SEANCE DU 13 NOVEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 1176, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Philippe Richert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne les centrales nucléaires
et leur avenir.
Alors que nos voisins d'outre-Atlantique ont subi des attaques inimaginables -
qui aurait pu, en effet, imaginer de tels événements ? -, ne faut-il pas
considérer, sans catastrophisme, que les centrales nucléaires peuvent être des
cibles potentielles d'attaques terroristes sur notre territoire ?
Nous savons que les documents de sûreté nucléaire français sont sans équivoque
: une centrale ne pourrait pas résister à la chute d'un avion de ligne.
N'est-il pas temps, dans ces conditions, de repenser de manière globale la
politique énergétique de la France ?
Pour ce qui est du nucléaire, a-t-on prévu une défense aérienne, au moyen de
missiles, par exemple, pour tous les sites, à l'image de ce qui est fait
maintenant, semble-t-il, à La Hague ? Va-t-on renforcer la protection physique
des réacteurs grâce à des enceintes plus épaisses et plus résistantes ?
Au-delà du renforcement ponctuel de la surveillance - je dis « ponctuel »,
parce que nous savons bien que, dès que l'on commence à oublier les événements,
très souvent, on relâche la surveillance -, ne faut-il pas mettre aujourd'hui
en place une surveillance généralisée de l'ensemble de la chaîne nucléaire ?
Au moment de la construction, dans les années 1970-1980, des centrales
nucléaires, on s'était certes inquiété du risque de chute d'un avion, mais on
considérait que ce risque était quasiment nul. Or nous sommes aujourd'hui dans
une situation différente, parce que certains avions, nous l'avons vu, peuvent
être détournés de leur destination initiale.
En ce qui concerne le cas plus particulier de la centrale nucléaire de
Fessenheim, les six générateurs de vapeur des réacteurs arrivent en fin de vie.
Actuellement, une enquête publique est ouverte en vue de l'obtention d'une
autorisation de les entreposer sur le site. Leur remplacement - non prévu lors
de la conception de la centrale et d'un coût, il faut le rappeler, de près de 4
milliards de francs - paraît donc imminent et sans appel.
Je souhaiterais savoir si M. Fabius envisage une concertation avec l'ensemble
des parties concernées - élus, population, associations - sur la pérennisation
de cette installation sur le sol alsacien.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, la France est l'un
des premiers pays au monde pour la sécurité de son approvisionnement
énergétique, pour son indépendance énergétique et industrielle, mais aussi pour
la non-émission de gaz à effet de serre par unité de PIB produite ou par
habitant.
Cette situation est évidemment très largement due à une production
d'électricité compétitive - c'est d'ailleurs la plus compétitive d'Europe - et
à notre appareil industriel de production électronucléaire.
Nous renforçons, par ailleurs, les énergies renouvelables et nous menons une
politique ambitieuse de maîtrise de l'énergie.
Ce programme nucléaire assure une production de qualité, garantie et sûre.
Mais la poursuite de l'exploitation nucléaire ne serait pas concevable sans la
prise en compte des aspects de sûreté - à tous les stades, de la conception à
la construction, au fonctionnement et à l'arrêt - des installations.
La France y contribue par un contrôle très rigoureux de ses propres
installations et par son action de sensibilisation au niveau international.
Il est vrai, monsieur le sénateur, que la chute d'un aéronef, telle qu'elle a
été prévue par les directives générales de sûreté concernant les installations
nucléaires, n'a été envisagée que pour de petits avions civils et que nous
n'avions pas prévu - et c'est vrai non seulement pour le nucléaire mais
également pour une multitude d'industries ou pour toutes les activités humaines
présentant un risque - les situations de guerre ou les actes de terrorisme,
qui, vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, monsieur le sénateur, sont très
imprévisibles et étaient très improbables au moment où nous avons construit ces
centrales.
Ainsi, des événements comme ceux qui ont touché récemment les Etats-Unis ne
sont évidemment pas pris en compte. Toutefois, comme vous le savez, vous qui
êtes élu de la région de Colmar, nous avons pris un certain nombre de mesures
de précaution destinées à mettre en sûreté les installations industrielles les
plus sensibles, dont - mais pas exclusivement - les centrales nucléaires.
La mise en alerte d'un certain nombre d'avions de chasse susceptibles
d'intervenir dans un délai extrêmement bref - entre deux et trois minutes - a
été décidée. Au demeurant, pour qu'un avion commercial important puisse par
malheur se diriger sur une installation industrielle, quelle qu'elle soit, il
faut un certain temps : une grande distance, pouvant aller jusqu'à quatre cents
kilomètres, est nécessaire à un avion de ligne pour descendre du niveau de vol
où il évolue jusqu'au sol. De la sorte, les avions militaires ont, le cas
échéant, le temps d'intervenir.
A la suite des récents attentats, nous avons mené une réflexion en profondeur
afin de modifier notre approche - ainsi que vous le souhaitez dans votre
question - de la notion de risque majeur pour ce type d'installations. J'ai
veillé personnellement - et M. le Premier ministre est très attentif à cette
question - à ce que cette réflexion sur les spécifications de sûreté et de
sécurité vis-à-vis de cette occurrence nouvelle pour nos installations
nucléaires soit menée le plus rapidement possible.
Je veux aussi vous rassurer, monsieur le sénateur, concernant la centrale de
Feissenheim, qui est l'un de nos premiers sites et qui est essentielle à notre
production électrique.
Ce site a encore plusieurs années de production devant lui, et il serait
prématuré d'affirmer aujourd'hui que les conditions techniques de la poursuite,
sous le contrôle de l'autorité de sûreté, de son exploitation ne seront pas
réunies lorsque, dans quelques années, le problème se posera. L'exemple des
Etats-Unis est là pour le montrer : l'utilisation des centrales peut être
prolongée lorsque l'autorité de sûreté considère que c'est possible et sans
danger pour les populations.
Le moment venu - mais il est beaucoup trop tôt aujourd'hui pour le dire - nous
aurons donc à examiner cette situation, sous le contrôle de l'autorité de
sûreté. Vous en serez évidemment prévenu puisque, comme vous le savez, c'est le
nucléaire qui fait en France l'objet des concertations les plus fortes et les
plus permanentes avec les commissions locales d'information, qui réunissent des
élus locaux et des élus nationaux et qui constituent une passerelle permanente
entre ce type d'activité essentielle au développement du pays et la réalité de
l'environnement humain, social et culturel des centrales nucléaires.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux qu'être d'accord avec vous sur une
grande partie de votre propos. Il ne s'agit pas, en effet, de polémiquer sur un
tel sujet.
La donne a cependant changé. J'avoue que, jusqu'à présent, je ne
m'interrogeais pas sur la potentialité d'un attentat comme celui que viennent
de subir les Etats-Unis. Mais, aujourd'hui, tout est possible ! Face à une
remise en cause aussi fondamentale, je crois qu'il faut vraiment se demander si
le moment n'est pas venu de s'interroger sur la pérennité de ces
installations.
C'est d'autant plus vrai que, prochainement, nous aurons à prendre des
décisions à Fessenheim, parce que les générateurs de vapeur arrivent en fin de
vie. Or nous ne pourrons pas les prolonger éternellement, d'autant que les
coûts induits sont importants.
Nous n'avons sans doute pas fait suffisament de progrès en matière d'économies
d'énergie, et le débat doit avoir lieu - mais pas en catimini - car le moment
est venu pour la France de réfléchir sur son approvisionnement en énergie et
sur les grands choix qui devront être faits.
Si je ne crois pas à l'avenir des éoliennes, en revanche, je pense que nous
devons faire des efforts plus importants dans beaucoup d'autres domaines, en
particulier en matière d'énergie solaire, où nous sommes en retard.
Je souhaite donc un vrai débat, dans le respect des réalités actuelles, car
nous devons penser aux générations futures.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Richert, vous me donnez l'occasion de
confirmer les chiffres que contiennent les différents rapports de l'Assemblée
nationale et du Sénat : le prolongement d'un an - sous le contrôle de
l'autorité de sûreté - d'une tranche de 900 mégawatts rapporte 400 millions à
500 millions de francs nets par an et par tranche. La rentabilité de l'appareil
industriel et de l'appareil énergétique se trouve ainsi multipliée dans des
proportions étonnantes.
C'est le choix que viennent de faire les Etats-Unis d'Amérique, et c'est le
choix auquel nous serons confrontés dans quelques années lorsque nous aurons à
décider de la poursuite ou non de notre politique énergétique. Quoi qu'il en
soit, pour l'instant, cette politique énergétique est établie, et elle ne sera
pas modifiée.
statut des inspecteurs
des affaires sanitaires et sociales