qu'elle soit ensuite intégrée
dans le patrimoine de la collectivité.
Toutefois, comme vous l'indiquez, l'article 69 de la loi de finances pour 2001
a rendu éligibles, au FCTVA, par dérogation, les communes et les établissements
publics de coopération intercommunale au titre des dépenses d'investissement
exposées sur leurs immobilisations affectées à l'usage d'alpage.
Laissez-moi vous préciser préalablement l'esprit de cette mesure particulière.
Elle vise à aider le financement d'infrastructures en haute montagne. Il
s'agit, dans ce cas particulier, des dépenses concernant des cabanes de berger,
des refuges de hautes montagne, etc.
Or l'éligibilité d'infrastructures d'intérêt public mises à disposition de
tiers non éligibles au FCTVA est normalement conditionnée par l'égalité d'accès
des usagers potentiels, égalité d'accès qui caractérise le fonctionnement du
service public. La dérogation introduite par l'article 69 de la loi de finance
2001 se justifie dans la mesure où il est difficile de vérifier dans les faits
que cette condition est remplie, les usagers potentiels de ces bergeries étant
très peu nombreux, alors que ces derniers participent pleinement à la
préservation des activités pastorales.
En revanche, votre suggestion de rendre par ailleurs éligibles au FCTVA les
investissements réalisés sur des locaux mis à disposition d'un exploitant
agricole permanent, locataire d'une chèvrerie pour laquelle il souhaiterait
voir engager des travaux d'extension estimés à 1 050 000 francs hors taxes,
contreviendrait à ces principes, qui ne peuvent être remis en cause, sauf à
dénaturer le FCTVA.
En effet, il s'agirait là du développement d'une activité commerciale
implantée dans des locaux appartenant à la commune et non d'une mise à
disposition dans le cadre du service public en haute montagne. Dans ces
conditions, ces investissements ne peuvent bénéficier du FCTVA.
Cela étant, les dépenses supportées par les communes et les établissements
publics de coopération intercommunale pour la rénovation d'un chalet d'alpage
peuvent ouvrir droit à récupération de la taxe sur la valeur ajoutée par la
voie fiscale si le loyer perçu en contrepartie de la mise à disposition du
bâtiment est lui-même soumis à la TVA.
Or, dans le cas d'un bâtiment à usage agricole, le loyer afférent à la partie
du bâtiment qui n'est pas affectée à l'habitation peut être soumis à la TVA sur
option formulée par la collectivité bailleresse, à condition que le bail ait
été enregistré et si le preneur est lui-même redevable de la TVA ; je vous
renvoie à l'article 260, paragraphe VI, du code général des impôts.
L'exploitant agricole locataire déduit, quant à lui, la taxe afférente au
loyer dans les conditions habituelles.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de
vous apporter, et je pense que la deuxième partie de ma réponse, notamment,
vous donnera satisfaction.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Je vous remercie, monsieur le sécrétaire d'Etat, des pistes que vous avez, en
effet, bien voulu ouvrir à la fin de votre intervention.
Toutefois, je tiens à faire observer que l'on ne peut, en l'occurrence,
considérer qu'il s'agit d'une activité commerciale. Il suffit de se rendre sur
le terrain pour constater que l'activité de chèvrerie en haute montagne est
très loin, comme je le disais tout à l'heure, d'assurer le retour sur
investissement. Il s'agit beaucoup plus d'une activité relevant de ce que le
Gouvernement appelle le « développement durable », dans la mesure où un début
de rentabilité ne peut apparaître qu'à très long terme ; alors que cette
activité ne procure qu'un revenu extrêmement réduit, couvrant à peine les
besoins de la famille, elle a bien un caractère de gestion durable de
l'espace.
Autrement dit, nous nous trouvons là devant une activité qui se situe en
dehors des logiques économiques. Dès lors, elle ne peut être qualifiée de «
commerciale », et elle relève beaucoup plus de ce que l'on appelle le « service
public ».
Peut-être les conditions,
stricto sensu
, d'éligibilité au FCTVA ne
sont-elles pas remplies mais j'affirme à nouveau qu'il s'agit d'une activité de
service public et, à mon avis, en l'espèce, le loyer ne pourra pas donner lieu
à l'application de la TVA de droit commun.
Il s'ensuit que la collectivité sera pénalisée puisqu'elle ne pourra ni
bénéficier du FCTVA ni entrer dans le système de la TVA de droit commun.
Or, si nous n'y prenons pas garde, il y a là l'amorce d'un déclin.
La France est de plus en plus citadine et, de ce fait, les conseils municipaux
doient faire face à des besoins de « fond de vallées », c'est-à-dire des
besoins à caractère urbain : équipements scolaires, sociaux, de transports,
etc.
Si les conseils municipaux ne reçoivent pas un petit coup de main de l'Etat,
ils négligeront leurs terrains de montagne. La montagne sera alors abandonnée,
ce qui est à l'opposé de l'objectif de développement durable que nous tous,
aussi bien au Gouvernement qu'au Parlement, nous avons fait nôtre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais donc qu'une réflexion soit
menée plus avant pour trouver une solution réellement satisfaisante.
MANQUE DE PERSONNEL DANS LES SERVICES DE LA DIRECTION DÉPARTEMENTALE DE LA
CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES (DDCCRF) DE LA
DORDOGNE